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11/07/2025

Les sanctions obscènes et illégales de Washington contre Francesca Albanese : un aveu de culpabilité

« On dirait que j’ai touché un point sensible » : tel a été le commentaire de Francesca Albanese aux sanctions annoncées par Marco Rubio pour la punir d’avoir « déclaré la guerre » aux entreprises usaméricaines accusées par son dernier rapport de complicité active dans le génocide en cours en Palestine. Ces sanctions qu’elle a qualifiées d’obscènes, mais aussi d’aveu de culpabilité, sont tout simplement illégales et suscitent une vague de protestations, à commencer par celles de responsables passés et présents de l’ONU. Ci-dessous quelques-unes des réactions, traduites par Fausto GiudiceTlaxcala

 Les sanctions imposées par Trump à la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese sont illégales et constituent une nouvelle complicité des USA dans le génocide

Les sanctions prises par l'administration Trump à l'encontre de la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese montrent jusqu'où USA sont prêts à aller pour garantir l'impunité d'Israël alors qu'il commet un génocide.

Craig  Mokhiber, Mondoweiss, 10/7/2025

Craig Gerard Mokhiber (* 1960) est un ancien fonctionnaire usaméricain des Nations Unies  spécialisé dans les droits humains. Le 28 octobre 2023, il a démissionné de son poste de directeur du bureau new-yorkais du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), quatre jours avant la date prévue de son départ à la retraite. Dans sa dernière lettre au Haut-Commissaire Volker Türk, il a sévèrement critiqué la réponse de l'organisation à la guerre à Gaza, qualifiant l'intervention militaire d'Israël de « cas d’école de génocide » et accusant l'ONU de ne pas avoir agi.

Tout juste sorti des  réunions face-à-face à Washington, avec le fugitif Benjamin Netanyahou, inculpé par la CPI pour crimes contre l'humanité, le secrétaire d'État usaméricain Marco Rubio a pris la décision extraordinaire de déclarer des sanctions contre la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé, Francesca Albanese.

L'annonce a été accompagnée d'une vague de fausses informations et de déclarations diffamatoires de Rubio attaquant Albanese, démontrant une fois de plus jusqu'où l'administration Trump (et les mandataires d'Israël qui y ont toute latitude) est prête à aller pour soutenir l'impunité du régime israélien.

L'action illégale de Rubio a été condamnée et rejetée par des organisations internationales, experts et défenseurs des droits humains à travers le monde comme un scandale moral.

En effet, en dehors de Washington (et des groupes de pression pro-israéliens qui y exercent une influence dangereuse), les calomnies de Rubio et son imposition illégale de sanctions ne feront que susciter la condamnation de Rubio et de l'administration Trump. La rapporteure spéciale Francesca Albanese est une experte et défenseure des droits humains très respectée, connue dans le monde entier pour avoir consacré sa vie à lutter contre toutes les formes de sectarisme et d'oppression et à promouvoir la cause des droits humains universels.

Elle a été largement saluée pour avoir mené à bien son mandat des Nations Unies avec honneur et avec le plus haut degré de compétence et d'intégrité, en particulier pendant les vingt mois de génocide perpétré par le régime israélien en Palestine.

Mais cette action du gouvernement usaméricain n'est pas seulement un scandale moral. Elle est également totalement illégale.

La décision de sanctions et les déclarations qui l'accompagnent constituent une violation directe de la Charte des Nations Unies, de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies et de l'Accord relatif au siège des Nations Unies (Accord avec le pays hôte).

Ils constituent une obstruction délibérée à la mission des Nations Unies en matière de droits humains. Et étant donné que cette mesure vise à soustraire Israël et d'autres auteurs (y compris les entreprises citées dans le dernier rapport de la Rapporteure spéciale) à toute responsabilité pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, elle constitue également une violation des obligations qui incombent aux USA en vertu de la Convention des Nations Unies sur le génocide (en vertu de laquelle Israël est actuellement jugé devant la Cour internationale de justice), et en vertu de l’Article commun 1 des Conventions de Genève de 1949 (obligeant les USA à veiller à ce qu'Israël et les autres parties respectent les Conventions).

En outre, comme cet acte du gouvernement des USA a été explicitement lié par le secrétaire d'État à ses sanctions (également illégales) contre la Cour pénale internationale, il constitue également une atteinte à l'administration de la justice telle que codifiée à l'article 70, paragraphe 1, point c), du Statut de Rome, pour lequel la compétence territoriale peut être établie par le lieu où siège la Cour (les Pays-Bas, État partie au Statut de Rome), et par lesquels la Rapporteure spéciale Albanese peut prétendre à des réparations en tant que victime d'un comportement illicite.

En outre, la rapporteure spéciale Albanese pourrait avoir droit à une indemnisation pour préjudice civil (délit civil) pour préjudice économique et atteinte à la réputation, compte tenu du caractère diffamatoire des déclarations du secrétaire Rubio et de leur fondement manifeste dans une « intention malveillante » et un « mépris flagrant de la vérité », reconnus par les tribunaux usaméricains comme exceptions à l'immunité souveraine.

Bien sûr, comme l'ont démontré ces dernières années, les USA se soucient peu de la légalité internationale (voire nationale). Mais la pression et l'action extérieures sont inévitables.

En dehors des USA, des démarches sont en cours pour exiger que les USA lèvent les sanctions et indemnisent la Rapporteure spéciale Albanese pour tous les préjudices économiques, réputationnels ou émotionnels causés à elle-même ou à sa famille, et indemnisent les Nations Unies pour tout préjudice causé à son mandat essentiel.

Les Nations Unies et tous les États membres de l'ONU ainsi que les organisations régionales (telles que l'UE) peuvent et doivent rejeter publiquement les sanctions, utiliser tous les mécanismes à leur disposition (qui sont nombreux – juridiques, financiers, politiques et diplomatiques) pour protéger la Rapporteure spéciale de leurs effets, prendre clairement sa défense et utiliser les voies diplomatiques pour faire pression sur les USA afin qu'ils lèvent les sanctions et indemnisent la Rapporteure spéciale.

Si l'on en croit les nombreuses déclarations déjà faites par des membres influents de la communauté internationale, le gouvernement usaméricain, qui agit en toute impunité, pourrait bientôt se rendre compte qu'en s'en prenant ainsi à Francesca Albanese, il est allé trop loin dans sa campagne visant à garantir l'impunité d'Israël.

Et indépendamment des dommages à court terme causés par cet acte honteux de l'administration Trump, nous pouvons être certains que les USA ne parviendront pas à atteindre leurs objectifs ultimes, qui sont de réduire au silence Albanese et l'ensemble de l'ONU, d'intimider d'autres défenseurs des droits humains et de garantir l'impunité du régime israélien pour ses crimes de guerre, ses crimes contre l'humanité, son apartheid et son génocide. Au contraire, ces actes flagrants de non-respect des lois et de complicité dans le génocide ne feront qu'attiser la flamme de la résistance contre ces crimes historiques et contre leurs coauteurs à Washington et à Tel-Aviv.

Le mouvement mondial de solidarité avec la Palestine prend de l'ampleur. Et, comme le montre clairement le dernier acte éhonté de Rubio, ce mouvement soutient sans réserve Francesca Albanese. Tout comme moi.

 

L’ONU appelle à l’annulation des sanctions usaméricaines contre la rapporteure spéciale Francesca Albanese


Francesca Albanese, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967.  Photo ONU/Mark Garten

UN News, 10/7/2025

De hauts responsables des droits humains de l’ONU ont exprimé leur vive inquiétude face à l’imposition de sanctions par les USA contre Francesca Albanese, experte indépendante nommée par l’ONU sur le territoire palestinien occupé.

Ils demandent que cette décision soit annulée, avertissant qu’elle pourrait porter atteinte au système international des droits humains dans son ensemble.

Les sanctions ont été annoncées mercredi par le secrétaire d’État usaméricain Marco Rubio dans le cadre d’un décret présidentiel.

M. Rubio a allégué que Mme Albanese avait « directement collaboré avec la Cour pénale internationale (CPI) dans le cadre d’efforts visant à enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre des ressortissants des États-Unis ou d’Israël, sans le consentement de ces deux pays », ce qu’il a qualifié de « violation flagrante » de la souveraineté nationale.

Les USA et Israël ne sont pas parties au Statut de Rome, le traité international qui a établi la CPI.

Un précédent dangereux et inacceptable

Réagissant à cette annonce, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a déclaré que l’imposition de sanctions aux rapporteurs spéciaux constituait un « précédent dangereux ».

« L’utilisation de sanctions unilatérales contre les rapporteurs spéciaux ou tout autre expert ou fonctionnaire de l’ONU est inacceptable », a-t-il déclaré aux journalistes jeudi lors de son point de presse habituel à New York.

Il a également souligné le mandat et le rôle indépendants des rapporteurs spéciaux, notant que les États membres « ont parfaitement le droit d’avoir leur point de vue et de ne pas être d’accord » avec les rapports des experts.

« Mais nous les encourageons à s’engager dans l’architecture des droits humains de l’ONU », a-t-il ajouté.

Appel à l’annulation

Dans une déclaration publiée jeudi, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé à « l’annulation rapide » des sanctions contre la Rapporteure spéciale nommée par le Conseil des droits de l’homme « en réponse au travail qu’elle a entrepris dans le cadre du mandat » dont elle est chargée.

« Même face à de profonds désaccords, les États membres de l’ONU devraient s’engager de manière substantielle et constructive, plutôt que de recourir à des mesures punitives », a-t-il déclaré.

Le chef des droits de l’homme de l’ONU a également appelé à la fin des attaques et des menaces contre les titulaires de mandat nommés par le Conseil, ainsi que contre des institutions clés comme la CPI.

« La solution n’est pas moins, mais plus de débat et de dialogue sur les préoccupations très réelles en matière de droits humains auxquelles ils s’attaquent », a insisté M. Türk.

Coopération, pas représailles

Jürg Lauber, président du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a également exprimé ses regrets face à la mesure punitive des USA.

Dans une déclaration , il a souligné que les rapporteurs spéciaux « sont un instrument essentiel » pour remplir le mandat du Conseil et a exhorté toutes les nations à « coopérer pleinement » avec eux.

« J’appelle tous les États membres de l’ONU… à s’abstenir de tout acte d’intimidation ou de représailles à leur encontre », a-t-il déclaré.

Rapporteurs spéciaux indépendants

Les rapporteurs spéciaux sont nommés dans le cadre de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

Il s’agit d’experts indépendants nommés pour surveiller et rendre compte des questions relatives aux droits humains dans le monde. Ces experts siègent à titre personnel, ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne perçoivent aucune rémunération pour leur travail.

Ils rendent régulièrement compte au Conseil basé à Genève ainsi qu’à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York.

Outre le mandat sur le territoire palestinien occupé, des mandats existent pour surveiller la situation des droits humains dans des pays comme l’Iran, la République populaire démocratique de Corée et l’Afghanistan. Au total, il existe 46 mandats thématiques et 14 mandats par pays .



07/07/2025

CHRIS HEDGES
Ils tirent profit du génocide : Francesca Albanese dénonce les principaux complices

Le dernier rapport des Nations Unies cite des centaines d'entreprises, de banques, de sociétés technologiques, d'universités, de fonds de pension et d'organisations caritatives qui tirent profit de l'occupation israélienne et du génocide.

Chris Hedges, The Chris Hedges Report2/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Murder in the Bank - par M. Fish

 

La guerre est un business. Tout comme le génocide. Le récent rapport présenté par Francesca Albanese, Rapporteure spéciale sur les territoires palestiniens occupés, répertorie 48 entreprises et institutions, dont Palantir Technologies Inc., Lockheed Martin, Alphabet Inc., Amazon, International Business Machine Corporation (IBM), Caterpillar Inc., Microsoft Corporation et le Massachusetts Institute of Technology (MIT), ainsi que des banques et des sociétés financières telles que Blackrock, des assureurs, des sociétés immobilières et des organisations caritatives, qui, en violation du droit international, tirent des milliards de dollars de l'occupation et du génocide des Palestiniens.

 

Le rapport, qui comprend une base de données de plus de 1 000 entités commerciales collaborant avec Israël, exige que ces entreprises et institutions rompent leurs liens avec Israël ou soient tenues responsables de complicité dans des crimes de guerre. Il décrit « l'occupation éternelle » d'Israël comme « le terrain d'essai idéal pour les fabricants d'armes et les géants de la technologie, offrant une offre et une demande importantes, peu de contrôle et aucune reddition de comptes, tandis que les investisseurs et les institutions privées et publiques en tirent librement profit ».

 

Les procès des industriels comme IG Farben après l'Holocauste et la Commission vérité et réconciliation sud-africaine ont établi le cadre juridique permettant de reconnaître la responsabilité pénale des institutions et des entreprises qui participent à des crimes internationaux. Ce nouveau rapport indique clairement que les décisions rendues par la Cour internationale de justice imposent aux entités « de ne pas s'engager et/ou de se retirer totalement et inconditionnellement de toute transaction associée, et de veiller à ce que tout engagement avec les Palestiniens permette leur autodétermination ».

 

« Le génocide à Gaza n'a pas cessé parce qu'il est lucratif, il est profitable pour beaucoup trop de gens », m'a dit Mme Albanese. « C'est un business. Il existe des entités commerciales, y compris dans des États favorables à la Palestine, qui depuis des décennies font des affaires et tirent profit de l'économie de l'occupation. Israël a toujours exploité les terres, les ressources et la vie des Palestiniens. Les profits ont continué et ont même augmenté à mesure que l'économie de l'occupation s'est transformée en une économie de génocide. »

 

En outre, a-t-elle ajouté, les Palestiniens ont fourni « des terrains d'entraînement illimités pour tester les technologies, les armes, les techniques de surveillance qui sont désormais utilisées contre les populations partout dans le monde, du Sud au Nord ».


Le rapport fustige les entreprises qui « fournissent à Israël les armes et les machines nécessaires pour détruire les maisons, les écoles, les hôpitaux, les lieux de loisirs et de culte, les moyens de subsistance et les actifs productifs, tels que les oliveraies et les vergers ».

 

Le territoire palestinien, note le rapport, est un « marché captif » en raison des restrictions imposées par Israël sur le commerce et les investissements, la plantation d'arbres, la pêche et l'eau pour les colonies. Les entreprises ont tiré profit de ce « marché captif » en « exploitant la main-d'œuvre et les ressources palestiniennes, en dégradant et en détournant les ressources naturelles, en construisant et en alimentant les colonies, et en vendant et commercialisant les biens et services dérivés en Israël, dans les territoires palestiniens occupés et dans le monde entier ».

 

« Israël tire profit de cette exploitation, tandis que cela coûte à l'économie palestinienne au moins 35 % de son PIB », note le rapport.

 

Les banques, les sociétés de gestion d'actifs, les fonds de pension et les assureurs ont « canalisé des financements vers l'occupation illégale », accuse le rapport. En outre, « les universités — centres de croissance et de pouvoir intellectuels — ont soutenu l'idéologie politique qui sous-tend la colonisation des terres palestiniennes, développé des armes et ignoré, voire approuvé, la violence systémique, tandis que les collaborations mondiales en matière de recherche ont masqué l'effacement des Palestiniens derrière un voile de neutralité académique ».

 

Les technologies de surveillance et d'incarcération « sont devenues des outils permettant de cibler sans discernement la population palestinienne », note le rapport. « Les engins lourds précédemment utilisés pour démolir des maisons, détruire des infrastructures et saisir des ressources en Cisjordanie ont été réutilisés pour raser le paysage urbain de Gaza, empêchant les populations déplacées de revenir et de se reconstituer en tant que communauté ».

 

L'assaut militaire contre les Palestiniens a également « fourni un terrain d'essai pour des capacités militaires de pointe : plates-formes de défense aérienne, drones, outils de ciblage alimentés par l'intelligence artificielle et même le programme F-35 mené par les USA. Ces technologies sont ensuite commercialisées comme « éprouvées au combat ».

 

Depuis 2020, Israël est le huitième exportateur d'armes au monde. Ses deux plus grandes entreprises d'armement sont Elbit Systems Ltd et la société publique Israel Aerospace Industries Ltd (IAI). Il a conclu une série de partenariats internationaux avec des entreprises d'armement étrangères , notamment « pour l'avion de combat F-35, dirigé par la société usaméricaine Lockheed Martin ».

 

« Des composants et des pièces fabriqués dans le monde entier contribuent à la flotte israélienne de F-35, qu'Israël personnalise et entretient en partenariat avec Lockheed Martin et des entreprises nationales », indique le rapport. Depuis octobre 2023, les avions F-35 et F-16 ont « joué un rôle essentiel dans l'équipement d'Israël avec une puissance aérienne sans précédent, lui permettant de larguer environ 85 000 tonnes de bombes, dont la plupart non guidées, tuant et blessant plus de 179 411 Palestiniens et détruisant Gaza ».

 

« Les drones, hexacoptères et quadricoptères ont également été des machines à tuer omniprésentes dans le ciel de Gaza », indique le rapport. « Les drones, largement développés et fournis par Elbit Systems et Israel Aerospace Industries, volent depuis longtemps aux côtés des avions de combat, surveillant les Palestiniens et fournissant des renseignements sur les cibles. Au cours des deux dernières décennies, grâce au soutien de ces entreprises et à la collaboration d'institutions telles que le Massachusetts Institute of Technology, les drones utilisés par Israël ont été équipés de systèmes d'armes automatisés et ont acquis la capacité de voler en formation en essaim. »

 

Les entreprises japonaises FANUC vendent des produits d'automatisation et « fournissent des machines robotiques pour les chaînes de production d'armes, notamment à IAI, Elbit Systems et Lockheed Martin ».

 

« Des compagnies maritimes telles que la danoise A.P. Møller— Maersk A/S transportent des composants, des pièces, des armes et des matières premières, assurant un flux constant d'équipements militaires fournis par les USA après octobre 2023. »

 

Les dépenses militaires israéliennes ont augmenté de 65 % entre 2023 et 2024, pour atteindre 46,5 milliards de dollars, l'un des montants les plus élevés par habitant au monde. Cela a entraîné une forte augmentation de leurs bénéfices annuels, tandis que les entreprises d'armement étrangères, en particulier les fabricants de munitions et d'artillerie, en ont également profité.

 

Dans le même temps, les entreprises technologiques ont tiré profit du génocide en « fournissant des infrastructures à double usage pour intégrer la collecte et la surveillance de données de masse, tout en profitant du terrain d'essai unique pour les technologies militaires qu'offrent les territoires palestiniens occupés ». Elles améliorent « les services carcéraux et de surveillance, depuis les réseaux de télévision en circuit fermé (CCTV), la surveillance biométrique, les réseaux de points de contrôle à la pointe de la technologie, les « murs intelligents » et la surveillance par drone, jusqu'au cloud computing, à l'intelligence artificielle et à l'analyse de données qui soutiennent le personnel militaire sur le terrain ».

 

« Les entreprises technologiques israéliennes se développent souvent à partir d'infrastructures et de stratégies militaires », indique le rapport, « comme l'a fait le groupe NSO, fondé par d'anciens membres de l'unité 8200. Son logiciel espion Pegasus, conçu pour la surveillance secrète des smartphones, a été utilisé contre des militants palestiniens et commercialisé dans le monde entier pour cibler des dirigeants, des journalistes et des défenseurs des droits humains. Exportée en vertu de la loi sur le contrôle des exportations de défense, la technologie de surveillance du groupe NSO permet une « diplomatie des logiciels espions » tout en renforçant l'impunité de l'État. »

 

IBM, dont la technologie a facilité la production et le traitement par l'Allemagne nazie de cartes perforées pour les données du recensement national, la logistique militaire, les statistiques des ghettos, la gestion du trafic ferroviaire et la capacité des camps de concentration, est une fois de plus partenaire du génocide actuel.

 

Elle est présente en Israël depuis 1972. Elle dispense des formations aux agences militaires et de renseignement israéliennes, en particulier à l'unité 8200, qui est chargée des opérations clandestines, de la collecte de renseignements sur les signaux et du décryptage de codes, ainsi que du contre-espionnage, de la cyberguerre, du renseignement militaire et de la surveillance.

 

« Depuis 2019, IBM Israël exploite et met à niveau la base de données centrale de l'Autorité de la population et de l'immigration, permettant la collecte, le stockage et l'utilisation par le gouvernement des données biométriques sur les Palestiniens, et soutenant le régime discriminatoire des permis d'Israël », note le rapport.

 

Microsoft, présent en Israël depuis 1989, est « intégré dans les services pénitentiaires, la police, les universités et les écoles, y compris dans les colonies. Microsoft intègre ses systèmes et ses technologies civiles dans l'armée israélienne depuis 2003, tout en acquérant des start-ups israéliennes spécialisées dans la cybersécurité et la surveillance ».

 

« À mesure que l'apartheid israélien, l'armée et les systèmes de contrôle de la population génèrent des volumes de données de plus en plus importants, le recours au stockage et au calcul dans le cloud s'est accru », indique le rapport. « En 2021, Israël a attribué à Alphabet Inc. (Google) et Amazon.com, Inc. un contrat de 1,2 milliard de dollars (projet Nimbus), financé en grande partie par le ministère de la Défense, pour fournir une infrastructure technologique de base. »

 

Microsoft, Alphabet Inc. et Amazon « accordent à Israël un accès pratiquement illimité à leurs technologies de cloud et d'intelligence artificielle, améliorant ainsi les capacités de traitement des données, de prise de décision, de surveillance et d'analyse. »

 

L'armée israélienne, souligne le rapport, « a développé des systèmes d'intelligence artificielle tels que « Lavender », « Gospel » et « Where's Daddy ? » pour traiter les données et générer des listes de cibles, redéfinissant ainsi la guerre moderne et illustrant la double nature de l'intelligence artificielle ». Selon le rapport, il existe des « motifs raisonnables » de croire que Palantir Technology Inc., qui entretient des relations de longue date avec Israël, « a fourni une technologie de police prédictive automatique, une infrastructure de défense essentielle pour la construction et le déploiement rapides et à grande échelle de logiciels militaires, ainsi que sa plateforme d'intelligence artificielle, qui permet l'intégration en temps réel des données du champ de bataille pour une prise de décision automatisée ».


 

En avril 2025, le PDG de Palantir a répondu aux accusations selon lesquelles Palantir tue des Palestiniens à Gaza en déclarant : « Il s'agit principalement de terroristes, c'est vrai ».

 

« Les technologies civiles ont longtemps servi d'outils à double usage pour l'occupation coloniale », indique le rapport. « Les opérations militaires israéliennes s'appuient fortement sur les équipements des principaux fabricants mondiaux pour « déraciner » les Palestiniens de leurs terres, démolir leurs maisons, leurs bâtiments publics, leurs terres agricoles, leurs routes et autres infrastructures vitales. Depuis octobre 2023, ces machines ont joué un rôle essentiel dans la destruction de 70 % des structures et de 81 % des terres agricoles à Gaza. »

 

Depuis des décennies, Caterpillar Inc. fournit à l'armée israélienne des équipements utilisés pour démolir des maisons, des mosquées et des hôpitaux palestiniens, ainsi que pour « enterrer vivants des Palestiniens blessés », et a tué des militants, tels que Rachel Corrie.

 

« Israël a transformé le bulldozer D9 de Caterpillar en une arme automatisée et télécommandée, utilisée par l'armée israélienne dans presque toutes les opérations militaires depuis 2000 pour dégager les lignes d'incursion, « neutraliser » le territoire et tuer des Palestiniens », indique le rapport. Cette année, Caterpillar « a obtenu un nouveau contrat de plusieurs millions de dollars avec Israël ».

 

« La société coréenne HD Hyundai et sa filiale partielle Doosan, ainsi que le groupe suédois Volvo et d'autres grands fabricants de machines lourdes, sont depuis longtemps liés à la destruction de biens palestiniens, chacun fournissant des équipements par l'intermédiaire de concessionnaires israéliens sous licence exclusive », indique le rapport.

 

« Tout en contribuant à la destruction de la vie palestinienne dans les territoires palestiniens occupés, les entreprises ont également aidé à construire ce qui la remplace : des colonies et leurs infrastructures, l'extraction et le commerce de matériaux, d'énergie et de produits agricoles, et l'accueil de visiteurs dans les colonies comme s'il s'agissait d'une destination de vacances ordinaire. »

 

« Plus de 371 colonies et avant-postes illégaux ont été construits, alimentés en énergie et commercialisés par des entreprises facilitant le remplacement par Israël de la population indigène dans les territoires palestiniens occupés », conclut le rapport.

 

Ces projets de construction ont utilisé des excavatrices et des équipements lourds Caterpillar, HD Hyundai et Volvo. Hanson Israel, une filiale de la société allemande Heidelberg Materials AG, « a contribué au pillage de millions de tonnes de roche dolomitique dans la carrière de Nahal Raba, sur des terres saisies à des villages palestiniens en Cisjordanie ». La dolomite extraite est utilisée pour construire des colonies juives en Cisjordanie.

 

Les entreprises étrangères ont également « contribué au développement des routes et des infrastructures de transport public indispensables à la création et à l'expansion des colonies, et à leur connexion avec Israël, tout en excluant et en ségréguant les Palestiniens ».

 

Des sociétés immobilières mondiales vendent des propriétés dans les colonies à des acheteurs israéliens et internationaux. Parmi ces sociétés immobilières figure Keller Williams Realty LLC, qui « possède des succursales dans les colonies » par l'intermédiaire de sa franchise israélienne KW Israel. L'année dernière, par l'intermédiaire d'une autre franchise appelée Home in Israel, Keller Williams « a organisé une tournée de présentation immobilière au Canada et aux USA, parrainée conjointement par plusieurs sociétés qui développent et commercialisent des milliers d'appartements dans les colonies ».

 

Des plateformes de location, notamment Booking.com et Airbnb, proposent des biens immobiliers et des chambres d'hôtel dans des colonies juives illégales en Cisjordanie.

 

La société chinoise Bright Dairy & Food est l'actionnaire majoritaire de Tnuva, le plus grand conglomérat alimentaire israélien, qui utilise des terres saisies aux Palestiniens en Cisjordanie.

 

Dans le secteur de l'énergie, « Chevron Corporation, en consortium avec l'israélien NewMedEnergy (une filiale du groupe Delek répertorié dans la base de données du HCDH), extrait du gaz naturel des gisements de Leviathan et Tamar ; elle a versé 453 millions de dollars de redevances et de taxes au gouvernement israélien en 2023. Le consortium Chevron fournit plus de 70 % de la consommation énergétique israélienne. Chevron tire également profit de sa participation dans le gazoduc East Mediterranean Gas, qui traverse le territoire maritime palestinien, et des ventes de gaz à l'Égypte et à la Jordanie. »

 

BP et Chevron sont également « les principaux contributeurs aux importations israéliennes de pétrole brut, en tant que propriétaires majeurs respectivement du pipeline stratégique Azeri Bakou-Tbilisi-Ceyhan et du Kazakh Caspian Pipeline Consortium, ainsi que des champs pétrolifères associés. Chaque conglomérat a effectivement fourni 8 % du pétrole brut israélien entre octobre 2023 et juillet 2024, complété par des livraisons de pétrole brut provenant des champs pétroliers brésiliens, dans lesquels Petrobras détient les participations les plus importantes, et de carburant pour avions militaires. Le pétrole de ces sociétés alimente deux raffineries israéliennes.

« En fournissant à Israël du charbon, du gaz, du pétrole et du carburant, les entreprises contribuent aux infrastructures civiles qu'Israël utilise pour consolider son annexion permanente et qui servent désormais à détruire la vie des Palestiniens à Gaza », indique le rapport. « Les mêmes infrastructures auxquelles ces entreprises fournissent des ressources ont servi l'armée israélienne et sa destruction technologique et énergivore de Gaza. »

 

Les banques et les sociétés financières internationales ont également soutenu le génocide en achetant des bons du Trésor israéliens.

 

« En tant que principale source de financement du budget de l'État israélien, les bons du Trésor ont joué un rôle essentiel dans le financement de l'offensive en cours contre Gaza », indique le rapport. « De 2022 à 2024, le budget militaire israélien est passé de 4,2 % à 8,3 % du PIB, entraînant un déficit budgétaire public de 6,8 %. Israël a financé ce budget en forte expansion en augmentant ses émissions d'obligations, notamment 8 milliards de dollars en mars 2024 et 5 milliards de dollars en février 2025, parallèlement à des émissions sur son marché intérieur du nouveau shekel. »

 

Le rapport note que certaines des plus grandes banques mondiales, notamment BNP Paribas et Barclays, « sont intervenues pour renforcer la confiance du marché en souscrivant ces obligations d'État internationales et nationales, permettant ainsi à Israël de contenir la prime de taux d'intérêt, malgré une dégradation de sa note de crédit. Des sociétés de gestion d'actifs, notamment Blackrock (68 millions de dollars), Vanguard (546 millions de dollars) et PIMCO, la filiale usaméricaine de gestion d'actifs de l'assureur allemand Allianz (960 millions de dollars), figuraient parmi les quelque 400 investisseurs de 36 pays qui les ont achetées.

 

Les organisations caritatives confessionnelles sont « également devenues des facilitateurs financiers clés de projets illégaux, notamment dans les territoires palestiniens occupés, bénéficiant souvent de déductions fiscales à l'étranger malgré des cadres réglementaires stricts en matière de charité », indique le rapport.

 

« Le Fonds national juif (KKL-JNF) et ses plus de 20 filiales financent l'expansion des colonies et des projets liés à l'armée », indique le rapport. « Depuis octobre 2023, des plateformes telles qu’ Israel Gives ont permis un financement participatif déductible des impôts dans 32 pays pour les unités militaires et les colons israéliens. Les organisations Christian Friends of Israeli Communities, basée aux USA, Dutch Christians for Israel et leurs filiales mondiales ont envoyé plus de 12,25 millions de dollars en 2023 à divers projets qui soutiennent les colonies, y compris certains qui forment des colons extrémistes. »

 

Le rapport critique les universités qui s'associent à des universités et institutions israéliennes. Il note que les laboratoires du MIT « mènent des recherches sur les armes et la surveillance financées par le ministère israélien de la Défense ». Ces projets comprennent « le contrôle des essaims de drones — une caractéristique distincte de l'assaut israélien sur Gaza depuis octobre 2023 — les algorithmes de poursuite et la surveillance sous-marine ».

 

Le génocide nécessite un vaste réseau et des milliards de dollars pour se maintenir. Israël ne pourrait pas mener à bien son massacre massif des Palestiniens sans cet écosystème. Ces entités, qui tirent profit de la violence industrielle contre les Palestiniens et des déplacements massifs, sont aussi coupables de génocide que les unités militaires israéliennes qui déciment la population de Gaza. Elles aussi sont des criminels de guerre. Elles aussi doivent être tenues pour responsables.

06/07/2025

FRANCESCA ALBANESE
De l’économie d’occupation à l’économie de génocide
Rapport au Conseil des droits de l’homme de l’ONU

 On trouvera ci-dessous la version française, établie par nos soins pour pallier l'incurie des services de traduction de l'ONU, du rapport présenté par Francesca Albanese le 30 juin dernier. Loriginal anglais est ici 

 


 Conférence de présentation du rapport, 3 juillet 2025

CAROLINE DUPUY
Comment le Maroc alimente la machine génocidaire israélienne

Caroline Dupuy à Tanger, Maroc
Middle East Eye, 1/7/2025
Traduit par SOLIDMAR

Malgré les protestations publiques, les expéditions de matériel militaire à destination d’Israël via les ports marocains se poursuivent, facilitant les attaques contre les Palestiniens. 

Une femme brandit les drapeaux palestinien, marocain et libanais alors que des manifestants marchent vers le port de Tanger Med pour protester contre l’arrivée prévue d’un navire censé transporter des pièces de chasseurs à réaction à destination d’Israël, à Tanger, Maroc, le 20 avril Photo Abdel Majid Bziouat/AFP

Il est impossible de passer à côté de l’omniprésence de Maersk dans les ports marocains, tant la société danoise domine les conteneurs maritimes. Cette forte présence ne serait pas si intrigante en soi, si ce géant mondial de la logistique n’était pas connu pour le transport de matériel militaire vers Israël en pleine guerre contre Gaza.

Le Maroc est devenu un maillon essentiel dans la route des armes facilitant les expéditions de matériel militaire vers Israël, notamment via Maersk. Cela inclut des composants de jets F-35, qui alimentent les attaques israéliennes contre les Palestiniens.

Un rapport récent de Declassified UK et du média d’enquête irlandais The Ditch a examiné le rôle du Maroc dans le transfert de pièces des avions de chasse F-35 via Maersk.

Le rapport évoque en particulier une expédition en avril: le matériel pour jets a quitté le port de Houston, aux USA. Deux semaines plus tard, le Maersk Detroit battant pavillon usaméricain arrivait à Tanger, Maroc, où la cargaison était transférée sur un autre navire, le Nexoe Maersk [battant pavillon de Hong Kong].


L’expédition a traversé la Méditerranée avant d’arriver au port israélien de Haïfa. La cargaison militaire a ensuite été acheminée vers la base aérienne de Nevatim, point clé de décollage de l’armée de l’air israélienne pour bombarder Gaza.

Lorsque ces révélations ont été faites en avril, l’indignation publique a éclaté au Maroc. Des milliers de manifestants se sont mobilisés dans les ports de Casablanca et Tanger Med, tandis qu’au moins huit dockers ont démissionné en protestation contre les expéditions controversées de Maersk.

Les rapports divergent quant au début de l’accostage de telles cargaisons dans le royaume, mais les ports marocains sont devenus une option attrayante sur la route de transfert après qu’en novembre, deux cargos Maersk ont été empêchés d’accoster en Espagne, soupçonnés de transporter des armes vers Israël.

Ils se sont donc arrêtés à Tanger Med, déclenchant de nouvelles protestations locales.

Alejandro Pozo, spécialiste des conflits armés et du désarmement au Centre Delas, a déclaré à MEE que les transferts d’armes via la route Espagne–Maroc sont considérés comme «un trafic régulier et nont pas cessé», daprès les bases de données que le centre de recherche catalan a pu consulter.

Face à la polémique, Maersk a publié en mars un communiqué affirmant qu’elle «observe une politique stricte de non-acheminement darmes ou de munitions vers les zones de conflit actif, dans le respect des réglementations internationales».

Un représentant a également affirmé à Declassified UK que le Maersk Detroit et le Nexoe Maersk «transportent des conteneurs contenant des pièces de F-35. Cependant, ces cargaisons sont destinées à dautres pays participants au programme F-35». Le programme des F-35 «dépend dun réseau complexe de partenaires et fournisseurs à travers plusieurs pays», a précisé le groupe danois en juin.

Se cacher derrière les mots

L’entreprise reconnaît cependant ses contrats avec le gouvernement usaméricain via sa filiale usaméricaine, Maersk Line Limited (MLL), engagée dans le Maritime Security Programme (MSP).

Ce programme, auquel Maersk participe depuis 1996, impose de mettre des navires à disposition des autorités usaméricaines moyennant des sommes importantes pour transporter du matériel destiné à la guerre. Ainsi, la société devient un acteur clé de la facilitation des transferts d’armes.

De par ce soutien à la politique usaméricaine, Maersk expédie des cargaisons vers plus de 180 pays «dans le cadre de programmes de coopération en matière de sécurité, incluant le transport de marchandises civiles et à usage militaire vers Israël», selon le communiqué de mars.

Maersk a assuré au site ouèbe Danwatch que les trajets de ses bateaux vers Israël «ne font pas partie du MSP», mais sont liés à un autre programme militaire usaméricain.

Pourtant, un rapport du Centre Delas a repéré que des navires de la route faisaient partie du MSP. L’annexe liste ces expéditions pour permettre d’identifier les navires susceptibles de transporter des armes vers Israël.

Selon le centre, les transports MSP qui passent fréquemment par le Maroc et l’Espagne du Sud signalent un trajet vers Israël. Pour Pozo, les protestations ont eu lieu sur certains transports parce que l’information était publique, pas parce qu’elles étaient les seules occasions.

Le Maroc reste muet sur sa participation à ces transferts d’armes. Ce silence est suspect pour nombre d’observateurs.

«Évidemment, un gouvernement peut savoir ce quil y a dans un conteneur sil le veut vraiment», dit Pozo à MEE.

Les acteurs impliqués «se cachent derrière le vocabulaire», ajoute-t-il, parlant par exemple «d’équipement militaire ou de composants». Ce vocabulaire est semblable à celui employé par Maersk dans ses communications.

Pozo souligne aussi qu’alors que le gouvernement espagnol a bloqué trois cargaisons sous la pression populaire, «lEspagne na pas appliqué dautre mesure administrative, y compris des sanctions contre les transferts darmes à Israël».

MEE a contacté Maersk, l’Agence nationale des ports du Maroc et le ministère marocain des Affaires étrangères pour connaître leur position morale, compte tenu des conséquences dévastatrices de ces armes à Gaza.

MEE voulait aussi savoir la quantité exacte d’armes transportées via le Maroc, pourquoi le royaume est devenu un maillon clé, et depuis quand Maersk passe par cette route.

Aucune réponse n’avait été donnée au moment de la publication.

Interdépendance maroco-israélienne

Le Mouvement de la jeunesse palestinienne a affirmé, en novembre 2024, que Maersk a «expédié des millions de livres (lb) d’équipements militaires vers larmée israélienne depuis les USA, à travers plus de 2000 expéditions» sur 12 mois à partir de septembre 2023.

La capacité militaire israélienne découle en majorité des importations, notamment des USA, selon Zain Hussain, chercheur au SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute).

Depuis son arrivée au pouvoir, l’administration Trump a approuvé près de 12milliards de $US de ventes militaires majeures à Israël.

«Israël dépend largement des importations darmes pour sa guerre à Gaza et ses opérations militaires ailleurs dans la région», explique Hussain à MEE.

«Disposer de routes dacheminement fiables et sûres pour le transfert de ces armes et composants est crucial pour Israël, et le soutien de certains États est essentiel pour le permettre», ajoute-t-il.

Pozo avance qu’une des raisons pour lesquelles le Maroc est devenu une plateforme stable sur la route des transferts, via le détroit de Gibraltar, est avant tout géographique.

«Jimagine que la proximité permet une logistique efficace et des économies en coût énergétique», indique-t-il.

Sinon, il faudrait passer par l’Afrique et la mer Rouge, une route plus longue, coûteuse et dangereuse, rappelle le Centre Delas.

Autre facteur: la dépendance du Maroc vis-à-vis dIsraël pour son équipement militaire, comme en témoigne le choix récent du royaume de faire dElbit Systems lun de ses principaux fournisseurs darmes.

Le Maroc a normalisé ses relations avec Israël en décembre 2020, rejoignant les Accords d’Abraham du président Trump, en échange d’une reconnaissance par les USA et Israël de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

Depuis, la coopération entre les deux pays n’a fait que se renforcer, y compris militairement. Le Maroc est accusé d’utiliser des armes pour soutenir son conflit contre le Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui soutenu par l’Algérie voisine.

«Israël et les USA savent que le Maroc collaborera; il y a aussi la dimension politique: les USA ont reconnu le Sahara occidental comme marocain, ce qui ajoute une autre dimension à cette coopération», analyse Pozo.

«Trahison»

Contrairement à l’Espagne, le Maroc n’a pas stoppé certaines livraisons malgré les manifestations publiques.

Une militante marocaine d’Amnesty International, qui souhaite garder l’anonymat, confie à MEE combien il lui est «douloureux» de «voir [son] pays connecté à la machine du génocide en Palestine».

Pour elle, la résistance dépasse la politique: «Il sagit de notre humanité et de notre responsabilité morale Chaque bombe larguée, chaque enfant enterré sous les décombres, devrait nous bouleverser au plus profond de nous-mêmes».

«La population veut que le Maroc rompe ses liens avec Israël et adopte une position ferme et sans concessions contre loccupation et lapartheid», poursuit-elle.

«À Amnesty, nous travaillons à exposer ces violations et exiger des comptes. Je dis cela par amour pour mon pays mais aussi avec le courage de le critiquer. Nous devons demander la transparence. Nous devons parler. Car le silence face au génocide nest pas de la neutralité, cest de la trahison.»

Elle souligne également qu’il existe une «menace constante de répression» contre le militantisme propalestinien au Maroc, bien que le royaume publie régulièrement des déclarations de soutien à la cause palestinienne.

Selon le Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation, qui rassemble une vingtaine d’associations, syndicats et partis politiques, 20 militants ont été arrêtés et emprisonnés depuis 2021, un phénomène qui s’accélère depuis le début de la guerre israélienne contre Gaza en octobre 2023.

Un expert du Carnegie, sous couvert d’anonymat, déclare à MEE que «malgré lampleur et la visibilité des protestations, elles nont pas encore abouti à un changement politique significatif».

Cependant, citant une récente déclaration du parti d’opposition Justice et Développement (PJD), qui réaffirme «sa critique de la normalisation» et la nécessité dun «réalignement» du royaume sur la position massivement propalestinienne des Marocains, lexpert envisage la possibilité dun changement.

«Le sentiment populaire peut avoir un effet contraignant ou cumulatif, surtout lorsquil rejoint des questions de légitimité intérieure, alimente le discours dopposition et la mobilisation», conclut-il.

 


 Le siège de Maersk à Tunis après une manifestation le 18 mars 2025