Sergio Rodríguez Gelfenstein,
30/7/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Les gouvernements vénézuélien et usaméricain ont réussi à stabiliser une ligne de communication permanente. Cela tient davantage à des décisions internes aux USA qu'à une réelle amélioration des relations entre les deux pays. Finalement, aux USA, la proposition pragmatique MAGA (Make American Great Again) l'emporte sur l'idéologie des néoconservateurs emmenés par Marco Rubio.
La situation internationale et
l'acceptation du fait que la Chine est l'ennemi principal de Washington ont
gagné du terrain au sommet du pouvoir usaméricain, amenant une bonne partie des
dirigeants de l'administration à comprendre cette situation et obligeant les
néoconservateurs et Marco Rubio à céder.
Sa politique de pression maximale (qui
n'est aujourd'hui soutenue au Venezuela que par le groupe de María Corina
Machado) a échoué. La production et l'exportation de pétrole se sont
stabilisées et ont même légèrement augmenté pour dépasser le million de barils
par jour. Cela a été rendu possible en grande partie grâce au soutien de la
Chine, qui semble adopter une position plus active en ce qui concerne ses liens
économiques et commerciaux avec le Venezuela, en augmentant ses achats de
pétrole et en comblant le vide laissé par la suspension des licences spéciales
accordées à Chevron pour opérer au Venezuela malgré les sanctions. Alors que la
politique usaméricaine visant à renverser le président Nicolás Maduro continue
de faire naufrage au Venezuela, la vision stratégique du président Xi Jinping a
fini par l'emporter sur le court-termisme et le simple intérêt lucratif des
entrepreneurs chinois.
Dans ce contexte, la libération de 252
migrants vénézuéliens qui avaient été arrêtés aux USA et envoyés dans une
prison au Salvador a été l'expression publique d'une apparente amélioration des
relations. En réalité, ce qui s'est produit, c'est une amélioration de la
communication. Si tel n'était pas le cas, il n'y aurait aucune raison de continuer
à associer le gouvernement vénézuélien à la criminalité organisée et au trafic
de drogue, ce qui reste présent dans le regard et la rhétorique politique du
département d'État.
Par ailleurs, des enfants qui avaient été
enlevés aux USA et séparés de leurs parents sont également rentrés chez eux,
même si 33 d'entre eux sont toujours détenus illégalement par Washington. Il
n'est pas exclu que Marco Rubio, dans son obsession aberrante de renverser le
gouvernement vénézuélien, veuille les utiliser comme monnaie d'échange en
faveur de l'une de ses vilenies habituelles. Dans ce contexte, les licences
spéciales accordées à Chevron ont été rétablies et l'entreprise reprendra ses
activités au Venezuela, même si elle n'est pas autorisée à payer le pays en
espèces
En échange, le Venezuela a dû payer un
prix élevé : il a dû libérer 10 terroristes usaméricains emprisonnés dans le
pays et un grand nombre de terroristes vénézuéliens militants des partis
d'opposition radicale qui avaient commis des crimes punis par la Constitution
et les lois. Marco Rubio lui-même a reconnu qu'il n'y avait aucune raison de
maintenir les migrants vénézuéliens en détention aux USA et qu'ils n'étaient
que des otages destinés à être échangés contre leurs compatriotes. On a même
appris que l'un d'entre eux est un meurtrier qui a avoué son crime et a déjà
été jugé en Espagne.
Finalement, la politique menée par l’envoyé
spécial Richard Grenell a prévalu sur la position extrémiste de Marco Rubio. L’interlocuteur
du gouvernement vénézuélien a été en communication permanente avec lui. La
position de Grenell est que le Venezuela n’a pas adopté une position agressive
à l’égard des USA et il a finalement assuré, dans une optique de pragmatisme
absolu, que le Venezuela n’avait jamais refusé de vendre du pétrole aux USA, ce
qui est tout à fait vrai.
Il n’a pas non plus refusé de rapatrier
les migrants, utilisant même des avions vénézuéliens pour aller les chercher,
libérant ainsi Washington du paiement de ces opérations qui sont désormais
quasi quotidiennes et qui ont ramené un nombre quantitativement faible de
migrants dans le pays, mais qui ont eu un énorme impact médiatique, émotionnel
et symbolique en tant qu’expression de la volonté du gouvernement de faire face
à cette situation qui trouve son origine dans la désignation du Venezuela, par
Washington comme une menace pour la sécurité nationale des USA, avec les
répercussions que cela a eu depuis plus de dix ans.
D’autre part, les mensonges de Rubio ont
été mis en évidence. Il a déclaré que la « libération » des dirigeants
terroristes réfugiés à l’ambassade d’Argentine à Caracas était le fruit d’une
opération des forces spéciales usaméricaines, alors qu’il s’agissait en réalité
d’une négociation avec Grenell. Il a maintenant déclaré avoir fait pression sur
Maduro pour qu’il libère les prisonniers usaméricains, alors qu’il s’agissait
en réalité d’un autre accord conclu avec l’envoyé spécial de Trump. Cela a
également affaibli et discrédité davantage la position de María Corina Machado,
principale alliée de Rubio au Venezuela.
À l’heure actuelle, dans la logique de
Trump, le Venezuela n’est plus un problème et il se concentre sur ceux qui le
sont (selon sa logique) et pour différentes raisons : le Mexique et la Colombie
pour le trafic de drogue et l’envoi de drogues aux USA, et le Brésil parce que,
en tant que puissance industrielle, il est en concurrence avec les entreprises usaméricaines.
Lorsque les circonstances ont contraint
Trump à remettre le département d’État aux néoconservateurs et qu’il a dû
nommer Rubio contre son gré à ce poste, il a contrebalancé cette décision en
nommant 24 envoyés spéciaux qui ne répondent pas à Rubio mais à lui seul. Avec
ces envoyés, qui s’occupent des aspects les plus importants et les plus
stratégiques, Trump gère l’essentiel de la politique étrangère des USA. En
effet, face à la perte d’importance du département d’État, Rubio a été
contraint de réduire ses effectifs, mettant sur la ouche des centaines de
diplomates de carrière et d’autres fonctionnaires.
En échange, Trump a confié à Rubio la
gestion de la politique envers l’Amérique latine et les Caraïbes, qui ne
présente pas un grand intérêt pour Trump et qui est en réalité gérée par le
Pentagone à travers le Commandement Sud des Forces armées. Dans cette mesure,
la région subit le plus fort impact de la haine de celui que Trump a appelé « le
petit Marco ». Dans le cas du Venezuela, en tant que pays pétrolier, l’agenda
bilatéral dépasse ses possibilités, de sorte que le pouvoir de décision est de
plus en plus transféré à Trump, par l’intermédiaire de Grenell.
En réponse aux progrès réalisés dans la
communication entre le Venezuela et les USA, et au grand dam de Rubio et à sa
perte de protagonisme, le département d’État, par l’intermédiaire du Bureau des
affaires de l’hémisphère occidental, a déclaré que le « Cartel des Soleils »,
une création artificielle des USA prétendument composée de hautes autorités
vénézuéliennes, était une organisation terroriste. Il a ensuite désigné le
président Maduro comme le chef de cette organisation fantoche, l’accusant sans
fondement d’avoir des liens avec le Tren de Aragua, une autre organisation
criminelle détruite au Venezuela par l’action résolue du gouvernement, mais que
Washington maintient en vie avec sa rhétorique afin de justifier sa politique
envers le Venezuela.
De même, afin de donner une dimension
internationale à cette idée, le département d’État a ajouté une faction du
Cartel de Sinaloa, accusé d’être l’une des principales organisations
introduisant de la drogue aux USA, à la triade mafieuse imaginaire qui n’existe
que dans l’esprit fiévreux et pervers de l’extrême droite terroriste yankee.
L’acceptation de cette aberration ne répond qu’aux besoins de Trump de maintenir l’équilibre et de maintenir unis les groupes opposés qui se sont réunis, « collés avec du chewing-gum », dans son administration.