05/12/2025

La mort du chef de la milice anti-Hamas Abou Shabab souligne que la prochaine direction de Gaza ne sera pas dictée par Israël

Jack Khoury, Haaretz, 4/12/2025
Traduit par Tlaxcala

Abou Shabab était précisément le type de figure qu’Israël aime présenter comme un partenaire, mais la réalité complexe de Gaza l’a montré pour ce qu’il était – même dans la zone limitée où il opérait. Désespéré de trouver un « administrateur » pour la bande de Gaza, Israël a une fois de plus ignoré le besoin palestinien de trouver un véritable leadership.


Yasser Abou Shabab, le chef du gang violent de Gaza soutenu par Israël

L’annonce jeudi de la mort de Yasser Abou Shabab n’a pas été seulement un incident sécuritaire local dans la bande de Gaza. Elle a également révélé, une fois encore, l’énorme fossé entre l’histoire qu’Israël se raconte et la réalité complexe de Gaza.

L’establishment de la défense et les médias ont présenté Abou Shabab comme une « alternative au Hamas », quelqu’un qui pourrait aider à gouverner Gaza après la guerre. Mais il s’est avéré être une figure controversée même dans la zone limitée où il opérait. En raison de la multiplicité des groupes armés, des tribus, des alliances et des comptes non réglés dans la région, il était entouré d’ennemis.

Sa mort n’a surpris presque personne à Gaza. Beaucoup voulaient le voir disparaître. Parmi eux figuraient ce qui reste de la direction du Hamas, qui le considérait comme une menace – ou du moins comme une nuisance – pour son pouvoir ; des rivaux armés qui partageaient avec lui territoire et influence ; des membres de clans lésés par lui et sa famille ; et des gens au sein même de sa tribu, embarrassés depuis des années par ses actions.

Les déclarations qui ont envahi les réseaux sociaux immédiatement après l’annonce de sa mort ont montré à quel point il était un homme recherché. Chacun a rapidement adopté un récit, attribué des responsabilités ou tenté de blanchir son nom. Mais la conclusion était claire : il n’existe aucune force suffisamment puissante pour protéger les personnes qui collaborent avec Israël.

Même sa propre tribu, les Tarabin, s’est empressée de le renier après sa mort. Dans un communiqué, elle l’a qualifié « d’épisode sombre », ajoutant que sa mort « avait refermé un chapitre honteux ». Elle a aussi promis de ne permettre à aucun autre membre de la tribu de participer à des milices « servant l’occupation ».

Il ne s’agissait pas seulement de se désolidariser de lui. C’était une déclaration d’intention sociopolitique destinée à envoyer un message à tous les Gazaouis : « Cet homme ne faisait pas partie de nous, ne réglez donc pas vos comptes avec nous. »

La cause directe de sa mort, selon divers rapports, a été un affrontement entre Abou Shabab et des membres de la famille Abou Snima, connue pour ses activités criminelles. Une fusillade a éclaté après qu’Abou Shabab eut refusé avec arrogance de libérer un membre de cette famille qu’il avait arrêté. Cela a servi d’étincelle à un règlement de comptes plus large dans la zone. Il en ressort qu’Abou Shabab n’a pas construit un leadership, mais seulement des luttes de pouvoir.

C’est là qu’Israël est entré en scène. Pendant des années, l’establishment israélien – les médias, la défense et le monde politique – a tenté de « créer des partenaires », c’est-à-dire des Palestiniens locaux qui semblaient suffisamment puissants et dominants, mais aussi disposés à dire ce que les Israéliens aiment entendre. Ainsi ont émergé des « étoiles » éphémères, comme Abou Shabab dans le sud de Gaza.

Abou Shabab était exactement le type de personne qu’Israël aime avoir comme partenaire. Il était armé mais prêt à coopérer ; il s’opposait au Hamas mais n’était pas affilié à l’Autorité palestinienne ; et il donnait l’impression de pouvoir maintenir « la rue » sous contrôle.

Mais en réalité, c’était un criminel dont le pouvoir n’existait que dans les zones où Israël demeurait physiquement présent. Au-delà des limites de l’influence israélienne, il n’avait ni pouvoir, ni légitimité, ni preneur pour ses marchandises.

Yasser Abou Shabab (deuxième à partir de la gauche)

Ce type de personnage n’a rien de nouveau. Il suffit de demander aux membres de l’Armée du Liban-Sud, qui ont compté sur Israël pendant deux décennies jusqu’à ce qu’Israël leur retire le tapis sous les pieds du jour au lendemain, par son retrait unilatéral du Liban.

Quiconque reçoit un pouvoir de l’extérieur sans base de soutien interne vit à crédit. Pourtant Israël, une fois encore, a construit une illusion autour de quelqu’un par nécessité de trouver une personne jugée apte à diriger Gaza, plutôt que par rapport aux besoins palestiniens de disposer d’un véritable leadership.

La mort d’Abou Shabab offre une leçon importante : le leadership ne peut pas émerger de diktats israéliens. Abou Shabab semblait un homme fort ; en réalité, il était un maillon faible, dépendant des armes, du chaos et du double jeu pratiqué à la fois par les acteurs locaux et par Israël.

Mais Gaza n’est pas un endroit où l’on peut imposer un dirigeant d’en haut en espérant que la base l’acceptera. L’histoire du territoire est plus forte que toute tentative d’ingénierie.

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