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10/07/2022

HAIDAR EID
Ghassan Kanafani et l'inépuisable dialectique

 Haidar Eid, Mondoweiss,  9/7/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 8 juillet 2022 a marqué le 50e anniversaire de l'assassinat de Ghassan Kanafani, une figure dominante de la vie culturelle et politique palestinienne. Kanfani a été tué en 1972, lorsque des agents du Mossad israélien ont placé un engin explosif dans sa voiture, le tuant ainsi que sa nièce de 17 ans, Lamees.  Voici quelques réflexions sur son héritage durable.

 Ghassan Kanafani

La nécessité de lire la littérature palestinienne en général et la fiction de Ghassan Kanfani en particulier émane de l'importance d'écrire un récit qui soit distinctement palestinien. La plupart de la littérature palestinienne est ce que Barbara Harlow appellerait la "littérature de résistance" - un terme emprunté à Kanafani lui-même.

La question qui demeure est la suivante : que reste-t-il qui n'ait pas été écrit en arabe sur Kanafani ? Ou plutôt, peut-on écrire sur lui dans les conditions actuelles avec le même optimisme que celui qui a conduit le fondateur égyptien de la nouvelle arabe moderne, Youssuf Idriss, à nous demander de nous accrocher aux histoires de Kanafani comme nous nous accrochons à notre Coran ?

Autrement dit, quelle est la place de Kanafani sur la nouvelle scène intellectuelle après le retrait de la plupart des intellectuels « radicaux » ?

Qu'aurait-il fait, en tant qu' « intellectuel indigène » fanonien, s'il avait été encore en vie ? Comment l'auteur de Hommes au soleil aurait-il réagi si, dans les années 1990, on avait demandé à ces hommes éponymes d'arrêter de taper sur les murs du char d'assaut et de plaider plutôt pour des pourcentages supplémentaires de leur patrie ?

La relation entre la persécution inhumaine des Palestiniens et leurs idées et valeurs sociales a été puissamment exprimée sous forme narrative pour la première fois dans les romans de Kanafani. Une compréhension correcte de ses romans nécessite une compréhension du passé et du présent des Palestiniens. Le réalisme de Kanafani a la capacité non seulement de "refléter" la réalité, comme le dirait George Lukacs, mais aussi de faire entrer les lecteurs dans un nouvel ordre de perception et d'expérience. Ainsi, il ne se contente pas de défamiliariser la réalité, il l'affronte de front.

Des thèmes et des questions complexes reviennent tout au long des romans de Kanafani : l'exil, la mort et l'histoire. Ces questions sont d'ailleurs liées au rôle de Kanafani lui-même en tant qu'écrivain politiquement engagé, révélant la "faiblesse" de certains Palestiniens qui préfèrent la recherche de la sécurité matérielle à la lutte pour reconquérir leur terre (Des hommes au soleil). La responsabilité des dirigeants palestiniens dans le fait de laisser les Palestiniens suffoquer dans le monde marginal des camps de réfugiés démontre la prescience de Kanafani. Comme le note le critique palestinien Faisal Darraj, le monde des différents personnages palestiniens de Kanafani est un composite d'une relation poétique et organique avec la terre (L'Amant, Les Hommes au soleil et Tout ce qui vous reste). La séparation de la terre et la recherche de solutions individualistes conduisent les hommes au soleil à une mort indigne et tragique. En d'autres termes, Kanafani avait la capacité d'explorer la relation dialectique entre les réalités intérieures et extérieures des Palestiniens colonisés.

30/06/2022

RAMZY BAROUD
Les Palestiniens « ne sont pas des animaux dans un zoo » : Kanafani et la nécessité de redéfinir le rôle de l’ « intellectuel victime »

Ramzy Baroud, Palestine Chronicle, 29/6/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

À la mémoire de Ghassan Kanafani, leader palestinien emblématique et intellectuel engagé qui a été assassiné par le Mossad israélien le 8 juillet 1972


Ghassan Kanafani

Des années avant que les USA n'envahissent l'Irak en 2003, les médias usaméricains ont mis en avant de nombreux nouveaux personnages, les présentant comme des "experts" qui ont contribué à renforcer la propagande usaméricaine, ce qui a finalement permis au gouvernement usaméricain d'obtenir un soutien populaire suffisant pour la guerre.

Bien que l'enthousiasme pour la guerre ait commencé à s'émousser au cours des années suivantes, l'invasion de l'Irak a effectivement commencé avec un mandat populaire relativement fort qui a permis au président George W Bush de revendiquer le rôle de libérateur de l'Irak, de combattant contre le "terrorisme" et de champion des intérêts mondiaux des USA. Selon un sondage CNN/USA Today/Gallup réalisé le 24 mars 2003 - quelques jours après l'invasion - soixante-douze pour cent des USAméricains étaient en faveur de la guerre.

Ce n'est que maintenant que nous commençons à prendre la pleine mesure de l'édifice massif de mensonges, de tromperies et de falsifications qui a servi à façonner le récit de la guerre, et du rôle sinistre joué par les médias grand public dans la diabolisation de l'Irak et la déshumanisation de son peuple. Les futurs historiens poursuivront la tâche de déconstruire la conspiration guerrière pendant de nombreuses années.

En gardant cette tâche à l'esprit, il est également important de reconnaître le rôle joué par les propres "informateurs indigènes" de l'Irak, comme les décrirait le défunt professeur palestinien Edward Said. L'"informateur indigène (est) un serviteur volontaire de l'impérialisme", selon l'influent intellectuel palestinien.

Grâce aux diverses invasions et interventions militaires usaméricaines, ces "informateurs" sont devenus de plus en plus nombreux et utiles, au point que, dans divers cercles intellectuels et médiatiques occidentaux, ils définissent ce qui est considéré à tort comme des "faits" concernant la plupart des pays arabes et musulmans. De l'Afghanistan à l'Iran, en passant par la Syrie, la Palestine, la Libye et, bien sûr, l'Irak, entre autres, ces "experts" ne cessent de répéter des messages taillés sur mesure pour les programmes usaméricano-occidentaux.

Ces "experts" sont souvent présentés comme des dissidents politiques. Ils sont recrutés - que ce soit officiellement par des groupes de réflexion financés par le gouvernement ou autrement - par les gouvernements  occidentaux pour fournir une  description commode des "réalités" au Moyen-Orient - et ailleurs - afin de justifier rationnellement, politiquement ou moralement la guerre et diverses autres formes d'intervention.