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24/08/2023

4 enseignements à tirer des élections en Équateur et au Guatemala

Simon Romero (Mexico), Genevieve Glatsky (Bogotá) et Jody García (Ciudad de Guatemala), The New York Times, 21/8/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Les outsiders ont surperformé, soulignant la volatilité de la politique latino-américaine. Les candidats appelant à s'inspirer de la répression de la criminalité au Salvador n’ont pas obtenu de bons résultats.

Au Guatemala, le progressiste Bernardo Arévalo, qui lutte contre la corruption, a remporté une victoire écrasante sur une ancienne première dame, portant un coup à l’establishment politique conservateur. Photo : Daniele Volpe pour le New York Times

L’Équateur et le Guatemala ont organisé dimanche 20 août des élections qui ont mis en lumière des tendances primordiales dans toute l’Amérique latine, notamment les campagnes de lutte contre la corruption, l’importance croissante des jeunes électeurs et les appels à s’inspirer de la répression de la criminalité au Salvador.

En Équateur, où l’assassinat ce mois-ci du candidat à la présidence Fernando Villavicencio a assombri la campagne, Luisa González, une femme de gauche bien établie, sera opposée à Daniel Noboa, le rejeton d’une famille bien nantie connue pour son empire bananier, lors d’un second tour.

Au Guatemala, le progressiste Bernardo Arévalo, qui lutte contre la corruption, a remporté une victoire écrasante sur l’ancienne première dame, Sandra Torres, portant un coup à l’establishment politique conservateur du pays.

Alors que l’érosion de l’État de droit et l’emprise croissante des gangs de trafiquants de drogue dans différentes régions d’Amérique latine suscitent de vives inquiétudes, les scrutins ont été suivis de près, à la recherche de signes annonciateurs du sens de leurs résultats.

En voici les principaux enseignements.

Le président du Salvador, Nayib Bukele, s’est attaqué à la violence des gangs en procédant à des arrestations massives qui ont frappé des milliers d’innocents.  Photo : Brittainy Newman pour le New York Times

La criminalité n’était pas la seule préoccupation des électeurs

L’Équateur et le Guatemala sont chacun confrontés à une série de défis différents et, bien qu’il soit difficile d’exagérer la difficulté de gouverner efficacement dans ces deux pays, les nouveaux dirigeants devront s’efforcer de contrôler le crime organisé et de créer des opportunités économiques pour que leurs citoyens restent chez eux au lieu d’émigrer.

La star du moment sur la scène politique latino-américaine est le président populiste conservateur du Salvador, Nayib Bukele, qui a réussi à utiliser des tactiques dures pour réprimer la violence des gangs, y compris des arrestations massives qui ont frappé des milliers d’innocents et l’érosion des libertés civiles. Mais les espoirs de voir les adeptes de l’évangile de Bukele sur la criminalité remporter la victoire se sont évanouis en Équateur et au Guatemala.

« Il est remarquable que, dans les deux cas, les admirateurs inconditionnels de la politique dure de Nayib Bukele à l’égard des gangs criminels au Salvador n’aient pas obtenu de bons résultats », dit Michael Shifter, chercheur principal au Dialogue interaméricain, un organisme de recherche basé à Washington.

 Malgré le choc provoqué par l’assassinat de Villavicencio, les candidats explicitement “anti-crime” en Équateur  se sont partagé les voix. Jan Topić, qui s’est aligné de près sur Bukele, a obtenu des résultats médiocres malgré sa montée dans les sondages après l’assassinat de Villavicencio.

« Il a mené une campagne très axée sur la sécurité », dit Risa Grais-Targow, directrice pour l’Amérique latine de l’Eurasia Group, à propos de Topić. « Mais les électeurs ont d’autres préoccupations, notamment en matière d’économie ».

De même, au Guatemala, où l’on craignait de plus en plus un glissement vers un régime autoritaire, la promesse de Mme Torres de mettre en place une politique à la Bukele n’a pas eu beaucoup de succès. Au contraire, l’ancienne première dame a été mise sur la défensive par son rival parce qu’elle avait été assignée à résidence dans le cadre d’accusations de financement illicite de campagnes électorales.

Les mesures prises par l’autorité électorale guatémaltèque pour disqualifier purement et simplement les candidats considérés comme menaçant l’ordre établi ont également influé sur le résultat.

L’un des candidats écartés de la course avant le premier tour de juin était Carlos Pineda, un outsider qui disait vouloir reproduire la répression de la criminalité menée par Bukele. La disqualification de Pineda et d’autres candidats a ouvert la voie à Arévalo, un autre outsider, même si ses propositions pour lutter contre la criminalité sont plus nuancées.

Les candidats guatémaltèques ont essayé de capitaliser sur le soutien des jeunes. Photo : Daniele Volpe pour le New York Times

Les jeunes électeurs façonnent les élections.

Dans une large mesure, les résultats électoraux en Équateur et au Guatemala ont dépendu des choix des jeunes électeurs. En Équateur, Noboa, 35 ans, homme d’affaires et nouveau venu en politique, était dans le creux de la vague il y a quelques semaines à peine.

Mais en s’appuyant sur le soutien des jeunes tout en se présentant comme un outsider, il s’est hissé de manière inattendue au second tour avec environ 24 % des voix. (Son père, Álvaro Noboa, l’un des hommes les plus riches d’Équateur, s’était présenté sans succès à cinq reprises aux élections présidentielles).

Au Guatemala, le pays le plus peuplé d’Amérique centrale, Bernardo Arévalo, 64 ans, a également bénéficié du soutien des jeunes, en particulier dans les villes, qui ont été attirés par ses appels à mettre fin à la persécution politique des militants des droits humains, des écologistes, des journalistes, des procureurs et des juges.

Arévalo a également adopté une position plus modérée sur les questions sociales. Tout en affirmant qu’il ne chercherait pas à légaliser l’avortement ou le mariage homosexuel, il a précisé que son gouvernement n’autoriserait pas la discrimination à l’encontre des personnes en raison de leur orientation sexuelle.

Cette position, quelque peu inédite au Guatemala, contraste fortement avec celle de Mme Torres, qui a choisi un pasteur évangélique comme colistier et qui a utilisé une insulte anti-gay lors de la campagne pour désigner les partisans d’Arévalo [“tous efféminés et une bande de huecos” équivalent guatémaltèque de “pédés”].

Luisa González affrontera Daniel Noboa au second tour le 15 octobre  en Équateur . Photo: Johanna Alarcón pour le New York Times

La gauche prend des directions diverses.

Le Guatemala et l’Équateur offrent des visions très contrastées de la gauche en Amérique latine.

En effet, dans le paysage politique traditionnellement conservateur du Guatemala, Arévalo, qui critique les gouvernements de gauche comme celui du Nicaragua, est souvent décrit comme un progressiste. En ce sens, il ressemble davantage à Gabriel Borić, le jeune président modéré du Chili, qu’aux exaltés d’autres pays de la région.

Le parti d’Arévalo, Movimiento Semilla (Mouvement Semence), qui s’est coalisé après les manifestations contre la corruption en 2015, ne ressemble à aucun autre parti au Guatemala au cours des dernières décennies. Semilla a attiré l’attention en menant une campagne austère et fondée sur des principes, en affichant clairement ses sources de financement, contrairement au financement opaque qui prévaut dans les autres partis. Une autre source d’inspiration pour Semilla est le Frente Amplio (Front large) de l’Uruguay, un parti modéré et démocratique de centre-gauche.

“Arévalo est un démocrate pur et dur”, dit Will Freeman, chargé d’études sur l’Amérique latine au Council on Foreign Relations (Conseil des relations extérieures).

Luisa González, en revanche, est issue d’une autre partie de la gauche latino-américaine, caractérisée dans le cas de l’Équateur par la mise à l’épreuve des freins et des contrepoids démocratiques, opine Mister Freeman. Elle soutient Rafael Correa, un ancien président équatorien qui reste une force dominante dans la politique du pays bien qu’il ait quitté le pouvoir depuis six ans.

Correa, qui vit en Belgique après avoir fui une condamnation à huit ans de prison pour violation des règles de financement des campagnes électorales, conserve une base solide qui oscille entre 20 et 30 % de l’électorat.

Ce soutien est en grande partie dû à la “nostalgie de ce moment de bien-être qui existait sous l’ère Correa”, dit Caroline Ávila, analyste politique en Équateur.

Arévalo a obtenu plus de voix que tout autre candidat au Guatemala depuis le rétablissement de la démocratie dans le pays en 1985. Photo: Daniele Volpe pour le New York Times

Des résultats imprévisibles

Les élections en Équateur et au Guatemala ont mis en évidence une tendance régionale plus large : l’incertitude et la volatilité de la politique en Amérique latine.

Dans les deux pays, les sondages n’ont pas permis de saisir les évolutions cruciales. En Équateur, où Topić semblait pouvoir tirer parti des retombées de l’assassinat de Villavicencio, c’est Noboa qui a réussi à se qualifier pour le second tour.

Au Guatemala, Arévalo, un candidat professeur qui lit parfois ses discours et n’a pas le talent oratoire de ses rivaux, était considéré comme non menaçant par l’establishment - jusqu’à ce qu’il se qualifie pour le second tour.

Aujourd’hui, avec sa victoire écrasante, il a obtenu plus de voix que n’importe quel autre candidat depuis le rétablissement de la démocratie au Guatemala en 1985.

C’est un scénario que même de nombreux membres de son parti n’avaient pas vu venir.

 

 

En Équateur, “il y a eu des irrégularités avant, pendant et après les élections” : Jorge Sosa Meza, avocat

Fausto Giudice, 23/8/2023

Jorge Sosa Meza est un avocat constitutionnaliste équatorien spécialisé dans les litiges internationaux et les droits humains. Nous l’avons interrogé sur les élections du 20 août en Équateur.

Comment se sont déroulées les élections d’un point de vue juridique et constitutionnel ?

Les élections se sont déroulées sur la base de la “mort croisée” émise par le président de la République par le biais du décret 741 du 17 mai 2023 sur la base de l’article 148 de la Constitution de la République de l’Équateur, qui permet au président de la République de dissoudre le Parlement. Malgré le fait que le président était en procès politique, il a choisi d’appliquer cette mesure illégal au motif qu’il régnait un grave état d’agitation sociale et interne en Équateur. (Il convient de noter qu’à l’approche des élections, il y a eu plusieurs problèmes de violence et de menaces à l’encontre des candidats. L’un des candidats a été abattu par des tueurs à gages alors qu’il quittait un rassemblement politique).

Le 20 août 2023, les élections se sont déroulées pacifiquement en Équateur même, mais le vote télématique a échoué dans les trois circonscriptions de l’étranger : Europe, Asie et Océanie ; USA, Canada et Amérique latine, pour les raisons suivantes :

1. il n’y avait pas d’accès au système à 9 heures du matin.

2. le code de vérification n’arrivait pas aux téléphones et aux boîtes de courriel des migrants pour valider le vote dans le système

3. l’accès au système était trop long.

Ainsi, sur 409 000 électeurs inscrits et près de 70 000 votants enregistrés, seules 41 000 personnes ont voté, soit plus de 50 % des migrants n’ont pas pu voter.

Quels étaient les types d’observateurs ?

Les observateurs provenaient du Parlement andin, de l’OEA (Organisation des États Américains), des partis politiques légalement enregistrés avec de leurs candidats.

Quels types d’irrégularités avez-vous détecté ?

Les irrégularités peuvent être classées comme suit : avant, pendant et après les élections.

Avant les élections : manque d’information de la part du CNE (Conseil national électoral) sur le processus d’enregistrement du vote télématique ; manque d’attention de la part des consulats à l’égard des préoccupations des migrants.

Il n’y a pas eu de simulation ou d’audit du système ou de la plateforme de vote télématique ; aucun protocole d’accès n’a été établi pour les personnes handicapées.

Pendant les élections : problèmes d’accès ; les codes de vérification n’ont pas été envoyés ; le système s’est bloqué ; les certificats de vote n’ont pas été envoyés ; manque d’attention ou d’accompagnement des citoyens qui n’ont pas pu voter. Les consulats n’ont pas fonctionné, les centres d’appel n’ont pas fonctionné.

Après les élections : absence de protocoles de traçabilité du vote ; retards dans l’établissement de procès-verbaux de décompte ; absence de réponse aux plaintes et réclamations.


Expliquez-nous les actions légales que vous avez entreprises avant le scrutin et celles que vous envisagez d’entreprendre.

Face à l’adoption d’un règlement pour des élections anticipées, un recours subjectif de contentieux électoral a été déposé contre l’article 18 dudit règlement [qui impose comme unique possibilité de vote depuis l'étranger le vote télématique, sous peine d'amende, NdA] rejeté par le TCE (Tribunal du Contentieux Électoral) pour cause d’inopportunité.

De même, une plainte a été déposée devant le CPCCS (Conseil de participation citoyenne et de contrôle social)) par la candidate Mónica Palacios. Les conseillers de la CNE n’ont pas assisté aux audiences.

Actions à entreprendre

a.-plainte pour sanctionner les conseillers du TCE.

b.-réclamation directe auprès de la CNE pour l’organisation d’un nouveau vote.

c. - Actions constitutionnelles pour violation des droits constitutionnels.

d. - Contestation des résultats.

20/08/2023

MANUELA ANDREONI/CATRIN EINHORN
L’interdiction des forages pétroliers en Équateur fait l’objet d’un référendum ce 20 août

 Manuela Andreoni et Catrin Einhorn, The New York Times, 17/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les électeurs équatoriens décideront dimanche si le pays interdira les opérations pétrolières dans une partie de l’Amazonie qui est l’un des endroits les plus riches en biodiversité de la planète.

Des membres de la communauté Huaorani ont manifesté cette semaine à Quito, la capitale équatorienne, pour soutenir l’interdiction des forages dans une partie du parc national de Yasuní. Photo : Martin Bernetti/Agence France-Presse - Getty Images

L’Équateur doit-il continuer à forer dans l’un des coins les plus riches en biodiversité de l’Amazonie ou doit-il laisser le pétrole sous terre ? Dimanche, le peuple équatorien se prononcera lors d’un référendum contraignant qui a été inscrit sur les bulletins de vote après une décennie de lutte menée par de jeunes activistes.

Alors que le monde est confronté à la double crise écologique du changement climatique et de l’effondrement des écosystèmes, le vote déterminera ce que les citoyens d’un pays sont prêts à abandonner pour protéger la planète.

La partie de la jungle soumise au vote dimanche, qui fait partie du parc national de Yasuní, est l’un des endroits les plus riches de la planète sur le plan écologique et abrite des populations indigènes qui ne veulent aucun contact avec les étrangers. Ce vote intervient alors que la planète souffre d’une chaleur record et que les scientifiques avertissent que la forêt amazonienne se rapproche dangereusement d’un point de basculement qui pourrait la transformer en herbages.

Mais le pétrole est le principal produit d’exportation de l’Équateur et le gouvernement fait campagne pour que les forages se poursuivent. Selon les estimations officielles, le pays risque de perdre 1,2 milliard de dollars de recettes par an si le pétrole reste sous terre.

“C’est historique”, dit Pedro Bermeo, l’un des membres fondateurs de Yasunidos, le groupe à l’origine du référendum. « Nous sommes en train de démocratiser la politique environnementale ».

L’aggravation de la crise politique et sécuritaire ajoute à la tension en Équateur. L’élection de dimanche a été convoquée en mai après que le président Guillermo Lasso, confronté à une procédure de destitution, a invoqué son droit de dissoudre le Congrès. La semaine dernière, l’un des candidats à la présidence, Fernando Villavicencio, a été assassiné.

On ne sait pas exactement comment les turbulences politiques affecteront le référendum, mais une récente enquête de Comunicaliza, un institut de sondage basé à Quito, la capitale, a suggéré que 35 % des électeurs veulent arrêter le forage, soit 10 points de pourcentage de plus que ceux qui soutiennent l’exploitation du pétrole. Nombreux sont ceux qui se disent encore indécis.

Ce vote est l’aboutissement d’une proposition novatrice suggérée il y a près de vingt ans lorsque Rafael Correa, alors président de l’Équateur, a tenté de persuader les pays riches de payer son pays pour qu’il ne touche pas au même gisement de pétrole à Yasuní. Il avait alors demandé 3,6 milliards de dollars, soit la moitié de la valeur estimée des réserves de pétrole.


Sites pétroliers près de la rivière Tiputini dans la région de Yasuní en Équateur. Photo : Erin Schaff/The New York Times

Correa a passé six ans à faire campagne pour faire avancer la proposition, mais il n’a jamais réussi à persuader les pays riches de payer. De nombreux jeunes Équatoriens ont cependant été convaincus. Lorsque Correa a annoncé que la proposition avait échoué et que le forage allait commencer, beaucoup ont commencé à protester.

C’est à cette époque qu’Antonella Calle, âgée de 19 ans à l’époque, a décidé, avec d’autres jeunes et écologistes, de continuer à se battre au sein d’une nouvelle organisation appelée Yasunidos.

Correa s’est moqué de l’opposition au forage. « Rassemblez les signatures et organisons un référendum, et nous gagnerons à nouveau », avait-il déclaré.

Les Yasunidos ont recruté environ 1 400 volontaires pour arpenter les rues et frapper aux portes dans tout le pays. En l’espace de six mois, ils ont recueilli plus de 757 000 signatures, soit près de 200 000 de plus que le nombre requis pour déclencher un référendum.

Les sondages réalisés à cette époque indiquaient que plus de 90 % des Équatoriens auraient voté en faveur du maintien du pétrole sous terre. Mais l’administration Correa a créé un groupe de travail pour vérifier les signatures et a annulé plus de la moitié d’entre elles. Même les signatures de Calle et de Bermeo ont été jugées invalides.

« Ce fut un coup très dur », dit Mme Calle. « Ils nous traitaient de menteurs ».

Les Yasunidos ont donc entamé une lutte juridique de dix ans pour que le référendum soit soumis aux électeurs. Finalement, en mai, la Cour suprême a ordonné au gouvernement d’inclure la mesure dans les prochaines élections.

Le référendum s’appuie également sur le travail effectué par des groupes autochtones en Équateur. En 2019, par exemple, après une bataille judiciaire, la communauté indigène Huaorani a réussi à bloquer l’exploitation pétrolière sur ses terres.

« La Terre mère n’attend pas que nous la sauvions », dit Nemonte Nenquimo, l’un des responsables de cette initiative. « La Terre mère attend que nous la respections. Si nous ne la respectons pas, c’est elle qui engloutira l’humanité ».

Si Yasunidos l’emporte, la compagnie pétrolière nationale, Petroecuador, disposera d’environ un an et demi pour mettre fin à ses activités dans la région, connue sous le nom de champ pétrolifère Ishpingo-Tambococha-Tiputini. Selon Andrés Martínez Moscoso, professeur de droit à l’université San Francisco de Quito, ni le président, ni le Congrès, ni un nouveau référendum ne pourraient annuler les résultats de dimanche.

Mais à ce jour, Petroecuador a investi plus de 2 milliards de dollars pour extraire le pétrole de la parcelle. La société a déclaré qu’elle devrait dépenser un demi-milliard supplémentaire si elle était contrainte de démanteler des kilomètres d’oléoducs, de fermer des centaines de puits de pétrole et de démonter une douzaine de plateformes.

Les dirigeants de Petroecuador affirment que l’impact de l’entreprise sur la biodiversité est limité à 80 hectares, une petite fraction de la zone I.T.T., et qu’il est surveillé par des scientifiques.

« En termes de superficie, notre empreinte est très, très faible », dit Armando Ruiz, qui supervise les politiques environnementales de l’entreprise. Pour que le sacrifice de l’Équateur fasse la différence dans la lutte contre le changement climatique, il faudrait que « le monde entier, tous les gouvernements de cette planète, aient le même engagement ».

Petroecuador a enregistré une série de vidéos avec les chefs de certaines communautés indigènes de la zone I.T.T., qui ont déclaré qu’ils souhaitaient que les forages se poursuivent. Mais les principales organisations indigènes d’Équateur demandent aux électeurs de choisir de mettre fin aux forages. Même la nationalité Huaorani de l’Équateur, un groupe reconnu par le gouvernement qui s’est associé à des compagnies pétrolières dans le passé, demande maintenant aux Équatoriens de voter pour l’arrêt des forages dans ce cas.

Cinquante ans de forage pétrolier « ont simplement apporté la pauvreté, les problèmes, les maladies, les conflits et la mort », dit Juan Bay, le président du groupe. « Ce sont des outsiders qui en ont profité ».

“Êtes-vous d'accord pour que  le gouvernement équatorien maintienne le pétrole brut de l'ITT, connu sous le nom de Bloc 43, indéfiniment sous terre ?”

 

19/08/2023

L’émigration équatorienne, un défi à relever
Entretien avec Esther Cuesta (2)


Fausto Giudice, 18/8/2023

Bonjour Esther, j’ai plusieurs questions pour compléter l’interview que nous avons déjà publiée sur Tlaxcala et La Pluma.


Tout d’abord, pourriez-Vous nous donner un aperçu de la diaspora équatorienne dans le monde ? Qui sont-ils, combien sont-ils, où, que font-ils, comment sont-ils organisés, quels types de relations entretiennent-ils avec les sociétés locales ? Quelles sont les proportions entre les femmes et les hommes, entre les personnes en situation régulière et les sans-papiers ?

Historiquement, l’Équateur a connu plusieurs vagues migratoires : dans les années 60 et 70, puis dans les années 80, et enfin, autour de l’an 2000, avec le feriado bancario [“vacances” bancaires forcées] et la dollarisation de l’économie équatorienne, plus de deux millions et demi d’Équatorien·nes ont émigré. Bon nombre de ces Équatorien·nes se sont rendus aux USA.  

Les USA ont été la première destination migratoire des Équatorien·nes tout au long de l’histoire, mais c’est au cours de la période du feriado bancario que les choses ont changé, en l’an 2000, avec la dollarisation, et la perte d’ économies de nombreuses années des Équatoriens. À partir de ce moment-là, des milliers d’Équatorien·nes ont émigré en Espagne, en Italie et dans d’autres pays européens comme la France, l’Allemagne, la Belgique. Cela a changé la famille équatorienne et, donc, la société équatorienne.

Pourquoi ? Parce que les pionnières de cette migration vers l’Europe ont été des femmes, je fais partie de cette migration. Historiquement, c’étaient les hommes qui émigraient et c’est à ce moment-là que la migration équatorienne a changé, qu’on n’a plus émigré d’une seule région de l’Équateur, mais des 24 provinces du pays, et que la migration s’est féminisée. Les femmes sont les pionnières, avec ou sans enfants, et c’est là que les femmes équatoriennes exercent une maternité transnationale.

Selon les études de l’UNESCO, il s’agit d’une migration beaucoup plus grave, beaucoup plus forte que celle que l’Équateur a connue pendant le feriado bancario. Il s’agit d’une migration dans des conditions beaucoup plus précaires, beaucoup plus dangereuses. Le passage de la frontière entre le Mexique et les USA implique de traverser d’abord le désert du Darién, entre le Panama et la Colombie, et tout le corridor centraméricain où les Équatoriens et les migrants sont souvent victimes de la trafic illégal et de traite. Nous disposons également d’informations sur des Équatoriens qui ont disparu entre l’Équateur et la frontière  Mexique- USA.

Aujourd’hui, nous, les migrant·es, nous revenons également en Europe. J’ai parlé à beaucoup de mes compatriotes pendant la campagne électorale et il y a deux choses qui nous touchent de plein fouet : la première concerne l’inefficacité des services consulaires, le manque d’attention à l’égard de nos frères et sœurs migrant·es, par exemple, il faut 4 mois pour obtenir un passeport ; et l’autre problème est que nous ne trouvons plus seulement des Équatorien·nes qui nous disent qu’ils·elles ont émigré il y a 20-22 ans, mais nous trouvons des Équatorien·nes dans tous les pays européens qui nous disent qu’ils·elles ont émigré il y a 3 mois, qu’ils·elles ont émigré il y a un an, beaucoup d’entre eux·elles sont des professionnels et il y a un fait important concernant l’immigration aujourd’hui. Les gens n’émigrent pas seulement par manque d’opportunités, par manque d’accès aux droits, à la santé, à l’éducation. Un autre facteur pousse également les gens à émigrer de l’Équateur, et c’est la sécurité : les personnes qui ont eu une petite ou moyenne entreprise reçoivent aujourd’hui la visite de “vaccinateurs”. Qui sont les vaccinateurs ? Des criminels, des mafias qui se rendent dans les entreprises des gens pour leur dire : « Vous devez me donner une somme d’argent hebdomadaire ou mensuelle de tant pour que je ne vienne pas vous voler ou tuer votre famille et pour vous protéger d’autres gangs criminels ». Les gens sont donc soumis à une série de chantages de la part de ces criminels. Il est évident que la police nationale et le système judiciaire ne disposent pas du cadre institutionnel nécessaire pour défendre et protéger les droits des personnes. Et c’est une autre raison pour laquelle les Équatorien·nes émigrent du pays.

Aujourd’hui, la diaspora équatorienne comprend environ 3 millions de personnes. Une grande partie de ces personnes se trouvent aux USA, où l’on compte environ 1 500 000 Équatorien·nes rien que dans ce pays, le reste se trouvant au Canada, en Amérique latine et en Europe. Une importante communauté équatorienne vit en France.  Il existe également des situations dans lesquelles les Équatorien·nes ne sont pas régularisé·es dans leur pays de destination, et il y a pas mal de mouvements migratoires à l’intérieur de l’Union européenne, ce qui nous empêche de disposer de chiffres réels sur le nombre d’Équatorien·nes vivant dans chaque pays d’Europe. Il existe également un nombre croissant d'Équatorien·nes qui se naturalisent et obtiennent la citoyenneté dans les pays européens où ils·elles résident depuis plus de 20 ans, et qui ne sont pas enregistrés·e dans les statistiques des pays de destination migratoire en tant qu'Équatoriens parce qu'ils apparaissent déjà comme citoyens des différents pays de l'Union européenne.

Ce que nous pouvons dire, c’est qu’en Europe, en Asie et en Océanie, plus de 252 000 Équatorien·nes se sont inscrit·es pour voter ce 20 août pour la première fois par voie télématique. Il est donc important que les Équatorien·nes de l’étranger sachent que nous disposons d’un droit constitutionnel facultatif établi à l’article 62 de notre constitution, et le 20 août, ce n’est pas seulement un droit constitutionnel, mais aussi un devoir patriotique de participer au changement dont le pays a besoin ; de participer aux processus démocratiques que nous allons avoir en Équateur et de participer au changement afin d’avoir enfin un gouvernement de paix, un pays de paix, de sécurité et qui garantisse les droits des Équatorien·nes à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Les premiers pays d’émigration restent donc l’Espagne, les USA, l’Italie, le Chili, le Venezuela, la Colombie et le Canada. Existe-t-il des points communs et des différences entre les diasporas de ces pays ?

C’est vrai. Il y a des similitudes. Ce que je peux Vous dire, c’est que de nombreuses personnes qui sont allées aux USA dans les années 60 et 80 étaient originaires de certaines régions de l’Équateur, où elles ont été très appauvries en raison du manque d’attention du gouvernement, en particulier les régions d’Austro, d’Azuay et de Cañar, mais aussi des provinces comme Loja et des provinces des Andes centrales de l’Équateur : Cotopaxi, Chimborazo, Tungurahua. Ce que nous avons vécu à partir de l’an 2000 avec le feriado bancario provoqué par M. Lasso, lorsqu’il était ministre de l’Économie du président Mahuad et a provoqué un désastre économique, social et politique dans la société équatorienne qui a expulsé les Équatorien·nes et l’Équateur est devenu un exportateur d’êtres humains, ce qui a diversifié les migrations. C’est alors que les gens de toutes les provinces de l’Équateur ont commencé à émigrer ; il ne s’agissait plus seulement de personnes peu instruites comme dans les années précédentes, mais aussi de personnes ayant suivi des années de formation universitaire et professionnelle : des médecins, des enseignants, des économistes, des personnes de différentes professions, des personnes de la classe moyenne qui, après le feriado bancario, n’ont pas trouvé d’autre issue à la crise que l’émigration.

Et c’est quelque chose que nous voyons à nouveau dans cette migration, causée à nouveau par les banques, causée à nouveau par M. Lasso. Aujourd’hui, nous vivons non seulement une crise politique, sociale, économique et morale en Équateur, où il s’avère que la procureure générale de l’État a plagié sa thèse d’avocate et n’a même pas la décence de démissionner. Il s’agit également d’une crise morale. Dans un autre pays comme l’Allemagne, cette fonctionnaire aurait démissionné de ses fonctions pour ne pas affecter l'institution, mais ce n'est pas le cas en Équateur. Nous connaissons également une crise migratoire en raison du nombre élevé d’Équatorien·nes qui émigrent à nouveau. Et vu que la migration augmente, les services consulaires devraient s’améliorer, être efficaces et s’adapter aux besoins des Équatorien·nes à l’étranger, comme nous l’avons fait sous le gouvernement de la Révolution citoyenne.

Aujourd’hui, nous avons plus d’émigration et des services consulaires plus déficients, des services consulaires qui ne sont pas adaptés aux besoins des Équatorien·nes : ils ont réduit le personnel, ils ont réduit le budget, ils ont réduit les services consulaires tels que les conseils juridiques sur les hypothèques en Espagne, les conseils juridiques en Italie, les conseils juridiques sur l’immigration aux USA.

Aujourd’hui, nos compatriotes à l’étranger sont sans défense, parce qu’il n’y a pas de gouvernement, il n’y a pas d’État pour défendre et protéger leurs droits à l’étranger, comme nous l’avons fait pendant le gouvernement de la Révolution citoyenne. Mais nous le ferons à nouveau avec le gouvernement de notre camarade Luisa González, qui sera la première présidente élue de l’Équateur.

Comment la Révolution citoyenne est-elle présente dans la diaspora ?

La Révolution citoyenne dispose d’une structure politique dans tous les pays où il y a une immigration équatorienne. Dans des pays comme l’Espagne, où vivent évidemment un demi-million d’Équatoriens, nous disposons d’une structure beaucoup plus forte et d’un plus grand nombre d’activistes. Rien que dans les brigades que nous avons organisées pour l’inscription au vote par voie télématique, nous avons compté plus d’un millier de volontaires dans nos brigades. Aucun parti politique équatorien ne possède la structure organisationnelle et politique de la Revolución Ciudadana à l’étranger. C’est pourquoi l’Europe est historiquement un bastion de la Revolución Ciudadana depuis 2006, car nous y avons mis en œuvre des changements radicaux dans les services consulaires, avec des consuls au service des citoyens, avec des consulats aux heures d’ouverture flexibles. Les prix des procédures consulaires ont été réduits. Aujourd’hui, ils ont augmenté de 400 %. Les gens se souviennent de ce qu'était le gouvernement de la Révolution citoyenne et c'est pourquoi notre structure politique s'est développée, grâce à la reconnaissance par les migrants d'un gouvernement qui répondait à leurs besoins. C'est pourquoi, depuis l'Europe, nous, les migrant·es, voterons pour la liste 5, la liste de Rafael Correa, de la Révolution citoyenne. Nous, les migrant·es, nous voterons avec la mémoire et l'espoir.

 

15/08/2023

« Nous devons mettre de l’ordre dans la maison » : Esther Cuesta, candidate pour l’Europe, l’Asie et l’Océanie à l’Assemblée nationale équatorienne

María Piedad Ossaba et Fausto Giudice, 15/8/2023

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Esther Cuesta Santana (Guayaquil, 1975) est candidate à l’Assemblée nationale pour la circonscription Europe, Asie et Océanie lors des élections équatoriennes du 20 août 2023. Esther a été députée de 2017 à 2021 et de 2021 jusqu’à la dissolution du parlement en mai 2023, ainsi que consule générale de l’Équateur à Gênes (Italie). Ci-dessous un entretien que nous avons réalisé avec elle, focalisé sur son centre d’intérêt, l’émigration équatorienne dans le monde (environ 3 millions).

Parlez-nous de la loi sur la mobilité humaine et de la manière dont elle favorise la diaspora équatorienne. Quel est le travail actuellement réalisé par les consulats équatoriens à l’étranger ?

La loi sur la mobilité humaine est entrée en vigueur pendant la période de la Révolution citoyenne. Le 6 février 2017, la loi organique sur la mobilité humaine a été publiée au Journal officiel n° 938 dans le but de réglementer l’exercice des droits, des obligations, des institutions et des mécanismes liés aux personnes en mobilité humaine, qui comprennent les émigrants, les immigrants, les personnes en transit, les rapatriés équatoriens, les personnes ayant besoin d’une protection internationale, les victimes de la traite des êtres humains et du trafic illicite de migrants, ainsi que leurs familles. La loi développe les principes de la citoyenneté universelle, du droit de migrer et de l’intégration latino-américaine.

Bien que la loi contienne la reconnaissance des garanties et la protection des droits, au cours des six dernières années, les gouvernements de Moreno et Lasso ont détruit les politiques de protection des droits des personnes en situation de mobilité humaine. Ils ont triplé les coûts des services consulaires, fermé des consulats et des ambassades, supprimé des services tels que les conseils juridiques gratuits, réduit le budget et le personnel des consulats qui devraient s’occuper de nos compatriotes migrants. Aujourd’hui, obtenir un passeport en Équateur et à l’étranger est une odyssée et nous sommes revenus au temps des tramitadores [intermédiaires privés] qui demandent jusqu’à 400 dollars pour un passeport !

Le groupe parlementaire pour les droits des personnes en mobilité humaine de l’Assemblée nationale, que j’ai eu l’honneur de présider, a évalué la loi organique sur la mobilité humaine afin d’en vérifier l’application et d’identifier les limites et la portée de cet instrument juridique pour l’exercice réel des droits humains des Équatoriens à l’étranger, des rapatriés équatoriens, des immigrants et des réfugiés qui ont besoin d’une protection internationale, des victimes de la traite des êtres humains ou de l’immigration clandestine. En d’autres termes, il s’agit de savoir si le gouvernement et les institutions publiques ont appliqué la loi.

Dans cette évaluation, nous avons constaté que l’État négligeait de garantir les droits des personnes en situation de mobilité humaine.

Mais avec Luisa González [candidate à la présidence de Révolution Citoyenne], nous aurons à nouveau un ministère des Affaires étrangères au service des migrants, avec des consulats très efficaces au service de nos compatriotes. Des consulats aux horaires d’ouverture flexibles qui s’adaptent aux besoins des migrants, y compris le samedi. Nous aurons à nouveau des consulats mobiles pour nous rapprocher encore plus de notre communauté dans les différentes régions, pour rapprocher le gouvernement du citoyen.