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16/06/2025

AMOS HAREL
Trump tient Netanyahou à distance alors que le front intérieur israélien fait les frais de la guerre contre l’Iran

L’armée de l’air israélienne a endommagé des installations, tué des scientifiques et ralenti les capacités d’enrichissement d’uranium, mais chaque roquette iranienne qui atteint sa cible porte un coup dur, et ce nouveau front lointain pourrait nous faire oublier ceux qui sont retenus en otages juste à côté de chez nous.

Amos Harel, Haaretz, 16/6/2025

 Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Trois jours après le début de la nouvelle guerre entre Israël et l’Iran, les règles du jeu commencent à se préciser. Pour l’instant, il s’agit avant tout d’une épreuve d’endurance et d’une course aux dégâts. Après avoir porté un coup d’envoi sévère et assuré sa supériorité aérienne dans l’ouest de l’Iran, Israël veut se garantir suffisamment de temps pour frapper efficacement le plus grand nombre possible de cibles gouvernementales, militaires et nucléaires, par ordre de priorité croissant.


Emad Hajjaj, Jordanie

Dans le même temps, l’Iran tente d’infliger des dommages d’une ampleur similaire sur le front intérieur israélien. Cette fois-ci, il n’hésite pas à viser des infrastructures et des installations militaires situées au cœur de zones civiles densément peuplées.

Comme les frappes israéliennes sont menées par des avions qui volent juste au-dessus des cibles, elles sont plus précises et plus meurtrières (à ce propos, il est presque amusant de se rappeler qu’il y a moins de deux ans, les studios de télévision de droite israéliens étaient remplis de porte-parole du gouvernement expliquant que l’armée de l’air n’était pas indispensable, en raison de leur colère contre la participation des pilotes aux manifestations contre le coup d’État du gouvernement).

Mais les armes iraniennes sont également très précises, comme le montrent certaines frappes documentées, les ogives des missiles laissant derrière elles d’énormes dégâts. Les régions de Tel-Aviv et de Haïfa ont subi des dégâts sans précédent. Au moins 19 civils ont été tués, des centaines d’autres blessés et cinq personnes sont toujours portées disparues dimanche soir.

Lors d’un rassemblement organisé la semaine dernière en l’honneur des réservistes du Commandement du front intérieur, un officier supérieur a déclaré que ses unités avaient répondu aux exigences élevées qui leur avaient été imposées jusqu’à présent, mais a ajouté que la guerre qui a débuté le 7 octobre 2023 n’avait pas entraîné une seule scène de destruction massive en Israël. Depuis vendredi, on dénombre près de dix sites de ce type. Le tir direct de missile à Bat Yam, au sud de Tel-Aviv, a donné lieu à une opération complexe visant à retrouver des personnes ensevelies sous les décombres.

Les deux camps souffrent, mais de manière inégale pour l’instant. Comme il s’agit également d’une guerre de l’image, qui utilise intensivement les nouveaux et les anciens médias, des tentatives de dissimulation sont faites. L’Iran a un problème plus important et, par conséquent, est contraint d’inventer des histoires sur la destruction d’avions de combat israéliens.

En marge : un compte libanais plutôt favorable à Israël a publié dimanche en mon nom une fausse information selon laquelle Israël serait prêt à signer un accord de reddition, compte tenu de la gravité des attaques à la roquette. Cela n’a jamais eu lieu.

Qu’ont accompli les attaques israéliennes jusqu’à présent ? Le programme nucléaire est l’objectif principal et déclaré, mais les résultats semblent quelque peu limités. L’armée de l’air a endommagé des installations, détruit du savoir-faire (en tuant des scientifiques) et des capacités d’enrichissement d’uranium.

Il n’y a pour l’instant aucune information sur les dommages causés aux stocks d’uranium enrichi ou aux grandes concentrations de centrifugeuses. Il semble possible de retarder l’avancement du programme nucléaire, mais Israël aura du mal à le détruire. En ce qui concerne les missiles, Israël a remporté une grande victoire en frappant des lanceurs et en « éclaircissant » quelque peu l’arsenal de missiles.

Kamal Sharaf, Yémen

Dimanche après-midi, l’Iran a tiré une salve de missiles relativement peu importante visant des sites stratégiques. Il faudra encore attendre un jour ou deux pour voir si les Iraniens se montrent plus parcimonieux dans leurs tirs. Néanmoins, chaque missile qui échappe aux systèmes d’interception israéliens peut causer beaucoup de dégâts.

Il est possible que le résultat le plus important obtenu jusqu’à présent dans cette guerre soit l’effet combiné de l’assassinat de nombreux hauts dirigeants et commandants et de la supériorité aérienne acquise. Le régime dirigé par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, est répressif et impopulaire. Si Khamenei lève les yeux et imagine un F-35 israélien dans le ciel, cela affectera certainement sa confiance en lui.

Il est également possible que les actions d’Israël le rendent encore plus déterminé, par crainte que des concessions soient perçues comme une faiblesse et pourraient très bien accélérer la chute du régime. C’est pourquoi on craint une percée iranienne très médiatisée vers l’arme nucléaire, par exemple sous la forme d’un essai nucléaire public dans le désert.

Dans le même temps, ces derniers jours, Khamenei a également perdu un nombre important de personnes qui l’ont accompagné au cours des quatre dernières décennies, voire plus, depuis l’époque de la guerre Iran-Irak. On ne peut qu’espérer qu’il se demande s’il n’a pas trop mis en danger sa propre personne et le régime en minimisant les conséquences de l’attaque israélienne prévue, et s’il ne risque pas de finir comme Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah tué en septembre dernier, ou Bachar al-Assad, le dirigeant syrien dont le régime est tombé en novembre.

À la diféfrence d’Israël, l’Iran a déjà été soumis à des bombardements intensifs de ses villes, lors de la guerre contre l’Irak en 1988. Le prédécesseur de Khamenei, l’ayatollah Khomeini, avait été contraint d’accepter la fin de la guerre avec l’Irak en raison des dégâts causés par la guerre d’usure menée par l’Irak dans la phase finale du conflit, appelée « guerre des villes ». C’était une décision que Khomeini avait alors qualifiée de « boire le calice empoisonné ». Israël espère obtenir quelque chose de similaire avec Khamenei, mais il est encore trop tôt pour dire s’il s’agit d’un espoir vain.


Muzaffar Yulchiboev, Ouzbékistan

Qu’en est-il des otages ?

En réponse aux critiques dont il a fait l’objet dimanche, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a visité les lieux de la destruction. La plupart de ses ministres restent à l’écart (et dans la plupart des cas, c’est probablement mieux ainsi).

Netanyahou ne prend pas la peine de répondre aux questions qui ne sont pas rédigées par ses collaborateurs, il est donc difficile de savoir, d’après ses déclarations, si Israël a une stratégie pour mettre fin à la guerre. Et force est de constater une fois de plus que beaucoup dépendra du président usaméricain Donald Trump.

Dimanche, dans un autre tweet plutôt bizarre, Trump a appelé à un accord entre Israël et l’Iran, a promis de « rendre sa grandeur au Moyen-Orient » et, comme d’habitude, s’est plaint de ne pas être suffisamment reconnu. Il est difficile de deviner quelles sont ses intentions, mis à part son désir déclaré de mettre fin à la guerre.

Cependant, comme d’habitude, il semble peu probable que cela s’accompagne de capacités de médiation concrètes. Jusqu’à présent, mis à part le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas et l’accord sur les otages conclu en janvier, ses collaborateurs ont échoué dans tous leurs efforts sur tous les fronts.

À l’heure actuelle, il semble (mais cela pourrait bien être faux) que Trump tente de maintenir son administration à distance des attaques israéliennes. Netanyahou, quant à lui, souhaite clairement impliquer les USAméricains, en partie parce qu’il a besoin d’eux pour attaquer des sites qu’Israël ne peut pas atteindre seul.

Dimanche, une vieille idée a refait surface : celle que les USA devraient louer à Israël certains de leurs armements spéciaux nécessaires à cette fin. Mais cette idée ne semble pas réalisable à court terme, compte tenu du savoir-faire nécessaire pour utiliser et entretenir cet équipement, qui est également important pour les USA eux-mêmes. Trump est capable de beaucoup de choses extrêmes, mais il est douteux qu’il puisse approuver une telle mesure.

Israël se prépare toujours à des scénarios qui pourraient être encore pires que les attaques iraniennes sur son territoire. Cette semaine, l’armée israélienne a considérablement réduit ses forces dans la bande de Gaza et a envoyé la plupart des troupes retirées à la frontière orientale, afin d’empêcher l’envoi de milices chiites depuis la Jordanie pour mener une attaque similaire à celle du 7 octobre.

L’opération militaire à Gaza fait du surplace et est désormais reléguée au second plan par le nouveau front avec l’Iran. Mais le risque est grand que la question des otages soit négligée, d’autant plus que le gouvernement n’a, de toute façon, montré que peu d’intérêt pour leur sort.

Dans le même temps, sans que l’opinion publique n’y prête guère attention, le mandat du directeur du Shin Bet, Ronen Bar, a pris fin dimanche. Bar avait été limogé par Netanyahou, s’était opposé à cette décision, avait battu le Premier ministre devant la Cour suprême dans un litige sur cette question, puis avait décidé de démissionner. Compte tenu de la grave crise que traversait sa relation avec Netanyahou, cette décision était en partie justifiée.

Il laisse néanmoins le service entre de bonnes mains. Son adjoint, S., assurera l’intérim à la tête de l’agence, et son ancien adjoint, M., reprendra ce poste jusqu’à la nomination d’un directeur permanent. L’annonce par Netanyahou de la nomination du général David Zini à ce poste est actuellement suspendue.

Sous la direction de Bar, le Shin Bet a échoué lamentablement le 7 octobre 2023, ce qui a contraint Bar à démissionner. Mais le traitement odieux que lui a réservé Netanyahou, notamment une campagne diffamatoire dans les médias de droite, reflétait une volonté de rejeter toute la responsabilité de cet échec sur les militaires et les professionnels du renseignement, tout en ignorant les succès remportés par les services sous la direction de Bar avant et après le massacre.

Mais tout comme la haine de la droite envers les pilotes de l’armée de l’air s’est éteinte à la lumière de leurs récentes réalisations, on peut au moins espérer qu’à l’avenir, le caractère et les actions de Bar mériteront également une évaluation plus juste et plus substantielle.

Suicide politique, par Vasco Gargalo, Portugal


15/06/2025

GIDEON LEVY
Les trompettes de la victoire retentissent, mais leur mélodie envoûtante ne fera que duper les Israéliens

Gideon LevyHaaretz, 15/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Les Israéliens aiment les guerres, surtout quand elles commencent. Il n’y a jamais eu une guerre que l’ensemble du pays n’a pas soutenue à ses débuts ; il n’y a jamais eu de guerre – à l’exception de celle du Yom Kippour en 1973 – sans que le pays entier ne s’émerveille au départ des incroyables capacités militaires et de renseignement d’Israël. Et il n’y a jamais eu de guerre qui ne se soit pas terminée dans les larmes.


Des secouristes travaillent à côté d'un bâtiment endommagé après avoir été touché par un missile balistique iranien dans le centre d'Israël samedi soir. Photo JACK GUEZ/AFP

Menahem Begin a lancé la première guerre du Liban dans un état d’euphorie. Il l’a quittée en dépression clinique. Begin comme parabole. Il y a de fortes chances que cela se reproduise à la fin de la guerre contre l’Iran. Nous vivons déjà un début euphorique – les albums photos de guerre sont déjà prêts à l’impression – mais cela pourrait très bien se terminer en dépression.

Les ailes sur les uniformes de nos pilotes de l’armée de l’air, couvertes du sang de milliers d’enfants et de dizaines de milliers de civils innocents, ont été purifiées en un instant après quelques sorties vers l’Iran. Quels héros ! Un tel élan national d’adulation pour notre armée de l’air ne s’était plus entendu depuis la « miraculeuse » guerre des Six Jours de 1967.

Regardez comme ils ont envoyé le missile à travers le balcon et la fenêtre. Même Benjamin Netanyahou a été blanchi du jour au lendemain, redevenant Winston Churchill – du moins pour certains. Les chaînes de télévision et les réseaux sociaux débordent d’autosatisfaction.


Les forces de sécurité israéliennes inspectent des bâtiments détruits qui ont été touchés par un missile tiré depuis l'Iran, près de Tel Aviv, en Israël, dimanche. Photo Ohad Zwigenberg/AP

« Quand nous le voulons, nous savons planter le couteau et le tourner », se vantait Liat Ron sur le site de Walla News.

« Ce 13 juin, de portée historique, est une autre occasion à ne pas manquer. Chapeau bas à Tsahal et longue vie à l’État d’Israël ! », écrivait la journaliste considérée comme la plus influente du pays.

Les premiers jours de guerre sont toujours les plus agréables, les plus enivrants, les plus flatteurs. Souvenez-vous de notre destruction de trois forces aériennes en 1967, ou des 270 policiers de la circulation tués le premier jour de l’opération Plomb Durci en 2009 à Gaza. C’est toujours le même orgueil, la même mise en avant des exploits de l’armée et du Mossad.

Le système de défense aérienne israélien Dôme de fer tire pour intercepter des missiles au-dessus de Tel Aviv, en Israël, tôt dimanche matin. Photo Ohad Zwigenberg/AP

Dès vendredi, certains, après seulement 100 sorties, parlaient déjà de remplacer le régime iranien. Cette fierté démesurée s’accompagne toujours d’un sentiment de légitimité morale. Il n’y avait pas d’autre choix en 1967 ni en 1982 – aucune guerre n’était plus juste que celles-là. Et vendredi, encore une fois, « il n’y avait pas d’autre choix ». Le début ressemble à un film hollywoodien ; la fin pourrait bien sortir d’une tragédie grecque.

Vendredi soir, le sentiment agréable s’était déjà dissipé : trois séries de sirènes ont envoyé des millions de personnes dans leurs abris, avec leur lot de destructions et de morts. Les neuf scientifiques nucléaires iraniens tués ne compensent pas cela ; même la mort du commandant des Gardiens de la révolution (déjà remplacé) n’est d’aucune consolation.

Israël s’est précipité dans une guerre choisie qui aurait pu être évitée, s’il n’avait pas convaincu les USA d’arrêter les négociations sur l’accord nucléaire – que Donald Trump aurait été heureux de signer. Israël l’a fait en affirmant qu’il n’avait « pas le choix », une rengaine bien connue.

Le pays contemple les « réussites » du premier jour avec des œillères, sans penser aux jours suivants. Après plusieurs mois à courir dans les abris trois fois par nuit, avec une économie en ruines et un moral en berne, on commencera à se demander si ça valait vraiment la peine, et s’il n’y avait réellement aucune autre option. Mais ces questions, aujourd’hui, ne sont même pas jugées légitimes.

Quelle est la capacité de résilience de l’Iran, comparée à celle d’Israël ? Tel-Aviv peut-elle résister longtemps sous la menace constante de missiles, sans devenir un nouveau Kiev ? Et Téhéran ?

Cette question devait être posée avant de décoller pour bombarder Natanz, pas après le retour triomphal des pilotes. Ce n’est pas pour gâcher la fête, mais pour adopter un regard lucide sur la réalité – et surtout, pour tirer les leçons du passé, chose qu’Israël refuse obstinément de faire.

Y a-t-il une guerre dont Israël est réellement sorti renforcé sur le long terme ? Y en a-t-il une seule qu’il n’aurait pas pu éviter ? La guerre contre l’Iran pourrait devenir une guerre comme nous n’en avons encore jamais connue.

La seule et mince chance de la voir se terminer rapidement dépend en grande partie de l’humeur d’un président fantasque à Washington. C’est sans aucun doute la guerre la plus dangereuse qu’Israël ait jamais connue. Et c’est peut-être celle que nous regretterons plus que toutes les autres.