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09/09/2025

CAROLINE DUPUY
« Tout le monde a perdu » : comment un programme de migration sioniste a privé le Maroc de sa florissante communauté juive

Caroline DupuyMiddle East Eye, 3/8/2025
Traduit par SOLIDMAR

Dans les années 1960, plus de la moitié des Juifs marocains ont quitté le pays avec la promesse d’un avenir meilleur en Israël. Middle East Eye a parlé à ceux qui ont choisi de rester dans le royaume d’Afrique du Nord.


18 mai 2022 : un membre de la communauté juive prie lors de la Hiloula des Tsadikim, le pèlerinage sur les tombes des saints et des rabbins célèbres, au cimetière juif de Meknès, Maroc, érigé en 1682 et restauré récemment dans le cadre d'un programme de réhabilitation de plus de 160 cimetières juifs du Maroc  voulu par le roi Mohammed VI en 2010. Photo Fadel Senna/AFP

Ce n’est pas un secret : de nombreux Juifs ont quitté le Maroc pour Israël dans les années 1960, dans le cadre d’un programme sioniste officiellement connu sous le nom d’Opération Yakhin.

Conçue par le Mossad et menée par l’Agence juive, cette opération clandestine visait à accroître la population juive de l’État récemment proclamé en y transférant des Juifs depuis le Maroc. D’autres opérations similaires ont eu lieu aux quatre coins du monde à la même époque.

Entre 1961 et 1964, près de 97 000 Juifs, soit 54,6 % de la communauté du royaume, auraient quitté le Maroc. Avant l’opération, environ 225 000 Juifs vivaient dans ce pays d’Afrique du Nord.

Aujourd’hui, quelque 160 000 Juifs d’origine marocaine vivraient en Israël, formant le deuxième plus grand groupe d’immigrés après les Juifs issus des ex-républiques soviétiques.

L’aspect le plus méconnu de cette période est incarné par la communauté juive marocaine qui est restée — ou qui est revenue d’Israël après y avoir migré et vécu quelques années. Ils constituent les quelque 2 000 Juifs qui vivent encore aujourd’hui dans le pays — la plus grande communauté juive subsistante en Afrique du Nord.

L’écrivain juif marocain Jacob Cohen décrit cette communauté jadis florissante comme « une espèce rare ».

Né en 1944 à Meknès, Cohen fait partie du petit groupe qui est resté au Maroc pendant l’exode massif. Il a vu sa communauté disparaître sous ses yeux.

« J’étais convaincu que nous devions partir, que les Juifs marocains n’avaient pas d’avenir au Maroc. C’est le grand succès des organisations sionistes présentes au Maroc », a-t-il confié à Middle East Eye.

Une chose était claire, dit-il : « Il n’y avait pas d’antisémitisme manifeste ; les quelques Juifs qui vivaient au Maroc n’avaient pas de problèmes. Mais il y avait ce sentiment généralisé que l’avenir n’était plus là, sinon pour eux-mêmes, du moins pour leurs enfants. »

« Ce fut une tragédie »

Selon diverses sources universitaires, l’Opération Yakhin s’appuyait sur un accord entre le Premier ministre israélien David Ben Gourion et le défunt roi du Maroc Hassan II.

Pour compenser le Maroc de la perte de membres de sa communauté, Israël aurait accepté de verser 500 000 dollars, plus 100 dollars par émigrant pour les 50 000 premiers Juifs marocains partis, et 250 dollars pour chaque émigrant supplémentaire. La société new-yorkaise Hebrew Immigrant Aid Society aurait contribué à hauteur de 50 millions de dollars à Yakhin.

Fanny Mergui, 80 ans, de Casablanca, faisait partie des milliers de personnes parties en 1961. Elle se souvient de la façon dont les mouvements de jeunesse israéliens sont venus au Maroc pour convaincre les Juifs de partir et, pour ceux comme elle qui avaient le « bon profil », de rejoindre le mouvement.

« [Ils disaient que] le Maroc était indépendant [de la colonisation française depuis 1956], et que nous avions notre propre pays [Israël], que nous n’avions plus aucune raison de rester au Maroc », dit-elle à MEE.

Elle a commencé à fréquenter les clubs de jeunesse créés par l’Agence juive, branche opérationnelle de l’Organisation sioniste mondiale chargée de promouvoir l’immigration juive vers Israël, dès l’âge de 10 ans. Ces clubs diffusaient la propagande sioniste auprès des jeunes.

« Je vivais au rythme de la culture israélienne — la patrie, les chants des pionniers, le socialisme, la liberté, l’émancipation, la fraternité », dit-elle.

La propagande fonctionnait, et depuis sa maison dans le quartier historique, Mergui était aux premières loges pour voir l’opération se dérouler.

« Ils envoyaient des bus entiers de villages vers Casablanca, et j’ai passé mon enfance à regarder ces gens partir. Il suffisait de traverser la rue et on se retrouvait là où les bateaux accostaient, juste sous nos yeux. »

Mergui décrit l’état d’esprit des départs comme une « sorte de psychose du départ ».

« J’ai vu toutes ces personnes quitter la médina — grands-mères, grands-pères, jeunes et vieux, avec leurs marmites à couscous, paniers, épices, tous en larmes. C’était une tragédie. Les gens ne partaient pas le cœur joyeux », se souvient-elle.

Les Juifs étaient parfaitement intégrés à la société marocaine majoritairement musulmane, à laquelle ils appartenaient depuis plus de 2 000 ans.

« Les Marocains musulmans ne nous attaquaient pas, ils ne nous disaient pas de partir, bien au contraire », confie-t-elle.

Mais à l’époque, dit Mergui, le mouvement sioniste et le projet migratoire promettaient la « modernité » et l’accès à un nouveau monde.

« Quand je suis partie, dans mon esprit, et pour beaucoup de Juifs marocains, Israël avait toujours existé. Nous ne pensions pas aller dans un pays qui venait juste de naître. Pour nous, c’était la Terre sainte. C’était notre pays. C’était la terre de la Bible », dit-elle.

« Nous rentrions chez nous, tout simplement. Nous ne comprenions pas ce qui se passait réellement. Il m’a fallu toute une vie pour comprendre ce qui était arrivé à ma communauté », ajoute-t-elle.

Retour au Maroc

Une source anonyme bien informée a confié à MEE qu’en plus du voyage gratuit vers Israël, les migrants se voyaient offrir un logement permanent.

Cependant, une fois en Israël, les Juifs marocains, comme d’autres immigrés venus des pays arabes, ont découvert une réalité bien différente de ce que le mouvement sioniste leur avait décrit.

En Israël, les Marocains furent les premiers à former ce qu’on appelait les « quartiers arabes », explique Mergui, qu’elle décrit comme « des zones complètement désolées ».

« Si vous vouliez un toit, il fallait le construire vous-même », ajoute-t-elle, précisant que les Juifs arabes étaient les plus pauvres parmi les communautés arrivantes.


Les bâtiments restants du quartier Moghrabi (maghrébin/marocain) dans la vieille ville de Jérusalem, le 12 juin 1967, après leur démolition par Israël afin d'agrandir l'espace devant le Mur occidental. Photo Ilan Bruner/Bureau de presse du gouvernement israélien/AFP

Le racisme entre communautés et les inégalités étaient aussi un problème.

« C’était une idéologie coloniale. Les Juifs européens, qui furent les premiers à s’installer en Palestine depuis la Russie dans les années 1880, se considéraient comme supérieurs à nous et nous ne pouvions jamais être que des citoyens de seconde zone. »

Il n’a pas fallu longtemps aux nouveaux immigrés pour contester cette situation.

« Les Juifs marocains sont descendus dans la rue avec des portraits du roi Mohammed V, en disant : “Nous voulons rentrer chez nous”, mais ce n’était pas possible ; c’était un voyage sans retour », explique Mergui. Bien que Mohammed V soit décédé en 1961, les manifestants brandissaient son image car le défunt roi était connu pour avoir protégé les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il avait refusé de livrer les Juifs marocains au régime nazi.

Le retour au Maroc n’était pas une option facilement accessible pour la plupart des Juifs marocains. L’opération étant clandestine, ils n’avaient pas de documents de voyage légitimes et leur situation de passeport dépendait des accords conclus avec le Maroc, explique-t-elle.

Après la guerre israélo-arabe de 1967, Mergui elle-même souhaita revenir au Maroc et en eut l’occasion en devenant responsable du club de jeunesse sioniste qui recrutait des membres pour le mouvement.

« J’étais folle de joie, non pas parce que j’allais travailler pour le mouvement sioniste, mais parce qu’ils me donnaient la possibilité de remettre en question ce départ précipité du Maroc. »

Israël n’était pas son foyer. « J’étais immergée dans une culture étrangère, que j’appréciais bien sûr — j’ai beaucoup appris, je ne le nie pas. Je me suis politisée. J’ai rencontré des jeunes venus du monde entier », dit-elle.

Alors qu’elle considérait autrefois le sionisme « comme tout autre mouvement colonial ayant besoin de s’implanter », tout a changé pour elle après 1967 et l’occupation par Israël des territoires palestiniens.

« J’ai commencé à réaliser que c’était ça le véritable problème et à comprendre ce qui se passait réellement. J’ai complètement renoncé à vivre en Israël. »

Avant de retourner au Maroc, Mergui étudia à l’Université de Vincennes, à Paris, où elle se familiarisa avec l’histoire de la Palestine.

« Cela a façonné mon parcours académique et politique, et ma conscience s’est éveillée. »

Durant son séjour en France, Mergui s’engagea en politique, militant à la fois pour les Black Panthers israéliens, un groupe réclamant la justice sociale pour les Juifs séfarades et mizrahim en Israël, et pour la cause palestinienne.

« Au bord de l’extinction »

L’opinion publique marocaine soutient ouvertement la cause palestinienne et s’oppose à l’accord de normalisation signé avec Israël en 2020 — et les Juifs du royaume semblent partager une perspective similaire.

La plupart des Juifs marocains gardent un profil politique discret ; cependant, de nombreux membres de la communauté condamnent les actions israéliennes. Rabat est la ville natale de figures propalestiniennes renommées d’origine juive marocaine, comme Sion Assidon, membre fondateur du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) au Maroc.

Cependant, la politique moyen-orientale n’est pas la seule raison pour laquelle les Juifs du pays ont décidé de rester — ou de revenir.

Haim Crespin, né dans la ville septentrionale de Ksar el-Kébir en 1957, décrit sa décision de rester dans le royaume comme « non motivée politiquement ».

Il était enfant lors de l’exode massif.

« Mon père était commerçant, et nous avions une bonne vie ici. J’ai aussi ouvert mon restaurant il y a 25 ans. La raison pour laquelle chaque Juif reste au Maroc n’est pas toujours liée à des aspects politiques », a-t-il dit à MEE.

Le restaurateur, qui vit aujourd’hui à Rabat, défend le choix de sa famille de rester malgré certaines difficultés qu’il ne considère pas comme propres au Maroc.

Alors que certains Juifs interrogés par MEE disent percevoir une hausse de l’antisémitisme dans le royaume, il n’existe pas de données fiables sur la question. En tout cas, ce n’est pas suffisant pour pousser les gens à partir, estime Crespin. « Les gens bougent à cause de la peur, mais cela arrive partout dans le monde, alors pourquoi partir ? »

Cohen, en revanche, se montre pessimiste quant au destin de la communauté juive du Maroc, que l’écrivain dit être « au bord de l’extinction ».

Lui-même a décidé de partir pour la France après avoir rencontré, dit-il, « certains problèmes personnels » lorsqu’il travaillait comme maître-assistant à Casablanca, ce qui l’a amené à penser que « les Juifs marocains avaient généralement raison de ne pas considérer la société marocaine comme suffisamment tolérante et égalitaire pour offrir aux Juifs les postes qu’ils méritaient ».

Cependant, il reconnaît que le royaume a fait des efforts pour préserver l’identité juive historique du pays.

En 1997, la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain a créé à Casablanca le premier musée juif du monde arabe, encore actif aujourd’hui. La fondation a également préservé plus de 167 cimetières et sanctuaires juifs à travers le royaume.

En 2011, la nouvelle constitution marocaine a reconnu l’identité hébraïque comme partie intégrante de l’identité marocaine, et en 2020, le roi Mohammed VI a approuvé l’introduction de l’enseignement de l’histoire et de la culture juives dans les écoles primaires. Un conseiller juif marocain influent du roi, André Azoulay, a joué un rôle clé pour souligner l’importance de cette reconnaissance officielle.

« Tout est fait pour la protéger, la soutenir et la préserver. Mais sa fin semble inévitable, et même si elle survit, ce sera sous une forme réduite à sa plus simple expression », estime Cohen.

« Rien ne peut s’opposer à ce verdict de l’histoire », ajoute-t-il, soulignant les pertes majeures entraînées par l’Opération Yakhin.

« Du côté marocain, tout le monde a perdu. Le pays a perdu une communauté potentielle d’un à deux millions de personnes qui auraient pu contribuer à son développement, sa diversité et son harmonie.

Du côté juif, ce fut l’éradication irréversible d’une civilisation qui avait mis 15 siècles à se former et à s’épanouir. »

En décrivant la période migratoire, Mergui aime utiliser la métaphore des gens fuyant un bâtiment en flammes.

« La communauté juive marocaine était complètement perdue. Elle ne savait pas ce qu’il allait advenir d’elle, c’était comme être dans une maison en feu, et les gens s’enfuyaient », dit-elle.

« Alors, que faire ? Eh bien, on court, comme tout le monde. »

29/05/2023

ANTONIO MAZZEO
Le Maroc et Israël partent en guerre bras dessus bras dessous : nouvelles collaborations dans le domaine de l'industrie de guerre
Les populations sahraouies et palestiniennes sont sous la pression de l'alliance

Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 23/5/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

La coopération militaro-industrielle entre Rabat et Jérusalem se renforce. Le site internet des FAR (Forces Armées Royales) a publié une vidéo dans laquelle on voit le système de missiles sophistiqué PULS (Precise & Universal Launching Systems) produit par la société israélienne Elbit System fonctionner lors d'un exercice de tir d'une unité d'artillerie marocaine.


Les forces armées marocaines auraient acheté les lanceurs PULS en même temps que le système modulaire intégré C4I (commandement, contrôle, communication, informatique et renseignement) “Combat NG”, également fabriqué par Elbit Systems.

 

“Le système PULS répond aux besoins des forces d'artillerie dans les différents scénarios des champs de bataille modernes et assure la disponibilité continue d'un appui-feu massif et efficace”, expliquent les responsables de l’entreprise militaire israélienne.

 

Chaque batterie peut lancer 36 missiles Accular de 122 mm d'une portée de 35 km, 20 missiles Accular de 160 mm (jusqu'à une portée de 40 km), 8 missiles  Extra (jusqu'à 150 km), ou 4 missiles balistiques tactiques Predator Hawk" capables d'atteindre des cibles jusqu'à 300 km de distance. Le Royaume du Maroc aurait choisi des camions Tatra de fabrication tchèque pour transporter les lanceurs. « Le système d'artillerie PULS confère aux forces armées marocaines une supériorité tactique absolue en Afrique du Nord », commentent les analystes militaires.

 

L'achat de ce puissant système d'armes a été effectué dans le cadre de l'accord de coopération signé en novembre 2021 par le ministre israélien de la Défense de l'époque, Benny Gantz, et son homologue marocain Abdellatif Loudiyi. « Le mémorandum assure un cadre juridique solide qui formalise les relations dans le secteur militaire entre les deux pays et établit les bases qui soutiendront toute coopération future », avait déclaré à cet égard un porte-parole du ministère israélien de la Défense. « Les nouveaux liens bilatéraux renforceront la coopération dans les domaines du renseignement, de la collaboration industrielle, de la formation militaire, etc. »

 

L'accord entre les ministres de la défense a été suivi en mars 2022 par un protocole de coopération entre le ministère marocain de l'industrie et du commerce et la plus grande des entreprises militaro-industrielles israéliennes, IAI - Israel Aerospace Industries - pour lancer la production de pièces internes de cabines, de moteurs et d'aérostructures. Le protocole prévoit également la création au Maroc d'un centre de recherche et de développement en ingénierie pour la fourniture de composants aéronautiques à l'industrie nationale marocaine, grâce à l'assistance et aux conseils techniques d'IAI.

 

« Depuis la signature de l'accord de normalisation négocié par l'administration Trump en 2020, les deux pays ont signé plus de 30 accords et mémorandums couvrant les domaines de la défense, du commerce et de l'agriculture », note le commandant de l'armée italienne Antonino Lombardi sur le site Difesaonline. « Les interactions profondes résultant de l'accord de coopération militaire produisent des bénéfices mutuels : le Maroc a un accès direct aux technologies de défense du Moyen-Orient et Israël se réjouit d'être de plus en plus accepté et présent en Afrique du Nord ».

 

En d'autres termes, le Maroc a obtenu une aide précieuse dans la lutte contre le Front Polisario et Israël a retiré un allié important à la population palestinienne qui a toujours lutté contre l'expansionnisme de l'État juif.

 

Toujours selon Lombardi, l'armée marocaine est désireuse de renforcer ses capacités, notamment dans le domaine des avions téléguidés. « Le Maroc considère de plus en plus la coopération militaire avec Israël comme un moyen de dissuasion potentiel face à l'agression [sic] du Front Polisario et, dans une moindre mesure, de l'Algérie », ajoute l'officier. « Toutefois, cette position et sa récente course à l'achat d'armes aggravent les tensions diplomatiques avec Alger.

 

Le Front Polisario lutte depuis 50 ans pour l'indépendance de l'ancien Sahara espagnol, occupé par le Maroc, où vit la population sahraouie.

 

Les deux premières années de coopération militaire ont été marquées par l'achat par le Maroc d'un certain nombre de systèmes de défense de zone Barak MX ADS produits par les Industries aérospatiales israéliennes, pour une valeur de 500 millions de $. Le Barak MX ADS est un système de missiles « capable de se défendre contre des menaces aériennes multiples et simultanées, telles que des missiles de croisière, des drones, des hélicoptères, provenant de différentes sources et distances ». Il existe différents modèles de ce système : le Barak MRAD, qui a une portée opérationnelle de 35 km ; le Barak LRAD de 70 km et le Barak ER de 150 km.

 

 

 Le Maroc a également acheté à Israel Aerospace Industries un lot de drones kamikazes (avions sans pilote armés de bombes et d'explosifs qui explosent lors de l'impact avec la cible) de type Harop. Il s’agit d’un un petit avion sans pilote (2,5 mètres de long), qui transporter une charge de 20 kg d'explosifs et voler pendant sept heures consécutives jusqu'à 1 000 kilomètres. La commande des drones kamikazes a coûté environ 22 millions de dollars ; les autorités de Rabat se seraient également engagées à construire deux usines de production de drones Harop.

 

Fin octobre 2022, le journal en ligne marocain Le Desk a rapporté l'achat par l'armée de 150 drones tactiques WanderB et ThunderB à la société BlueBird Aero Systems, détenue à 50% par le gouvernement israélien. Les drones ont été testés lors de l'exercice marocco-usaméricain Maroc Mantlet 2022, qui simulait des interventions militaires en cas de catastrophe naturelle.

 

Selon Le Desk, la commande remonte à l'année précédente et plusieurs des appareils « sont déjà opérationnels dans le cadre d'un contrat de 50 millions de dollars pour une production partielle au Maroc ». Le ThunderB  et le WanderB sont utilisés pour des opérations de renseignement, de surveillance, de ciblage et de reconnaissance (ISTAR), la “sécurité” des frontières, l'ordre public, la protection des convois et des forces, et l'observation de l'artillerie. Le WanderB a une durée de vol de 2,5 heures et une portée de 50 km ; le ThunderB peut voler sans interruption pendant 12 heures jusqu'à 150 km.

 

Dans les mêmes semaines, un accord israélo-marocain dans le domaine de la “défense aérienne” [pour se prémunir des redoutables aviations sahraouie et palestinienne, NdT] a également été annoncé : le site spécialisé Israel Defence, rapportant des sources officielles du renseignement national, a révélé le transfert aux forces armées de Rabat d'un système top secret de guerre électronique et de collecte de signaux radar, produit par Elbit Systems.

 

Israel Defence a ajouté qu'en novembre 2021, le Royaume du Maroc avait également acheté des systèmes anti-drones à la société Skylock Systems Ltd de Kefar Sava (district central d'Israël).

 

Parallèlement, la coopération entre les deux pays dans le secteur de la formation s'est développée. En juillet 2022, trois officiers des forces armées israéliénnes ont participé en tant qu'“observateurs" au méga-exercice militaire African Lion, mené au Maroc sous le commandement de l’U.S. Africa Command et des forces armées marocaines. « La participation d'Israël à l'exercice représente une étape supplémentaire dans le renforcement des relations de défense entre les deux pays », écrivait alors Israel Defence. « Il s'agit également d'une continuation de la participation des unités antiterroristes des forces armées marocaines à l'exercice multinational qui s'est tenu en Israël l'année dernière ».

 

 

Toujours en juillet 2022, le général Aviv Kohavi s'est rendu au Maroc pour rencontrer l'inspecteur général des forces armées royales, Belkhir El Farouk. La visite du général Kohavi était la première visite officielle d'un chef d'armée israélien et a été suivie en septembre par le voyage du général Belkhir El Farouk en Israël à l'occasion de l’Operational Innovation, un événement organisé par les Forces de défense israéliennes.

 

Les deux rencontres - note l'agence Nanopress - ont eu lieu « dans un contexte où le Maroc est en conflit armé de basse intensité avec le Front Polisario, une organisation dont le principal allié et protecteur est l'Algérie ». "La tension entre les deux pays du Maghreb a atteint son point le plus sensible en novembre 2021, lorsque la présidence algérienne a publié un communiqué annonçant que trois civils algériens avaient été lâchement assassinés par un bombardement barbare alors qu'ils se rendaient en camion de la capitale mauritanienne, Nouakchott, à la ville algérienne de Ouargla. Les autorités d'Alger avaient pointé du doigt des armes sophistiquées achetées par le Maroc à Israël.

 

 

Les chefs de cyberguerre fraternellement réunis : Gabi Portnoy (Israël), Robert Silvers (USA), Mohamed Al Kuwaiti (ÉAU), Salman Ben Mohammed Ben Abdullah Al Khalifa (Bahreïn), Général El Mostafa Rabii (Maroc). Photo Gilad Kavalerchik. Vidéo du spectacle mis en scène :

 

Le 31 janvier 2023, le Cybertech Global 2023 s'est tenu à Tel-Aviv, une réunion sur les nouvelles technologies de cyberguerre parrainée par le gouvernement israélien et à laquelle ont participé des responsables de la cyberguerre d'Israël, du Maroc, des Émirats arabes unis, de Bahreïn et des USA. « Nous formons désormais une équipe et ce partenariat est une grande réussite », a déclaré le directeur du Centre de veille de détection et de réponses aux cyber-attaques relevant de la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information (DGSSI) et directeur du maCERT (Moroccan Computer Emergency Response Team) le général El Mostafa Rabii, à l'issue de la réunion. « En raison de l'existence de criminels appartenant à différents groupes, les cybermenaces n'ont pas de frontières. Nous devons amener nos groupes à travailler ensemble sur des cas concrets afin de renforcer la confiance entre nous... ».  Bref, armes et cyberguerre au nom des accords d'Abraham.

 

Manifestation de soutien à la Palestine devant le parlement marocain à Rabat le 7 avril dernier. Vidéo Fadel Senna/AFP

06/01/2022

ANTONIO MAZZEO
Le Maroc achète des drones et des missiles en Israël

 Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 5/1/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Maroc va acheter à Israël des batteries de missiles sol-air de moyenne portée et des drones armés pour renforcer son arsenal militaire déployé contre l'Algérie voisine et le Front Polisario dans l'ancien Sahara espagnol.

Selon le site spécialisé Israel Defense, les autorités de Rabat ont entamé des négociations avec IAI - Israel Aerospace Industries, la principale holding militaro-industrielle d'Israël, pour l'acquisition du système de missiles Barak 8 (éclair en hébreu). Les négociations ont été menées par Sharon Bitton, directrice du marketing d'IAI pour les pays du Golfe, ancienne colonelle des forces armées et ancienne cheffe de la Coordination des activités gouvernementales dans les territoires occupés (COGAT).

Une batterie de missiles sol-air israéliens Barak 8

Le système de missiles Barak 8 a été développé par les forces armées et les industries de défense d'Israël et de l'Inde et est utilisé sur terre et en mer. Outre IAI-Israel Aerospace Industries, Rafael Advanced Defense Systems Ltd. de Haïfa et le groupe industriel Tata de Mumbai ont également participé à sa conception et à sa construction.

Avec une vitesse maximale de Mach 2 (580 mètres par seconde) et une capacité de charge allant jusqu'à 60 kg, le système de missiles sol-air a une portée opérationnelle d'environ 70 km. « Le Barak 8 est capable de neutraliser les menaces aériennes telles que les chasseurs, les missiles, les hélicoptères et les drones ennemis et peut frapper plusieurs cibles simultanément, même dans des conditions météorologiques défavorables », rapportent les responsables d'IAI.

Ces derniers mois, les forces armées marocaines ont inauguré la première base entièrement dédiée à la « défense aérienne » à longue portée, près de la ville de Sidi Yahia el Gharb, dans la région nord de Rabat-Sale-Kenitra. Quatre batteries de missiles du système FD-2000B, achetées à la Chine en 2017, ont été installées sur la base. Il est donc concevable que le nouveau dispositif de guerre fabriqué en Israël soit destiné précisément à cette installation.

En plus du Barak 8, le Maroc a également l'intention d'acheter à IAI un lot de drones kamikazes (avions sans pilote armés de bombes et d'explosifs qui explosent à l'impact avec la cible) de type Harop, pour un coût de 22 millions de dollars. Le Harop est un petit avion sans pilote (2,5 mètres de long), mais il peut transporter une charge explosive de 20 kg et voler pendant sept heures consécutives jusqu'à 1 000 kilomètres. Le drone a été utilisé par les forces armées israéliennes lors de raids à Gaza, au Liban et en Syrie, et par l'Azerbaïdjan lors du récent conflit du Haut-Karabakh.

Le drone israélien Heron acheté par le Maroc