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22/02/2023

REINALDO SPITALETTA
Colombie, 23 février 1963 : le massacre de Santa Barbara

Reinaldo Spitaletta  La Pluma, 21/2/ 2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
Le massacre de Santa Bárbara semblait avoir été préparé à l'avance. Ce samedi 23 février, à la tombée de la nuit, l'armée, devant la tente des grévistes, voulait enlever les camions-bennes de matériel pour les conduire à Medellín. Tel avait été l'ordre officiel. Alors, non seulement les travailleurs, mais aussi d'autres habitants, se sont opposés.

Le 23 janvier 1963, au plus fort du Front national d'exclusion, la grève des travailleurs de Cementos El Cairo a éclaté à Santa Bárbara, Antioquia. Avant même l'arrêt de travail, l'armée avait occupé les installations de l'usine non seulement pour briser la grève, mais aussi pour soutenir le travail de certains briseurs de grève et pour transporter à Medellín le clinker, matière première extraite pour alimenter Cementos Argos. 

Santa Barbara, 1963, œuvre d'Augusto Rendón 

 C'était l'époque de l'agitation ouvrière dans le pays, de l'état de siège et de la répression par le gouvernement de ce qu'on appelait le “communisme”, c'est-à- dire les luttes ouvrières et paysannes, les luttes étudiantes, les revendications syndicales pour de meilleures conditions de vie des travailleurs. Le deuxième mandat du Front nationall, dirigé par Guillermo León Valencia, le même président conservateur qui, quelque temps après les événements de Santa Bárbara, a ordonné le bombardement de vastes zones paysannes, comme El Pato, Guayabero, Marquetalia et autres, avec l'ingérence des USA. Ces événements seront l'une des causes de la fondation d'un groupe de guérilla, les FARC. 
Ce que l'on appelait alors “anticommunisme”, l'une des caractéristiques politiques et maccarthystes du Front national, était directement lié à la répression de la protestation sociale, à la mise hors la loi des grèves de travailleurs, à l'intimidation des travailleurs pour qu'ils renoncent à la syndicalisation, aux conseils verbaux de guerre, parmi de nombreux autres mécanismes de coercition et de restriction des libertés publiques et individuelles. 
Les cimentiers de Santa Bárbara, qui avaient respecté toutes les étapes légales menant à la déclaration de la grève, ont prévenu qu'ils ne permettraient pas que le stock de matériaux de l'entreprise soit retiré, car de telles actions, déjà préméditées par le gouvernement et les employeurs, affaibliraient le mouvement de grève. Les autorités, comme le gouverneur d'Antioquia, Fernando Gómez Martínez, le ministre du Travail, Belisario Betancur et les patrons de l’usine , pensaient tout autrement. 
La grève s'est poursuivie pendant le premier mois, avec la solidarité des paysans, des habitants de la région, des syndicats, ainsi que la tension causée par la présence de l'armée et la position intransigeante des patrons et du gouvernement qui voulaient à tout prix retirer le clinker. 
Une action de force se préparait contre les travailleurs et leur grève. Le 23 février 1963, un mois après la déclaration de la grève, a lieu l'une des répressions les plus sanglantes des travailleurs en Colombie, une ignominie qui, comme nous le savons, n'est pas nouvelle. En 1928, il y avait eu l'effroyable massacre des travailleurs des bananeraies à Ciénaga, dans le Magdalena.

Le monument aux martyrs

Le massacre de Santa Barbara semblait avoir été préparé à l'avance. Ce samedi 23 février, à la tombée de la nuit, l'armée, devant la tente des grévistes, voulait enlever les camions-bennes de matériel pour les conduire à Medellín. Tel avait été l'ordre officiel. Alors, non seulement les travailleurs, mais aussi d'autres habitants, se sont opposés. Et c'est là que les tirs ont commencé. 
Douze personnes ont été tuées : Pastor Cardona, Rafael Antonio González, Luis Ángel Holguín, ouvriers de Cementos El Cairo ; Luis Ángel Ruiz Villada, ouvrier de Cemento Argos ; les paysans Rubén de Jesús Pérez Arango, Joaquín Emilio Román Vélez et Luis Esteban Serna Villada ; Jesús Román, José de Jesús Suaza, Juan María Holguín Henao et Israel Antonio Vélez Díaz, habitants de Santa Bárbara ; et la petite María Edilma Zapata, 10 ans, élève de l'école María Auxiliadora et fille de l'ouvrier et syndicaliste Luis Eduardo Zapata. 
Avant le massacre, il y a eu une discussion entre les grévistes et le commandant de l'opération, le colonel Armando Valencia Paredes, qui a dit aux travailleurs qu'il avait des ordres du gouverneur d'Antioquia, Fernando Gómez Martínez de transporter le clinker et le ciment "par-dessus les morts si nécessaire". Les travailleurs ont occupé la route pour empêcher les camions-bennes de passer, et la réponse pénale de l'État a suivi. Dès le début, selon la thèse La masacre de Santa Bárbara, 23 de febrero de 1963, de Germán Andrés Jáuregui, la grève des cimentiers n'a pas été traitée par les autorités comme un problème de travail, mais comme un conflit d'ordre public.


La Sainte Alliance : le gouverneur Fernando Gómez Martínez, patron du journal El Colombiano, et ses deux piliers, la soldatesque et la curetaille

Les soldats ont également tiré sur le personnel médical de l'hôpital de Santa Bárbara lorsqu'ils se sont aperçus que des photographies étaient prises depuis les fenêtres. Après avoir forcé l'entrée du bâtiment, ils ont pris les rouleaux de film des médecins Juvenal Rojas et Alberto Mondragón. Il y eut des persécutions de paysans, d'ouvriers et d'habitants de la région, à travers les plantations de café, les montagnes et les ravins. La terreur officielle s'est répandue dans cette partie d'Antioquia. 
Des années plus tard, le dramaturge Jairo Aníbal Niño a monté, avec la Brigada de Teatro, une pièce sur le massacre de Santa Bárbara, qui a été censurée à Medellín. À la fin des années 1970, les murs de nombreuses régions d'Antioquia ont été peints avec le slogan : « Belisario, assassin des travailleurs de Santa Bárbara ». Le massacre a eu lieu il y a soixante ans. Il ne faut pas l'oublier.

28/12/2021

REINALDO SPITALETTA
La segunda muerte de Lola Vélez

Reinaldo Spitaletta, El Espectador, 28/12/2021

A Lola Vélez (María Dolores Vélez Sierra), que de joven era rubia y espigada, por su belleza sin par y sin mediar ningún concurso la coronaron reina los conductores de Bello, pueblo natal de la muchacha librepensadora que se convertiría en una pintora excepcional de Antioquia. A la señorita Lola, dilecta discípula del muralista mexicano Diego Rivera, como también lo había sido de los maestros Pedro Nel Gómez y Rafael Sáenz, le armaron un escándalo los pacatos godos bellanitas cuando pintó una sensual chica de aquel pueblo de obreros y la bautizó como la Tongolele bellanita.

Lola Vélez, que cuando estudiaba becada en México, no solo aprendía de técnicas del mural, la acuarela y preparación de lienzos, sino que participaba en deliciosas bohemias con Frida Kahlo y Chavela Vargas, tenía una afinidad amorosa con los obreros de Fabricato, a muchos de los cuales les enseñó a apreciar la pintura.


Nacida en Bello en 1925, Lola habitaba cerca de la choza Marco Fidel Suárez, en una casona de 3.600 metros cuadrados, con patio central, jardines, pájaros, árboles frutales, murales y una vasta colección pictórica de su autoría y de otros artistas. Ella, que tras sus estudios en la Escuela La Esmeralda y en la Escuela de Restauración de Chorobusco, en México, con la tutela de Rivera, encontró su propia identidad, se caracterizó por sus colores (existe el color Lola Vélez, así como hay, por ejemplo, el amarillo Van Gogh).

La choza Marco Fidel Suárez