04/09/2025

NAAMA RIBA
“Un massacre offert par Tsahal ?” : Yosef Ohman, le photographe israélien qui a documenté l’injustice

Naama Riba, Haaretz, 3/9/2025

Traduit par Tlaxcala

Des manifestations contre la première guerre du Liban à l’évacuation d’un village palestinien durant la guerre des Six Jours, Yosef Ohman – mort à 86 ans – a couvert les protestations et les injustices sous un angle de gauche.


Des membres du kibboutz Ga’ash manifestant en septembre 1982 après le massacre de Sabra et Chatila pendant la guerre du Liban. La pancarte dit : « Massacre offert par Tsahal ? »
Photo Yosef Ohman

Le photographe Yosef Ohman, dont de nombreux clichés documentaient les protestations et l’injustice – bien avant que ce genre ne devienne courant – est mort samedi 31 août à l’âge de 86 ans.
Atteint d’une maladie rénale, Ohman était lui-même militant et participait souvent aux événements qu’il photographiait.

Au début des années 1970, il a couvert à Jérusalem les manifestations des Panthères noires israéliennes, un mouvement représentant les Israéliens séfarades et mizrahi – issus du Maghreb et du Machrek.


Manifestation des Panthères noires israéliennes en 1971. Photo Yosef Ohman

Il a également documenté la révolution des œillets en 1974 et les élections qui suivirent un an plus tard. Plus près de chez lui, il était présent en 1982 lors de l’évacuation de Yamit, une colonie du Sinaï que l’État d’Israël a démantelée dans le cadre du traité de paix avec l’Égypte.


Yosef Ohman portant un T-shirt à l’effigie de Che Guevara
PhotoMiki Kratsman

Il a aussi photographié les manifestations contre la première guerre du Liban, déclenchée en 1982, et l’année suivante, il a immortalisé les funérailles d’Emil Grunzweig, tué par une grenade lancée contre un rassemblement de “La Paix Maintenant”. En 1986, l’un de ses clichés marquants représentait Meir Kahane, dirigeant d’extrême droite.

Ohman a également documenté la disparition du village d’Imwas, à l’ouest de Jérusalem, détruit par Israël pendant la guerre des Six Jours de 1967 pour garantir une route dégagée à la sortie de la capitale.


Protestation en 1985 au kibboutz Ga’ash, au 1 045 jour de présence israélienne au Liban après l’invasion de 1982
Photo Yosef Ohman / Archives Yad Yaari


Un camion de “La Paix Maintenant” garé devant la colonie d’Elon Moreh en 1979.
Photo Yosef Ohman

« Nous avons vu des réfugiés sur la route en direction de Ramallah », a raconté Ohman à propos de cette ville de Cisjordanie. « Soudain, j’ai vu des bulldozers détruire le village. Je ne réalisais pas que c’étaient les dernières photos que nous prenions à Imwas avant sa destruction. »

« Ohman a observé la réalité sous des angles non conventionnels et anti-hégémoniques. »
Tali Tamir (curatrice d’art indépendante)


Meir Kahane faisant un discours à Jérusalem en 1986.
Photo Yosef Ohman

Né en 1938 à Buenos Aires, Ohman avait étudié dans une école chrétienne. Avant son arrivée en Israël en 1959 avec un groupe du mouvement de jeunesse juif de gauche Hashomer Hatzaïr, il avait étudié la peinture et la sculpture. Il s’est établi au kibboutz Harel, à l’ouest de Jérusalem, dont il est devenu le photographe attitré.

Il a ensuite déménagé au kibboutz Ga’ash, au nord de Tel-Aviv, puis en 1991 à Hadera, plus au nord encore. Enseignant dans un internat, il s’installe en 2015 à Herzliya, dans la banlieue de Tel-Aviv. Il laisse derrière lui quatre fils et petits-enfants.


Un portrait de Che Guevara sur le mur d’une prison en Argentine en 2010
Photo
Yosef Ohman

Les archives d’Ohman sont conservées au centre de recherche et de documentation Yad Yaari, lié à Hashomer Hatzaïr. Le chercheur de la culture des kibboutzim, Yuval Danieli, décrit son travail comme « un trésor d’histoire humaine, politique et émotionnelle ».

Ces dernières années, son œuvre a connu un regain d’intérêt. En 2018, l’exposition Ciel rouge lui a rendu hommage à la galerie Yad Yaari, suivie d’une autre exposition et d’un livre en 2024.

« Ohman a observé la réalité sous des angles non conventionnels et anti-hégémoniques », a écrit Tali Tamir, autrice et éditrice de l’ouvrage. « Ce livre présente une continuité de la résistance de gauche en Israël : une culture d’engagement et de responsabilité sociale, au service des faibles, en soutien à la justice et contre les gouvernements de droite qui ont mené des guerres et encouragé l’agression.

Les photographies reflètent un type de photographe qui a disparu de ce monde : quelqu’un qui ne sert pas les médias sensationnalistes mais agit selon sa conscience. »




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