Naama
Riba, Haaretz, 3/9/2025
Des manifestations contre la première guerre du Liban à l’évacuation d’un village palestinien durant la guerre des Six Jours, Yosef Ohman – mort à 86 ans – a couvert les protestations et les injustices sous un angle de gauche.
Photo Yosef Ohman
Le
photographe Yosef Ohman, dont de nombreux clichés documentaient les
protestations et l’injustice – bien avant que ce genre ne devienne courant –
est mort samedi 31 août à l’âge de 86 ans.
Atteint d’une maladie rénale, Ohman était lui-même militant et participait
souvent aux événements qu’il photographiait.
Au début des
années 1970, il a couvert à Jérusalem les manifestations des Panthères noires
israéliennes, un mouvement représentant les Israéliens séfarades et mizrahi –
issus du Maghreb et du Machrek.
Il a
également documenté la révolution des œillets en 1974 et les élections qui
suivirent un an plus tard. Plus près de chez lui, il était présent en 1982 lors
de l’évacuation de Yamit, une colonie du Sinaï que l’État d’Israël a démantelée
dans le cadre du traité de paix avec l’Égypte.
Il a aussi
photographié les manifestations contre la première guerre du Liban, déclenchée
en 1982, et l’année suivante, il a immortalisé les funérailles d’Emil Grunzweig,
tué par une grenade lancée contre un rassemblement de “La Paix Maintenant”. En
1986, l’un de ses clichés marquants représentait Meir Kahane, dirigeant
d’extrême droite.
Ohman a
également documenté la disparition du village d’Imwas, à l’ouest de Jérusalem,
détruit par Israël pendant la guerre des Six Jours de 1967 pour garantir une
route dégagée à la sortie de la capitale.
Photo Yosef Ohman / Archives Yad Yaari
« Nous avons
vu des réfugiés sur la route en direction de Ramallah », a raconté Ohman à
propos de cette ville de Cisjordanie. « Soudain, j’ai vu des bulldozers
détruire le village. Je ne réalisais pas que c’étaient les dernières photos que
nous prenions à Imwas avant sa destruction. »
« Ohman a observé la réalité sous des angles non conventionnels et anti-hégémoniques. »
— Tali Tamir (curatrice d’art indépendante)
Photo Yosef Ohman
Né en 1938 à
Buenos Aires, Ohman avait étudié dans une école chrétienne. Avant son arrivée
en Israël en 1959 avec un groupe du mouvement de jeunesse juif de gauche Hashomer
Hatzaïr, il avait étudié la peinture et la sculpture. Il s’est établi au kibboutz
Harel, à l’ouest de Jérusalem, dont il est devenu le photographe attitré.
Il a ensuite
déménagé au kibboutz Ga’ash, au nord de Tel-Aviv, puis en 1991 à Hadera, plus
au nord encore. Enseignant dans un internat, il s’installe en 2015 à Herzliya,
dans la banlieue de Tel-Aviv. Il laisse derrière lui quatre fils et petits-enfants.
PhotoYosef Ohman
Les archives
d’Ohman sont conservées au centre de recherche et de documentation Yad Yaari,
lié à Hashomer Hatzaïr. Le chercheur de la culture des kibboutzim, Yuval
Danieli, décrit son travail comme « un trésor d’histoire humaine, politique et
émotionnelle ».
Ces
dernières années, son œuvre a connu un regain d’intérêt. En 2018, l’exposition Ciel
rouge lui a rendu hommage à la galerie Yad Yaari, suivie d’une autre
exposition et d’un livre en 2024.
« Ohman a
observé la réalité sous des angles non conventionnels et anti-hégémoniques », a
écrit Tali Tamir, autrice et éditrice de l’ouvrage. « Ce livre présente une
continuité de la résistance de gauche en Israël : une culture d’engagement et
de responsabilité sociale, au service des faibles, en soutien à la justice et
contre les gouvernements de droite qui ont mené des guerres et encouragé
l’agression.
Les
photographies reflètent un type de photographe qui a disparu de ce monde :
quelqu’un qui ne sert pas les médias sensationnalistes mais agit selon sa
conscience. »
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