Prem Thakker, Zeteo, 3/10/2025
Traduit par Tlaxcala
L’instance dirigeante du football européen aurait suspendu un vote sur l’exclusion d’Israël après la publication par Donald Trump de son « plan de paix » en 20 points pour Gaza.
Des supporters du Celtic déploient une banderole anti-israélienne dans les tribunes lors du match de Ligue Europa de l’UEFA au Celtic Park, à Glasgow.
Plus de
trente experts internationaux des droits humains ont adressé jeudi une lettre
au président de l’Union des associations européennes de football (UEFA),
demandant à la ligue d’expulser les équipes israéliennes de toutes les
compétitions tant que la justice et la responsabilité ne seront pas rétablies
pour le peuple palestinien.
« L’UEFA
ne doit pas se rendre complice du blanchiment par le sport de violations aussi
flagrantes du droit international, y compris – mais pas seulement – de l’acte
de génocide »,
écrivent les signataires de la lettre, transmise en exclusivité à Zeteo.
La lettre
est signée par des juristes, des universitaires et d’anciens responsables des
Nations unies, parmi lesquels :
- Richard Falk, ancien
rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les
territoires palestiniens occupés ;
- John Dugard,
également ancien rapporteur spécial de l’ONU sur la Palestine et ex-membre
de la Commission du droit international ;
- Elisa von
Joeden-Forgey, directrice exécutive de l’Institut Lemkin pour la
prévention du génocide.
Cette
initiative s’ajoute à une autre lettre adressée la veille par Amnesty
International à la FIFA et à l’UEFA, réclamant la suspension de la Fédération
israélienne de football.
Le « plan
de paix » de Trump
Selon
plusieurs sources, l’UEFA aurait suspendu un vote sur la question après que
Donald Trump, aux côtés du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, a
annoncé un plan de paix en 20 points censé mettre fin à la guerre – un plan
élaboré sans aucune consultation palestinienne.
Les
USA, qui coorganiseront la Coupe du monde l’an prochain, ont déjà
déclaré qu’ils s’opposeraient fermement à toute tentative d’exclure Israël du
tournoi mondial.
Mais,
selon les experts en droits humains, interdire Israël reste impératif, car le
plan de Trump, loin de favoriser la paix, mine le droit international, la
souveraineté palestinienne et le principe d’autodétermination.
Ils
soulignent que le plan « n’impose aucune obligation » à Israël en tant que
puissance occupante à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Pressions
et menaces politiques
Des militantes propalestiniennes ont manifesté devant le stade de Wembley à Londres, le 2 octobre 2025, appelant l’UEFA et la FIFA à bannir Israël.
L’un des
signataires, Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau new-yorkais du
Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, a déclaré à Zeteo
que le groupe sait qu’un large soutien existe au sein de l’UEFA pour la
suspension d’Israël, mais redoute que le plan de Trump serve de prétexte pour
bloquer le processus.
« Tout
cela est emballé dans la menace de Donald Trump, qui a dit : “soit vous
acceptez ce plan, soit nous laisserons Israël poursuivre et achever son
génocide à Gaza”. Ce n’est pas une négociation, c’est de la diplomatie à coups
de canon. »
Mokhiber
a ajouté :
« Nous
devons veiller à ce que cette menace ne serve pas d’excuse pour ne pas faire ce
qui est moralement – et peut-être juridiquement – obligatoire. »
La
campagne #GameOverIsrael
La lettre
a été organisée par la campagne #GameOverIsrael, qui appelle les fédérations de
football à boycotter les équipes israéliennes nationales et de clubs, afin de
pousser la FIFA et l’UEFA à suspendre Israël, comme cela avait été fait avec la
Russie après l’invasion de l’Ukraine.
L’UEFA
n’a pas répondu à la demande de commentaire.
Le vice-président de la FIFA, Victor Montagliani, a déclaré précédemment que la
décision de suspendre Israël relevait avant tout de l’UEFA.
Appels
croissants à la suspension d’Israël
Cette
lettre s’inscrit dans une vague d’appels internationaux en faveur de
l’exclusion d’Israël des compétitions sportives :
- La Turquie est
devenue en septembre le premier membre de l’UEFA à réclamer publiquement
cette suspension.
- Le Premier ministre
espagnol a également demandé que les clubs israéliens soient bannis des
compétitions internationales.
- Des fédérations en
Irlande et en Italie ont à leur tour exigé de la FIFA et de l’UEFA
qu’elles prennent des mesures similaires.
Selon des
rapports, les forces israéliennes ont tué plus de 66 000 personnes en deux ans,
dont environ 800 athlètes à Gaza – parmi eux plus de 400 footballeurs.
La majorité des infrastructures sportives, y compris les stades, clubs et
gymnases, ont été détruites ou gravement endommagées.
Lettre intégrale adressée
à l’UEFA
Monsieur
le Président Čeferin,
Nous, les
soussignés, vous écrivons pour exhorter l’Union des associations européennes de
football (UEFA), son comité exécutif et tous ses membres à honorer leurs
obligations légales et morales en vertu du droit international, et à prononcer
sans délai une interdiction totale du football israélien, incluant les équipes
nationales, les clubs et les joueurs, jusqu’à ce que justice et responsabilité
soient rendues à la Palestine et à l’ensemble du peuple palestinien.
Nous
rejoignons les experts des Nations unies pour rappeler à l’UEFA qu’elle est
liée par le droit international des droits de l’homme, conformément aux
Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits
de l’homme.
Une
interdiction est nécessaire en réponse au rapport de la Commission d’enquête
indépendante des Nations unies, publié le 16 septembre 2025, qui fournit des
preuves irréfutables que les autorités israéliennes ont commis des crimes de
génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en violation des normes
impératives du droit international.
Depuis le
7 octobre 2023, les forces d’occupation israéliennes ont tué au moins 421
footballeurs palestiniens, tout en détruisant systématiquement les
infrastructures sportives de Gaza, notamment les stades et le siège de la
Fédération palestinienne de football.
Ces actes ont anéanti toute une génération d’athlètes, sapant le tissu même du
sport palestinien.
L’inaction
de la Fédération israélienne de football (IFA) face à ces violations l’implique
directement dans ce système d’oppression, rendant sa participation aux
compétitions de l’UEFA intenable.
Bannir
l’IFA serait conforme aux précédents établis par l’UEFA à l’encontre de nations
responsables de violations graves, garantissant ainsi l’intégrité du sport
international.
L’UEFA ne
doit pas être complice d’un blanchiment sportif de telles atteintes au droit
international.
Les conclusions de la Commission d’enquête des Nations unies, ainsi que l’avis
consultatif de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024, déclarant
l’occupation israélienne depuis 1967 illégale, démontrent le caractère
systématique des violations commises par Israël.
Les
obligations de l’UEFA demeurent, malgré l’annonce récente du plan en 20 points
de Donald J. Trump pour Gaza, lequel, sous couvert de paix, sape le droit
international et la souveraineté palestinienne.
Ce plan n’impose aucune obligation à Israël, ne reconnaît aucune responsabilité
juridique pour les crimes commis à Gaza et n’exige aucune réparation pour les
Palestiniens.
La paix ne peut être atteinte sans justice ni reddition de comptes.
Une
interdiction de l’IFA par l’UEFA est donc urgente et nécessaire, afin d’assurer
la conformité au droit international.
En continuant d’accueillir les équipes israéliennes, l’UEFA risque de se rendre
complice de la normalisation des crimes de guerre.
Nous vous
exhortons à préserver l’intégrité du sport et à suspendre immédiatement l’IFA
et toutes ses équipes affiliées jusqu’à ce qu’Israël mette fin au génocide et à
l’occupation illégale, et respecte pleinement ses obligations internationales.
Que le
football défende la justice, pas l’impunité.
L’UEFA peut agir dès maintenant en imposant une interdiction sportive à
l’encontre des équipes, clubs et joueurs israéliens.
Sincèrement,
Signataires
- Prof. William
Schabas, professeur de droit international, Middlesex University, Londres,
Royaume-Uni.
- Prof. John Dugard,
avocat à la Haute Cour d’Afrique du Sud, professeur émérite de droit
international, universités de Leiden et du Witwatersrand ; ancien membre
de la Commission du droit international ; ancien rapporteur spécial de
l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires
palestiniens occupés (2001–2008).
- Prof. Richard Falk,
professeur émérite de droit international à Princeton ; ancien rapporteur
spécial de l’ONU (2008–2014).
- Prof. Michael Lynk,
professeur émérite de droit, Western University, Canada ; ancien
rapporteur spécial de l’ONU (2016–2022).
- Prof. Guy
Goodwin-Gill, professeur émérite de droit international des réfugiés, All
Souls College, Oxford, Royaume-Uni.
- Prof. Alex Neve,
professeur invité, Universités d’Ottawa et Dalhousie, Canada.
- Craig Mokhiber,
ancien directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations
unies aux droits de l’homme.
- Daniel Machover,
avocat, cofondateur de Lawyers for Palestine.
- Prof. Susan M. Akram,
professeure à la Boston University School of Law, États-Unis.
- Prof. Ardi Imseis,
professeur associé de droit international, Queen’s University, Canada ;
membre de la Commission d’enquête de l’ONU sur le Yémen.
- Prof. Lynn Welchman,
School of Oriental and African Studies, University of London ; commissaire
à la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie.
- Prof. Audrey Macklin, University of Toronto, Canada.
- Prof. Mohammad Fadel, University of Toronto, Canada.
- Prof. Ilias Bantekas, Hamad Bin Khalifa University, Doha, Qatar.
- Prof. Andrew Dahdal, Qatar University.
- Dr. Elobaid Ahmed
Elobaid, expert en justice et droits humains, Georgetown University ;
ancien fonctionnaire de l’ONU.
- Dr. Lex Takkenberg,
juriste international, ancien haut responsable de l’UNRWA.
- Diana Buttu, avocate,
Palestine.
- Dr. Elisa von
Joeden-Forgey, directrice exécutive, Lemkin Institute for Genocide
Prevention.
- Dr. Mandy Turner, chercheuse principale, Security in Context,
Queen Mary University of London.
- Dr. Trita Parsi,
vice-président exécutif, Quincy Institute, États-Unis.
- Dr. Nimer Sultany,
maître de conférences en droit public, SOAS, Londres.
- Dr. Mazen Masri,
maître de conférences en droit, City University of London.
- Prof. Craig Martin Scott, Osgoode Hall Law School, York University,
Canada.
- Prof. Hengameh Saberi, Osgoode Hall Law School, York University,
Canada.
- Prof. Faisal Bhabha,
directeur du programme intensif sur la lutte contre la discrimination,
York University, Canada.
- Prof. Faisal Kutty,
professeur émérite de droit, Valparaiso University ; membre affilié,
Rutgers University.
- Prof. Jillian Rogin, University of Windsor, Canada.
- Prof. Nicola Pratt,
University of Warwick, Royaume-Uni.
- Dr. Emilio Dabed, directeur de la gouvernance, Legal Center for
Palestine, Toronto, Canada.
- Dr. Lena El-Malak,
avocate indépendante, Londres, Royaume-Uni.
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