Micaela Frulli, Triestino Mariniello, il
manifesto, 22/11/2025
Traduit par Tlaxcala
Micaela Frulli est professeure de droit international à l’université de Florence. Elle a notamment écrit « Immunité et crimes internationaux. L’exercice de la juridiction pénale et civile à l’égard des organes étatiques soupçonnés de crimes internationaux graves » (Giappichelli)
Triestino Mariniello est professeur de droit à l’université John Moores de Liverpool et fait partie de l’équipe juridique qui représente les victimes de Gaza devant la Cour pénale internationale.
La résolution 2803 du Conseil de sécurité du 17 novembre 2025, lue du point de vue du droit international, révèle des points critiques profonds et des contradictions qui compromettent sa validité et sa légitimité
La
résolution 2803 du Conseil de sécurité du 17 novembre 2025, lue du point de vue
du droit international, révèle de profondes contradictions et des points
critiques qui compromettent sa validité et sa légitimité.
La plus
grande limite réside dans la violation implicite du droit à l’autodétermination
du peuple palestinien. La résolution subordonne toute « voie crédible vers l’autodétermination
et la création d’un État palestinien » à la mise en œuvre d’un programme de
réformes de l’Autorité nationale palestinienne, l’organisme qui administre la
Cisjordanie, qui n’est d’ailleurs jamais mentionné dans la résolution. Cette
conditionnalité transforme un droit inaliénable, reconnu par la Charte des
Nations unies, réaffirmé à plusieurs reprises par la Cour internationale de
justice (CIJ) et qui a valeur de norme contraignante, en un objectif à
atteindre dans un avenir indéfini : la possibilité de construire un État
palestinien est suspendue pour une durée indéterminée.
Toutefois,
le Conseil de sécurité ne peut exercer ses pouvoirs en dehors du périmètre fixé
par le droit international. La Commission du droit international des Nations
unies a précisé que les décisions des organisations internationales ne peuvent
créer d’obligations juridiques lorsqu’elles entrent en conflit avec les normes
contraignantes du droit international général et que les actes normalement
contraignants risquent d’être invalides s’ils violent des principes
fondamentaux et impératifs.
La légalité
de la mise en place d’une administration fiduciaire internationale sur Gaza est
également douteuse, car elle reprend des modèles hérités de l’ère coloniale,
tels que les mandats de la Société des Nations après la Première Guerre
mondiale, conçus pour gouverner des territoires privés de leur
autodétermination. Cette administration – confiée au « Board of Peace » (BoP),
un organe hybride doté de pouvoirs étendus et peu définis – se superpose à l’occupation
existante sans en contester l’illégalité, avec le risque de la consolider dans
le temps. En outre, le BoP, présidé par le président usaméricain Donald Trump,
crée une friction évidente avec les critères d’impartialité requis pour l’administration
internationale d’un territoire. Les administrations internationales de la MINUK
au Kosovo ou de l’UNTAET au Timor oriental étaient placées sous l’autorité de l’ONU
et prévoyaient des mécanismes de garantie et de responsabilité.
L’autorisation
de créer une Force internationale de stabilisation (ISF) et d’« utiliser toutes
les mesures nécessaires » pour remplir son mandat rappelle la formule standard
pour l’usage de la force contenue dans les autorisations précédentes accordées
aux États, mais avec une différence cruciale : cette fois-ci, l’ISF agit sous l’autorité
du « Board of Peace » et seule une demande générique est prévue pour les États
qui en font partie afin qu’ils fassent régulièrement rapport au Conseil de
sécurité.
En outre,
une démilitarisation unilatérale de la bande de Gaza est prévue et il est
établi que le retrait des troupes israéliennes doit être convenu avec l’armée
israélienne, celle-ci pouvant maintenir sa présence pour une durée
indéterminée.
En outre, la
résolution n’aborde pas l’un des points les plus critiques : la détermination
des responsabilités pour les violations du droit international commises au
cours des deux dernières années. Il n’y a aucune référence aux rapports de la
Commission d’enquête des Nations unies, qui constatent la commission de crimes
internationaux et d’actes de génocide par Israël et ses dirigeants, ni à l’avis
de la Cour internationale de justice de 2024 qui a déclaré l’illégalité de l’occupation
et aux résolutions ultérieures de l’Assemble Générale de l’ONU, ni aux enquêtes
de la Cour pénale internationale. Il est également déconcertant de constater l’absence
totale de mesures de réparation et d’indemnisation pour les victimes, alors que
ceux qui ont détruit la bande de Gaza sont exemptés de toute obligation de
réparation.
La
résolution sur Gaza intervient quelques jours après une autre décision
controversée du Conseil de sécurité (résolution 2797 de 2025), celle sur le
Sahara occidental. Dans ce cas, le texte, également présenté par les USA, a
approuvé le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, reconnaissant de
fait la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en violation du droit à
l’autodétermination du peuple sahraoui.
À la lumière
de ces développements, l’image d’un Conseil de sécurité qui tend à adopter des
résolutions sous l’influence de certains de ses membres permanents, s’écartant
ainsi de la légalité et de la Charte elle-même, apparaît de plus en plus
clairement.
Le droit
international finit ainsi par être traité non pas comme un instrument essentiel
pour construire une paix juste, fondée sur le droit à l’autodétermination des
peuples et le respect des principes fondamentaux, mais comme un obstacle à
contourner.



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