Gideon Levy, Haaretz, 18/6/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le sort de la guerre dépend désormais des caprices d’un président yankee jacassier et imprévisible. S’il bombarde l’Iran, il pourrait remporter la victoire. S’il ne bombarde pas, Israël se sera lancé dans une autre guerre futile, plus superflue et dangereuse que toutes les précédentes.
La
participation des USA aurait dû être garantie à l’avance. Cela aurait dû être
une condition préalable à l’entrée en guerre. En attendant, Donald Trump se
livre à ses jeux infantiles consistant à humilier l’Iran et à exiger sa
reddition totale, détruisant par ses paroles toute chance restante d’accord, la
seule chance d’un happy end.
Si les
bombardiers lourds restent dans les hangars – la question restait en suspens
mercredi –, alors la guerre d’usure se poursuivra, son issue et sa durée étant
impossibles à prévoir. Israël ne pourra pas la supporter longtemps,
socialement, économiquement et peut-être même militairement. Si, en revanche,
les bombardiers décollent, cela pourrait mettre fin à la guerre et conduire à
une guerre beaucoup plus importante.
Dans le
brouillard de la bataille, Israël s’unit derrière la guerre et son leader,
célébrant, se vantant et s’émerveillant, sans aucun débat public. Toute
discussion qui s’est brièvement enflammée parmi les commentateurs dans les
studios de télévision a tourné autour de la question du mérite. Le mérite de
quoi ? Des performances inspirantes des pilotes, qui tournent au-dessus de
Téhéran comme ils le font au-dessus de Gaza ou de la base aérienne de Hatzerim
? Amit Segal dit que le mérite revient au Premier ministre ; Nir Dvori, à l’establishment
de la défense : un dialogue philosophique profond sur la peau de l’ours entre
deux géants intellectuels, bien avant qu’on l’ai tué.
À Gaza, le
massacre non seulement n’a pas cessé, mais il prend des proportions
génocidaires. La file d’attente pour la nourriture est devenue une file d’attente
pour la mort. « Qui est le prochain dans la file et qui est dans la file
suivante. / Bonsoir désespoir et bonne nuit espoir » (Yehuda Poliker et Yaakov
Gilad). Le compteur mesure le sang palestinien qui coule comme un
débitmètre sur une pompe à essence mesure le carburant qui coule dans une
voiture.
Jusqu’à
présent, 400 personnes ont été tuées en attendant un sac de farine et une
bouteille d’huile de cuisson. Quel péché ont-elles commis ? Qui a la capacité
mentale pour cela maintenant, entre les courses vers l’abri anti-bombes - notre
nouvelle normalité. La destruction dans les rues est également devenue normale.
Il y a des rues en Israël qui ressemblent à Kharkiv après la dernière attaque
russe, et cela nous convient. Un lion malade, pas un lion debout.
C’est comme
si tout était tombé du ciel, une catastrophe naturelle, un décret divin. Les
réalisations sont toutes les nôtres, seul le coût est un cas de force majeure.
Comme s’il n’y avait pas d’autre choix que cette réalité folle, nous avons
choisi pour nous-mêmes.
Il y a
environ une semaine, Israël a choisi d’entrer en guerre avec l’Iran, après 20
mois d’attaques sauvages contre Gaza qui n’ont encore donné aucun résultat
durable. Le coût de la guerre dans la bande de Gaza dépassera les résultats qu’elle
pourrait encore obtenir. Demandez au monde ce qu’il pense d’Israël, parlez aux
Israéliens du monde – une corruption morale incurable. Et alors que Gaza saigne
et qu’Israël est corrompu, nous entrons à nouveau en guerre, avec nos forces et
nos otages toujours dans la bande de Gaza.
Et Israël se
réjouit : effrayé, épuisé, mais se réjouissant. « Téhéran brûle », titrait
cette semaine le journal Yedioth Ahronoth, alors que quelques centaines
de mètres à l’ouest de chez moi, des bâtiments brûlaient. Un lion malade.
Où
allons-nous ? Ou plus précisément, où sommes-nous conduits ? Comme un agneau à
l’abattoir, ou un troupeau vers une fausse victoire.
L’Iran ne se
rendra pas, certainement pas après la campagne d’arrogance usaméricano-israélienne.
Le meilleur résultat possible sera un nouvel accord nucléaire, et même cela ne
sera pas une fin heureuse.
Qu’y
aura-t-il de joyeux dans un pays qui a été marqué pendant 20 mois à Gaza, et
qui sait combien de temps dans les abris anti-bombes ? Qu’y aura-t-il de bon,
même si l’Iran renonce pour l’instant à ses ambitions nucléaires ? Une société
et une économie en ruines, avec des milliers de criminels de guerre de Gaza qui
se promènent parmi nous, un camp qui n’est pas uni mais qui est effroyablement
uniforme, et un leader qui accorde des interviews à ses partisans dans une
déformation grotesque du véritable journalisme. Ce qui compte, c’est que nous
avons assassiné deux chefs d’état-major iraniens en une semaine.
Un lion malade.
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