المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

Theodore Schleifer y Madeleine Ngo
Así fue la primera semana de Elon Musk en Washington

08/02/2025

AYELETT SHANI
Comment Oded Twik a sauvé sa sœur et ses enfants des griffes de la secte de psychopathes juifs Lev Tahor

Sa sœur a grandi dans un foyer laïc en Israël, a servi comme officière dans l’armée et aimait faire la fête. Après que la secte ultra-orthodoxe Lev Tahor l’a embrigadée, Oded Twik a traversé l’océan pour la sauver, elle et sa famille maltraitée.

Ayelett Shani, Haaretz, 8/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Des membres de Lev Tahor protestent devant l’école de Ciudad de Guatemala où les autorités locales ont emmené leurs enfants, le 15 janvier 2025. Photo Johan Ordonez/AFP

 Veuillez vous présenter.

Je suis Oded Twik, j’ai exactement 50 ans. Je suis marié et j’ai deux filles adorables. J’ai un commerce de produits électriques et je dirige une quincaillerie de quartier à Rishon Letzion.

Le magasin dans lequel nous nous trouvons actuellement. Dites-moi, vos clients savent-ils que le gentil monsieur qui fait des doubles de clés a mené une opération de sauvetage des personnes des griffes de Lev Tahor – Cœur Pur -, une secte religieuse ?

C’est un magasin de quartier. Certains connaissent l’histoire.

Haut du formulaire

Bas du formulaire

Le mois dernier, les autorités guatémaltèques ont ont exfiltré environ 200 femmes et enfants du site de la secte à Ciudad de Guatemala.. Ils étaient tous dans un état grave, mentalement et physiquement. Les responsables locaux de l’aide sociale et la police ont été consternés par la négligence, la violence et l’ampleur des abus. En 2015, dans une sorte d’opération individuelle, vous avez fait sortir du Guatemala votre sœur et sa famille, qui étaient membres de la secte. Comment s’est-elle retrouvée impliquée dans Lev Tahor ?

Nous avons grandi ici en Israël, dans une famille tout à fait normale. Ma sœur, qui a un an de plus que moi, a servi dans l’armée en tant qu’officière au ministère de la défense, à la Kirya [quartier général de la défense]. Elle aimait la vie à Tel Aviv, elle aimait s’amuser, sortir au Coliseum Club. Après son service, elle a décidé de faire un voyage aux USA. Elle a voyagé un peu, puis a travaillé comme fille au pair dans une famille haredi pour payer le reste du voyage. Au bout d’un certain temps, elle nous a soudain envoyé une photo d’un homme à la barbe immense, qui ressemblait à [Theodor] Herzl, avec la légende suivante : « Je me marie ». Nous avons été choqués.

Avez-vous assisté au mariage ?

Mes parents y sont allés [en 1987]. Mon père est revenu en état de choc. Il a dit que c’étaient des bêtes humaines, qu’ils lui avaient rasé la tête pour qu’elle soit chauve pour le mariage. Mais nous ne connaissions ni ne comprenions rien au monde ultra-orthodoxe, et encore moins aux sectes. Nous nous sommes dit que si c’était ce qui lui permettait de se sentir bien, c’était formidable. Plus tard, j’ai découvert que le fondateur de la secte, Shlomo Helbrans, qui venait de sortir de prison [né en Israël dans une famille laïque, il est devenu un extrémiste religieux et a été condamné aux USA pour enlèvement et libéré en 1996], a envoyé une entremetteuse à la famille pour laquelle elle travaillait et lui a dit : « Je veux cette fille, je veux la marier. Même lorsque j’ai compris ce qui se passait et que j’ai essayé de convaincre mes parents de réagir, ils ont continué à me dire : « Qu’est-ce que tu veux d’elle ? L’essentiel est qu’elle soit heureuse ».

Quand avez-vous réalisé que les choses n’allaient pas si bien ?

En 2011, nous avons rendu visite à la famille de ma femme, à Chicago. La secte était basée à Montréal à l’époque, et j’ai décidé de profiter du voyage pour rendre visite à ma sœur. Elle hésite et me dit : « On verra, on verra ce que mon mari dira ». « C’est absurde », lui ai-je dit. « Je viens. J’ai réservé une chambre d’hôtel ». Il ne m’est pas venu à l’esprit qu’elle ne voulait vraiment pas que je vienne. J’arrive et je vois qu’elle agit bizarrement.

De quelle manière, par exemple ?

J’ai apporté des poupées pour ses filles et elle a pris les poupées et a commencé à les lancer contre le mur. Lorsque je lui ai demandé pourquoi elle faisait ça, elle m’a répondu qu’elle voulait voir de quoi elles étaient faites. Je lui ai demandé où étaient les filles plus âgées - elles n’étaient pas à la maison. Je ne les ai pas vues de toute la semaine que j’ai passée à Montréal. Le jeudi, je suis allé faire des courses avec elle. Soudain, elle me dit : « Achète-toi des choses pour shabbat ». Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai compris qu’elle n’avait même pas l’intention de m’inviter à passer le week-end avec eux, même si j’étais venu spécialement et que je logeais dans un motel. J’avais hâte que la visite se termine.

Vous êtes rentré chez vous dans un état second.

Absolument. Quelques jours plus tard, un homme haredi entre dans mon magasin. Je lui dis que ma sœur est également haredi et qu’elle vit au Canada. Je lui montre des photos de mon voyage et il devient tout pâle et dit : « Quoi ? Votre sœur est là-bas ??? » Lorsque j’essaie de lui poser des questions, il sort de la boutique en courant.

J’ai appelé ma sœur et j’ai insisté aussi fort que possible, en lui demandant : « Tu vas me dire maintenant qui dirige cet endroit ». J’ai fini par obtenir d’elle le nom du fondateur de la secte : Shlomo Helbrans. J’ai trouvé des articles sur lui disant qu’il abusait de ses adeptes. J’ai soudain compris ce qui se passait. Une amie d’enfance de ma sœur m’a appelée et m’a dit que ma sœur lui avait fait jurer de ne rien me dire, mais que ses enfants lui avaient été enlevés et placés dans d’autres foyers, et que les filles les plus âgées, de 12 et 13 ans, étaient déjà fiancées.

Qu’avez-vous fait ?

Je suis devenu fou. J’ai rassemblé toutes les informations possibles. J’ai parcouru tout le pays. J’ai rencontré des familles de membres de la secte et des personnes qui en étaient sorties, qui m’ont raconté ce qui s’y passait. Mais je n’avais aucune preuve concrète. Finalement, j’ai pris contact avec quelqu’un qui s’était échappé de la secte. Il avait un disque dur avec toutes sortes de documents. Des preuves sérieuses. Je suis allé à Copenhague pour le rencontrer, je lui ai acheté la disquette et je l’ai apportée à la police en Israël. Ils n’avaient aucune idée de ce que je leur demandais. J’ai engagé un avocat et j’ai pris contact avec les autorités canadiennes. Les Canadiens ont examiné les preuves et m’ont dit que c’était terrible, mais qu’ils n’avaient malheureusement pas de budget pour s’en occuper.


Twik : « Au cours des dernières années, la secte est devenu plus extrême ». Photo Tomer Appelbaum

Vous avez donc décidé de le faire vous-même ? Pensiez-vous pouvoir réussir ?

J’en savais assez pour comprendre que je ne parviendrais pas à briser la secte, mais je pensais qu’il était possible de faire sortir ma sœur et ses enfants. C’est l’objectif que je me suis fixé. En outre, ma sœur était en mauvaise posture. Elle m’avait alors fait part de toutes sortes de pensées suicidaires qu’elle avait. Entre-temps, la secte a quitté le Québec pour l’Ontario, et tout mon travail avec les autorités a été réduit à néant, parce qu’il s’agissait d’une autre province. Comme un autre pays.

J’ai décidé de faire du bruit. Je me suis adressé aux médias. J’ai fait venir des équipes de télévision canadiennes dans le magasin où nous nous trouvons actuellement. J’avais les preuves que j’avais recueillies. Les médias se sont emparés de l’histoire et j’ai pu obtenir une ordonnance du tribunal pour que ma sœur et sa famille reviennent au Québec, mais entre-temps, la secte a compris que c’était dangereux pour elle et a planifié de faire passer clandestinement ma sœur et sa famille en Amérique centrale.

Haut du formulaire

Bas du formulaire

Une destination chère aux criminels de guerre et aux chefs de secte.

Oui, j’ai continué à envoyer des courriels et des messages au chef de la secte et à ses fils, dont l’un est aujourd’hui en prison et l’autre est mort. Ils n’ont jamais répondu, mais je leur ai écrit. Lorsque j’ai appris qu’ils partaient pour l’Amérique centrale, je leur ai écrit : « Nous nous embarquons pour un nouveau voyage ».

Qu’est-ce que vous leur aviez écrit jusque-là ?

Toutes sortes de menaces. J’ai suivi leur exemple. Par exemple, j’ai utilisé toutes sortes de malédictions tirées des Psaumes, parce que je savais que cela leur ferait peur.

N’aviez-vous pas peur qu’ils fassent du mal à votre sœur ?

Je l’ai mise en garde. Je lui ai dit de ne toucher à rien : « Si quelqu’un t’apporte de la nourriture, ne la mange pas. Ne mange que des fruits et des légumes ». Je savais déjà qu’ils donnaient des médicaments psychiatriques aux gens, qu’ils les rendaient fous. Alors, quand je parlais à ma sœur, je mentionnais toujours des anecdotes : « Tu as vu ce qu’ils ont fait à Rivka ? Elle est dans un asile d’aliénés et ils lui ont enlevé ses enfants. Ils te feront la même chose ».

Et elle vous a cru ? Vous l’avez mise dans une situation où elle devait choisir qui croire. Ce n’est pas facile pour les personnes en captivité mentale.

Je savais que je ne pouvais pas me présenter et lui dire : « Écoute, tu es dans une secte », et qu’elle s’en sortirait et dirait : « Wow, merci [de me l’avoir dit] ». J’ai appris à travailler avec des membres de sectes, à la fois auprès d’experts et sur Internet. J’ai parlé à ma sœur en utilisant la méthode « Quand on est à Rome, on fait comme les Romains » : je savais que dans la secte, ils utilisaient des menaces et lui faisaient subir un lavage de cerveau, et donc je l’ai également menacée et lui ai fait subir un lavage de cerveau.

Pourquoi ? Ne pensiez-vous pas que la terreur psychologique de la secte était suffisante ?

J’ai appris du plus grand d’entre eux, Shlomo Helbrans, comment le faire. Vous appelez ça de la terreur psychologique, j’appelle ça du lavage de cerveau.

Comment avez-vous appris ? Qu’avez-vous appris ?

Je m’y suis mis 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 : je regardais sans cesse le contenu [en ligne], j’écoutais les enregistrements, la façon dont il parlait avec les Hassidim, et j’apprenais. Je voyais ce qu’il faisait. Par exemple, lorsqu’il avait quelque chose d’important à transmettre, c’était comme un mantra. Il le répétait encore et encore, jusqu’à ce qu’il pénètre leur esprit et devienne un fait. J’ai été très dur lorsque j’ai parlé à ma sœur. Je lui répétais qu’elle ne m’intéressait pas, que je me moquais de ce qui lui arrivait, mais seulement de ce qui arrivait à ses filles. Je lui disais : « Pour qui te prends-tu, d’ailleurs, espèce d’ordure », des trucs dans ce genre.  J’ai opté pour la solution la plus extrême.

Après avoir compris qu’elle s’était installée en Amérique centrale et qu’elle avait cessé tout contact, j’ai commencé à la rechercher. J’ai posté des avis avec sa photo sur les pages Facebook de tous les routards [israéliens]. Quelques jours plus tard, quelqu’un a commencé à discuter avec moi et m’a informé qu’il voyageait au Guatemala et qu’il se trouvait en face de ma sœur. J’ai immédiatement appelé les autorités canadiennes et leur ai dit : « Ecoutez, la secte et ma sœur sont à Ciudad de Guatemala. Il est de votre devoir de la ramener. Il y a une décision de justice ». Mais une fois de plus, la réponse a été : « Nous n’avons pas de budget ». J’ai décidé de m’adresser aux médias canadiens et de leur donner l’information.

ça ressemble à une erreur.

Je n’avais pas le choix. Je ne pouvais pas lutter seul contre cette bande de fous. Vous avez raison dans le sens où je me suis tiré une balle dans le pied, car dès qu’ils ont compris que les médias étaient sur eux, ils se sont enfuis dans un village du peuple maya. Je les ai suivis au Guatemala. J’avais prévu d’y rester une semaine, mais je suis finalement resté trois mois. Je suis allée voir la communauté juive locale et Chabad, et je leur ai raconté l’histoire de ma sœur. Je leur ai fait comprendre qu’ils devaient la sauver.

Et le mari de votre sœur ? Où était-il ?

Ils l’avaient séparé de la famille ; il était à Chicago, à New York, chargé de collecter des fonds pour la secte. Il ne savait pas qu’on faisait du mal à ses enfants. Après coup, lorsque je lui ai raconté ce qui s’était passé, il était choqué. Je lui ai dit : « Merci beaucoup de t’être enfin réveillé ». Un peu tard.



Les forces gouvernementales sauvent 160 enfants de la secte Lev Tahor à Oratorio, au Guatemala, le 20 décembre 2024. Photo Bureau du Procureur général du Guatemala/ AFP

Votre sœur savait-elle que ses enfants étaient maltraités ?

Elle l’ignorait. Elle était déjà captive, totalement immergée. Mais elle était au courant de la rééducation.

La rééducation est une pratique bien connue de Lev Tahor. Lorsqu’ils veulent punir une famille en particulier, ils retirent les enfants de la maison et les font servir de domestiques et de servantes à d’autres familles de la communauté. Pourquoi ont-ils voulu punir la famille de votre sœur ? À cause de vous ?

Non. La famille de ma sœur a été marquée parce qu’elle était considérée comme “faible” dans la hiérarchie de la secte. Les familles ashkénazes de la secte, en particulier celles qui sont proches du chef, sont considérées comme ayant un statut élevé. Les Mizrahim [Juifs originaires du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord] sont inférieurs aux Ashkénazes. Lorsque Helbrans est devenu religieux, il s’est rallié à la secte ashkénaze Satmar, bien qu’il soit lui-même mizrahi.

Non seulement les Mizrahim [avaient un statut inférieur], mais aussi les nouveaux religieux.

Les Mizrahim nouvellement religieux sont les plus bas de tous. Du point de vue d’Helbrans, il était tout d’abord nécessaire d’éliminer la « semence d’Amalek » [c’est-à-dire les parents, qu’il associe à l’ennemi des anciens Israélites]. Ce sont des parents qui ont fait des choses terribles lorsqu’ils étaient laïcs, mais leurs enfants sont purs. Les parents et les enfants doivent donc être séparés.

De leur point de vue, votre sœur était donc une question secondaire. Ils ne s’intéressaient pas à elle, seulement aux enfants.

Absolument. Si je n’étais pas intervenu, soit ils l’auraient assassinée physiquement, soit ils auraient assassiné son âme, avec des abus et des pilules, pour qu’elle finisse par se faire hospitaliser ou se suicider. L’essentiel était de se débarrasser d’elle et de prendre les enfants.

Dans le cadre de leur rééducation, les enfants ont été forcés de servir tout le monde dans la maison [où ils ont été transférés], de faire le ménage et la cuisine toute la journée, de dormir par terre et d’être soumis à des abus incessants de la part de la maîtresse de maison. Comme Cendrillon.

Et elles étaient aussi brutalement battues. La maîtresse de maison a jeté l’une des filles de ma sœur dans la neige. Le soir, après que la fille avait fini de faire le ménage, elle l’a attrapée et l’a jetée dehors en lui disant : « Tu vas rester là, dans la neige, et si tu bouges, je te tue ».  Une fille de 12 ans. Elle est restée dehors dans la neige jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse. Elle ne se souvient pas de ce qui s’est passé, mais elle s’est réveillée dans la maison.

Pendant tout ce temps, la fille n’avait pas le droit de parler à sa mère, ni même de s’approcher d’elle. Tous les autres enfants savaient qu’elle était la fille d’une paria.

Helbrans appelait ma sœur un chat [et disait] « Ne t’approche pas du chat ». Non seulement les enfants n’avaient pas le droit de l’approcher, mais toute la secte l’ostracisait. On a dit à la fille que sa mère était maudite.

Comment votre sœur parlait-elle d’Helbrans ? Le considérait-elle comme un leader ? Une figure spirituelle ?

Elle avait peur de parler de lui, elle avait même peur de prononcer son nom. Elle était liée à la religion, pas à lui. Elle le détestait, mais le craignait et croyait qu’il avait des pouvoirs spéciaux. Et il semblait pouvoir en apporter la preuve.

Comment ?

En les ensorcelant, comme un magicien. Il faisait des tours et ils étaient ravis ; ils lui embrassaient les pieds. Par exemple, il se cachait dans la salle de bain et lisait tous les journaux laïcs, puis il leur disait, par exemple, « Demain, il y aura un tremblement de terre en Turquie » - alors que le tremblement de terre avait déjà eu lieu. Après tout, ils étaient coupés d’Internet et du monde, alors pour eux, c’était comme : « Wow, c’est un prophète, il est tout-puissant ».

Nous sommes en 2014, vous êtes au Guatemala, vous savez que vos nièces subissent des horreurs, que votre sœur est seule. Lev Tahor vit dans un village maya, dont certains habitants ont même rejoint la secte. Vous vous rendez compte que vous ne parviendrez pas à les exfiltrer.

Je devais déjà rentrer chez moi, car mes affaires commençaient à s’effondrer. Avant de repartir, j’ai contacté les médias du Guatemala et leur ai montré des preuves d’abus - comment pouvait-il être possible que la tribu maya adopte une secte de pédophiles ? ça a fonctionné. La secte a été expulsée du village. Elle a loué un grand immeuble de bureaux dans la zone industrielle et toute la secte s’est installée dans le bâtiment.

Comment avez-vous su où ils avaient déménagé ?

J’avais un informateur parmi les Mayas qui me tenait régulièrement au courant. Un jour, il m’a écrit : « Votre sœur et l’un de ses fils sont sauvagement battus par le fils d’Helbrans. Il reste là et leur donne des coups de pied, comme s’il s’agissait d’un ballon. J’ai immédiatement dit à mon père de l’appeler sur son téléphone, parce qu’elle refusait de me parler. Il l’a appelée et lui a dit : “Alors, comment se sont passés tous ces passages à tabac ? Ça t’a plu ?” Elle était stupéfaite ».

Quelques heures plus tard, son mari m’a appelé. Avec le recul, j’ai compris qu’elle lui avait parlé des coups. Il a dit : « Aide-moi, il faut les sauver ». « Très bien. Va en Argentine et attends-les ; je les amènerai là-bas ».  J’ai compris que c’était ma grande chance. À ce moment-là, j’avais déjà noué des contacts - avec l’extraordinaire communauté juive du Guatemala, avec les autorités locales - mais j’ai dit : « Assez, je ne veux pas que quelqu’un me fasse des faveurs. Je ne veux pas des autorités, je ne veux pas des médias. Je vais y aller maintenant et les faire sortir par moi-même, sinon ça ne finira jamais ».

Pourquoi pensiez-vous que vous réussiriez cette fois-ci ?

La situation de la secte avait changé du tout au tout. Ils vivaient tous dans un seul bâtiment, dans des conditions épouvantables. Ils n’avaient aucun moyen de cuisiner ou de se doucher. Ils se disputaient constamment à propos de tout. Je suis allé au Guatemala avec un de mes amis, quelqu’un qui travaillait dans le domaine de la sécurité. Il a appelé ma sœur et l’a menacée. « Il lui a dit : "Nous venons te chercher et cette fois, tu t’en vas ».

Pourquoi des menaces ?

Malheureusement, c’était le seul moyen de l’atteindre. Elle a totalement coopéré. Nous voulions venir le soir même, mais elle a dit non, que nous devions attendre jusqu’au samedi soir, parce que pendant le shabbat, ils prient sans arrêt, puis s’effondrent et dorment toute la journée du lendemain.

Comment se fait-il qu’elle ait coopéré tout d’un coup ?

Que pouvait-elle faire d’autre ? Ses enfants étaient séparés d’elle et maltraités. Elle et son jeune fils étaient sauvagement battus, et son mari n’était pas vraiment au courant de toute l’histoire. Elle a craqué. Mon ami a recruté quelques autres hommes comme lui, avec des armes. Nous avons organisé les choses pour le samedi soir ; nous avons été sur les dents tout le week-end.

Vous l’avez crue ? Vous lui avez fait confiance pour qu’elle vous suive ?

Je l’ai crue. Ils n’avaient pas non plus d’endroit où s’enfuir. Nous nous sommes arrangés pour venir à 2 heures du matin et nous avons attendu sous le bâtiment, armés. Il était 2h05, 2h10 du matin. Personne ne descendait. J’ai commencé à paniquer. J’ai dit que je ne partirais pas sans eux, que je prendrais d’assaut l’endroit. Soudain, je vois son fils qui me fait signe. Comme elle l’avait dit : le garçon sortira le premier et vous fera signe.

C’était un moment vraiment exaltant : Il est descendu le premier, puis un autre garçon. Et justement, ma sœur a failli tout gâcher. Elle a insisté pour ne pas partir sans ses affaires. Qu’est-ce que c’était ? De la vaisselle. Le vieux scooter de son fils. Tous les déchets qu’elle avait accumulés et dont elle était persuadée qu’ils constituaient un trésor. Nous avons attendu, attendu.

Une fois la procédure terminée, nous nous sommes rendus dans une résidence sécurisée que j’avais louée. À la première heure du matin, nous étions déjà à l’aéroport avec nos gardes. Nous avons pris l’avion pour l’Argentine, c’est tout.

Personne n’est venu vous chercher ?

Des membres de la secte ont porté plainte pour l’enlèvement d’une famille. Je ne me souviens pas exactement, mais il semble que l’on ait tenté de nous arrêter en chemin, au Panama, mais nous avons également surmonté cette épreuve. Lorsque nous sommes arrivés en Argentine et que j’ai su qu’ils seraient en sécurité dans la communauté juive de ce pays, j’ai envoyé un courriel à Helbrans : « Vous voyez ce qui s’est passé ? Finalement, ce n’est pas moi qui les ai sauvés, c’est G. [le mari] ». C’est ainsi que je leur ai fermé la porte, que j’ai fait en sorte qu’ils en aient fini avec la secte.

Sortir quelqu’un d’une secte n’est pas une mince affaire. Cela exige une action complexe, globale et multidimensionnelle. Vous avez juste débarqué et vous les avez sortis. Vous n’aviez pas peur que ça vous revienne en boomerang ?

Non. J’ai fait ce que j’ai pu.


Shlomo Helbrans, fondateur de Lev Tahor. Il a envoyé une entremetteuse à la famille pour laquelle travaillait la sœur de Twik et lui a dit : « Je veux cette fille, je veux la marier ». Photo Shay Fogelman

Ne vouliez-vous pas continuer à lutter contre la secte ? De votre point de vue, dès que votre sœur a été libérée, tout était fini ?

Certainement pas. J’ai fait beaucoup de relations publiques. J’ai donné des conférences en public. Nous avons créé une association à but non lucratif appelée Our Children’s Welfare. Je me suis appuyé sur les liens que j’avais créés avec les juifs aisés de la communauté à l’étranger. J’ai écrit un livre sur cette histoire [en hébreu] et je l’ai distribué gratuitement, pensant que cela aiderait peut-être quelqu’un. En réalité, j’ai également essayé d’aider quelques familles israéliennes qui avaient des parents coincés dans la secte, mais elles se sont méfiées de moi. Elles m’ont demandé ce que j’avais à y gagner, et j’ai laissé tomber.

Aujourd’hui, votre sœur vit aux USA avec sa famille et pratique un mode de vie haredi. Ont-ils suivi un traitement, ont-ils été réhabilités ?

Malheureusement, je n’ai pas pu les aider à suivre un traitement avec mon maigre budget. Quatre des enfants ne sont pas réhabilités. Ils sont absolument furieux contre leurs parents. C’est une histoire très dure.

Avez-vous une bonne relation avec votre sœur aujourd’hui ? Comment s’explique-t-elle ce qui s’est passé ?

Au début, elle m’adorait, elle me regardait comme si j’étais tout-puissant. Par la suite, la famille a commencé à se mettre en colère contre moi. Je voulais absolument qu’ils déposent une plainte auprès de la police [contre Lev Tahor], mais à mon grand regret, ils ont refusé. Ils avaient peur.

Qu’avez-vous pensé lorsque vous avez appris les arrestations [des dirigeants de Lev Tahor] au Guatemala le mois dernier [après le raid de décembre] ?

J’étais heureux, mais j’ai aussi ressenti du désespoir. Aujourd’hui, je comprends qu’il n’y a aucun moyen de mettre fin à cette secte. Elle ne s’arrêtera jamais. Le fils d’Helbrans sera bientôt libéré de prison. [Shlomo Helbrans, qui s’est noyé en 2017, a été remplacé à la tête de la secte par son fils, Nachman, qui a été reconnu coupable de trafic d’êtres humains et de tentative d’enlèvement des enfants de sa sœur, et a été condamné en 2022 à 12 ans de prison]. Nachman remettra la secte sur pied. C’est une évidence pour moi. Il sera toujours capable d’attirer les gens, de balayer les faibles dans son sillage. Je pense qu’il n’est pas moins doué que son père.

Quel est l’objectif de Lev Tahor - l’essence de la secte ? Elle se livre à des pratiques extrêmes, mais son essence est religieuse ?

L’objectif [des dirigeants] est de bien vivre aux dépens des autres. Vivre une belle vie avec un public qui vous vénère et qui fait tout pour vous. Ce ne sont pas des religieux. Pas vraiment. Je leur ai écrit qu’ils avaient violé les 10 commandements.

Y compris « Tu ne commettras pas de meurtre ».

Il y a le meurtre du corps et le meurtre de l’âme, dans lesquels ils sont experts. Certaines personnes sont mortes parce qu’on leur a refusé des soins médicaux, alors qu’il était clair à l’avance que cela se produirait. Ces dernières années, la secte est devenue plus extrême. Je pense que cela est également lié aux Mayas qui les ont rejoints. Mon informateur m’a parlé des atrocités qu’ils ont commises et auxquelles ils ont participé. Le Guatemala n’est pas le Canada. Dans le bon sens également, n’est-ce pas ? Pour moi, ça a joué en ma faveur. Je savais que je pouvais y faire ce que je voulais, et c’est ce que j’ai fait.

Pourquoi pensez-vous avoir réussi là où beaucoup d’autres familles ont échoué ?

Grâce à la volonté, à la foi et à la patience.

Je suis sûre que beaucoup de gens ont ça. Alors, quand vous regardez en arrière, qu’en pensez-vous ?

La vérité, c’est que je ne sais pas si je referais tout cela. Ma famille a payé un lourd tribut. J’ai 50 ans et j’essaie de me reconstruire économiquement, alors que j’avais déjà une entreprise florissante. Je ne suis plus le même Oded innocent et gentil que j’étais. J’ai vu un mal dont je n’imaginais pas l’existence. Je sais que je souffre d’un traumatisme. Au début, au Centre pour les victimes de sectes, on m’a dit que ce ne sont pas seulement les membres de la secte qui sont traumatisés, mais aussi tous ceux qui, à l’extérieur, essaient de les aider.

Il m’a fallu du temps pour comprendre à quel point c’était vrai. Je suis heureux d’avoir participé à la lutte contre Lev Tahor, mais nous devons nous rendre compte qu’il y a beaucoup d’autres sectes comme celle-ci. Beaucoup d’enfants vivent dans l’horreur. Ils doivent tous être sauvés.

Aucun commentaire: