Gideon Levy, Haaretz, 18/62023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Coup sur coup, l’armée israélienne a légitimé la semaine dernière deux actes ignobles commis par ses soldats. Ils n’ont pas été jugés et n’ont pas été punis. Les FDI ont totalement innocenté ceux qui avaient envoyé à la mort un Palestinien âgé et ligoté, ainsi que celui qui avait tiré une balle dans la tête d’un enfant palestinien en bas âge, le tuant.
Les deux actes rivalisent par leur degré de barbarie. Pour les commandants des FDI, les deux sont corrects, normaux et acceptables. Désormais, les soldats de Tsahal sauront ce qu’ils savent depuis longtemps : ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent, y compris tirer sur des enfants en bas âge et brutaliser des personnes âgées.
Aucun mal ne vous sera fait, leur dit-on. Vous avez agi comme on l’attendait de vous.
Des parents palestiniens lors des funérailles d’Omar As’ad, 80 ans, dans le village de Jiljilya en Cisjordanie, en janvier dernier. Photo : JAAFAR ASHTIYEH / AFP
Le premier acte ignoble a été
commis il y a environ un an et demi, à 3 heures du matin, dans le village
prospère et tranquille de Jiljilya, en Cisjordanie. Des soldats du bataillon
Netzah Yehuda (qui d’autre ?) arrêtent un homme de 80 ans, Omar As’ad, pour le plaisir sadique de la
chose. Il rentrait tranquillement chez lui après avoir rendu visite à un ami
dans le village.
Il les supplie de le laisser
tranquille. Ils le sortent de force de sa voiture, lui attachent les mains dans
le dos, lui bandent les yeux avec un chiffon et lui enfoncent un autre chiffon
dans la bouche pour l’empêcher de crier. Ils le traînent ensuite dans la rue. À
ce moment-là, l’un des pieds d’As’ad est déjà nu après qu’une tong a glissé.
Ils le poussent dans la cour d’un immeuble en construction. Là, ils le jettent
à plat ventre sur un sol en béton et l’abandonnent dans l’air froid de la nuit,
vêtu d’une simple chemise. Son kefieh est également tombé.
Il reste là pendant environ une heure, sans bouger, jusqu’à ce que les soldats reviennent pour lui détacher les mains avant de partir. Ils n’ont même pas remarqué qu’il était mort. Rien à foutre.
Propriétaire d’une épicerie à Milwaukee, dans le Wisconsin, As’ad est retourné, à un âge avancé, dans son village natal pour y finir ses jours avec ses amis d’enfance. Les soldats, qui l’ont jeté comme un sac pour la seule raison qu’il était palestinien, ont peut-être des grands-pères de son âge. Comment se seraient-ils sentis si leurs grands-pères avaient été traités de la sorte ?
Cette question n’a pas traversé l’esprit des soldats du bataillon Netzah Yehuda, qui se traduit par Judée éternelle. L’éternité d’As’ad a pris fin cette nuit-là, le 12 janvier 2022. Les soldats de Netzah l’ont expédié à la mort.
L’autopsie a révélé qu’il était mort d’une crise cardiaque causée par la violence dont il était la cible. Lorsque j’ai visité le site où il a été jeté dans la nuit froide avec des témoins oculaires qui avaient également été arrêtés sans raison par des soldats qui s’ennuiyaient, il était difficile de comprendre une telle cruauté et une telle insensibilité à l’égard d’un homme âgé, de forte corpulence, pieds nus et sans défense.
Le fait qu’As’ad soit un citoyen usaméricain a fait naître l’espoir que, peut-être, cette fois-ci, les FDI seraient obligées de s’écarter de la dissimulation habituelle. Au lieu de cela, une simple enquête a traîné pendant un an et demi. Personne n’a été arrêté. Personne ne sera jugé. Le porte-parole du département d’État usaméricain a un peu grogné sur l’affaire la semaine dernière, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Les USAméricains pardonneront à leur allié de traiter ainsi l’un de leurs propres citoyens.
Des hommes se tiennent à côté d’une affiche d’Omar As’ad, 80 ans, dans le village de Jiljilya en Cisjordanie, en janvier dernier. Photo : MOHAMAD TOROKMAN / REUTERS
Ce mois-ci, la nuit du 1er juin n’était pas aussi froide à Nabi Saleh que cette nuit d’hiver à Jiljilya, et depuis, les soldats de Netzah Yehuda ont été renvoyés de Cisjordanie en raison de leur conduite - mais les nouveaux soldats du bataillon Duchifat, de la même brigade Kfir, étaient également très enthousiastes à l’idée de passer leur première nuit dans le village sans maman.
Quelqu’un avait entendu des tirs. Des soldats sont entrés dans le village et ont commencé à tirer en l’air sans se coordonner. Les soldats de la tour de garde n’ont rien signalé.
Un soldat en quête d’action a commencé à cribler de balles une voiture dont les phares avaient été allumés à l’entrée d’une maison à l’orée du village. À travers sa lunette à vision optique, il a vu ou n’a pas vu la petite tête de Mohammed Tamimi, 2 ans, et son père, Haitham. Il a tiré sur les deux, tuant le bambin.
Cette fois, l’enquête au niveau du commandement a été rapide. Le seul soldat réprimandé a tiré en l’air. Tirer sur l’enfant et son père était la bonne chose à faire - correcte, légale et morale.
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