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Jaime Rafael Nieto López
El Reloj Político Latinoamericano 

Hoy sabemos que el mundo se está transformando desde el punto de vista geopolítico, obviamente también desde el punto de vista geoeconómico, lo cual reclama de los gobiernos progresistas una política regional e internacional cada vez más autónoma, soberana e integrada frente a los grandes poderes a nivel mundial… Es probable que aún no estén dadas las condiciones subjetivas para un giro revolucionario. Pero, ¿existe la voluntad política por parte del progresismo para efectuarlo?

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20/06/2023

LUIS CASADO
Leurs vessies, nos lanternes

Luis Casado, 20/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les experts observent que les doctrines politiques sont obsolètes et que nous naviguons à vue. Où va le monde ? À en juger par la régression européenne... vers le fascisme. La question est de comprendre le pourquoi du comment, dit Luis Casado, et il suggère de ne pas tourner autour du pot...

Les vicissitudes caricaturales du gouvernement chilien ont donné lieu à une avalanche d’interprétations, de chroniques et d’analyses, le plus souvent dépourvues de l’humour qui est le propre du populo.

 

Un “gabrielín » (petit Gabriel) en laine créé par l’entreprise artisanale Ñuke Lanas, que le maire de Maipú, Tomás Vodanovic, avait promis d’offrir à celui qui était alors candidat en 2021

Le président de ce qui reste de la République lui-même - si friand d’aphorismes -, faisant allusion à la gestion malheureuse des urgences sanitaires par le sous-secrétaire aux réseaux de soins, s’est fendu d’un autre : « En ce moment, il n’y a pas de place pour les courbes d’apprentissage ». Peut-être que son subconscient l’a trahi et qu’il faisait référence aux résultats lamentables de l’éducation dans le pays qu’il préside.

 

Ou encore la décision incompréhensible et malheureuse du ministre de la culture qui, sans consulter son président, a rejeté l’invitation faite au Chili par la Foire du Livre de Francfort d’être le pays « invité d’honneur » en 2025. « Il est insensé de dépenser une telle somme d’argent », a répété M. De Aguirre.

 

Ou peut-être voulait-il suggérer au député Mellado [Renovación Nacional de l’ancien président Piñera, droite, NdT] que, lorsque l’exécutif convoque une réunion des pouvoirs de l’État au palais présidentiel pour discuter du renforcement de la lutte antiterroriste – suite à l’explosion de pétards inoffensifs sur des relais de téléphone, évidemment attribuée immédiatement aux Mapuches - , il n’est pas conseillé d’introduire des magnétophones de contrebande avec la saine intention de diffuser les inepties de l’aréopage qui nous gouverne. Apprenez, Mellado, apprenez !

 

Je dois admettre que le caractère misérable de ce qui précède n’est pas propre au Chili. Aux USA un type comme Raúl Torrealba [autre membre de Renovación Nacional, sous enquête pour détournement de fonds publics comme maire, NdT] pourrait être candidat à la présidence. En Espagne, Alberto Núñez Feijóo [président du Partido Popular], le candidat de droite au poste de premier ministre, propose de supprimer le ministère de la culture. En Finlande, le gouvernement a nommé sept ministres fascistes, et non des moindres. Dans l’UE, deux ectoplasmes, Ursula von der Leyen et Josep Borrell, occupent la présidence et les affaires étrangères, ce qui donne la mesure de la subnormalité des subnormaux.

 

Il est temps d’expliquer le pourquoi et le comment du comportement débile de ces héros demeurés. C’est à ce stade qu’il faut arrêter de prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages et de nous faire prendre les vessies pour des lanternes.

 

Dans son célèbre essai L’illusion économique, Emmanuel Todd écrit:

« Nous vivons aujourd’hui l’aboutissement logique de l’absurdité ultralibérale qui, voulant « libérer l’individu » de tout carcan collectif, n’a réussi qu’à fabriquer un nain apeuré et transi cherchant la sécurité dans la déification de l’argent et sa thésaurisation. En l’absence de groupes actifs, définis par des convictions collectives fortes - ouvrières, catholiques, nationales -, les hommes politiques du monde occidental sont réduits à leur taille sociale réelle, par nature insignifiante » (p. 24).

Je ne peux que souligner l’année de la publication du livre à Paris : 1998. Il y a exactement un quart de siècle.

 

À l’époque, les USA étaient dirigés par Bill Clinton, mis en accusation par la Chambre des représentants pour parjure et obstruction à la justice pour avoir dissimulé sa liaison avec Monica Lewinsky, une stagiaire de la Maison Blanche âgée de 22 ans.

 

La Russie était présidée par un alcoolique notoire, Boris Eltsine.

 

En Allemagne, le chancelier Gerhard Schroeder était un social-démocrate qui entretenait de bonnes relations avec la Russie et qui est devenu par la suite président de la compagnie pétrolière russe Rosneft. Son parti, le SPD, a entamé une procédure d’expulsion. Ce n’est pas Schroeder qui a changé, mais le SPD : dans les années 1970, Willy Brandt avait noué de bonnes relations avec l’URSS.

 

Le gouvernement espagnol était dirigé par José María Aznar, un guerrier : non seulement il prétendait que personne ne pouvait lui interdire de conduire en état d’ivresse, mais il était l’un des rares à croire à la blague des “armes de destruction massive” de Saddam Hussein et à accompagner Bush Jr. et Tony Blair dans l’invasion illégale [Kofi Annan, SG de l’ONU, dixit] de l’Irak

 

Signe des temps... en France, nous sommes passés de De Gaulle à Chirac, puis à Sarkozy (actuellement mis en examen pour escroquerie et vol), puis à François Hollande (qui, le soir, quittait l’Élysée en scooter - muni d’un casque - pour rendre visite à sa maîtresse)... et enfin Emmanuel Macron (ou Micron, c’est selon...).

 

En Grande-Bretagne, la statue de pierre de Winston Churchill, l’homme qui n’avait rien d’autre à offrir que “du sang, de la sueur et des larmes"” a cédé la place à celle, déjà tragique, de Tony Blair, puis à la caricature pathétique de Boris Johnson et, aujourd’hui, à celle de Rishi Sunak.

 

Au Chili, où nous avons eu le privilège d’élire Salvador Allende, dont la dimension morale, les qualités d’homme d’État et le courage héroïque étaient inégalés, nous sommes descendus jusqu’au tortueux Patricio Aylwin, et avons poursuivi la descente avec Ricardo Lagos jusqu’à Gabriel Boric, dont le niveau intellectuel nous fait regretter jusqu’à Michelle Bachelet, ce qui n’est pas peu dire.

 

Comme on le voit, Emmanuel Todd était fondé à écrire : « ...les hommes politiques du monde occidental sont ramenés à leur taille sociale réelle, par nature insignifiante ».

 

Pour comprendre la dissociation entre la société réelle et la croûte politique parasitaire, Emmanuel Todd propose de ne pas se limiter à ses éléments économico-culturels. Il y ajoute une autre dimension dont il est un spécialiste reconnu : la dimension anthropologique. La lecture des deux volumes de son livre L’origine des systèmes familiaux, - mille pages chacun -, exige un minimum de dévouement et d’intérêt pour la tâche.

 

En résumé, Todd affirme que les caractéristiques des structures familiales, élément anthropologique par excellence, déterminent les particularités du capitalisme dans lequel nous sommes immergés, y compris ses limites, ses faiblesses et les lacunes qui le mènent à sa perte.

 

Il convient de prêter attention à l’évolution historique des structures familiales qui, pour ne rien arranger, sont souvent diverses et variées au sein d’un même pays : il est rare de trouver une nation chimiquement pure, même si les Japonais et les Allemands s’en réclament.

 

En simplifiant à l’extrême, il y a des pays dans lesquels les structures familiales “de souche”, caractérisées par l’autorité parentale et l’égalité entre frères et sœurs, sont prédominantes. Dans ces pays, on a tendance à considérer l’égalité d’appartenance nationale comme un élément important de la cohésion sociale. Dans d’autres pays, souvent anglo-saxons, la famille “nucléaire”, dans laquelle le fils aîné monopolise la succession, prévaut et l’inégalité est acceptée comme une évidence. Voilà, le sujet est d’importance, je ne peux pas faire le résumé en moins de cent pages.

 

En évitant les vessies, il me semble nécessaire d’évoquer quelques éléments économiques du désastre actuel, ce qu’Emmanuel Todd appelle la réalité et l’illusion de la mondialisation. C’est une réalité, dit Todd, et il y associe « la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes, une baisse des revenus du travail non qualifié puis qualifié, une augmentation des inégalités, une baisse des taux de croissance et finalement une tendance à la stagnation ».

 

Le naufrage d’un bateau de migrants au large de la Grèce a fait 700 morts, pour la plupart des femmes et des enfants, tandis que la subvention allemande de dix milliards d’euros à INTEL pour l’implantation d’une usine de semi-conducteurs à Magdebourg montre que les capitaux ne circulent pas seulement librement, mais dans des cercles de plus en plus étroits.

 

Comme chacun le sait, ou devrait le savoir, dans le domaine de la théorie, nous devons à David Ricardo (1772 - 1823) la thèse des avantages comparatifs qui produisent des échanges économiques entre deux pays inégalement dotés en facteurs de production. Ainsi, dans son exemple, le Portugal et l’Angleterre produisent du tissu et du vin, mais à des prix différents. Naturellement, la spécialisation d’un pays dans la production de vin, et de l’autre dans celle de tissu, génère un échange bénéfique pour les deux.

 

Marx - qui, en lisant ceci, riait aux éclats - appelait ce type d’analyse des “robinsonnades” : les économistes construisent généralement des théories sur la base d’un ou deux producteurs, Robinson Crusoé d’un côté et, éventuellement, Vendredi de l’autre. Marx avait raison : il suffit de regarder les résultats de siècles d’échanges inégaux entre le sud de la planète et “le nord instable et brutal”. Ce que nous voyons en Amérique latine, en Afrique et en Asie n’est pas le résultat d’échanges gagnant-gagnant, mais le fruit du pillage, du vol et de l’exploitation.

 

Lorsque Ursula von der Leyen se rend en Amérique du Sud, ce n’est pas en raison d’“avantages comparatifs”, mais pour la simple raison que l’UE ne produit pas de lithium. Lula au Brésil et Fernández en Argentine ont raison de demander à Ursula : « Et nous, Brésiliens et Argentins... quelle sera notre part ? »

 

Les partisans de la mondialisation ont trouvé une version perfectionnée de la thèse de Ricardo dans le modèle dit de Heckscher-Ohlin, noms auxquels Paul Samuelson est parfois associé. Un trio qui est à l’humour ce que les Trois Stooges étaient à l’économie. Rien ne contribue plus à la crédibilité de l’économie que les mathématiques. Conscients de cela, Heckscher et Ohlin ont élaboré un théorème qui porte leur nom. L’étudier, que dis-je, l’évoquer, vous habille des atours de l’économiste distingué. Voyons un peu.

 

La base du commerce n’est pas toujours la même et dépend de la combinaison de cinq conditions nécessaires et suffisantes pour que le commerce ait lieu ou non. Je n’invente rien, je ne fais que mettre la science pure sous vos yeux éblouis. Un conseil : portez des lunettes de soleil. Voici les conditions :

1.- les pays ont des fonctions d’utilité agrégées homothétiques et ce sont les mêmes pour tous les pays ;

2.- Les fonctions de production diffèrent d’un bien à l’autre mais sont identiques d’un pays à l’autre ;

3.- les dotations relatives en facteurs de production sont les mêmes dans tous les pays ;

4.- La concurrence pure et parfaite existe sur tous les marchés ;

5.- Les fonctions de production sont linéaires et homogènes.

 

Kwassa ? C’est cela même. À partir de la clarté époustouflante de ce qui précède, les économistes expliquent tout, y compris les raisons pour lesquelles le dollar monte ou descend, ou pourquoi Raúl Torrealba a mis les mains dans la caisse, ou pourquoi Alexis Sánchez termine sa carrière à Tocopilla alors que Perpète-les-Oies est si près de Trifouillis.

 

Ceux qui s’y connaissent (pas en Alexis... mais en économie), vous diront que la théorie de Heckscher-Ohlin assouplit (sic) la troisième condition et établit que les bases des échanges réciproques sont dues à la présence de dotations relatives de différents facteurs de production entre les pays.

 

Exemple : votre putain de pays produit du cuivre parce qu’il y a des gisements de cuivre - et maintenant de lithium - alors que d’autres pays ont du capital, un capital qu’ils ont accumulé pendant des siècles en volant le cuivre..., une merveilleuse coïncidence qui prouve le génie de Heckscher et d’Ohlin, et de temps en temps de Samuelson. En Suède, on obtient un prix Nobel pour bien moins que ça.

 

Certes, les Suédois sont disciplinés et suivent le patron partout où il va, c’est pourquoi ils ont offert pas moins de cinq prix Nobel aux promoteurs de l’ultralibéralisme et de la mondialisation, dont Milton Friedman, qui affirmait que les USA ne devaient rien à personne parce que « la dette est exprimée en dollars et les dollars, c'est nous qui les fabriquons ». Personne n’a pu savoir si le Nobel lui a été décerné pour son impudeur, son cynisme ou pour avoir présenté des vessies comme lanternes.

 

Vous avez maintenant suffisamment d’exemples pour montrer qu’en termes d’incompétence, d’irresponsabilité, d’ineptie politique et de gâchis digne d'être immortalisé dans le bronze... le Chili a une sérieuse concurrence dans différentes parties du monde, même dans les pays les plus insoupçonnés.

 

Ce génie nous a menés là où il nous a menés. L’ultralibéralisme retourne là d’où il n’aurait jamais dû sortir. La mondialisation menace de détruire les conditions d’existence de la vie humaine sur la planète, c’est pourquoi les plus audacieux exigent que l’on achète désormais des voitures électriques... pour lesquelles l’électricité n’est pas encore produite. La vague de privilèges qui accompagne la détérioration des conditions de vie de la grande majorité de la population (les statistiques disent que nous sommes 80 %) pose des défis sans précédent. Le fait que les gens - compte tenu de ce qu’ils ont vécu - ne croient plus en la mère qui les a portés, que les burnes et les valseuses monopolisent l’intérêt général, que le désir de consommation a développé un individualisme exacerbé qui dissout la cohésion sociale, tout cela est le résultat de la domination incontestable du capitalisme.

 

Il y a un peu plus d’un siècle, Lénine et les bolcheviks tentaient de prendre le ciel d’assaut et se donnaient pour programme la révolution sociale. Nous n’avons pas beaucoup progressé, puisqu’aujourd’hui l’audace extrême consiste à concéder ce qui reste. Et à exiger le tri de vos déchets dans des poubelles de couleurs différentes : pour sauver la planète.

 

En d’autres termes, nous sommes en train de nous faire enlaterner la vessie.

 

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