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11/02/2025

JAKE LAHUT
Quand Kash Patel, candidat de Trump à la tête du FBI, attaquait Elon Musk
Un épisode de la guéguerre entre techno-féodaux et national-populistes

 

En 2022 Kash Patel s’en est pris à Elon Musk dans des épisodes de podcast : “il va devenir un maous trust”

Jake Lahut, Drop Site News, 7/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L’un des plus importants affrontements idéologiques qui se déroule actuellement aux USA est celui entre Elon Musk et Steve Bannon, qui représentent deux ailes de l’univers trumpesque, les techno-féodaux contre les populistes MAGA. L’article ci-dessous de Jake Lahut revient sur les commentaires enflammés de Kash Patel, un allié de Steve Bannon pressenti pour diriger le FBI [la commission judiciaire du Sénat est en train d’examiner sa candidature, qui pourrait être rejetée, NdT].

Dave Whamond

WASHINGTON, DC — Un épisode inédit d’un podcast animé par Kash Patel, fidèle de Trump et candidat au poste de directeur du FBI, révèle une tension préexistante sous-jacente au mariage déjà difficile entre les populistes du MAGAworld et les élites de la Silicon Valley dirigées par Elon Musk qui ont soutenu la campagne de Donald Trump.

Après 15 mois chaotiques passés à travailler pour la première administration Trump, Patel, un fidèle loyaliste de Trump, avait lancé Kash’s Corner, un podcast dans lequel il proposait son point de vue depuis le MAGAfied sur l’actualité aux côtés de son co-animateur, le rédacteur en chef de l’ Epoch Times, Jan Jekielek.

Dans un épisode d’octobre 2022, Patel a mis en garde non seulement contre les motivations financières de Musk, mais aussi contre ses ambitions monopolistiques et sa soif de données sur les consommateurs et de contrats de défense - les mêmes choses qui préoccupent l’aile économiste-populiste du monde de Trump.


Kash Patel témoigne lors d’une audition de la commission judiciaire du Sénat sur sa nomination au poste de directeur du FBI le 30 janvier 2025. Photo Mandel Ngan / AFP via Getty Images

À l’époque, Musk venait de décider qu’il ne voulait finalement pas acheter Twitter, car le coût exorbitant de la plateforme de médias sociaux l’obligerait à s’endetter de plusieurs milliards de dollars sans perspective évidente de rentabilité. Le milliardaire et [alors] éventuel soutien de Trump a finalement procédé à l’achat quand même, car Twitter l’a poursuivi en justice lorsqu’il a tenté de se rétracter et de ne pas acheter Twitter au prix convenu précédemment.

Mais Patel n’a pas entièrement adhéré à son raisonnement. En fait, sa diatribe contre Musk a révélé un profond scepticisme quant à ses intentions monopolistiques, une préoccupation fondamentale des économistes populistes du MAGAvers.

Patel semblait presque perturbé en dénonçant les intentions de Musk de tenter d’acheter la plateforme de médias sociaux. « En fin de compte », a déclaré Patel, « j’ai réfléchi un moment, et c’est de l’argent. »

« Même si vous valez 250 milliards de dollars et que vous achetez une entreprise de 50 milliards de dollars... cela représente un cinquième de votre richesse, surtout si vous avez besoin d’utiliser des capitaux liquides, ce que vous faites dans ces transactions pour en acheter une grande partie », a déclaré Patel. « « Je pense donc qu’il s’est rendu compte que sa pénalité de paiement, s’il se retirait, allait être énorme, un milliard de dollars en espèces. Et je pense qu’il a réalisé qu’il voulait continuer à construire le béhémot Elon, et il a publié une déclaration. Elle dit en gros que tous les chemins mènent à l’application unique pour tout, l’application X. C’est mignon de la part du fondateur de SpaceX, je ne sais pas vraiment ce qu’il veut dire par l’application unique pour tout. »

Bien que Patel ait joué les effarouchés, le message était clair : l’appétit de Musk pour les acquisitions était alarmant.

« Cela me fait penser à l’Anneau unique », a déclaré Jekielek, faisant référence au Seigneur des Anneaux. Patel a éclaté de rire, interrompant brièvement son co-animateur. « Ce qui n’est pas de bon augure. »

Patel, ainsi qu’une faction du cercle restreint du président et un groupe d’autres personnages du Trumpworld, dont Steve Bannon, ont été en désaccord avec Musk et les titans de la Silicon Valley qui se sont injectés dans l’orbite du président pendant la dernière ligne droite de sa campagne. « Dès que je pourrai faire d’Elon Musk un nationaliste populiste plutôt qu’un techno-féodal, nous commencerons à faire de réels progrès », a récemment déclaré Bannon.

Mais Trump a accueilli les milliardaires de la Silicon Valley à bras ouverts, en commençant par le circuit de collecte de fonds et en intensifiant les choses lorsque Musk a publiquement soutenu Trump immédiatement après la tentative d’assassinat de juillet.

« Le président Trump aime les titans », a déclaré un agent du Trumpworld à Drop Site News lorsqu’on lui a demandé ce qui empêchait les autres stars MAGA de s’en prendre publiquement à Musk.

Patel a semblé réfléchir sérieusement à sa critique de Musk, soulevant des questions sur sa dépendance à l’égard de l’argent des contribuables usaméricains pour ses entreprises ainsi que sur la bonne volonté de Beijing.

« Et ya l’autre truc », a dit Patel après la boutade de Jekielek sur le Seigneur des Anneaux. « Ce type a déjà Starlink, donc il fournit Internet au monde entier, soi-disant. Il a déjà Tesla. Il a déjà le programme SpaceX et les contrats du ministère de la Défense, qui représentent, je crois, la plus grande partie de ses revenus, et maintenant il aura Twitter ? »

La plus grande partie de la valeur nette de Musk provient de ses actions Tesla, qu’il peut utiliser pour emprunter et dépenser à un niveau bien supérieur à celui d’un salaire traditionnel. Chez Tesla, sa rémunération est liée à la valorisation de l’entreprise et au cours de l’action. À elle seule, SpaceX a engrangé plus de 20 milliards de dollars de contrats fédéraux à ce jour.

« Donc ce qui me fait peur, c’est que », a poursuivi Patel « si on veut parler de monopole, c’est le monopole par excellence. Va-t-il céder les entreprises et permettre à d’autres de lui faire concurrence ? Sur les plateformes de libre expression, par exemple ? Va-t-il simplement tout racheter, puis devenir un maous trust— faute d’un meilleur mot, un monopole — ce qui est censé être illégal en vertu des lois antitrust ? » Les piliers du MAGA tels que le vice-président J.D. Vance se sont farouchement opposés au comportement monopolistique et Trump s’est même présenté avec un programme quasiment antitrust.

M. Patel n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Dans l’épisode d’octobre 2022 de Kash’s Corner, M. Patel a lancé une suggestion encore plus incendiaire, cette fois sur l’utilisation des données des consommateurs par Musk.

« Que va-t-il faire de toutes ces données ? C’est ce qui m’inquiète », a déclaré Patel. « La collecte de données - il dispose d’un système mondial de satellites wifi, dans l’espace, pour le monde entier : Starlink. Il a Tesla, il a, comme je l’ai dit, le programme SpaceX, et maintenant il aura Twitter. »

Patel s’est retrouvé à poser une version de la question que de nombreux détracteurs de Musk se sont posée au sujet de la prise de contrôle du DOGE [département de l’efficacité gouvernementale, référence clin d’œil au dogecoin, la crypto-monnaie favorite de Musk, NdT], dans laquelle le milliardaire et ses associés ont pris le contrôle des bases de données gouvernementales, gelé les paiements, accédé aux données des employés fédéraux, des fournisseurs et des contribuables dans un déluge de changements avec une autorité pour le moins douteuse.

« Que faites-vous des informations personnelles de tout un chacun ? », a demandé Patel.

Patel et Jekeliek ont ensuite évoqué la Chine, où Musk a des intérêts commerciaux importants, notamment l’accès de Tesla au marché chinois des véhicules électriques et, maintenant, des projets de centre de données. (Il s’avère que Patel détient également une participation dans le groupe  de fast fashion chinois Shein [qui l’a rémunéré comme consultant en actions non acquises d’un montant entre 1 et 5 millions de $, NdT])

« Autorisez-vous le PCC [Parti communiste chinois] à avoir des portes dérobées ? Comme d’autres entreprises, comme TikTok, l’ont fait dans le passé, et à vendre les données des USAméricains ? Ou à fournir directement les données des USAméricains au PCC pour une utilisation future contre les intérêts usaméricains ? Ce sont des questions que les gens devraient se poser, je pense, plutôt que de se focaliser sur les hauts et les bas de l’achat de Twitter par Elon », a déclaré Patel.

L’activité intense de Musk depuis son arrivée au sein de la nouvelle administration en tant qu’employé spécial du gouvernement a des implications majeures pour la sécurité des données. L’équipe de jeunes collaborateurs du milliardaire, qui fait partie du Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), cherche à accéder aux systèmes internes et aux serveurs contenant des informations telles que les numéros de sécurité sociale et les paiements, les déclarations d’impôts et d’autres données privées appartenant à des citoyens usaméricains.

Bien que les opinions actuelles de Patel sur Musk restent floues, son analyse de ses intérêts commerciaux et de ses motivations semble répondre directement aux craintes actuelles concernant ses intentions avec le DOGE.

À plusieurs reprises, Patel s’est tourné vers Truth Social pour dénoncer Musk.

Dans un message de juillet 2023, Patel a accusé Musk d’être « un big tech qui s’est mis en collusion avec notre gouvernement pour censurer nos élections », ajoutant : « Vos messages bon marché sur Titter [sic] et vos crottes de clown de Mickey Mouse ne vous absoudront pas », comme l’a d’abord rapporté The Daily Beast. « Vous êtes aussi mauvais que le FBI/DOJ [ministère de la Justice] et vous gagnez des millions grâce aux campagnes de désinformation. Vous êtes un imposteur complet et total qui ne se soucie que de $. »

Depuis que Trump a nommé Patel pour le prendre la tête du FBI fin novembre, il ne semble avoir publié aucun message sur Musk sur son compte Truth Social. Dans l’ensemble, il a réduit son activité en ligne pendant le processus de confirmation. Bien que la commission judiciaire du Sénat ait reporté jeudi l’examen de la nomination de Patel, elle devrait reprendre ses travaux sous peu.

Bien qu’il ait tenté de faire profil bas, les transactions financières de Patel devraient désormais faire l’objet d’un examen plus approfondi. Le journaliste indépendant Roger Sollenberger a publié des formulaires de divulgation financière montrant que Patel a reçu un paiement à sept chiffres pour huit mois de travail en tant que « consultant » pour une société holding basée aux îles Caïmans qui est l’entité de contrôle de Shein (Le montant exact n’est pas connu.)

L’accord sur les actions est entré en vigueur en novembre, selon la divulgation, plusieurs mois après que Patel a rejoint la société holding en tant que consultant et le même mois où Trump l’a nommé directeur du FBI. Patel n’a pas révélé publiquement ce qu’il a fait pour la société holding.

Plusieurs membres du conseil d’administration de cette société holding sont des cadres supérieurs de Shein. Selon Roger Sollenberger, journaliste indépendant spécialisé dans le financement des campagnes électorales, Patel n’a aucune intention de se dessaisir de ses actions une fois en fonction, et a commencé à les acquérir le 1er  février, deux jours après sa première audition de confirmation au Sénat.

Pendant la semaine d’investiture, Patel a posé pour des photos avec d’autres personnages du MAGA, mais, on l’a noté, pas avec Musk. Sur l’une des photos, Patel apparaît aux côtés de Boris Epshteyn, un proche collaborateur de longue date de Trump, qui aurait eu une engueulade publique avec Musk à Mar-a-Lago pendant la transition.

Vers la fin de la diatribe de Patel contre Musk sur Kash’s Corner en 2022, il a également juré de ne jamais rejoindre Twitter.

« Jamais », a-t-il dit à son co-animateur. « Je préfère Truth Social. »

Au moment où il a été nommé directeur du FBI par Trump, Patel a rejoint X.

Musk l’a félicité en réponse au tout premier tweet de Patel : « Félicitations pour ta nomination à la direction du @FBI ! »

À suivre [NdT]


Malcolm McGookin

NdT

Kashyap Pramod Vinod Patel est né en 1980 à Garden City, New York dans une famille indienne originaire du Gujarat, appartenant à la caste des patidars (propriétaires fonciers), souvent utilisés comme collecteurs d’impôts par les Britanniques à l’époque du Raj, la domination coloniale britannique. Son grand-père Rameshbhai Patel avait émigré en Ouganda dans les années 1940. Son père Pramod avait travaillé pour la compagnie Kakira Sugar appartenant au groupe Madhvani, un puissant conglomérat, nationalisé en 1972 et revenu en 1985 en Ouganda, où il s’est refait une (grosse) santé. Expulsés d’Ouganda en 1972, les Patel se sont installés à New York après un passage par le Canada. Kash, juriste de formation, est un businessman avisé : outre une boîte de production d’événements culturels, Kash Patel Productions, il gère une fondation à son nom dont les médias US se demandent ce qu’elle fait exactement à part du merchandising publicitaire, et une société de consultants, Trishul LLC, spécialisée en « sécurité nationale, défense et renseignement ». Ses principaux clients : le Trump Media & Technology Group, l’ambassade du Qatar et la société tchèque de services financiers CSGM. Ses revenus déclarés pour 2024 étaient de 2,6 millions de dollars. Bref, un vrai Patidar digne de sa caste (les Patidars et autres Gujaratis contrôlent aujourd’hui plus de 40% de l’industrie hotellière aux USA et dominent les franchises de fast food et d’épicerie Subway, Dunkin' Donuts, et 7-Eleven).


 

 

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