Jeremy R. Hammond, Foreign Policy Journal , 15/3/2019
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Jeremy R. Hammond est un analyste politique usaméricain indépendant, journaliste, éditeur et rédacteur en chef du Foreign Policy Journal (2008-2020), et auteur de plusieurs livres.
Les
apologistes des crimes d’Israël contre les Palestiniens affirment que l’État a
le « droit d’exister » dans le but de légitimer le nettoyage ethnique de la
Palestine.
Les
sionistes qui s’érigent en défenseurs des crimes d’Israël contre le peuple
palestinien accusent fréquemment leurs détracteurs de tenter de « délégitimer »
l’État juif autoproclamé. Israël, rétorquent-ils, a le « droit d’exister ».
Mais ils se trompent.
Il ne s’agit
pas de singulariser Israël. Le « droit à l’existence » d’un État n’existe pas,
point barre. Aucun droit de ce type n’est reconnu par le droit international.
Il ne pourrait d’ailleurs logiquement pas exister. Le concept même est absurde.
Ce sont les individus, et non des entités politiques abstraites, qui ont des
droits.
Les droits
individuels peuvent également être exercés collectivement, mais sans porter
préjudice aux droits des individus. Le droit pertinent dans ce contexte est
plutôt le droit à l’autodétermination, qui fait référence au droit d’un
peuple d’exercer collectivement ses droits individuels par le biais de l’autonomie
politique. L’exercice collectif de ce droit ne peut violer l’exercice
individuel de celui-ci. Le seul objectif légitime d’un gouvernement est de
protéger les droits individuels, et un gouvernement n’a aucune légitimité sans
le consentement des gouvernés. Ce n’est que dans ce sens que le droit à l’autodétermination
peut être exercé collectivement, par un peuple qui choisit lui-même comment il
doit être gouverné et consent à cette gouvernance.
Le droit à l’autodétermination,
contrairement au concept absurde du « droit à l’existence » d’un État, est
reconnu en droit international. C’est un droit qui est explicitement
garanti, par exemple, par la Charte des Nations Unies, à laquelle l’État d’Israël
est partie.
Le cadre
approprié pour la discussion est donc le droit à l’autodétermination, et c’est
précisément pour obscurcir cette vérité que la propagande affirme fréquemment
qu’Israël a un « droit d’exister ». Il est nécessaire que les apologistes d’Israël
changent ainsi le cadre de la discussion car, dans le cadre du droit à l’autodétermination,
c’est évidemment Israël qui rejette les droits des Palestiniens et non l’inverse.
Et le rejet
d’Israël ne se manifeste pas seulement dans l’occupation continue du territoire
palestinien. Ce rejet des droits des Palestiniens s’est également manifesté
dans les moyens mêmes par lesquels Israël a été établi.
Il existe une croyance populaire selon laquelle Israël a été fondé par le biais d’un processus politique légitime. C’est faux. Ce mythe repose sur l’idée que la célèbre résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur le « plan de partage » (résolution 181 du 29 novembre 1947) a légalement divisé la Palestine ou a conféré une autorité légale aux dirigeants sionistes pour leur déclaration unilatérale de l’existence d’Israël le 14 mai 1948.
En effet,
dans cette même déclaration, document fondateur d’Israël, les dirigeants
sionistes se sont appuyés sur la résolution 181 pour revendiquer leur autorité
légale. La vérité est cependant que la résolution
181 n’a rien fait de tel. L’Assemblée générale n’avait pas le pouvoir de
partager la Palestine contre la volonté de la majorité de ses habitants. Elle
ne le prétendait pas non plus. Au contraire, l’Assemblée a simplement
recommandé la partition de la Palestine en États juif et arabe distincts, qui
devraient être acceptés par les deux peuples pour avoir un effet juridique. L’Assemblée
a transmis la question au Conseil de sécurité, où le plan a échoué avec la
reconnaissance explicite que l’ONU n’avait pas le pouvoir de mettre en œuvre
une telle partition.
La
déclaration unilatérale des sionistes est souvent décrite comme une «
déclaration d’indépendance ». Mais il n’en était rien. Une déclaration d’indépendance
suppose que le peuple qui déclare son indépendance est souverain sur le
territoire sur lequel il souhaite exercer son droit à l’autodétermination. Mais
les sionistes n’étaient pas souverains sur les terres qui sont devenues
le territoire de l’État d’Israël.
Au
contraire, lorsqu’ils ont déclaré l’existence d’Israël, les Juifs possédaient
moins de 7 % des terres de Palestine. Les Arabes possédaient plus de terres que
les Juifs dans chaque district de Palestine. Les Arabes constituaient également
une majorité numérique en Palestine. Malgré l’immigration massive, les Juifs
restaient une minorité représentant environ un tiers de la population.
Même sur le
territoire proposé par l’ONU pour l’État juif, lorsque la population bédouine
était prise en compte, les Arabes constituaient une majorité. Même sur ce
territoire, les Arabes possédaient plus de terres que les Juifs.
En d’autres
termes, les dirigeants sionistes n’avaient aucun droit légitime à la
souveraineté sur le territoire qu’ils ont finalement acquis par la guerre.
L’acquisition
de territoires par la guerre est notamment interdite
par le droit international.
Loin d’avoir
été établi par un quelconque processus politique légitime, Israël a été créé
par la violence. Les sionistes ont acquis la majeure partie du territoire de
leur État par le
nettoyage ethnique de la plupart de la population arabe, soit plus de 700
000 personnes, chassées de leurs foyers en Palestine. Des centaines de villages
arabes ont été littéralement rayés de la carte.
Ainsi,
lorsque les sionistes affirment qu’Israël a le « droit d’exister », ils disent
en réalité qu’ils avaient le « droit » de nettoyer ethniquement la Palestine
afin d’établir leur « État juif ».
Il est
évident qu’un tel droit n’existe pas. Au contraire, une fois de plus, en vertu
du droit international, le nettoyage ethnique est reconnu comme un crime contre
l’humanité.
Les
sionistes accusent ceux qui dénoncent les crimes d’Israël contre les
Palestiniens de chercher à « délégitimer » « l’État juif », mais il importe de
rappeler que la déclaration unilatérale des sionistes le 14 mai 1948 n’avait
aucune légitimité. Il importe de rappeler que le crime de nettoyage ethnique ne
peut être justifié ou légitimé.
Lorsque
cette accusation est portée contre les détracteurs d’Israël, ce sont en réalité
les apologistes d’Israël qui tentent de délégitimer le droit des Palestiniens à
l’autodétermination, ainsi que le droit internationalement reconnu des réfugiés
de guerre à retourner dans leur patrie.
Indépendamment
de l’illégitimité des moyens par lesquels Israël a été établi, il existe. Telle
est la réalité actuelle. Cependant, la demande de l’État d’Israël que les
Palestiniens reconnaissent son « droit » non seulement d’exister, mais d’exister
« en tant qu’État juif » est simplement une demande que les Palestiniens
renoncent à leurs droits et admettent que la déclaration unilatérale des
sionistes et le nettoyage ethnique de la Palestine étaient légitimes.
Et c’est
pourquoi il n’y a pas eu de paix. Il n’y aura pas de paix tant que les droits
des Palestiniens ne seront pas reconnus et respectés. Le problème pour les
sionistes est que l’exercice des
droits des Palestiniens signifierait la fin de l’existence d’Israël en tant qu’«
État juif ».
Mais qu’y
aurait-il de mal à mettre fin à un régime fondamentalement raciste qui viole
perpétuellement le droit international et les droits humains des Palestiniens ?
Qu’y aurait-il de mal à le remplacer par un gouvernement qui respecte l’égalité
des droits de tous les habitants du territoire sur lequel il exerce sa
souveraineté politique et qui gouverne avec le consentement des gouvernés ?
Pour toute
personne honnête et intègre, la réponse claire à ces deux questions est : rien
du tout.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire