Friedrich Merz, chef des chrétiens-démocrates conservateurs, s’est engagé à renforcer le leadership en Europe, où la nouvelle administration Trump a semé l’inquiétude.
Steven Erlanger et Christopher F. Schuetze, The New York Times, 24/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Steven Erlanger est le correspondant diplomatique en chef du New York Times pour l'Europe, basé à Berlin. Il a réalisé des reportages dans plus de 120 pays, dont la Thaïlande, la France, Israël, l’Allemagne et l’ex-Union soviétique.
Christopher F. Schuetze est un reporter du Times basé à Berlin, couvrant la politique, la société et la culture en Allemagne, en Autriche et en Suisse
Friedrich
Merz, l’homme qui est
presque certain d’être le prochain chancelier d’Allemagne, est un homme d’affaires
conservateur qui n’a jamais été ministre et qui a été contraint de quitter le
gouvernement il y a des années lors d’une lutte de pouvoir avec Angela Merkel.
Cette
expérience du monde des affaires a séduit de nombreux Allemands dans un
contexte de turbulences politiques causées en partie par la stagnation
de l’une des plus grandes économies européennes.
Merz,
aujourd’hui âgé de 69 ans, est né et vit toujours dans le Sauerland, une région
de l’ouest de l’Allemagne connue pour ses collines, sa gastronomie et sa nature
pittoresque. C’est de là qu’il a été élu pour la première fois au Parlement
européen en 1989, puis au Parlement allemand en 1994.
Bien qu’il
soit issu du même parti que Merkel, l’ancienne chancelière, Merz, un politicien
pugnace de la vieille école, est à bien des égards son opposé.
Il a gravi
les échelons pour diriger le groupe parlementaire des chrétiens-démocrates,
mais a été évincé par l’ étoile montante du parti, Merkel. C’est alors que Merz
a quitté la politique et s’est lancé dans une lucrative carrière d’avocat.
Il s’est
enrichi en travaillant comme avocat et lobbyiste. Lorsque Merkel s’apprêtait à
prendre sa retraite, Merz est revenu à la politique. En 2018, à son retour sur
la scène politique, il a promis qu’il pourrait endiguer la montée du parti d’extrême
droite Alternative pour l’Allemagne, connu sous le nom d’AfD, en déplaçant son
parti plus à droite sur des questions clés telles que la migration et la
criminalité.
Merz est
revenu au Parlement en 2021 et, après deux tentatives infructueuses, a remporté
la direction du parti en 2022.
En tant que
chef du parti, il a toutefois commis un certain nombre de gaffes, comme lorsqu’il
a affirmé en septembre 2023 que les demandeurs d'asile se faisaient refaire les dents aux
frais des contribuables alors que les patients allemands ordinaires ne
pouvaient pas obtenir de rendez-vous. (Le président de l’Association dentaire
allemande a démenti ces propos.) Et son insistance à dire qu’il n’est qu’un
membre ordinaire de la classe moyenne - malgré des moyens personnels importants
- a été raillée par certains Allemands qui le considèrent comme déconnecté de
la réalité économique à laquelle sont confrontés de nombreux membres de la
classe moyenne.
Néanmoins, Merz
a réussi à rallier son parti autour de lui et à le faire évoluer vers une
position conservatrice plus traditionnelle après que le long mandat de Merkel eut
fait basculer le parti plus à gauche. Son expérience des affaires est
considérée comme un atout, car il promet de relancer la croissance de l’économie
allemande.
En tant que
chancelier, conservateur et atlantiste engagé, Merz serait considéré comme un
meilleur choix pour le président Trump que l’actuel chancelier
social-démocrate, Olaf Scholz. Merz devrait également mener une politique
étrangère plus conforme aux idées de Trump sur la prise en charge par l’Europe
de sa propre défense.
Néanmoins, Merz,
connu pour être assertif et direct, bien qu’un peu maladroit, a vivement réagi
aux derniers commentaires de Trump, qui a pris le parti de la Russie au sujet
de l’Ukraine, ainsi qu’à ce qui a été considéré comme une ingérence dans les
élections allemandes de la part du vice-président
JD Vance, qui a critiqué
l’Europe pour avoir marginalisé les électeurs d’extrême droite et leurs
partis.
Selon les
analystes, Merz se caractérise par son audace, qui reflète sa conviction que l’Allemagne
doit s’engager plus fermement dans les affaires européennes et mondiales. Scholz
a souvent été critiqué pour son hésitation et sa prudence, même au sein de sa
propre coalition.
Le mois
dernier, Merz a montré sa volonté d’agir avec audace en présentant au Parlement
une mesure sur l’immigration, puis un projet de loi qu’il savait ne pouvoir
faire adopter qu’avec les voix de l’AfD,
parti d’extrême droite, malgré ses promesses antérieures de ne jamais
travailler avec eux. La manœuvre politique n’a
pas bien fonctionné : elle a incité des centaines de milliers d’Allemands à
descendre dans la rue pour protester, a provoqué des dissensions au sein de son
parti et lui a valu une rare réprimande publique de la part de Merkel.
Merz s’est
engagé à donner à l’Allemagne un rôle plus important au sein de l’Union
européenne et de l’OTAN, à améliorer les relations avec la France et la Pologne
et à adopter une position plus ferme à l’égard de la Chine, qu’il a décrite
comme un membre à part entière de « l’axe des autocraties ».
Il a
également promis un soutien plus franc à l’Ukraine dans sa lutte contre la
Russie, affirmant par exemple qu’il fournirait à l’Ukraine le missile de
croisière à longue portée allemand Taurus. Et il a promis que l’Allemagne
atteindrait et dépasserait l’objectif actuel de l’OTAN de consacrer à long
terme 2 % du produit intérieur brut aux dépenses militaires.
Dans un
récent discours
sur la politique étrangère prononcé à la Fondation Körber, Merz, ancien
membre du Parlement européen, a promis d’assurer le leadership allemand en
Europe, ce qui n’a pas été une priorité pour Scholz, et de créer un conseil
national de sécurité à la chancellerie.
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