Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Goldberg est chroniqueuse de la rubrique Opinion du Times depuis 2017. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur la politique, la religion et les droits des femmes, et a fait partie d’une équipe qui a remporté un prix Pulitzer pour le service public en 2018 pour avoir dénoncé le harcèlement sexuel sur les lieux de travail.
Lorsque Donald Trump, s’exprimant
aux côtés du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, a annoncé cette
semaine que les USA prendraient le contrôle de Gaza et réinstalleraient «
définitivement » sa population ailleurs, peu de politiciens usaméricains l’ont
pris au sérieux.
Dans les
jours qui ont suivi la proposition grotesque du président, ses conseillers et
alliés ont, comme à leur habitude, tenté de la réorienter vers une voie plus
sensée. Le secrétaire d’État, Marco Rubio, par exemple, a prétendu
que Trump avait simplement fait une offre généreuse pour aider Gaza à se
reconstruire. Israël, cependant, a compris la portée considérable des propos de
Trump. Les USA n’ont évidemment pas l’intention de construire une Riviera
moyen-orientale à la frontière israélienne. Ce qu’il a fait, cependant, c’est
accorder à Israël une nouvelle licence extraordinaire pour écraser les
Palestiniens à Gaza, et peut-être aussi en Cisjordanie.
Une partie de la droite israélienne rêve depuis longtemps d’expulser les Palestiniens de leur terre, une ambition folle qui n’a fait que s’intensifier et se généraliser depuis le 7 octobre. Aujourd’hui, Trump a pris cette idée autrefois taboue et l’a rendue acceptable. « Je salue l’initiative audacieuse du président américain Trump, qui pourrait permettre à une grande partie de la population de Gaza de se réinstaller dans divers pays du monde », a déclaré jeudi le ministre israélien de la Défense, Israel Katz. Il a ordonné à l’armée de commencer à préparer des « options de sortie » pour les Palestiniens.
La
proposition de Trump, a
déclaré le
ponte Amit Segal sur la chaîne israélienne Channel 12, « ne correspond pas à
100 % à ce que veut Netanyahou, mais à 200 % ». Jusqu’à présent, les
politiciens israéliens qui discutaient publiquement de telles idées risquaient
de se heurter à l’opposition usaméricaine. L’administration de Joe Biden s’est
honteusement montrée réticente à freiner Netanyahou, mais elle a reproché
à des ministres israéliens d’extrême droite d’avoir fantasmé sur la
construction de colonies juives à Gaza. Les Palestiniens, a déclaré l’année
dernière le secrétaire d’État de Biden, Antony Blinken, « ne peuvent pas, et ne
doivent pas, être contraints de quitter Gaza ». Netanyahou a dû au moins faire
semblant d’être d’accord, en
insistant sur le fait qu’il n’était pas « réaliste » de parler de coloniser
Gaza.
Cela
pourrait lui sembler plus réaliste maintenant. Jeudi, Trump a écrit sur Truth
Social, son site de médias sociaux : « La bande de Gaza serait remise aux USA
par Israël à la fin des combats », après que les Palestiniens auront « déjà été
réinstallés dans des communautés bien plus sûres et plus belles, avec des
maisons neuves et modernes, dans la région ». Peu importe que, selon les termes
du cessez-le-feu dont il s’attribue le mérite, les combats soient censés être
terminés maintenant. Trump semble proposer un marché à Israël : les USA
accepteront le nettoyage ethnique de Gaza tant qu’ils obtiendront en échange un
terrain de premier choix en bord de mer.
Jusqu’à
présent, bien sûr, Israël et les USA ont tous deux parlé de l’expulsion des
Palestiniens de Gaza comme si elle était volontaire. Il ne fait aucun doute que
certains Palestiniens choisiraient de quitter la terre qu’Israël a rendue
inhabitable s’ils avaient une alternative décente, ce qui n’est pas le cas. (Un
site d’information israélien a rapporté que parmi les destinations envisagées
par les Palestiniens figurent le Puntland et le Somaliland, deux régions de
Somalie.) Mais une grande partie des quelque deux millions d’habitants de l’enclave,
marqués par une histoire de dépossession, sont déterminés à rester sur place.
Les chasser serait un crime de guerre. Cela ne pourrait se faire sans atrocité.
Les
républicains peuvent balayer les propos de Trump comme de simples élucubrations
audacieuses, mais en ouvrant la porte à une Gaza sans Palestiniens, Trump a
déjà rendu le monde plus brutal et instable. En ce moment même, Israël et le
Hamas sont censés négocier la phase 2 de leur accord de cessez-le-feu, qui doit
conduire à une cessation permanente des combats, à la libération des derniers
otages encore en vie et au retrait des forces israéliennes. Mais la délégation
israélienne n’est pas
encore partie pour le Qatar afin de participer aux pourparlers, et
maintenant Trump a supprimé une incitation importante pour le Hamas à libérer
les otages. Pourquoi le Hamas les libérerait-il, s’est
demandé Samuel Heilman dans le Times of Israel, « alors qu’à la fin
du processus, ils n’auront ni le contrôle de Gaza, ni aucun espoir d’un État
souverain palestinien ? »
Une idée
circule selon laquelle, même si le plan de Trump est irréalisable, il mérite d’être
salué pour avoir reconnu que le statu quo est intenable. « Trump s’attaque à un
vrai problème, celui de la reconstruction de Gaza », a
déclaré l’universitaire britannique Lawrence Freedman au New York Times.
Mais il n’y a rien d’admirable à proposer des solutions absurdes et impossibles
à des dilemmes insolubles. Si des gens intelligents se convainquent du
contraire, cela me suggère qu’il y a là une tentative désespérée de trouver de
la rationalité là où il n’y en a pas.
Avant même l’arrivée
de Trump au pouvoir, « l’ordre international fondé sur des règles » était déjà
profondément délabré, en grande partie à cause de la complicité de Biden dans l’anéantissement
de Gaza. Aujourd’hui, cet ordre est mort, tout comme d’autres vestiges
imparfaits d’une époque moins chaotique, comme le soft power que l’USAmérique a
construit grâce à l’aide étrangère et aux idéaux démocratiques. Peut-être que
les menaces de Trump contre le Canada et le Danemark et son projet de nouvelle
colonie en Méditerranée n’aboutiront à rien. Mais avec sa rhétorique renouvelée
de l’empire usaméricain, il a supprimé toute prétention que d’autres pays
devraient être limités par autre chose que leur propre puissance. Il a créé une
justification de facto non seulement pour l’expansionnisme israélien, mais
aussi pour l’expansionnisme chinois et russe.
Les vieilles
règles n’ont jamais aussi bien fonctionné qu’elles étaient censées le faire.
Cela ne veut pas dire que nous ne les regretterons pas bientôt.
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