Fred Kaplan, The New York Review , 27/2/2025
Fred Kaplan rédige la rubrique War Stories pour Slate et est l’auteur de sept livres, dont The Insurgents : David Petraeus and the Plot to Change the American Way of War, qui a été finaliste du prix Pulitzer 2014. Son dernier livre, A capital calamity est un roman satirique.
L’intégration de la volonté d’innovation de la Silicon Valley dans les contrats de défense a été un processus lent, mais la guerre en Ukraine a incité les entreprises technologiques à se lancer dans le secteur de la guerre.
Livre recensé
Unit X: How the Pentagon and Silicon
Valley Are Transforming the Future of War (Unité X : Comment le Pentagone et la Silicon Valley sont en train de
transformer le futur de la guerre)
par
Raj M. Shah et Christopher Kirchhoff
Scribner, 319 p., $30.00
En 2006, Raj
Shah était capitaine dans l’armée de l’air usaméricaine et pilotait un avion de
chasse F-16 pendant la phase d’insurrection de la guerre d’Irak. Peu après le
début de son service, il a remarqué un problème avec l’écran d’affichage de son
cockpit : le signal des satellites GPS lui permettait de voir une carte du
terrain, mais il n’y avait pas de point ou d’icône mobile pour indiquer sa
position par rapport aux coordonnées au sol. Parfois, lors de missions près de
la frontière entre l’Iran et l’Irak, il ne pouvait pas savoir quel pays il
survolait. C’était une situation dangereuse : à 500 km/h, une minute perdue du
mauvais côté de la frontière pouvait le mettre à portée des armes de défense
aérienne iraniennes.
De retour
dans sa caserne, Shah possédait un ancien PC de poche appelé iPAQ, qui lui
permettait de jouer à des jeux vidéo. Il l’a chargé de cartes numériques et l’a
attaché à son genou pendant qu’il volait. Le logiciel de ce gadget à 300
dollars lui permettait de voir où il se trouvait - des informations de base que
les gadgets de son avion à 30 millions de dollars ne pouvaient pas lui fournir.
Shah a
soudain réalisé à quel point la Silicon Valley avait pris de l’avance sur les
plus grandes entreprises de défense du pays dans certains aspects vitaux des
prouesses technologiques. Il a également compris que cela représentait un
danger pour la sécurité nationale : l’armée usaméricaine a longtemps conservé
un avantage sur ses adversaires grâce à sa supériorité technologique. Les
logiciels commerciaux, comme le traqueur de son iPAQ, étaient disponibles dans
le monde entier ; à un moment donné, peut-être bientôt, les USA perdraient leur
avantage et pourraient perdre la prochaine guerre.
Les citoyens
qui ne connaissent pas bien les rouages du ministère de la Défense pourraient
supposer qu’avec la multiplication des menaces dans le monde et la montée en
flèche de nos déficits budgétaires, les responsables accueilleraient
favorablement un projet comme le DIUx : une agence au sein de laquelle les
innovateurs les plus créatifs de la nation concevraient de nouveaux moyens de
dissuader et de mener des guerres de manière plus efficace et moins coûteuse.
Hélas, ce n’est pas le cas. Le ministère de la Défense est une bureaucratie ;
comme toutes les bureaucraties, son principal intérêt est de se protéger, ce
qui signifie en grande partie repousser les personnes extérieures qui veulent
changer son mode de fonctionnement. C’est pourquoi les fonctionnaires du
ministère de la Défense, les entrepreneurs qu’ils ont financés et les
législateurs des États où les armes ont été fabriquées et ont fourni des
emplois ont considéré le DIUx - dont l’objectif explicite était de transformer
l’activité d’aquisition d’armes - comme une menace.
Shah et
Kirchhoff écrivent que le plus grand défi pour surmonter ce problème est « le
conservatisme inhérent à l’armée ». Ce n’est pas faux : comme ils le font
remarquer, la marine britannique a d’abord rejeté les navires à vapeur, les
unités de cavalerie ont rejeté l’utilité des chars d’assaut et les pilotes de
chasse ont résisté à l’arrivée des missiles balistiques et de croisière et,
plus récemment, des drones. Mais l’hostilité à l’égard du DIUx, telle que
décrite par Shah et Kirchhoff, était quelque chose de différent, dirigée non
pas contre les révolutions militaires (dont on peut s’attendre à ce qu’elles
suscitent l’opposition des protecteurs du statu quo), mais simplement contre de
nouvelles façons d’accomplir d’anciennes tâches.
En outre,
pendant près d’un demi-siècle après la Seconde Guerre mondiale, l’armée usaméricaine
a prospéré grâce à l’innovation, dont elle a parfois été l’instigatrice. Les
radars, la bombe atomique, les sous-marins à propulsion nucléaire et l’internet
sont nés et ont été, dans certains cas, inventés par et pour l’armée. La
micropuce, bien que conçue par des scientifiques de deux sociétés (Texas
Instruments et Fairchild Semiconductor), n’aurait pas pu pénétrer le marché
commercial sans le programme spatial de la NASA et le missile balistique
intercontinental Minuteman de l’armée de l’air, qui ont généré une demande
suffisante de puces pour stimuler les économies d’échelle qui les ont rendues
suffisamment bon marché pour être installées dans les produits de consommation.
Tout au long de la guerre froide, de nombreuses entreprises de défense, qui n’ont
jamais été des foyers de compétitivité, ont prospéré en tant que fabricantes de
biens civils et étaient au moins ouvertes à l’adoption de technologies et de
techniques provenant de ce secteur.
La situation
a changé après la fin de la guerre froide. Avec l’effondrement des budgets de
défense (il y a vraiment eu des « dividendes de la paix »), de
nombreuses entreprises se sont retirées du secteur de la guerre, et un petit
nombre d’entreprises de défense - celles qui ne faisaient pas grand-chose d’autre
que des affaires de guerre - ont fini par dominer le secteur. Au cours des
décennies suivantes, ces entreprises ont fusionné pour n’en former qu’une
poignée. Il s’agissait d’une politique délibérée du Pentagone. En 1993, le
secrétaire à la défense, Les Aspin, et son adjoint, William Perry, ont réuni
les principaux dirigeants de l’industrie aérospatiale lors de ce que l’on a
appelé « la dernière cène » et leur ont dit que le budget de la
défense continuerait à baisser et qu’il serait préférable pour eux de se
consolider.
Finalement,
quatre des plus grandes entreprises - Lockheed, Martin Marietta, Northrop et
Grumman (déjà le produit de fusions et d’acquisitions impliquant cinquante et
une entreprises) - ont fusionné en deux (Lockheed Martin et Northrop Grumman).
Cette fusion
était censée accroître l’efficacité, mais comme c’est souvent le cas avec la
monopolisation (forcée ou naturelle), elle a eu l’effet inverse. Alors que les
tensions mondiales s’intensifiaient et que les budgets de défense dépassaient
même ceux des années de la guerre froide, la machinerie d’acquisition d’armes,
trop lourde et trop lente, n’a pas permis de réagir avec agilité. Il faut
aujourd’hui des années, voire des décennies, pour que les grands systèmes d’armes
passent de l’appel d’offres à la recherche et au développement, puis à l’acquisition
et au déploiement, alors que leurs caractéristiques techniques sont souvent
dépassées. Le budget annuel du ministère de la Défense a grimpé à 849,8
milliards de dollars, mais de nombreux analystes de la défense (et pas
seulement les plus optimistes) concluent que l’armée usaméricaine est mal
préparée à combattre, et pourrait bien perdre, une guerre de grande ampleur qui
éclaterait sans avertissement préalable.
Shah et
Kirchhoff ne couvrent pas cette histoire, mais approfondissent ses
conséquences. Ils commencent, après un bref compte rendu de l’improvisation de
Shah sur le F-16, par le moment où, en février 2015, Ashton Carter est devenu
le quatrième et dernier secrétaire à la Défense de Barack Obama. Carter était
un physicien formé à Yale et à Oxford, ainsi qu’un analyste de la politique de
défense. Dès 2001, il avait écrit : « Les innovations de demain en matière
de défense seront en grande partie des dérivés de technologies développées et
commercialisées par des entreprises commerciales pour des motifs commerciaux ».
Pourtant, dans ses deux premières fonctions sous Obama - sous-secrétaire à la Défense
pour les acquisitions, la technologie et la logistique, puis secrétaire adjoint
à la Défense - il avait constaté, avec inquiétude, que sa première prophétie ne
s’était pas réalisée en raison d’une résistance institutionnelle. Peu après son
accession au poste le plus élevé du ministère, il s’est envolé pour la Silicon
Valley et a imploré les cadres de s’impliquer dans les contrats de défense. La
plupart d’entre eux étaient réticents ; quelques-uns avaient essayé mais
avaient été rebutés par l’indifférence de l’armée. En outre, après les fuites d’Edward
Snowden révélant leur complicité avec les programmes de surveillance de masse
de la National Security Agency après le 11 septembre, elles craignaient d’aggraver
l’opposition de leurs employés au travail dans le domaine de la défense. Carter
leur a promis un nouveau départ et a créé le DIUx à titre de test.
Shah a
rapidement pris la relève, aidé par des ingénieurs de Google et d’autres
entreprises, et il a été autorisé à gérer l’agence comme un fonds de
capital-risque. « Nos bureaux », écrivent Kirchhoff et lui, « ressemblaient
à une startup, pas à une installation de l’armée de l’air », avec des
programmeurs vêtus « de jeans et de sweats à capuche » travaillant à
des « tables ouvertes plutôt que dans des cabines ». Se rappelant sa
propre expérience, Shah a demandé au personnel militaire de quelle aide il
avait besoin sur le champ de bataille, puis il a parcouru la Silicon Valley à
la recherche de ceux qui pourraient proposer des solutions. (C’était le
contraire de la méthode habituelle du Pentagone, qui consistait pour les
bureaucrates à passer environ un an à concevoir un programme avec une longue
liste d’exigences, puis à lancer un appel d’offres auprès des entrepreneurs,
qui prenaient des mois supplémentaires - sans jamais consulter les personnes
qui finiraient par devoir utiliser l’arme qui en résulterait).
Au début, le
DIUx a imposé des limites strictes aux sommes qu’il pouvait investir dans un
projet donné. Pourtant, certains d’entre eux, ésotériques à première vue, ont
eu des conséquences potentiellement considérables. Très tôt, Shah a découvert
un aspect scandaleusement désuet de l’une des fonctions les plus fondamentales
de l’armée de l’air : l’alignement des trajectoires de vol de ses avions de
chasse et de ses avions de transport de fret avec les avions ravitailleurs qui
les ravitaillent en plein vol afin qu’ils ne soient pas obligés d’atterrir. Il
s’agit d’une tâche très complexe et, à l’époque, le personnel de l’armée de l’air
coordonnait 1 500 ravitaillements par jour au-dessus de l’Afghanistan, de l’Irak
et de la Syrie. Pourtant, pour planifier ces opérations, ils déplaçaient des
palets magnétiques sur un tableau blanc, comme l’avaient fait leurs
prédécesseurs pendant la Seconde Guerre mondiale. Northrop Grumman avait
remporté un contrat pour la révision de ce système ; lorsque Shah a vu le
tableau blanc, l’entreprise avait dépensé 745 millions de dollars - le double
de l’estimation initiale - sur dix ans, sans résultat, et l’armée de l’air
demandait au Congrès d’augmenter ses dépenses.
Shah a
trouvé une petite entreprise de la Silicon Valley pour travailler sur le
problème. En quatre mois, pour un coût de 1,5 million de dollars, ses codeurs
ont livré un produit fonctionnel : un logiciel permettant aux planificateurs du
quartier général de l’armée de l’air d’associer un avion de chasse à un
ravitailleur en moins d’une minute (au lieu de plusieurs jours). Shah et ses
collègues du DIUx se considéraient comme « faisant partie de l’Alliance
rebelle », en référence à la saga Star Wars. Lorsqu’ils ont livré l’application de
ravitaillement en carburant, « nous nous sommes sentis comme Luke
Skywalker lançant une torpille à protons dans un orifice d’échappement de l’Étoile
de la mort ».
Ils se sont
heurtés à une forte résistance de la part de l’officier de l’armée de l’air qui
gérait le programme de Northrop Grumman et de la part des membres de la
sous-commission de la Chambre des représentants chargée de superviser le budget
de la défense. Ils ont fini par trouver un supérieur hiérarchique pour faire
sauter le verrou. Une innovation après l’autre a donné lieu à des batailles
tout aussi féroces. Au cours des deux premières années de l’unité, Shah a effectué
cinquante-cinq vols aller-retour entre la Californie et Washington parce qu’il
y avait des « incendies à éteindre ». Lors d’un de ces vols avec
Kirchhoff, ils découvrent que leurs cartes de crédit gouvernementales ont été
annulées.
Malgré tout,
l’unité a remporté plus de victoires que de défaites, sur des terrains d’opération
de plus en plus vastes. Dans le cadre du projet Maven, Amazon, Microsoft et
Google - qui ne sont pas des grands noms des contrats de défense - ont
développé conjointement des algorithmes de vision par ordinateur qui ont permis
de suivre plus facilement les mouvements des miliciens de Daech. Shield AI,
développé par un ingénieur du MIT [Institut de technologie du Massachussets]
et son frère qui avait été officier SEAL [forces spéciales de la Marine]
en Afghanistan, était un petit drone qui pouvait voler dans un bâtiment et
transmettre des signaux vidéo aux troupes d’opérations spéciales afin qu’elles
puissent voir si des insurgés ennemis se trouvaient à l’intérieur avant qu’elles
ne défoncent la porte.
À la fin de
l’année 2018, le DIU était une unité à part entière, sans le “x” pour “expérimental”,
et « commençait à franchir les murs de la forteresse du Pentagone ».
Cela s’explique en partie par le fait que le secrétaire à la Défense, le
général de marine à la retraite James Mattis, avait passé les deux années
précédentes à Stanford, où il avait appris l’existence du DIU et avait été
impressionné par son travail. Pourtant, l’enthousiasme de Mattis n’a pas pu
aller plus loin ; il s’est embourbé dans une myriade de crises, et le président
Donald Trump ne s’est pas soucié de tout ça. Shah et Kirchhoff, que j’ai
brièvement rencontrés à cette époque, décrivent une réunion à la Maison Blanche
à laquelle Shah a assisté avec « quelques douzaines des plus grands
dirigeants technologiques du pays », censée informer le président et son
cabinet sur les innovations émergentes. « Au lieu de cela, écrivent-ils,
les vingt-cinq premières minutes ont été consacrées à la présentation des
personnes et à l’éloge de Trump, qui a absorbé l’adulation ». Quant au
fond, M. Trump « n’était pas du tout intéressé ». Il s’est levé au
milieu du briefing et a déclaré : « Vous faites un travail formidable.
Notre technologie est excellente. Et la semaine prochaine, nous annoncerons
notre grand plan de santé ». Il est alors sorti, ainsi que l’ensemble du
cabinet, à l’exception du secrétaire au Commerce, qui a poursuivi son discours
pendant vingt minutes.
Au bout d’un
certain temps, Mattis a démissionné du Pentagone en raison de désaccords bien
plus importants avec les politiques de Trump.
La
bureaucratie du Pentagone reste un élément dominant, quel que soit le parti au
pouvoir. Le ministère de la Défense, même sous la présidence de Mattis, ne
travaillait qu’avec trois des plus grandes entreprises d’IA. Le portefeuille
total de programmes du DIU ne représentait que 0,01 % du budget du ministère de
la Défense.
Ironiquement,
à la fin de l’année 2024, dans les semaines précédant son second mandat
présidentiel, Trump a presque (peut-être involontairement) mis en œuvre le
programme du DIU lorsqu’il a présélectionné une figure majeure de la Silicon
Valley - Trae Stephens, cofondateur et président exécutif d’Anduril et ancien
associé de Palantir, deux des sociétés de capital-risque les plus performantes
à avoir remporté des contrats de défense, principalement dans les domaines de l’IA,
de la robotique et des drones autonomes - pour devenir secrétaire adjoint à la Défense,
le fonctionnaire qui dirige les opérations quotidiennes du Pentagone. En fin de
compte, Trump a choisi Stephen Feinberg, un directeur de fonds spéculatif
milliardaire plus conventionnel dont la société, Cerberus Capital Management, a
investi suffisamment dans la défense pour soulever d’éventuels conflits d’intérêts,
mais pas d’une manière qui suggère l’instinct d’un innovateur.
Ce fut une
occasion manquée de transformation, car dans les années qui ont suivi la
rencontre fugace de Shah avec Trump, beaucoup d’autres innovateurs de la
Silicon Valley se sont ralliés à la défense. En particulier, comme le racontent
Shah et Kirchhoff, l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a « déclenché
une nouvelle ruée vers l’or » en matière d’investissement dans la défense.
Cette année-là, les entreprises technologiques ont investi 33 milliards de
dollars dans les technologies de défense, soit deux fois plus qu’en 2019. La
guerre - la plus importante en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale - est
devenue, d’une certaine manière,
la guerre que la DIU avait
imaginée, avec des drones, des satellites et de l’intelligence artificielle,
des pirates informatiques des deux côtés lançant des cyberattaques et des
citoyens ukrainiens utilisant des applications pour smartphones afin d’alerter
leur armée sur les positions ennemies.
Capella
Space, une petite entreprise qui avait reçu des fonds du DIU pour construire
des satellites miniatures permettant de surveiller la Corée du Nord 24 heures
sur 24 et 7 jours sur 7, même à travers une épaisse couverture nuageuse,
faisait maintenant voler une constellation de satellites pour observer l’invasion
russe au fur et à mesure qu’elle se déroulait. Lorsque Vladimir Poutine a nié
avoir l’intention d’envahir la Russie, c’est une image Capella de ses
préparatifs que le Pentagone a transmise à CNN. L’équipe de réaction rapide de
Microsoft s’est lancée dans la guerre pour aider l’US Cyber Command avec une
multitude de programmes de cybersécurité et de surveillance. Divers
investisseurs en capital-risque de la Bay Area, dont beaucoup venaient à peine
de commencer à parler avec quelqu’un du Pentagone, recevaient des demandes
incessantes de lunettes de vision nocturne, de gilets en Kevlar, et bien d’autres
choses encore. Les roquettes tirées par HIMARS, un lanceur mobile que les USA
ont fourni à l’Ukraine, ont été guidées vers leurs cibles par des drones
commandés sur Amazon. Au total, trente nouveaux produits créés par des start-up
du DIU ont été, et sont toujours, utilisés dans la guerre en Ukraine.
Même Google,
qui s’était retiré du projet Maven après que trois mille employés eurent signé
une pétition demandant à l’entreprise de se dissocier de tout ce qui touchait à
l’armée, a réintégré le secteur de la défense par l’intermédiaire du DIU. L’argent
était trop beau et la cause - aider les Ukrainiens à se libérer de l’impérialisme
russe - était attrayante.
Les racines
de la Silicon Valley, dans les années 1960, étaient dans la défense. Aujourd’hui,
la boucle est bouclée, sans qu’il y ait eu beaucoup de protestations à l’intérieur
de la machine.
La bataille
pour l’Ukraine n’est pas tout à fait une guerre hypermoderne. Après une prose
haletante suggérant que c’est le cas, Shah et Kirchhoff citent Bill LaPlante,
le chef des acquisitions du Pentagone sous l’administration Biden, qui balaie
cette notion du revers de la main. « Les techno-frangins ne nous aident
pas beaucoup en Ukraine », a-t-il déclaré lors d’un entretien avec des
représentants de l’industrie. La guerre se résumait plutôt à des affrontements
classiques de chars, d’artillerie et de munitions.
Shah et
Kirchhoff admettent ce point, dans une certaine mesure, en notant que le
conflit a été une guerre « hybride » - des « technologies
commerciales » déployées « en tandem avec des systèmes d’armes
traditionnels, sophistiqués, à la fois pour améliorer leur efficacité et
permettre leur défaite ». Ils estiment également que cette fusion à
laquelle nous assistons en Ukraine est un avant-goût des guerres à venir,
notamment si la Chine envahit Taïwan. L’armée chinoise a investi massivement
dans le type d’armes que le Pentagone, en partie à cause de la persistance du
DIU, commence à peine à acheter en gros : minidrones, outils cybernétiques et
de lutte contre les cyber-armes, et augmentations de l’IA.
La mauvaise
nouvelle est que, comme pour la plupart des percées dans le domaine des
technologies de défense, les armées d’autres pays se sont adaptées, soit par l’imitation,
soit par des tactiques asymétriques. Les Ukrainiens ont repoussé l’invasion
russe et ont monté une contre-offensive efficace, aidés par une technologie
commerciale qui leur a permis de suivre les mouvements russes et d’améliorer la
précision de leurs armes. Mais les Russes ont rapidement trouvé des moyens de
brouiller les capteurs de surveillance, de repousser les drones et de lancer
certaines de leurs propres armes de nouvelle technologie. Le combat s’est donc
transformé en une lutte acharnée, où les avancées et les reculs sont mesurés en
quelques kilomètres à la fois. Les nouveaux dispositifs aident les deux camps à
éviter la défaite, mais ils n’offrent pas de solution miracle pour la victoire.
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