Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Lorsque j'ai réalisé que le virus avait dévoilé un monde dystopique comme ceux que nous avions longtemps imaginés, je me suis souvenu de la prophétie que Max Geraci et moi-même (et le Magicien souffleur) avions formulée dans un roman mal intitulé Morte ai vecchi [Mort aux vieux]. Pour Max et moi, ce livre s'appelle KS, ce qui signifie KapSoul, mais aussi Killing swarm [Essaim tueur]. Dans ce roman, une étrange guerre biopolitique a été imaginée. La véritable guerre biopolitique a commencé lorsqu'en 2020 le bio-virus s'est transformé en info-virus et par conséquent en psycho-virus.
Danse macabre : le vieillard, par Hans Holbein le Jeune, 1538
Dans le roman, nous avions imaginé une guerre entre les vieux qui s'accrochent à la vie comme on s'accroche au seul bien que l'on possède, et les jeunes qui ont été mis au monde à une époque où naître est le pire malheur qui puisse vous arriver. Des groupes d'adolescents en extase électropsychique se précipitent pour massacrer des personnes âgées sans défense à coups de poing techno-mythologiques. Mais en réalité, c'est le contraire de ce que nous raconte notre petit roman. La population âgée craint d'être exterminée par le virus et a donc déclaré l'état d'urgence, qui touche principalement la population jeune.
Nous les avions affublés de l'appellation à odeur de soufre de génération Z (la dernière), et ils doivent renoncer à presque tout pour que leur grand-père puisse agoniser en paix un peu plus longtemps. Alors que, après Glasgow, tout le monde sait qu'aucun projet humain ne peut plus résister à l'apocalypse environnementale et que la terre se transforme en une planète inconnue et dangereuse.
Un long hiver pour les migrants, par Tjeerd Royaards, Pays-Bas
Lorsqu'au début du mois de mars 2020, j'ai appris que dans de nombreuses régions du monde, on proclamait états d'urgence, confinements, distanciations, fermetures de lieux de rencontre, etc. etc., je me suis dit : « Ces mesures d'urgence vont sauver quelques dizaines de millions de personnes âgées, dont moi et beaucoup de mes amis. Mais combien de victimes y aura-t-il ensuite ? » J'ai immédiatement essayé de chasser cette pensée, maudissant ma prédilection pour les teintes apocalyptiques.
J'ai lu avec un scepticisme inquiet l'avertissement de l'éminent philosophe Giorgio Agamben, qui est devenu à partir de ce moment-là un paria presque inavouable : le paria disait que les mesures de réclusion sanitaire préparent une forme de totalitarisme biopolitique. Rien de nouveau pour ceux qui ont lu L'histoire de la folie à l'âge classique (Foucault 1968) et Naissance de la biopolitique (1992). Mais l'urgence imposait la responsabilité et la responsabilité imposait la prudence et la prudence imposait le conformisme et le conformisme impliquait une confiance aveugle dans les autorités et... conseillait d'oublier Foucault.
J'ai respecté les mesures, j'ai fait ce qu'on m'a ordonné de faire pour protéger ma survie : je me suis enfermé à la maison, j'ai porté un masque, je n'ai pas embrassé des inconnus sur la bouche, j'ai fait le vaccin, j'ai fait la deuxième dose en étant convaincue que c'était la dernière. Alors qu'en Afrique, seuls 12 % de la population ont reçu le vaccin, les gouvernements occidentaux ordonnent à leur population de se faire injecter la troisième dose, et brandissent le Green Pass en guise de chantage : l'hérétique qui ne se plie pas à la Vérité vaccinale sera exclu de la vie sociale. Une minorité non négligeable d'irréductibles partisans du no vax se coalise et défie le martyre au nom de la liberté. En attendant, nous enverrons à ceux qui ne font pas partie de la riche race blanche du Nord quelques flacons de COVAX, dix fois moins que ce que nous avons promis. Qu'ils s’en contentent, les brevets appartiennent aux entreprises de la race blanche et aucune urgence ne pourra jamais suspendre le dogme fondamental de la Sainte Propriété.
Pendant ce temps, dans les lieux qui comptent, on parle gros sous, de la répartition du butin qui arrive de Bruxelles. C'est pour cela qu'a été nommé l'Homme de la Providence monétaire [Mario Draghi], le pilote automatique devant lequel les représentants du peuple font leur génuflexion. Au printemps, lorsqu'il s'est agi d'accepter les financements promis par la bienveillante Autorité monétaire européenne, l'Automate a assuré que l'UE n'imposait aucune condition : « Vous ne finirez pas comme la Grèce », a déclaré avec un sourire énigmatique celui qui a supervisé l'humiliation de la démocratie grecque et la privatisation coloniale des ressources de ce pays. À l'automne, cependant, les conditions imposées par l'UE sont apparues au grand jour : allongement de la retraite, privatisation des services publics par respect pour Bolkestein, transformation du revenu de citoyenneté en chantage géré par des agences privées. Et enfin, une interdiction de manifester pour ceux qui ne sont pas d'accord avec les mesures sanitaires. Non, tant que nous y sommes, carrément une interdiction de manifester pour ceux qui ne sont pas d'accord avec quoi que ce soit. L'État de droit a été suspendu il y a longtemps. L'état des choses est mouvement de pendule entre panique et dépression.
Aux frontières de l’Europe, ils meurent de froid et de faim : ce sont des Afghans, des Irakiens et des Syriens qui fuient la désolation que nos avions, nos hélicoptères et nos drones ont semée sur leurs terres. Nous les avons agressés pour leur apporter la démocratie, nous avons tout détruit, nous avons pris ce que nous pouvions prendre, et maintenant comment osent-ils venir frapper à notre porte ? En tout cas, notre porte est fermée. Ils affluent donc à Minsk, où un dictateur cynique utilise les migrants comme une arme de chantage contre l'Europe, les déposant par milliers dans les bois froids à la frontière entre la Pologne et le Belarus. Ce Loukachenko est certainement un tyran, mais il ne ment pas quand il dit que les migrants veulent aller en Allemagne, en France ou en Angleterre. Loukachenko est certainement un porc, mais les Polonais sont les mêmes qui, il y a quatre-vingts ans, ont accueilli les nazis à bras ouverts parce qu'ils avaient enfermé ces fichus Juifs derrière une grille au-dessus de laquelle était écrit Arbeit macht frei. Auschwitz s'est transformé en une ceinture d'horreur tout autour de la frontière européenne. De Kuznica à Bihac, de Moria à Ceuta, de Lesbos aux prisons libyennes, jusqu'à Calais, tout autour du continent des vieux hommes blancs hyper-vaccinés il y a les victimes de ce nouvel Holocauste : ce sont des Afghans, des Irakiens, des Syriens, des Kurdes et des Palestiniens. Ils demandent à entrer en Europe pour ne pas mourir, mais l'Europe (les Européens) leur ferme la porte au nez, tout comme, dans les années 1940, l'Angleterre et les USA ont fermé la porte à 120 000 Juifs qui demandaient l'asile.
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