NdT : j’ai traduit ce texte dans un strict but informatif, ne partageant évidemment pas le parti pris de l’auteur, qui a choisi de donner la parole à tout le monde, sauf au premier concerné, Raz Segal. On trouvera après l’article le texte d’une déclaration publié le 9 décembre dernier par 60 experts des génocides, dont Segal.
L’annonce de la nomination de Raz Segal à la tête de l’École d’études sur l’Holocauste et les génocides a incité deux professeurs à démissionner du conseil consultatif du centre.
Haley Cohen , Jewish Insider, 10/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
L’université du Minnesota a suspendu l’embauche d’un professeur qui a écrit que l’opération militaire d’Israël contre le Hamas à Gaza après le 7 octobre était “un cas d’école de génocide” pour diriger le Centre d’études sur l’Holocauste et le Génocide (CHGS) de l’école, a appris Jewish Insider.
Cette pause, qui n’a pas encore été annoncée publiquement par l’université, est intervenue ce lundi soir, après que deux membres du conseil consultatif du centre ont démissionné en signe de protestation vendredi.
« L’assaut sur Gaza peut également être compris en d’autres termes : comme un cas d’école de génocide se déroulant sous nos yeux », a écrit Raz Segal, professeur associé israélien d’études sur l’Holocauste et les génocides à l’université de Stockton dans le New Jersey, dans le Jewish Currents du 13 octobre. « Je dis cela en tant que spécialiste des génocides, qui a passé de nombreuses années à écrire sur la violence de masse israélienne contre les Palestiniens », a-t-il écrit.
Un porte-parole de l’université du Minnesota a déclaré au JI que le processus de sélection du directeur avait été suspendu « pour permettre de déterminer les prochaines étapes ».
« Des membres de la communauté universitaire se sont manifestés pour exprimer leur intérêt à donner leur point de vue sur le recrutement du directeur du Centre d’études sur l’Holocauste et les génocides », a déclaré le porte-parole. « En raison du rôle de leadership et de contact avec la communauté qu’occupe le directeur, il est important que ces voix soient entendues. »
Segal, qui a été choisi comme nouveau directeur du centre par Ann Waltner, doyenne intérimaire du College of Liberal Arts de l’université du Minnesota, a également cosigné un article d’Al-Jazeera en janvier, dans lequel il qualifiait Israël de puissance “coloniale”. Le mois dernier, Segal a minimisé les campements illégaux anti-israéliens qui ont envahi les campus du pays - dont beaucoup sont devenus violents (neuf personnes ont été arrêtées lors du campement de l’université du Minnesota) - en déclarant à NJ Spotlight News que les allégations d’antisémitisme étaient « sans fondement ».
En 2022, il a écrit sur « la réalité du système d’apartheid israélien », déclarant que « tout comme le système d’apartheid israélien nie le passé des Palestiniens, il cherche également à nier leur avenir en s’attaquant aux enfants palestiniens ».
Karen Painter et Bruno Chaouat
La sélection de Segal - qui inclut également un poste de professeur au département d’histoire - a incité les professeurs Karen Painter et Bruno Chaouat de l’université du Minnesota à démissionner du conseil consultatif du centre.
Dans une lettre adressée à Waltner, à la proviseure Rachel Croson et au président intérimaire Jeff Ettinger [ancien PDG de la société Hormel et candidat démocrate malchanceux au Congrès, NdT], dont Jewish Insider a obtenu une copie, Chaouat a écrit : « Je crois comprendre que la mission principale du centre est d’éduquer au niveau local et international sur l’histoire spécifique de l’Holocauste et des génocides afin de sensibiliser et d’empêcher toute déshumanisation et violence supplémentaires. Le professeur Segal, en justifiant les atrocités du Hamas cinq jours après qu’elles se sont produites (par le biais d’une allégation perverse selon laquelle Israël commettait un génocide), ne peut pas remplir la mission du centre ».
Chaouat, professeur d’études françaises et juives qui a précédemment occupé le poste de directeur intérimaire du centre, a poursuivi dans sa lettre : « [Segal] n’a pas reconnu l’intention génocidaire du Hamas. Il ne comprend pas qu’un mouvement comme le Hamas est intrinsèquement fasciste et représente précisément ce contre quoi le CHGS s’élève... Bien que je n’aie rien à dire sur la nomination du professeur Segal en tant que collègue du département d’histoire, mon expérience en tant que directeur intérimaire et collaborateur du centre pendant de nombreuses années, ainsi que mon expérience en tant que spécialiste de l’Holocauste et de l’antisémitisme, me donnent une certaine autorité pour le juger inapte à ce poste ».
Segal n’a pas répondu immédiatement à une demande de commentaire du JI.
Mark Rotenberg, vice-président et conseiller général de Hillel International, qui a été conseiller général et membre du corps enseignant de l’université du Minnesota pendant 20 ans avant de rejoindre Hillel, a déclaré que la nomination annoncée de M. Segal « dégradait gravement l’intégrité académique du département ».
Il a ajouté : « Il est terriblement désolant de voir le département des études sur l’Holocauste et le génocide dirigé par un propagandiste anti-israélien plutôt que par un éminent spécialiste de l’histoire de l’éradication des Juifs d’Europe ».
Rotenberg a ajouté que la nomination annoncée pourrait « causer des dommages à long terme » aux relations entre l’université du Minnesota et la communauté juive du Minnesota. « La communauté juive du Minnesota a profondément bénéficié de la qualité de l’université et l’a améliorée pendant de nombreuses décennies », a-t-il déclaré. « Je crains que cette relation ne soit actuellement mise à rude épreuve ».
Dans un contexte de montée de l’antisémitisme sur le campus de l’université du Minnesota - le dernier acte de vandalisme ayant visé le bâtiment Hillel de l’établissement vendredi matin -, Chaouat a déclaré à JI qu’il était particulièrement préoccupant que le directeur d’un centre sur l’Holocauste et le génocide minimise l’antisémitisme et accuse l’État juif d’avoir commis un génocide.
« Nous assistons à une “symbolisation” des juifs et maintenant des Israéliens », a-t-il déclaré. « Imaginez qu’un centre d’étude du racisme nomme une voix marginale de la communauté afro-américaine qui s’oppose à Black Lives Matter et qui considère que la police de Minneapolis n’est pas coupable du meurtre de George Floyd ».
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Déclaration de spécialistes de l’Holocauste et des génocides sur la violence de masse en Israël et en Palestine depuis le 7 octobre
Dans la déclaration suivante, 60 spécialistes de l’Holocauste, des génocides et des violences de masse déplorent les atrocités commises contre des civils par le Hamas et le Djihad islamique le 7 octobre et par les forces israéliennes depuis lors. La famine, les massacres et les déplacements forcés de civils palestiniens à Gaza se poursuivent, ce qui soulève la question du génocide, en particulier au vu des intentions exprimées par les dirigeants israéliens. Le président israélien Isaac Herzog a utilisé un langage particulièrement chargé lors d’une interview sur MSNBC il y a quelques jours, le 5 décembre : « Cette guerre n’est pas seulement une guerre entre Israël et le Hamas. C’est une guerre qui vise, vraiment, véritablement, à sauver la civilisation occidentale. Nous sommes attaqués par un réseau djihadiste, un empire du mal. ... et cet empire veut conquérir tout le Moyen-Orient, et si nous n’étions pas là, l’Europe serait la prochaine, et les USA suivraient ». Herzog s’appuie sur l’association faite par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou entre l’attaque d’Israël contre Gaza et le mal biblique d’Amalek, mais il la place à l’échelle moderne comme le dernier rempart contre l’apocalypse mondiale et l’effondrement de la “civilisation occidentale”. Herzog et Netanyahou sont tous deux des juifs laïques. Leur utilisation du langage et du symbolisme religieux dans ce cas reflète une dangereuse intersection, dans le cas d’Israël, entre l’exclusivisme de l’État-nation moderne et un projet colonial de colonisation dans un lieu imprégné d’histoires et de significations religieuses multiples. Les universitaires qui ont signé la déclaration s’alarment des violences massives en cours à Gaza et des propos incendiaires qui menacent d’aggraver la situation. Ils appellent à une action urgente pour arrêter l’attaque d’Israël sur Gaza et pour travailler à un avenir qui garantira l’égalité, la liberté, la dignité et la sécurité de tous les peuples qui vivent entre le Jourdain et la mer Méditerranée.
Déclaration de spécialistes de l’Holocauste et des génocides sur la violence de masse en Israël-Palestine depuis le 7 octobre
9 décembre 2023
Nous, spécialistes de l’Holocauste, des génocides et de la violence de masse, nous sentons obligés de mettre en garde contre le danger de génocide que représente l’attaque d’Israël contre Gaza. Nous notons également que, si l’attaque israélienne se poursuit et s’intensifie, les Palestiniens sous occupation militaire israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et les citoyens palestiniens d’Israël courent également un grave danger.
Nous sommes profondément attristés et préoccupés par le massacre de plus de 1 200 Israéliens et travailleurs migrants par le Hamas, le Jihad islamique et d’autres groupes le 7 octobre, dont plus de 830 civils. Nous notons également les preuves de violences sexistes et sexuelles au cours de l’attaque, les milliers de blessés israéliens, la destruction de kibboutzim et de villes israéliennes, et l’enlèvement de plus de 240 otages dans la bande de Gaza. Ces actes constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Nous reconnaissons que la violence en Israël et en Palestine n’a pas commencé le 7 octobre. Si nous voulons essayer de comprendre le massacre du 7 octobre, nous devons le placer dans le contexte du colonialisme israélien, de la violence de l’occupation militaire israélienne contre les Palestiniens depuis 1967, du siège de seize ans sur la bande de Gaza depuis 2007, et de la montée au pouvoir en Israël l’année dernière d’un gouvernement composé de politiciens qui parlent fièrement de la suprématie juive et d’un nationalisme d’exclusion. Expliquer n’est pas justifier, et ce contexte n’excuse en rien la prise pour cible de civils israéliens et de travailleurs migrants par des Palestiniens le 7 octobre.
Nous sommes également profondément attristés et préoccupés par l’attaque israélienne sur Gaza en réponse à l’attaque du Hamas. Selon un article du New York Times du 26 novembre, l’assaut israélien a causé la mort et la destruction à un niveau sans précédent. En deux mois, l’assaut israélien a tué plus de 16 000 Palestiniens (et des milliers d’autres sont ensevelis sous les décombres) - dont près de la moitié sont des enfants et des jeunes, un enfant palestinien étant tué toutes les dix minutes en moyenne avant le cessez-le-feu - et en a blessé plus de 40 000. Si l’on considère que la population totale de Gaza s’élève à 2,3 millions d’habitants, le taux de mortalité est d’environ 0,7 % en moins de deux mois. Le taux de civils tués lors des bombardements et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie dans les régions les plus touchées par la violence est probablement similaire, mais sur une période plus longue. Un certain nombre d’experts ont donc décrit l‘attaque d’Israël contre Gaza comme la plus intense et la plus meurtrière de son genre depuis la Seconde Guerre mondiale, mais alors que l’attaque de la Russie contre l’Ukraine a, pour de très bonnes raisons, incité les dirigeants occidentaux à soutenir les populations attaquées, ces mêmes dirigeants occidentaux soutiennent désormais la violence de l’État israélien plutôt que celle des Palestiniens attaqués.
Israël a également déplacé de force plus de 1,8 million de Palestiniens dans la bande de Gaza, tout en détruisant près de la moitié des bâtiments et en laissant la partie nord de la bande de Gaza comme un « paysage lunaire inhabitable ». En effet, l’armée israélienne a largué plus de 25 000 tonnes d’explosifs sur Gaza depuis le 7 octobre, ce qui équivaut à deux bombes d’Hiroshima, et selon Human Rights Watch, elle a déployé des bombes au phosphore blanc. Elle a systématiquement pris pour cible les hôpitaux, les écoles, les universités, les mosquées, les églises, les boulangeries et les champs agricoles. L’État a également tué de nombreux professionnels essentiels, dont plus de 220 travailleurs de la santé, plus de 100 membres du personnel des Nations unies et des dizaines de journalistes. Les déplacements forcés ont, en outre, créé dans la partie sud de la bande de Gaza une grave surpopulation, avec un risque d’épidémie de maladies infectieuses, exacerbé par les pénuries de nourriture, d’eau potable, de carburant et de fournitures médicales, en raison des mesures de « siège total" prises par Israël depuis le 7 octobre.
L’ampleur sans précédent des destructions et des massacres indique que l’attaque israélienne contre Gaza a donné lieu à des crimes de guerre à grande échelle. Il existe également des preuves d’une « attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque », que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale définit comme un crime contre l’humanité. En outre, des dizaines de déclarations de dirigeants israéliens, de ministres du cabinet de guerre et d’officiers supérieurs de l’armée depuis le 7 octobre - c’est-à-dire de personnes ayant une autorité de commandement - suggèrent une « intention de détruire » les Palestiniens « en tant que tels », selon les termes de la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide. Ces déclarations décrivent notamment tous les Palestiniens de Gaza comme responsables de l’attaque du Hamas du 7 octobre et donc comme des cibles militaires légitimes, comme l’ont exprimé le président israélien Herzog le 13 octobre et le premier ministre israélien Netanyahou lorsqu’il a invoqué, le 29 octobre, l’histoire biblique de la destruction totale d’Amalek par les Israélites, juste au moment où Israël a commencé son invasion terrestre. Le fait de considérer toute une population civile comme un ennemi marque l’histoire des génocides modernes, les génocides arménien (1915-1918) et rwandais (1994) en étant des exemples bien connus. Les déclarations contiennent également des termes déshumanisants, comme la référence du ministre israélien de la défense Yoav Gallant à des « animaux humains » lorsqu’il a proclamé le « siège total » de Gaza le 9 octobre. Le glissement entre le fait de considérer le Hamas comme des « animaux humains » et le fait de considérer tous les Palestiniens de Gaza de cette manière est évident dans ce que le coordinateur israélien des activités gouvernementales dans les territoires, le général de division Ghassan Alian, a promis aux habitants de Gaza le jour suivant : « Le Hamas s’est transformé en ISIS et les habitants de Gaza, au lieu d’être consternés, s’en réjouissent. Les animaux humains doivent être traités comme tels. Il n’y aura pas d’électricité ni d’eau [à Gaza], il n’y aura que de la destruction. Vous vouliez l’enfer, vous l’aurez ».
Ces expressions d’intention doivent également être comprises en relation avec l’incitation au génocide largement répandue dans les médias israéliens depuis le 7 octobre. Le journaliste israélien David Mizrachi Wertheim, par exemple, a écrit sur les médias sociaux le 7 octobre : « Si tous les captifs ne sont pas rendus immédiatement, transformez la bande [de Gaza] en abattoir. Si un cheveu tombe de leur tête, exécutez les prisonniers de sécurité. Violez toutes les normes sur le chemin de la victoire ». Il a également ajouté : « nous sommes face à des animaux humains ». Quatre jours plus tard, un autre journaliste israélien, Roy Sharon, a commenté sur les médias sociaux « que si, pour éliminer définitivement les capacités militaires du Hamas, y compris Sinwar et Deif, nous avons besoin d’un million de cadavres, alors qu’il y ait un million de cadavres ». Le langage annihilatoire apparaît désormais aussi dans les espaces publics, comme les bannières sur les ponts de Tel-Aviv qui appellent à « anéantir Gaza » et expliquent que « l’image du triomphe, c’est 0 personne à Gaza ». Il existe des dizaines d’exemples d’incitation dans les médias israéliens, qui rappellent l’incitation au génocide au Rwanda alors que le génocide s’y déroulait en 1994.
Cette incitation met en évidence le grave danger auquel sont désormais confrontés les Palestiniens soumis au régime israélien, où qu’ils se trouvent. La violence de l’armée israélienne et des colons en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est, qui s’est nettement intensifiée depuis le début de l’année 2023, est entrée dans une nouvelle phase de brutalité après le 7 octobre. Seize communautés palestiniennes - plus d’un millier de personnes - ont été entièrement déplacées de force, poursuivant la politique de « nettoyage ethnique » dans la zone C qui comprend 60 % de la Cisjordanie. Les soldats et les colons israéliens ont en outre tué plus de 220 Palestiniens en Cisjordanie depuis le 7 octobre et en ont arrêté des milliers. Les violences commises à l’encontre des Palestiniens comprennent également des actes de torture.
Les citoyens palestiniens d’Israël - près de 2 millions de personnes - sont également confrontés à un assaut de l’État contre eux, avec des centaines d’arrestations depuis le 7 octobre pour toute expression d’identification avec les Palestiniens de Gaza. Les étudiants, les professeurs et le personnel palestiniens des universités israéliennes font l’objet d’une intimidation et d’un silence généralisés, et le chef de la police israélienne, Kobi Shabtai, a menacé d’expulser vers Gaza les Palestiniens israéliens qui s’identifient aux Palestiniens de Gaza. Ces développements et mesures alarmants s’appuient sur une vision des citoyens palestiniens d’Israël comme des ennemis potentiels qui remonte au régime militaire imposé aux 156 000 Palestiniens qui ont survécu à la Nakba et sont restés sur le territoire qui est devenu Israël en 1948. Cette itération du régime militaire a duré jusqu’en 1966, mais l’image des Palestiniens israéliens comme une menace a persisté. En mai 2021, alors que de nombreux Palestiniens israéliens sont descendus dans la rue pour protester contre une attaque contre les Palestiniens de Jérusalem-Est et une autre attaque contre Gaza, la police israélienne a répondu par une répression et une violence massives, arrêtant des centaines de personnes. La situation s’est rapidement détériorée, les citoyens juifs et palestiniens s’affrontant dans tout Israël - dans certains endroits, comme à Haïfa, des citoyens juifs ont attaqué des citoyens palestiniens dans les rues et sont entrés par effraction dans les maisons des citoyens palestiniens. Aujourd’hui, Itamar Ben-Gvir, le colon d’extrême droite qui occupe le poste de ministre israélien de la sécurité nationale, a mis les Palestiniens israéliens encore plus en danger en distribuant des milliers d’armes aux civils israéliens qui ont formé des centaines d’unités d’autodéfense après le 7 octobre.
L’escalade de la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée et l’exclusion et la violence contre les citoyens palestiniens d’Israël sont particulièrement inquiétantes dans le contexte des appels lancés en Israël après le 7 octobre en faveur d’une « seconde Nakba ». Cette référence renvoie aux massacres et au « nettoyage ethnique » de plus de 750 000 Palestiniens et à la destruction de centaines de villages et de villes par les forces israéliennes lors de la guerre de 1948, date de la création d’Israël. Le langage utilisé par Ariel Kallner, membre de la Knesset (parlement israélien) et du Likoud (parti au pouvoir), dans un message posté sur les réseaux sociaux le 7 octobre, est instructif : « La Nakba à l’ennemi maintenant. ... Maintenant, un seul objectif : Nakba ! Une Nakba qui éclipsera la Nakba de 1948. Nakba à Gaza et Nakba à quiconque ose se joindre à [eux] ». Nous savons que le génocide est un processus et nous reconnaissons que le décor est ainsi planté pour une violence plus grave que la Nakba et qui ne se limite pas à Gaza.
Le moment est donc venu de mener une action concertée pour prévenir les génocides. Nous appelons les gouvernements à respecter leurs obligations légales en vertu de la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide d’intervenir et de prévenir le génocide (article 1) en (1) mettant en œuvre un embargo sur les armes à destination d’Israël ; (2) œuvrant pour mettre fin à l’assaut militaire d’Israël sur Gaza ; (3) en faisant pression sur le gouvernement israélien pour qu’il mette immédiatement fin à l’intensification de la violence de l’armée et des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qui constitue une violation manifeste du droit international ; (4) en exigeant la libération continue de tous les otages détenus à Gaza et de tous les Palestiniens emprisonnés illégalement en Israël, sans inculpation ni procès ; (5) demander à la Cour pénale internationale d’enquêter et de délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre de tous les auteurs des violences de masse commises le 7 octobre et depuis lors, qu’ils soient Palestiniens ou Israéliens ; et (6) lancer un processus politique en Israël et en Palestine fondé sur un bilan honnête des violences de masse commises par Israël à l’encontre des Palestiniens depuis la Nakba de 1948 et visant un avenir qui garantira l’égalité, la liberté, la dignité et la sécurité de tous les peuples qui vivent entre le Jourdain et la mer Méditerranée.
Nous appelons également les entreprises et les syndicats à s’assurer qu’ils ne soutiennent pas la violence de masse israélienne, mais plutôt à suivre l’exemple des travailleurs des syndicats de transport belges qui ont refusé, à la fin du mois d’octobre, de prendre en charge les vols qui expédient des armes à Israël.
Enfin, nous appelons les universitaires, les programmes, les centres et les instituts d’études sur l’Holocauste et le génocide à prendre clairement position contre la violence de masse israélienne et à se joindre à nous dans nos efforts pour y mettre un terme et empêcher qu’elle ne s’aggrave.
Signataires
- Mohamed Adhikari, Université du Cap
- Taner Akçam, directeur du programme de recherche sur le génocide arménien, The Promise Armenian Institute, UCLA
- Ayhan Aktar, professeur de sociologie (retraité), Université Bilgi d’Istanbul
- Yassin Al Haj Saleh, écrivain syrien, Berlin
- Sebouh David Aslanian, professeur d’histoire et titulaire de la chaire Richard Hovannisian d’histoire arménienne moderne, UCLA
- Karyn Ball, professeure d’anglais et d’études cinématographiques, Université de l’Alberta, Edmonton
- Haim Bresheeth-Žabner, chercheur associé, École des études orientales et africaines, Université de Londres
- Cathie Carmichael, Professeur émérite, École d’histoire, Université d’East Anglia
- Daniele Conversi, professeur, département d’histoire contemporaine, université du Pays basque
- Catherine Coquio, Professeure de littérature comparée à l’Université Paris Cité, France
- John Cox, professeur agrégé d’histoire et d’études mondiales et directeur du centre d’études sur l’Holocauste, les génocides et les droits de l’homme, Université de Caroline du Nord, Charlotte
- Martin Crook, maître de conférences en sociologie, Université de l’Ouest de l’Angleterre
- Ann Curthoys, professeur honoraire, École des sciences humaines, Université de Sydney
- Sarah K. Danielsson, professeuree d’histoire, Queensborough, CUNY
- John Docker, Sydney, Australie
- John Duncan, affilié à l’Institut d’études du Commonwealth, School of Advanced Study, Université de Londres
- Didier Fassin, professeur au Collège de France et à l’Institute for Advanced Study
- Joanne Smith Finley, lectrice en études chinoises, Université de Newcastle, Royaume-Uni
- Shannon Fyfe, professeure adjointe de philosophie à l’université George Mason ; membre du corps enseignant de l’Institut de philosophie et de politique publique
- William Gallois, Professeur de la Méditerranée islamique, Université d’Exeter
- Fatma Muge Gocek, professeure de sociologie, université du Michigan, Ann Arbor
- Svenja Goltermann, professeure d’histoire moderne, Université de Zurich
- Andrei Gómez-Suarez, chercheur principal, Centre de la religion, de la réconciliation et de la paix, Université de Winchester
- Penny Green, professeur de droit et de mondialisation et directrice de l’International State Crime Initiative, Queen Mary University of London
- John-Paul Himka, Professeur émérite, Université de l’Alberta
- Marianne Hirschberg, Professeure, Faculté des sciences humaines, Université de Kassel, Allemagne
- Anna Holian, professeure associée, École d’études historiques, philosophiques et religieuses, Université d’État de l’Arizona
- Rachel Ibreck, maîtresse de conférences en politique et relations internationales, département de politique et relations internationales, Goldsmiths, Université de Londres
- Adam Jones, professeur de sciences politiques, Université de la Colombie-Britannique Okanagan
- Rachel Killean, Maîtresse de conférences, Faculté de droit de l’Université de Sydney
- Brian Klug, Hon. Fellow en philosophie sociale, Campion Hall, Université d’Oxford, et Hon. Fellow, Parkes Institute for the Study of Jewish/non-Jewish Relations, Université de Southampton.
- Mill Lake, professeur associé, département des relations internationales, London School of Economics
- Mark Levene, Membre émérite, Université de Southampton
- Yosefa Loshitzky, professeuree associé de recherche, École des études orientales et africaines, Université de Londres
- Thomas MacManus, maître de conférences en criminalité d’État, faculté de droit, Queen Mary University of London
- Zachariah Mampilly, Professeur, Baruch College et Graduate Center, CUNY
- Benjamin Meiches, professeur associé d’études de sécurité et de résolution des conflits, Université de Washington-Tacoma
- Dirk Moses, professeur de relations internationales, City College of New York, CUNY
- Eva Nanopoulos, maîtresse de conférences en droit, Queen Mary University of London
- Jeffrey Ostler, professeur d’histoire émérite, Université de l’Oregon
- Thomas Earl Porter, professeur d’histoire, North Carolina A&T State University, Greensboro, NC
- Michael Rothberg, professeur d’anglais, de littérature comparée et d’études sur l’Holocauste, UCLA
- Colin Samson, professeur de sociologie, université d’Essex
- Victoria Sanford, Lehman Professor of Excellence, Lehman College et Graduate Center, CUNY
- Raz Segal, professeur associé d’études sur l’Holocauste et les génocides et titulaire d’une chaire d’études sur les génocides modernes, Stockton University
- Elyse Semerdjian, titulaire de la chaire Robert Aram et Marianne Kaloosdian et de la chaire Stephen et Marian Mugar d’études sur le génocide arménien, Clark University
- Martin Shaw, Université du Sussex/Institut d’Estudis Internacionals, Barcelona
- Damien Short, codirecteur du Consortium pour les droits de l’homme et professeur de droits de l’homme et de justice environnementale à la School of Advanced Study de l’université de Londres.
- Ronald Grigor Suny, professeur émérite d’histoire et professeur émérite de sciences politiques, William H. Sewell, Jr. Distinguished University Professor Emeritus of History and Emeritus Professor of Political Science, University of Michigan
- Adam Sutcliffe, professeur d’histoire européenne, King’s College London
- Barry Trachtenberg, Chaire présidentielle Rubin d’histoire juive, Université Wake Forest
- Enzo Traverso, professeur de sciences humaines à l’université de Cornell
- Jeremy Varon, professeur d’histoire, The New School, New York
- Ernesto Verdeja, professeur associé d’études sur la paix et la politique mondiale, Université de Notre Dame
- Johanna Ray Vollhardt, professeure associée de psychologie, Université Clark
- Pauline Wakeham, Professeure associée, Département d’anglais, Western University (Canada)
- Keith David Watenpaugh, professeur et directeur des études sur les droits de l’homme, Université de Californie, Davis
- Louise Wise, maîtresse de conférences en sécurité internationale, Université du Sussex
- Andrew Woolford, professeur de sociologie et de criminologie, Université du Manitoba
- Ran Zwigenberg, professeur associé d’études asiatiques, d’histoire et d’études juives, Pennsylvania State University
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