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30/06/2024

GIDEON LEVY
L’armée israélienne affirme que Wissam Hanoun a été tué lors d’un raid sur Jénine. Sa famille ne le croit pas

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 28/6/2024

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Wissam Hanoun a-t-il été tué il y a 7 mois par les FDI, comme l’a déclaré l’armée, ou est-il la personne photographiée gisant inconsciente à l’hôpital Hadassah longtemps après, comme l’affirment ses parents ? L’habitude d’Israël de ne pas rendre les corps laisse les familles déchirées entre le désespoir et l’espoir.

Iyad Hanoun chez lui, cette semaine, dans le camp de réfugiés de Jénine

 

Le clip vidéo, qui a apparemment été tourné clandestinement, montre un jeune homme barbu, inconscient, allongé dans une unité de soins intensifs, un tube inséré dans sa gorge pour qu’il puisse respirer, un autre dans son nez pour l’alimenter. Son regard est vide. Les draps portent le nom de l’hôpital : Centre médical Hadassah, Aïn Karem, Jérusalem.

 

S’agit-il de Wissam, le fils d’Iyad et de Kifah Hanoun, qui en sont “sûrs à 150 % ”? Ou est-ce quelqu’un d’autre ? Wissam a-t-il été hospitalisé ici sous un autre nom - Hadassah a informé Haaretz cette semaine que, selon les registres de l’hôpital, personne du nom de Wissam Hanoun n’y a jamais été patient - ou s’agit-il d’une erreur d’identité et l’homme n’est pas Wissam ?

 

Les forces de défense israéliennes ont déclaré il y a sept mois que Wissam avait été tué lors d’une incursion dans le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Quelques jours plus tard, cependant, le doute a commencé à ronger les parents. Leurs doutes sur la mort de Wissam se sont accrus au cours des derniers mois, et ils sont maintenant absolument convaincus que leur fils est vivant. Ils ont déjà dépensé des dizaines de milliers de shekels en avocats pour tenter de retrouver Wissam, mais en vain. Le temps presse pour sa mère, Kifah, 50 ans : elle souffre d’un cancer du poumon à un stade avancé.

 

Jusqu’à la guerre de Gaza, le couple avait deux fils et une fille. Wiam, 28 ans, a été tué en octobre 2023 par un missile tiré sur lui par un avion israélien dans le camp de réfugiés de Jénine ; son frère aîné, selon les FDI, a été tué lors d’un raid de l’armée dans le camp cinq semaines plus tard, le 29 novembre. Le seul enfant qui leur reste, si c’est le cas, est leur fille, Rahil, une étudiante en ingénierie de 24 ans. Mais la mère et le père insistent sur le fait qu’il n’en est rien. xyz


Le squelette d’une jeep accidentée, ornée d’un drapeau palestinien et d’une couronne de fleurs, reste muet à l’entrée de la maison où nous avons rencontré Iyad, 54 ans, cette semaine. Ce marchand de légumes vit avec sa famille dans le camp de Jénine et possède un magasin de légumes dans la ville voisine de Qabatiyah. Quatre jeunes hommes ont été tués dans ce véhicule pendant le Ramadan, au printemps dernier, lorsqu’il a été touché par un missile.

 

Wiam figurait depuis des années sur la liste des personnes les plus recherchées par Israël et avait été blessé à plusieurs reprises par l’armée, mais n’avait jamais été arrêté. Wissam, 29 ans, était étudiant en droit à l’université arabo-américaine de Jénine, mais pendant huit ans, il n’a pas pu terminer ses études en raison de ses fréquentes arrestations. Les deux frères n’étaient pas mariés ; tous deux ont consacré leur vie à la résistance.


 

Le 29 novembre dernier, sept semaines après le début de la guerre à Gaza, un important contingent de l’armée israélienne a pris d’assaut le camp de réfugiés. Wissam et son bon ami Mohammed (Hamudi) Zubeidi, tous deux recherchés et armés, se sont cachés dans une maison du quartier Al-Damaj. Les troupes ont procédé à une fouille de maison en maison pour les retrouver. Lorsqu’ils ont été retrouvés, l’armée a démoli la maison avec eux à l’intérieur et a annoncé que les deux hommes avaient été tués.

 

Nous avons visité les ruines du bâtiment quelques jours plus tard. Jamal Zubeidi, le père endeuillé de Muhammad, nous a dit qu’ils avaient trouvé une des chaussures de son fils dans les décombres, une Nike Air noire, et qu’ils étaient donc convaincus que Hamudi était mort. Après sa mort, les FDI ont déclaré qu’il avait été le “commandant du camp de Jénine”. Je le connaissais depuis son enfance.

 


Wissam Hanoun

 

Quelques mois plus tôt, Hamudi nous avait fait visiter le camp, fusil en bandoulière. Wissam et lui étaient des amis proches depuis leur enfance. Chacun a perdu un frère avant d’être tué à son tour. Ils appartenaient à deux organisations très différentes : Wissam était membre du Front populaire de libération de la Palestine, tandis que Hamudi avait rejoint le Jihad islamique il y a dix ans. À Jénine, toutes les organisations opèrent et combattent ensemble.

 

Jusqu’à ce que les forces israéliennes quittent le camp, le 30 novembre à midi, personne n’osait quitter sa maison. Immédiatement après, les rapports ont commencé à circuler : Wissam Hanoun et Hamudi Zubeidi avaient été tués. La propriétaire de la maison rasée lors de l’assassinat a raconté qu’elle avait vu un tractopelle de l’armée prendre les deux hommes dans son godet et les emmener. Elle a affirmé que l’un d’eux était immobile, mort, mais que l’autre semblait vivant.

 

Les familles ont appelé le bureau de liaison civil palestinien à Jénine pour obtenir des informations sur le sort des deux hommes. On leur a dit que les deux avaient été tués. Des tentes de deuil ont été érigées en leur mémoire. Les FDI, suivant leur pratique habituelle, ont pris les corps et les ont emmenés à l’hôpital de Jénine.

Un communiqué des FDI publié ce jour-là indiquait ce qui suit : « Lors d’une opération conjointe des FDI, du Shin Bet [service de sécurité] et de la police des frontières dans le camp de réfugiés de Jénine, des combattants de l’unité spéciale antiterroriste de la police ont éliminé deux terroristes de haut rang, dont le commandant du camp, Muhammad Zubeidi... Les combattants de l’unité spéciale antiterroriste ont encerclé le bâtiment dans lequel Zubeidi s’était retranché avec d’autres terroristes et ont ouvert le feu sur le bâtiment. Après des recherches dans le bâtiment, deux terroristes qui ont été éliminés ont été retrouvés, Muhammad Zubeidi et Hussam [sic] Hanoun ».

 

L’armée a effectué un nouveau raid sur le camp deux semaines plus tard, tuant sept jeunes hommes. Iyad Hanoun s’est rendu dans la tente de deuil pour consoler les sept nouvelles familles endeuillées. Il nous a raconté cette semaine que, pendant qu’il était là, des agents de la sécurité préventive palestinienne lui ont dit que Wissam était vivant et qu’il avait été emmené dans un centre de détention des FDI à Salem, à l’est de Naplouse. Les doutes d’Iyad sur la prétendue mort de son fils se sont accrus, et avec eux, l’espoir. Il a commencé à frapper aux portes pour retrouver son fils.

 

Il s’est adressé successivement à plusieurs avocats israéliens. Ceux-ci ont perçu des honoraires considérables, ont fait des promesses, ont suscité encore plus de doutes chez lui et ont fait naître des espoirs, mais n’ont pas réussi à apporter un iota de preuve sur ce qui était arrivé à son fils. Le brouillard n’a pas été levé. Un avocat a affirmé avoir appris du service de sécurité Shin Bet que Wissam était en vie et en détention. Iyad a déclaré une récompense de 100 000 shekels (environ 25 000 €) pour toute information solide sur le sort de son fils. Un autre avocat a conseillé à Iyad de contacter la Croix-Rouge internationale, qui pourrait avoir des informations, ce qu’il a fait.

 

La Croix-Rouge internationale lui a dit que depuis le 7 octobre, Israël ne coopérait plus avec l’organisation, car elle n’avait pas réussi à obtenir d’informations sur le sort des otages israéliens à Gaza. Entre-temps, deux employés du centre médical Hadassah, qui vivent à Jérusalem-Est, ont appelé le camp pour dire que deux blessés du camp de réfugiés de Jénine avaient été amenés à l’hôpital le 29 novembre. Quelqu’un dans le camp savait-il quelque chose à leur sujet ? On a répondu aux employés que l’armée avait pris deux corps dans le camp le 29 novembre.

 


Destruction du camp de réfugiés de Jénine

 

Quatre mois après l’incident, un clip vidéo a été publié sur les médias sociaux, montrant un jeune homme barbu gisant inconscient dans l’unité de soins intensifs de Hadassah Aïn Karem. Un employé de l’hôpital a dit à la famille que cette personne était restée inconsciente pendant 114 jours, puis s’était réveillée et avait été emmenée de l’hôpital. Il est difficile de savoir, d’après les photographies de Wissam, s’il s’agit bien de la personne hospitalisée. Abdulkarim Sadi, chercheur de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, qui nous a accompagnés dans le camp, pense qu’il s’agit de la même personne, mais il a veillé cette semaine à ne pas donner de faux espoirs à la famille.

 

Immédiatement après la publication de la vidéo, les habitants du camp se sont rassemblés devant la maison de la famille Hanoun. Le père de Wissam dit avoir immédiatement reconnu son fils dans le clip ; sa mère dit avoir eu dès le premier jour le sentiment que Wissam n’avait pas été tué. Entre-temps, un autre avocat a contacté le ministère palestinien des détenus, qui a lui-même pris contact avec les autorités israéliennes, mais n’a pas obtenu de réponse.

 

Un autre avocat encore a proposé d’essayer d’obtenir une vidéo de Wissam vivant en échange de 75 000 shekels [18 500€], raconte Iyad. Elle a d’abord demandé 10 000 shekels [2500 €] pour savoir si Wissam était en vie et, après avoir confirmé qu’il l’était, elle a demandé le montant supplémentaire. (Ils ont refusé de payer la deuxième somme lorsqu’elle a refusé de leur montrer la vidéo la première fois). Un avocat a affirmé avoir découvert que Wissam se trouvait à l’hôpital de l’administration pénitentiaire israélienne à Ramle. Quelqu’un a dit à la famille que Wissam avait été blessé à la poitrine et aux jambes, mais que son état s’améliorait. Aucune preuve n’a été fournie pour étayer ces informations.

 

Un avocat a déclaré que l’armée avait déjà reconnu que Wissam était en détention administrative (emprisonnement sans charges) et que le 29 mai, sa peine avait été prolongée de six mois. Il a ajouté qu’il fournirait à Iyad les preuves écrites - puis il a disparu.

 

Cette semaine, Haaretz a posé la question à l’unité du porte-parole des FDI, qui s’est contenté de rééditer son annonce du 29 novembre concernant la mort de Wissam. Ido Efrati, correspondant de Haaretz pour les affaires de santé, a pris contact avec Hadassah Aïn Karem, qui l’a informé qu’il n’y avait aucune trace d’un patient portant ce nom dans les dossiers de l’hôpital. « S’il n’apparaît pas du tout dans les systèmes de Hadassah, c’est qu’il n’était apparemment pas à Hadassah », ont déclaré des sources de l’hôpital.

 

Un porte-parole de l’administration pénitentiaire a déclaré cette semaine en réponse à une question posée par Haaretz : « Il n’est pas sous notre garde. Il a été libéré en 2021 ».

 

Cette semaine, dans une maison du camp de réfugiés de Jénine à moitié détruit, les espoirs se sont envolés, même si, vu de l’extérieur, il semble s’agir de faux espoirs.

 

Rien de tout cela n’aurait pu se produire si Israël avait renoncé à sa pratique barbare et inhumaine consistant à refuser de restituer les corps des Palestiniens.

 

Pendant ce temps, mercredi soir, une unité de l’armée a pénétré dans le camp et a arrêté huit hommes âgés qui étaient rassemblés dans une pharmacie du camp. L’un d’entre eux était Jamal Zubeidi.

 

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