Sergio
Rodríguez Gelfenstein (bio), 16/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le 7 mars, lors d’une conférence de presse tenue dans le cadre de la première session du 14e Congrès national du peuple (CNP) à Pékin, le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, récemment nommé, a déclaré : « Si USA ne freinent pas et continuent d’accélérer sur la mauvaise voie, il n’y aura pas de barrière qui puisse empêcher le déraillement et il y aura certainement un conflit et une confrontation ». Il a ajouté que la politique usaméricaine à l’égard de la Chine s’était complètement écartée de la “voie rationnelle et raisonnable”.
Ce langage, très éloigné de la tradition diplomatique chinoise de retenue et d’autocontrôle, est l’expression de changements qui se manifestent non seulement dans la rhétorique et le discours, mais surtout dans la pratique et la proposition. À un moment donné, Deng Xiaoping a déclaré que la diplomatie chinoise devait se caractériser par le fait de « dissimuler sa force et d’attendre son heure ». C’est manifestement du passé. Les mois qui se sont écoulés en 2023 ont vu non seulement une transformation de la rhétorique, mais aussi une activité diplomatique intense de la part de la Chine, qui semble vouloir prendre la place qui lui revient dans le système international en tant qu’acteur majeur et protagoniste du processus de transformation qu’elle est manifestement en train d’initier.
Qin Gang, qui aura 57 ans le 19 mars, fait partie d’une nouvelle génération : il avait 10 ans à la mort de Mao Zedong et de Chou Enlai et 12 au début de la politique de réforme et d’ouverture en 1978. Il est totalement étranger à cette époque. À 26 ans, il est entré au service des affaires étrangères et avait 46 ans lorsque Xi Jinping a été élu secrétaire général du Parti communiste chinois pour la première fois en 2012. À l’époque, il était directeur général adjoint du département de l’information du ministère des Affaires étrangères. En l’espace de 12 ans, il a accédé à la plus haute fonction du ministère des Affaires étrangères de son pays.
Cette nouvelle génération, qui se caractérise par une activité intense sur les réseaux sociaux, ne laisse passer aucun affront à son pays et répond durement à chaque fois, tout en faisant connaître ses propositions et ses projets aux quatre coins du monde. Avec un langage qui n’épargne ni le sarcasme, ni l’ironie, ni la dérision, la jeune diplomatie chinoise a été surnommée “Loups guerriers” par les médias transnationaux occidentaux. Ce nom fait référence aux membres des forces spéciales chinoises qui affrontent avec succès des mercenaires usaméricains dans une série télévisée qui a immobilisé le pays pendant deux saisons en 2015 et 2017.
En ce qui concerne les relations de la Chine avec la Russie, un aspect cardinal de la politique étrangère de son pays à l’heure actuelle, Qin Gang a déclaré que si les deux pays “travaillent ensemble, le monde aura la force motrice de la multipolarité et de la démocratie dans les relations internationales et l’équilibre stratégique mondial sera mieux garanti”, exposant ainsi de manière précise et stratégique les liens entre les deux pays. On ne peut ignorer que dans cette définition, en un seul paragraphe, le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères a posé les trois catégories qui définissent le futur champ d’action de la diplomatie chinoise : la multipolarité, la démocratie et l’équilibre stratégique global.
Pour ceux qui auraient des doutes sur la nouvelle orientation de la diplomatie chinoise, c’est le président Xi Jinping lui-même qui, la veille, le 6 mars, dans son discours à la première session du 14e Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois, s’est chargé d’esquisser la voie que le pays adoptera dans les années à venir, après avoir diagnostiqué ce qui suit : « Les conditions extérieures pour le développement de la Chine ont changé radicalement, avec une augmentation significative des facteurs incertains et imprévisibles, d’autant plus que les pays occidentaux, menés par les USA, ont soumis notre pays à un confinement total, à un siège et à une répression, posant des défis sérieux et sans précédent à notre développement ».
Xi a déclaré qu’au vu de la situation créée, la Chine devait moderniser son armée et la transformer en une “grande muraille d’acier”. Il a également insisté sur le fait que le pays devait atteindre l’autosuffisance technologique. Tout cela fait partie d’une restructuration gouvernementale majeure qui aura une influence profonde sur l’économie et la société du pays. À cette fin, des progrès seront également réalisés dans le cadre d’une réforme intense du système financier.
De même, Xi a annoncé que le plan de transformation structurelle pour faire face aux temps nouveaux comprend la réforme de plusieurs organes du Parti communiste et du gouvernement. Cette réforme, qui vise à renforcer le leadership du parti, concernera ses institutions locales et centrales, le Congrès national du peuple, le Conseil d’État et le cabinet, ainsi que la Conférence consultative politique du peuple chinois, le plus haut organe consultatif de la nation.
Pour exprimer cette tendance en matière de politique étrangère, la Chine a dévoilé en février une “initiative de sécurité mondiale” visant à éliminer les causes profondes des conflits internationaux, à améliorer la gouvernance de la sécurité mondiale, à stimuler les efforts internationaux conjoints pour garantir une plus grande stabilité et certitude, et à promouvoir une paix et un développement durables dans le monde entier.
La proposition repose sur six principes : rester attaché à la vision d’une sécurité commune, mondiale, coopérative et durable ; respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays ; respecter les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies ; prendre au sérieux les préoccupations légitimes de tous les pays en matière de sécurité ; résoudre pacifiquement les différends entre les nations par le dialogue ; et, enfin, préserver la sécurité dans les domaines traditionnels et non traditionnels.
Ce ne sont pas seulement des changements dans le discours et la rhétorique qui ont commencé à se produire en Chine cette année. La nomination du nouveau ministre des Affaires étrangères le 30 décembre et le lancement de l’“Initiative de sécurité globale” proposée en février ont été accompagnés d’une intention claire de commencer à jouer un rôle beaucoup plus important sur la scène internationale.
Dans ce contexte, il a récemment été annoncé que, avec la médiation de la Chine, le Royaume d’Arabie saoudite et la République islamique d’Iran ont décidé d’établir des relations diplomatiques, modifiant ainsi radicalement la scène politique régionale et même mondiale, Cette décision a porté un coup sévère au projet de domination usaméricaine dans la région, qui est centré sur le maintien de l’État sioniste comme rampe de lancement de la politique impériale dans la région, pour laquelle Washington avait l’intention de créer de solides alliances des sionistes avec certains pays arabes et musulmans, ce qui a été sévèrement compromis par la diplomatie silencieuse et patiente de la Chine.
Cela réduira considérablement la probabilité d’un conflit armé entre ces rivaux régionaux, qu’il s’agisse d’une confrontation directe ou indirecte, ce qui pourrait contribuer à créer les conditions d’un règlement politique pour arrêter et mettre fin à la guerre prolongée au Yémen, comme certaines capitales du Machreq ont commencé à le supposer.
Dans un autre domaine, mais aussi en tant qu’expression des efforts diplomatiques importants de la Chine en faveur de la paix dans le monde, une proposition en 12 points rédigée par Pékin pour mettre fin au conflit en Ukraine par la négociation et le dialogue a été rendue publique le 24 février. C’est pourquoi le président Xi se rendra à Moscou où il rencontrera son homologue russe Vladimir Poutine, après quoi il s’entretiendra par télématique avec son homologue ukrainien Volodymir Zelenski.
Ainsi, alors que les vents de la tempête et de l’orage soufflent depuis Washington et Bruxelles, Pékin s’efforce, sans baisser la garde, d’œuvrer à la réduction des tensions et d’apporter une contribution réelle et significative à la paix et au développement de la planète, tout en rejetant les attaques impériales.
Vidéo d’autopromotion de la PRC mise en ligne le 12 mars
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