Reinaldo
Spitaletta, Sombrero de mago, 7/3/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
Comme la Journée internationale des femmes s’est banalisée ! Elle n’est plus qu’une caricature, vidée de son histoire et de sa mémoire. Il a été dit que le capitalisme est habile à transformer en marchandise ce qui était autrefois une menace pour sa stabilité et ses contraintes. Ce qui a émergé comme une demande sociale, avec des protestations populaires, avec des soulèvements, avec des morts et de nombreuses blessures, avec du sang, doit être transformé en une frivolité, car il peut être vendu et dépouillé de son contexte.
La lutte des femmes pour la conquête de leurs droits est longue, avec une présence peu visible mais historique dans la Révolution française, et un vaste catalogue de manifestations de protestation aux XIXe et XXe siècles. Le capitalisme, qui, selon les mots de Marx, est né « ruisselant de sang par tous les pores », a introduit des horaires de travail inhumains, ce qui a donné lieu à des mouvements de protestation colossaux en Europe et aux USA, comme La lutte pour les “Trois Huit”.
Aux luttes des travailleuses pour des revendications économiques s’ajoutent des luttes pour des droits politiques, comme le suffrage et l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes. Au milieu des luttes aux USA, il y a eu des grèves et des mouvements héroïques, comme ceux des célèbres Martyrs de Chicago, qui ont conduit à la création mondiale du 1er Mai. Les immigrés, en masse, deviennent une main-d’œuvre bon marché dans les usines, comme les usines textiles, avec une majorité de travailleuses.
Dans Une histoire populaire des États-Unis, Howard Zinn dépeint des paysages austères de travailleurs exploités jusqu’à la moelle et raconte les nombreuses luttes des femmes et des hommes pour la dignité et une vie meilleure. Un poète populaire, Edwin Markham, a écrit dans le magazine Cosmopolitan sur les conditions de travail misérables : « Dans des pièces non ventilées, les mères et les pères cousent jour et nuit... et les enfants qui jouent sont appelés par les patrons à travailler aux côtés de leurs parents ».
Dans diverses usines textiles, notamment aux USA, de graves accidents ont eu lieu, avec de nombreux décès, en raison des conditions infrahumaines d’exploitation et d’insécurité industrielle. Les femmes, entassées dans les usines, travaillent seize heures par jour. À New York, au début du XXe siècle, il y avait cinq cents ateliers de confection. « Dans ces trous insalubres, tous, hommes, femmes et jeunes, travaillaient soixante-dix à quatre-vingts heures par semaine, y compris les samedis et les dimanches ! Le samedi après-midi, ils accrochaient un panneau disant : “Si vous ne venez pas le dimanche, inutile de venir le lundi” », témoigne une femme, citée par Zinn.
En 1909, les ouvrières de la confection aux USA ont organisé une grève générale, à laquelle les femmes noires ont participé en grand nombre. Cependant, les conditions de travail épouvantables ne changent pas et, au contraire, s’aggravent dans toutes les usines.
« C'est l'une des cent assassinées. Quelqu'un sera-t-il puni pour ça ? » Dessin de Thomas Dorgan, The New York Journal, 1911
En 1911, à la Triangle Factory, qui verrouillait ses portes afin de surveiller et de contrôler ses employé·es, un incendie a tué 146 travailleuses, pour la plupart des femmes. Sur Broadway, cent mille personnes défilent en l’honneur de celles et ceux qui ont été sacrifiés à la barbarie du capitalisme.
Clara Zetkin (à g.) et Rosa Luxembourg, jardin du Mémorial Clara Zetkin, à Birkenwerder, près de Berlin
Tant d’outrages à l’encontre des ouvrières, notamment dans les usines usaméricaines, incitent la deuxième conférence des femmes socialistes à Copenhague à déclarer le 8 mars Journée internationale des femmes travailleuses, grâce à une motion proposée par la lideure Clara Zetkin. Cette date, marquée par les immenses sacrifices des femmes travailleuses, a été officialisée dans le monde par les Nations unies en 1975 comme Journée internationale des Femmes
La commémoration du 8 mars est un exercice d’histoire des mauvais traitements, persécutions, discriminations et autres exploitations des femmes, notamment des travailleuses d’ici et d’ailleurs. En Colombie, les travailleuses ont ouvert la voie des revendications en février et mars 1920, lorsque 400 jeunes femmes de l’usine textile de Bello ont organisé la première grève (premier exercice du droit de grève, approuvé en 1919) du pays. Betsabé Espinal a été le phare de ce glorieux mouvement de “virgencitas rebeldes” {“pucelles rebelles”), des Jeanne d’Arc à la colombienne, comme les appelaient les journalistes de l’époque.
La Journée
internationale des femmes est la mémoire de nombreuses travailleuses du monde
entier qui, avec leur sang, leur sueur et leurs larmes, portant le poids de la
discrimination, se sont dressées contre les impositions et les abus des patrons
d’usines. Il ne s’agit pas d’une date banale ou d’une journée commerciale,
comme cela a été imposé depuis longtemps, avec une tentative, tant officielle
que de la part d’autres secteurs, de décontextualiser et d’effacer le travail
intrépide des femmes pour leur dignité et la conquête de droits à l’intérieur
et à l’extérieur des usines.
C’est une journée pour en apprendre un peu plus
sur Rosa Luxemburg, María Cano, Nadia Kroupskaïa ; sur les ouvrières carbonisées
dans des usines de confection et de textile ; sur les suffragettes... Il ne s’agit
pas de pétales et de chocolats, mais de marcher avec l’histoire et les utopies.
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