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30/11/2021

ROBERTO PIZARRO HOFER
Chili : le candidat Kast et l'opération Condor

Roberto Pizarro Hofer (bio), El Desconcierto, 29/11/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La lecture du programme présidentiel de José Antonio Kast a fait resurgir de douloureux souvenirs personnels et familiaux que j'ai vécus à Buenos Aires, il y a précisément 46 ans. Au paragraphe 33 de la page 27 du programme de Kast, sous le titre "Coordination internationale anti-radicaux de gauche", on peut lire : « Nous nous coordonnerons avec les autres gouvernements d'Amérique latine pour identifier, arrêter et poursuivre les agitateurs radicalisés ». C'est cette coordination des appareils répressifs des gouvernements dictatoriaux du Cône Sud qui a conduit à mon arrestation injuste, à ma torture et à mon emprisonnement en Argentine, grâce à ce qui a été connu par la suite sous le nom d'Opération Condor.

 

Carlos Latuff

Le matin du 25 novembre 1975, quatre policiers de la Coordination fédérale ont défoncé la porte de ma maison dans le quartier de Caballito. Ma femme et moi avons été traités violemment par ces visiteurs impromptus qui nous ont battus, ont détruit la maison et ont volé l'argent et les quelques objets de valeur que nous avions. Attachés, nous avons été emmenés au siège de la police argentine, où nous avons eu les yeux bandés pendant dix jours, au pain et à l'eau, avec des coups, des tortures et des menaces persistantes. À l'incertitude de ne pas savoir ce qui arrivait à ma femme s'ajoutait la douleur intense de l'impuissance dans laquelle se trouvaient mes fils Rodrigo et Andrés (5 et 7 ans) qui, à leur retour de l'école, se retrouvaient sans leurs parents et avec une maison à moitié détruite.

J'ai alors osé demander à l'un des répresseurs la raison de cette arrestation et quel serait notre avenir immédiat. Il a répondu que, à la demande de la DINA [Direction nationale du renseignement, police politique de Pinochet, NdT], j’étais recherché et que je serais envoyé immédiatement à Santiago. Lorsque j'ai demandé, avec surprise, ce que la police argentine avait à voir avec un professionnel chilien travaillant dans les bureaux de l'INTAL (une organisation internationale dépendant de la BID [Banque interaméricaine de développement]), on m'a répondu dans le meilleur style porteño : « T’es con pu tu fais semblant ? Nous pouvons avoir des divergences avec l'État chilien, mais aucune dans la compréhension et la collaboration pour écraser les terroristes, les marxistes, les gauchistes et ceux qui les aident ». Je me suis alors souvenu qu'en dehors de mon travail professionnel, je soutenais un programme du Conseil latino-américain des sciences sociales (CLACSO) visant à relocaliser dans des pays solidaires de l'exil chilien des étudiants et des universitaires qui avaient été détenus dans des camps de concentration ou qui s'étaient retrouvés sans travail au Chili.