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11/08/2025

PHOEBE GREENWOOD
Mes années passées à couvrir Gaza m’ont brisée. Pourquoi le monde a-t-il mis autant de temps à s’indigner ?

Entre 2010 et 2013, j’étais sur le terrain pour couvrir les attaques israéliennes contre la Palestine. Peu de gens voulaient voir ça.

Phoebe Greenwood, The Guardian, 10/8/2025
Traduit par Tlaxcala

Phoebe Greenwood est une écrivaine et journaliste vivant à Londres. Entre 2010 et 2013, elle a été correspondante indépendante à Jérusalem, couvrant le Moyen-Orient pour le Guardian, le Daily Telegraph et le Sunday Times. De 2013 à 2021, elle a été rédactrice et correspondante au Guardian, spécialisée dans les affaires étrangères.

 

Illustration : Aldo Jarillo/The Guardian

Lorsque je me suis installée à Jérusalem en 2010, les correspondants étrangers m’ont donné un conseil déconcertant : « La première année, tu détestes le gouvernement israélien, la deuxième, les dirigeants palestiniens, et la troisième, tu te détestes toi-même. » Il vaut mieux partir avant quatre ans, m’a-t-on dit, pour préserver ma santé mentale. J’ai acquiescé en pensant à quel point ils étaient cyniques. Je ferais mieux qu’eux, me suis-je dit. Je n’ai pas fait mieux.

Je suis restée un peu moins de quatre ans en Israël et en Palestine. Pendant cette période, j’ai réalisé des reportages sur les déplacements forcés et la bureaucratie punitive (l’occupation israélienne s’étend grâce au refus de permis, à la démolition de maisons et à la révocation de cartes d’identité). J’ai écrit sur les assassinats d’enfants, les crimes de guerre et le terrorisme (perpétrés par les deux camps). J’ai essayé d’expliquer du mieux que je pouvais l’annexion de la Cisjordanie et le châtiment collectif infligé à deux millions de personnes à Gaza sans utiliser de termes interdits tels que apartheid ou crime de guerre. J’ai veillé à présenter un éventail équilibré de voix et d’opinions. Mais malgré tout, chaque reportage sur une atrocité commise en Palestine était accueilli par des accusations de partialité très personnelles. Les rédacteurs en chef étaient souvent nerveux, les lecteurs désengagés.

Pourquoi ceux d’entre nous dont le travail consistait à rendre compte des atrocités commises en Palestine ont-ils été si spectaculairement incapables de les empêcher ?

Après deux ans, une triste réalité s’est imposée : les gens ne voulaient pas en entendre parler. Au bout de trois ans, j’ai commencé à renoncer à essayer de les faire écouter et le dégoût de moi-même s’est installé. Le cynisme des journalistes est un moyen utile d’exprimer la peur, le désespoir et l’impuissance que les normes de l’industrie de l’information ne leur permettent pas d’exprimer, mais il a un effet secondaire dangereux : il atténue l’indignation. Sans indignation, des crimes tels que l’apartheid, le nettoyage ethnique et le génocide peuvent se poursuivre sans interruption – et c’est ce qui s’est passé.

Plus de dix ans plus tard, alors que l’anéantissement de Gaza défile sur mes réseaux sociaux, je termine depuis deux ans mon premier roman, Vulture. C’est l’histoire d’une journaliste, Sara Byrne, qui tente de se faire un nom au milieu d’une guerre à Gaza. C’est un personnage destructeur, imprégné de cynisme et de dégoût de soi, qui a émergé, dans toute sa surprenante désagréabilité, alors que j’essayais de résoudre ma propre expérience en tant que journaliste couvrant la Palestine. Il y avait des doutes et des questions lancinants que je ne pouvais pas chasser, comme : pourquoi ceux d’entre nous dont le travail consistait à rendre compte des atrocités commises en Palestine ont-ils été si spectaculairement incapables de les arrêter ?

L’action de Vulture est fictive, mais se déroule dans le cadre temporel réel de la guerre de 2012 à Gaza, que j’ai couverte. Je me trouvais à Gaza lorsque le chef du Hamas, Ahmed al-Jabari, a été assassiné. Je suis arrivée sur les lieux de sa « liquidation » moins d’une heure plus tard, le châssis calciné de sa voiture encore fumant. J’ai remarqué les éclaboussures de sang qui atteignaient le deuxième étage des bâtiments environnants en rédigeant ma première une. Israël avait lancé son opération Pilier de défense.

Les guerres n’ont jamais été une surprise à Gaza. Depuis 2006, date à laquelle les dernières élections générales en Palestine ont ouvert la voie à la prise du pouvoir par le Hamas et à l’imposition du blocus par Israël et l’Égypte, les tirs de roquettes du Hamas et les bombardements de l’armée israélienne se sont succédé régulièrement. Tous les deux ou trois ans, les généraux israéliens déclaraient une opération militaire pour bombarder les infrastructures du Hamas. En privé, les militaires à la retraite appelaient cela « tondre le gazon ».

Lors de la guerre de 2009, qui a fait 1 400 morts parmi les Palestiniens, détruit 11 000 maisons et vu des obus au phosphore blanc tomber sur des marchés et des hôpitaux, Israël n’avait pas autorisé les journalistes étrangers à entrer à Gaza. En 2012, ils l’ont fait. La plupart d’entre nous logions à l’hôtel Al Deira, où nous mangions et dormions les uns à côté des autres, rédigeant et envoyant les mêmes articles. Des employés en uniforme nous apportaient du café et des frites alors que les frappes aériennes menaçaient leurs maisons et leurs familles.


L’hôtel Deira, détruit à Gaza le 22 septembre 2024. Photo : Omar Al-Qattaa/AFP/Getty Images

Chaque jour, nous avons visité des maisons bombardées et j’ai pris des notes :

odeur de gaz de cuisine, cuisine détruite

petits enfants jouant dans les décombres trouvant un scarabée

une femme en pleurs tirant sur un matelas enfoui, hurlant

Nous avons vu un flot continu de morts et de blessés arriver à l’hôpital al-Shifa, amputés, décapités, des enfants couverts de poussière, muets et tremblants après avoir vu leurs parents se faire tuer. Les médecins nous ont parlé de pénurie d’électricité et de médicaments. Je les ai notées :

pas de matériel jetable

fin des anesthésiques, impossibilité d’opérer

beaucoup de femmes et d’enfants amputés, assez propres, les bombes font le travail à notre place

Nous avons assisté aux funérailles de familles entières et parlé à des personnes en deuil qui nous ont demandé : « Vous voyez quelqu’un avec une arme ici ? »

Après 10 jours d’opération israélienne – 167 Palestiniens tués, 1 500 cibles touchées à Gaza, 700 familles déplacées – une trêve a été déclarée. La camaraderie particulière qui se crée avec vos collègues palestiniens sous les frappes aériennes est brusquement rompue lorsqu’ils vous déposent à la frontière israélienne ; vous êtes ravi de retrouver la normalité, mais eux ne le peuvent pas. Vous les reverrez lorsque la prochaine flambée de violence vous ramènera sur place.

Mais lorsque la guerre a éclaté à nouveau en 2014, j’étais déjà chez moi à Londres, rédactrice au service étranger du Guardian : 50 jours de combats, 2 104 Palestiniens tués, 10 000 blessés. Selon nos informations, le public s’est désintéressé de l’actualité. Les combats ont pris fin et j’ai quitté le service étranger pour retourner au reportage. Les gens me regardaient avec méfiance lorsque je parlais à nouveau de la Palestine. Étais-je une fanatique bizarre ? Ou pire, une activiste ? Je n’étais ni l’une ni l’autre, mais en dehors des cercles militants, la « complexité politique » du conflit israélo-palestinien ne laissait guère de place à autre chose qu’à ses escalades les plus violentes ou à ses pires catastrophes humanitaires. Il s’avère que le cynisme est plus agréable que l’indignation.

J’ai donc cessé de parler de ce que je savais se passer là-bas – les humiliations quotidiennes de l’occupation en Cisjordanie, la menace du terrorisme des colons soutenu par une force d’occupation, le traumatisme extraordinaire de la vie quotidienne à Gaza – jusqu’à ce que je m’assoie pour commencer à travailler sur un roman en 2015 et que la Palestine jaillisse. J’ai été immédiatement ramenée à l’hôtel Al Deira, réinventé sous le nom de The Beach. Je me suis retrouvée à raconter cette immense tragédie indigeste à travers des histoires humaines petites, désordonnées, drôles, déchirantes et pleines de colère. C’était un soulagement de pouvoir décrire librement la Gaza que je connaissais.

“Si vous vous souciez de ce qui se passe à Gaza, vous devriez amplifier la voix des Palestiniens”

Hossam Shabat

Le 7 octobre 2023, j’avais quitté le Guardian. J’ai regardé les informations sur l’attaque terroriste du Hamas, dévastée et écœurée, puis saisie d’une peur glaciale à l’idée de ce qui allait suivre à Gaza. Comme tous ceux qui avaient couvert cet endroit pendant un certain temps, j’avais vu se répéter pendant des décennies ce qui allait arriver. Ces questions lancinantes sont devenues urgentes : avais-je fait tout ce que je pouvais pour avertir que ça allait arriver ? Non. Cela faisait-il de moi une complice ? Peut-être.

Israël n’a pas autorisé la presse étrangère à entrer à Gaza pendant cette guerre. Notre compréhension de ce qui s’y passe nous vient des journalistes palestiniens qui la vivent et qui sont tués en nombre extraordinaire (176, soit un taux de mortalité de 10 %) [entretemps, leur nombre est monté à 237, NdT], leurs salles de rédaction détruites avec leurs familles et leurs maisons. Ceux qui restent meurent de faim. Leurs reportages ne sont pas équilibrés, ils sont personnels et indignés.


Des personnes en deuil assistent aux funérailles de membres de la presse tués lors d’une frappe israélienne, à l’hôpital Al-Awda du camp de réfugiés de Nuseirat, à Gaza, le 26 décembre 2024. Photo : Eyad Baba/AFP/Getty Images

Un an avant d’être tué par les forces israéliennes le 24 mars, le journaliste local Hossam Shabat avait déclaré à ses 175 000  followers  sur X: « Le plus gros problème n’est pas que les journalistes occidentaux ne peuvent pas entrer, mais que les médias occidentaux ne respectent pas et ne valorisent pas les journalistes palestiniens... Personne ne connaît Gaza comme nous, et personne ne comprend la complexité de la situation comme nous. Si vous vous souciez de ce qui se passe à Gaza, vous devriez amplifier la voix des Palestiniens».  Son message m’a profondément touchée. Il a clarifié le malaise que je ressentais en tant qu’interlocutrice inutile entre les lecteurs occidentaux et la tragédie de Gaza, soulevant davantage de questions sur mon travail là-bas.

Les journalistes occidentaux qui couvraient la Palestine n’ont pas mis fin aux atrocités parce que nous pensions que ce n’était pas notre travail, nous étions là pour témoigner. Il est essentiel de rester impartial si l’on veut être crédible. Mais n’étions-nous pas également censés demander des comptes aux pouvoirs en place ? Si nous avions condamné avec la conviction et l’indignation qu’elles méritaient les puissances soutenues par les USA et l’Europe dont nous savions qu’elles perpétraient ces atrocités, 60 000 personnes auraient-elles encore été tuées en 21 mois ?

Alors que Vulture arrive dans les librairies usaméricaines, des experts de l’ONU ont confirmé qu’une famine est en cours dans la bande de Gaza. Des personnes affamées sont abattues sur les sites de distribution de nourriture. Les hôpitaux ont été bombardés, des médecins et leurs familles ont été tués. L’électricité a été coupée. Nos collègues palestiniens sont assassinés en nombre effarant et les journalistes occidentaux affirment qu’il ne leur appartient pas de qualifier ces actes de génocide. Pourtant, les écrivains de fiction le font. Par souci d’équilibre, la BBC a décidé de ne pas diffuser son documentaire sur les médecins à Gaza. Jusqu’à cette semaine, où même Donald Trump a été contraint de reconnaître « une véritable famine », un ami travaillant dans le journalisme télévisé m’a confié qu’un nouveau verbe était apparu : « gazaïser » un reportage, c’est-à-dire en réduire l’importance éditoriale.

Enfin, il semble que les mots interdits soient prononcés – génocide, famine, État [de Palestine]– et que nos dirigeants pourraient agir. Mais notre indignation arrive beaucoup trop tard. Pourquoi avons-nous attendu ? Notre silence méfiant a favorisé la tragédie à Gaza. Notre cynisme a permis l’horreur qui marquera toute une génération.


  • Vulture, de Phoebe Greenwood, paraîtra le 12 août 2025 chez Europa Editions.
 

Phoebe Greenwood

Vulture

2025, pp. 288, e-Book
ISBN: 9798889660965
Region: Britain
Paper edition
$ 14.99

LORENZO TONDO
Anas al-Sharif, éminent correspondant d’Al Jazeera, parmi les cinq journalistes tués dans une frappe aérienne israélienne sur Gaza

Israël reconnaît avoir délibérément attaqué le journaliste, connu pour ses reportages sur le front, lors d’une frappe sur une tente à l’extérieur de l’hôpital al-Shifa

Lorenzo Tondo à Jérusalem, The Guardian, 11/8/2025
Avec Reuters et l’Agence France-Presse
Traduit par Tlaxcala


L’armée israélienne affirme qu’Anas al-Sharif, qui avait fait part de ses craintes d’être tué, était le chef d’une cellule du Hamas. Photo : Al Jazeera

Un éminent journaliste d’Al Jazeera qui avait déjà été menacé par Israël a été tué avec quatre de ses collègues lors d’une frappe aérienne israélienne.

Anas al-Sharif, l’un des visages les plus connus d’Al Jazeera à Gaza, a été tué dimanche soir alors qu’il se trouvait dans une tente réservée aux journalistes à l’extérieur de l’hôpital al-Shifa, dans la ville de Gaza.

Au total, sept personnes ont été tuées dans l’attaque, dont al-Sharif, le correspondant d'Al Jazeera Mohammed Qreiqeh et les cameramen Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa, selon la chaîne de télévision basée au Qatar.

Les Forces de défense israéliennes ont reconnu avoir mené cette frappe, affirmant que le journaliste « était à la tête d’une cellule terroriste de l’organisation terroriste Hamas et était responsable de la poursuite des attaques à la roquette contre des civils israéliens et les forces de défense israéliennes ».

Elle a affirmé disposer de renseignements et de documents trouvés à Gaza comme preuves, mais les défenseurs des droits humains ont déclaré qu’il avait été pris pour cible en raison de ses reportages sur la guerre à Gaza et que les affirmations d’Israël manquaient de preuves.


La tente devant l’hôpital al-Shifa où Anas al-Sharif et six autres personnes ont été tués par une frappe israélienne. Israël a reconnu avoir mené cette frappe, affirmant qu’il s’agissait d’un militant du Hamas, une affirmation que l’ONU a qualifiée de non fondée. Photo : Ebrahim Hajjaj/Reuters

Qualifiant al-Sharif de « l’un des journalistes les plus courageux de Gaza », Al Jazeera a déclaré que cette attaque était « une tentative désespérée de faire taire les voix en prévision de l’occupation de Gaza ».

Le mois dernier, le porte-parole de l’armée israélienne, Avichai Adraee, a partagé une vidéo d’al-Sharif sur X et l’a accusé d’être membre de la branche militaire du Hamas. À l’époque, la rapporteure spéciale des Nations unies sur la liberté d’expression, Irene Khan, avait qualifié cette accusation d’« infondée » et d’« attaque flagrante contre les journalistes ».

En juillet, al-Sharif avait déclaré au Comité pour la protection des journalistes (CPJ) qu’il vivait avec « le sentiment qu’il pouvait être bombardé et martyrisé à tout moment ».

Après l’attaque, le CPJ s’est dit « consterné » d’apprendre la mort des journalistes.

« La pratique israélienne consistant à qualifier les journalistes de militants sans fournir de preuves crédibles soulève de sérieuses questions quant à ses intentions et son respect de la liberté de la presse », a déclaré Sara Qudah, directrice régionale du CPJ.

« Les journalistes sont des civils et ne doivent jamais être pris pour cible. Les responsables de ces meurtres doivent être traduits en justice. »

Le Syndicat des journalistes palestiniens a condamné ce qu’il a qualifié de « crime sanglant » d’assassinat.

En janvier dernier, après un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, al-Sharif avait attiré l’attention générale lorsqu’il avait retiré son gilet pare-balles pendant une émission en direct, alors qu’il était entouré de dizaines d’habitants de Gaza qui célébraient la trêve temporaire.

Quelques minutes avant sa mort, al-Sharif avait publié sur X : « Dernières nouvelles : des bombardements israéliens intenses et concentrés utilisant des « ceintures de feu » frappent les zones est et sud de la ville de Gaza ».

Dans un dernier message, qui selon Al Jazeera aurait été rédigé le 6 avril et publié sur le compte X d’al-Sharif après sa mort, le journaliste a déclaré qu’il avait « vécu la douleur dans tous ses détails, goûté à la souffrance et à la perte à maintes reprises, mais qu’il n’avait jamais hésité à transmettre la vérité telle qu’elle était, sans déformation ni falsification ».

« Allah sera témoin contre ceux qui sont restés silencieux, ceux qui ont accepté notre massacre, ceux qui ont étouffé notre souffle et dont le cœur est resté insensible devant les restes éparpillés de nos enfants et de nos femmes, sans rien faire pour mettre fin au massacre que notre peuple subit depuis plus d’un an et demi », a-t-il poursuivi.

Âgé de 28 ans, il laisse derrière lui une femme et deux jeunes enfants. Son père a été tué par une frappe israélienne sur la maison familiale dans le camp de réfugiés de Jabalia, à Gaza, en décembre 2023. À l’époque, al-Sharif avait déclaré qu’il continuerait à informer et refusait de quitter le nord de Gaza.

Un autre journaliste d’Al Jazeera à Gaza, Hani Mahmoud, a déclaré : « C’est peut-être la chose la plus difficile que j’ai eu à rapporter au cours des 22 derniers mois. Je ne suis pas loin de l’hôpital al-Shifa, à seulement un pâté de maisons, et j’ai pu entendre l’énorme explosion qui s’est produite il y a environ une demi-heure, près de l’hôpital al-Shifa.

« Je l’ai vu quand ça a illuminé le ciel et, en quelques instants, la nouvelle s’est répandue qu’il s’agissait du camp de journalistes situé à l’entrée principale de l’hôpital al-Shifa ».

Al-Sharif et ses collègues couvraient le conflit depuis le début à Gaza.

« Il est important de souligner que cette attaque survient une semaine seulement après qu’un responsable militaire israélien a directement accusé Anas et mené une campagne d’incitation à la haine contre Al Jazeera et ses correspondants sur le terrain en raison de leur travail, de leur couverture sans relâche de la famine, de la malnutrition et de la famine », a ajouté Mahmoud.

Israël a tué plusieurs journalistes d’Al Jazeera et des membres de leur famille, dont Hossam Shabat, tué en mars, et Ismail al-Ghoul et son caméraman Rami al-Rifi, tués en août.

La femme, le fils, la fille et le petit-fils du correspondant en chef Wael al Dahdouh ont été tués en octobre 2023 et lui-même a été blessé lors d’une attaque quelques semaines plus tard qui a coûté la vie au caméraman d’Al Jazeera Samer Abu Daqqa.

Israël, qui interdit l’accès des journalistes étrangers à Gaza et qui a pris pour cible des reporters locaux, a tué 237 journalistes depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023, selon le bureau des médias du gouvernement de Gaza. Le Comité pour la protection des journalistes a déclaré qu’au moins 186 journalistes ont été tués dans le conflit à Gaza. Israël nie avoir délibérément pris pour cible des journalistes.



09/08/2025

AMOS PRYWES
Comment pouvons-nous continuer à savoir que les Gazaouis meurent de faim et que nous, Israélien·nes, restons silencieux·ses ?

La question de la responsabilité ne concerne pas qui nous sommes, mais ce que nous faisons et notre capacité à corriger nos actes. Les Israéliens peuvent s’inspirer de la psychanalyse et essayer de faire le premier pas pour cultiver la compassion.

Amos Prywes, Haaretz, 7/8/2025
Traduit par Tlaxcala


Amos Prywes est un psychologue clinicien israélien, auteur de De Freud au porno (Pardes, 2025, en hébreu)

 


La question ci-dessus ne m’a pas été envoyée, elle a été posée lors d’une récente manifestation en Israël contre la guerre à Gaza. J’ai décidé d’y répondre ici, car j’ai senti qu’elle planait sur bon nombre des questions qui m’ont été envoyées. Cette question est difficile à ignorer, même s’il est presque impossible d’y répondre.

Nous devons être honnêtes et dire que la réponse simple pourrait être « parce que ». La réalité est qu’à côté des nouvelles déprimantes et des images choquantes, nous continuons à nous consacrer sans réserve au drame de nos vies personnelles. Nous embrassons nos enfants, nous nous agaçons du chauvinisme de la version israélienne de « Big Brother » et nous nous disputons pour de l’argent. Alors, si nous mettons de côté notre moralisme, peut-être avons-nous continué comme si de rien n’était ?


Images de Mohammed Y. M. Al-Yaqoubi/Anadolu/AFP photoshoppées par Nadav Gazit

La vérité, c’est que même si nous pensons que c’est le cas, la guerre façonne certains aspects de l’image que nous avons de nous-mêmes et de notre perception de la réalité, de manière subtile. Alors, que signifie vivre face à de telles accusations ?

Bien sûr, chacun réagit différemment. Certains nient qu’il y ait quoi que ce soit à se reprocher, d’autres sont d’accord avec ces accusations, et d’autres encore adoptent une position intermédiaire, du genre « C’est terrible ce que fait à Gaza ce gouvernement pour lequel je n’ai pas voté ».

Quelle que soit notre position par rapport au sentiment de culpabilité, notre réponse repose presque toujours sur un engagement émotionnel circulaire qui ne mène nulle part. En général, la culpabilité nous amène à nous poser la question narcissique « Suis-je mauvais ? » et à engager un dialogue avec une figure parentale imaginaire qui nous réprimande.

En ce sens, il existe un lien fondamental entre la culpabilité et l’auto-victimisation. Les personnes coupables sont toujours confrontées à des forces plus grandes qu’elles et se rabaissent en leur présence.

Dans l’une de ses conférences sur la psychanalyse, Freud a comparé la conscience coupable à une personne qui se fait réprimander après avoir cassé un chaudron qui lui avait été confié pour qu’elle le garde. La personne se défend dans une sorte de boucle logique destinée à semer la confusion, du genre : « Je n’ai jamais emprunté de chaudron, il était cassé quand je l’ai reçu et il  était intact quand je l’ai rendu. » Ce raisonnement fallacieux est désormais connu sous le nom de « logique de la bouilloire ».

La société israélienne s’empêtre également dans ce raisonnement lorsqu’elle affirme qu’« il n’y a pas de famine à Gaza, que le Hamas est responsable de la famine, que tous les habitants sont des terroristes et que nous n’avons d’autre choix que d’être cruels ».

Un regard sur la société israélienne d’aujourd’hui révèle que nous sommes presque tous, à notre manière, enfermés dans une mentalité de victime, que nous nous considérions comme victimes du gouvernement, du système judiciaire, de l’antisémitisme mondial ou du fanatisme religieux. C’est un cercle vicieux paralysant dont il est très difficile de sortir. En ce sens, le silence face à ce qui se passe à Gaza n’est pas seulement un échec moral, mais aussi un schéma mental, une façon de ne pas ressentir et de ne pas savoir.

Alors, que faire ? Face à la culpabilité, la psychanalyse propose la responsabilité. Elle propose de regarder la personne qui se trouve en face de nous et de reconnaître le pouvoir que nous avons d’agir envers elle, même s’il est limité.

Comme la culpabilité traite de questions d’identité (« Suis-je bon ou mauvais ? »), elle laisse très peu de place à l’action créative. Elle esquisse un monde de catégories rigides, divisant les humains en méchants absolus et en victimes éternelles.

En même temps, elle encourage une attention obsessionnelle aux détails et aux définitions des péchés : s’agit-il de faim ou de famine ? De crise humanitaire, de catastrophe ou de génocide ? La personne coupable s’enfonce dans ce débat pédant et la colère s’y enferme.

Contrairement à la culpabilité, la question de la responsabilité ne concerne pas qui nous sommes, mais ce que nous faisons, ce qui se trouve devant nous et notre capacité à y remédier. Elle facilite ensuite des actions complexes telles que cultiver la compassion, reconnaître et admettre ses erreurs et recalculer son itinéraire. C’est une petite différence, mais c’est peut-être un point de départ.

08/08/2025

AMOS HAREL
Le plan de Netanyahou pour prendre le contrôle de la Ville de Gaza engage fermement Israël sur la voie d’une guerre perpétuelle

L’intensification des combats à Gaza n’a fait qu’aggraver la situation d’Israël, et la seule solution du Premier ministre est de s’enfoncer encore davantage dans le bourbier Pendant ce temps, ses ministres tentent déjà de normaliser les inévitables pertes militaires et la mort imminente des otages

Amos Harel, Haaretz, 8/8/2025
Traduit par Tlaxcala


Un drapeau israélien endommagé flotte sur Gaza, vu depuis le côté israélien de la frontière entre Israël et Gaza, le 7 août 2025. Photo : Amir Cohen / REUTERS

La crise entre le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le chef d’état-major des Forces de défense israéliennes, Eyal Zamir, au sujet de la prochaine phase de la guerre dans la bande de Gaza est encore plus grave que ce que les médias ont rapporté cette semaine.

Il est plus difficile que jamais de savoir ce que Netanyahou a vraiment l’intention de faire : à ce stade, non seulement parce qu’il garde toutes ses options ouvertes, mais aussi parce qu’il est prêt à tout. Néanmoins, la tension entre les deux hommes est réelle.

Netanyahou a peut-être d’autres objectifs (apaiser l’aile messianique de droite de sa coalition gouvernementale, dissuader le Hamas), mais il semble actuellement se concentrer sur la persuasion de l’armée de se préparer à une occupation totale ou quasi totale de Gaza.

Tôt vendredi matin, après une réunion marathon, le cabinet a approuvé le plan de Netanyahou visant à préparer la prise de contrôle de la ville de Gaza. Zamir pense que cela serait désastreux. Il n’est pas inconcevable qu’il soit poussé à démissionner, ou licencié, en raison de ce différend, ce qui provoquerait de nombreux séismes secondaires au sein de l’armée israélienne.

Le conflit entre les deux hommes découle directement de l’impasse dans laquelle se trouve la guerre. Tout au long de cette guerre, la plus longue de l’histoire d’Israël, les partisans de Netanyahou ont affirmé qu’il mettait en œuvre une stratégie ordonnée qui avait permis d’obtenir des résultats importants (Iran, Liban, Syrie, coups portés au Hamas) malgré quelques accrocs en cours de route. Mais dans la pratique, il a plongé Israël dans de graves difficultés.

De mai à juillet, il y avait une possibilité de parvenir à un accord au moins partiel avec le Hamas sur la libération des otages, ce que Netanyahou prétendait vouloir. Mais sa décision d’étendre la guerre en lançant une vaste opération terrestre en mai, connue sous le nom d’opération « Les chars de Gédéon », après avoir violé unilatéralement un cessez-le-feu, n’a pas donné les résultats escomptés par lui-même et l’armée.

C’est également à ce moment-là que le fiasco de l’aide humanitaire a commencé. La Gaza Humanitarian Foundation, basée aux USA, n’a pas atteint les objectifs ambitieux qui lui avaient été fixés en matière de distribution de l’aide aux Gazaouis – ce qui était prévisible dès le départ – et la fin du contrôle du Hamas sur l’aide n’a pas mis l’organisation à genoux. Au contraire, une nouvelle catastrophe humanitaire s’est développée à Gaza, pire encore que celles qui l’ont précédée. Les propagandistes propalestiniens l’ont ensuite amplifiée par un flot de mensonges et de guerre psychologique.[sic]

La position d’Israël à l’étranger s’est encore détériorée, le gouvernement usaméricain a exercé des pressions et, il y a deux semaines, Netanyahou a été contraint d’ouvrir les portes de Gaza et d’inonder l’enclave d’aide, contrairement à toutes ses déclarations précédentes. Pourtant, les dommages causés à la population de Gaza sont si importants qu’il faudra beaucoup de temps pour les réparer. Et ne parlons même pas de l’attitude de la communauté internationale envers Israël. Ce que les touristes israéliens ont vécu en Grèce n’était qu’un début. Le nombre d’alertes concernant des attaques potentielles contre des Israéliens et des Juifs à l’étranger est en forte augmentation.

Cette semaine, nous avons appris que le ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui avait tenté il y a deux mois de refuser l’allocation de 700 millions de shekels (175 millions d’euros) pour sécuriser les centres de distribution de l’aide de la GHF, alloue désormais sans sourciller 3 milliards de shekels supplémentaires à ce projet. « Les Palestiniens ne m’intéressent pas, mais détruire le Hamas, oui », a-t-il expliqué. Pendant ce temps, les Gazaouis qui tentent désespérément d’obtenir de la nourriture pour leurs familles dans les rares centres de distribution continuent de mourir, sous les balles ou piétinés à mort.


Un garçon palestinien mange du tahini cru près d’un centre de distribution de la GHF samedi. Photo Eyad Baba/AFP

À la mi-juillet, avant que la crise alimentaire n’éclate, un accord partiel sur les otages semblait proche. Israël a fait grand cas de l’occupation de deux couloirs dans la région de Morag, au sud de Gaza, afin de pouvoir les céder dans le cadre de l’accord. Les hauts responsables de la défense se montraient prudemment optimistes, comme si le cessez-le-feu initial de 60 jours en discussion allait cette fois déboucher sur un plan plus large pour mettre fin à la guerre. Mais le Hamas a rapidement saisi la nouvelle donne et, depuis lors, il n’a montré aucun signe de flexibilité dans les négociations. Il a même ajouté deux exigences : la libération des membres capturés de sa force d’élite Nukhba, qui a perpétré le massacre du 7 octobre, et le report de la libération du dernier otage jusqu’au début de la reconstruction de Gaza. Il a commencé à mettre en avant la nécessité de reconstruire Gaza, en partie pour signaler son intention de rester au sein du gouvernement du territoire.

Ces exigences ont provoqué la colère de Netanyahou et du président Trump et ont conduit les négociations dans une impasse. En réalité, toute la guerre est au point mort. Les négociations ont été suspendues, les négociateurs israéliens ont été rappelés du Qatar et les combats à Gaza sont plus statiques que jamais en raison de la crise humanitaire et de l’absence de décision sur la suite des opérations militaires. Pour utiliser une analogie sportive, Netanyahou préfère jouer large plutôt que direct. Il ne cherche pas une victoire rapide. Il veut laisser ouvertes autant d’options que possible et gagner du temps tout en évitant toute menace pour sa coalition gouvernementale.


Netanyahou donne l'accolade à Eyal Zamir, au QG de la défense à Tel-Aviv, fin juin. Photo Maayan Toaf/GPO

L’absence de progrès ouvre la voie à une crise avec les hauts responsables de l’armée israélienne, qui pourrait se traduire par un affaiblissement de l’armée et des attaques contre le chef d’état-major. À l’instar de la « ville humanitaire » de Rafah qui n’a jamais vu le jour ou du plan d’émigration des Gazaouis qui n’aboutit à rien, une telle crise donnerait aux médias un nouveau sujet de discussion. L’attente tendue des réunions décisives et des fuites permet de détourner quelque peu l’attention des échecs du gouvernement : la prolongation d’une guerre sans objectif, les cris des familles des otages, le projet de loi scandaleux visant à légaliser l’exemption du service militaire pour les ultra-orthodoxes et les mauvaises performances des ministres. Pendant ce temps, le temps passe et le gouvernement survit.

Une guerre perpétuelle pourrait également aider Netanyahou à atteindre son deuxième objectif : assurer sa victoire aux prochaines élections, même si tous les sondages prédisent sa défaite. Pour ce faire, il suffirait de saper systématiquement le processus démocratique sous le couvert de la guerre et de ses nécessités.

Zamir n’a pas non plus de solution satisfaisante à la crise qui s’est créée. L’offensive terrestre de mai n’a pas atteint son objectif et, selon Zamir, c’est parce que le gouvernement n’a pas tiré parti de ses succès pour mener une diplomatie efficace. Aujourd’hui, incapable de contraindre le Hamas à signer un accord, Israël improvise des solutions alternatives. Zamir a profité de l’accalmie des combats pour réduire les effectifs militaires à Gaza. L’armée a également pris des mesures pour réduire la charge pesant sur les réservistes cette année et a mis fin à sa politique de prolongation automatique du service des soldats appelés sous les drapeaux par des ordres d’appel d’urgence.

Normalisation de l’abandon

Le conflit avec Netanyahou s’est intensifié à la suite d’un article publié vendredi dernier par le journaliste chevronné Nahum Barnea dans le quotidien à grand tirage Yedioth Ahronoth. Barnea a écrit que Zamir envisageait la possibilité de démissionner si les décideurs politiques l’obligeaient à conquérir toute la bande de Gaza. Le cabinet du Premier ministre, suivant son habitude, a tenté de faire pression sur le chef d’état-major pour qu’il se dissocie de l’article, mais Zamir a refusé, même si la formulation sans équivoque du titre l’a apparemment quelque peu surpris.

Les raisons de la frustration de Zamir sont compréhensibles : le cabinet de sécurité ne se réunit pratiquement jamais (à la place, il y a des réunions des chefs des factions de la Knesset, un forum dépourvu de toute autorité légale) ; les rencontres personnelles entre Zamir et le Premier ministre sont rares ; et la guerre est menée à la sauvette, sans qu’aucune politique claire ne soit définie.


Une sympathisante des otages capturés le 7 octobre 2023 brandit des pancartes lors d’une manifestation exigeant la libération immédiate des otages et la fin de la guerre, à Tel-Aviv le 7 août 2025. Photo Ammar Awad/ REUTERS

Pendant ce temps, la famille Netanyahou a lancé une offensive contre Zamir. Alors que le père fait entendre sa voix dans les coulisses, le fils et la mère agissent selon leurs méthodes : via les réseaux sociaux et des fuites dans les médias. Yair Netanyahou a tweeté des accusations infondées contre le chef d’état-major, affirmant qu’il préparait un coup d’État militaire, et s’est dissocié de la responsabilité de son père dans la nomination de Zamir (en réalité, le Premier ministre avait fièrement déclaré lors de la cérémonie de nomination en mars que c’était la troisième fois qu’il voulait Zamir à ce poste).

Sara Netanyahou aurait déclaré avoir averti son mari de ne pas nommer Zamir, car il ne serait pas capable de résister à la pression des médias. Comme dans une république bananière, la presse a rapporté que Netanyahou père voulait en fait Zamir, mais que la mère et le fils avaient fait pression pour la nomination du général David Zini, qui a entre-temps été nommé à la tête du service de sécurité Shin Bet – une décision dangereuse.

Cette semaine, des correspondants diplomatiques et militaires ont reçu des fuites détaillées – d’une manière qui soulève des doutes quant au sérieux de la discussion – sur les plans exigés par Netanyahou : la conquête de la ville de Gaza et des camps de réfugiés au centre de la bande de Gaza. Il s’agit de deux des trois enclaves dans lesquelles l’armée israélienne a contraint la population palestinienne à se réfugier et où sont détenus les otages israéliens (la troisième est la région de Mawasi, sur la côte sud de la bande de Gaza).

De hauts responsables de l’armée israélienne ont averti que cela nécessiterait une opération terrestre de plusieurs mois et des actions visant à passer la zone au peigne fin et à la purger de tout terroriste, ce qui pourrait prendre jusqu’à deux ans. L’opération nécessiterait quatre à six divisions, ce qui représente un nombre astronomique de jours de réserve supplémentaires. Et l’intention est de continuer à pousser la population par la force vers le sud de la bande de Gaza tout en essayant de la contraindre à émigrer. Zamir, en revanche, a proposé d’encercler les enclaves actuelles, d’exercer une pression militaire sur elles depuis l’extérieur et d’essayer d’épuiser le Hamas, sans mettre en danger la vie des otages. Cela ne semble pas non plus être une solution gagnante.

Trump semble avoir donné le feu vert à Netanyahou pour étendre l’opération à Gaza, à condition que les forces agissent rapidement, sans s’attarder inutilement sur place. Dans le même temps, il a contraint le Premier ministre à autoriser l’acheminement de l’aide. Pour l’instant, Netanyahou, avec le soutien de Trump, s’efforce de mener une opération de grande envergure, malgré les risques. Il adhère également à des idées irresponsables qui circulent dans son entourage, selon lesquelles, après avoir occupé la ville de Gaza, il sera possible de gérer la distribution de la nourriture sur place par le biais des clans locaux.

Il existe toutefois une issue : si le Premier ministre évite de présenter un calendrier rigide, il sera toujours possible de brouiller les pistes quant au rythme de mise en œuvre et d’espérer qu’entre-temps, une autre solution émergera grâce à la menace militaire.

Les serviteurs du Premier ministre, les ministres et les députés, s’affairent à normaliser la guerre et à préparer le terrain pour que l’opinion publique accepte d’abandonner les otages à la mort. Cela commence par l’affirmation que les civils qui ont été enlevés chez eux et lors du festival de musique Nova sont en réalité des « prisonniers de guerre », c’est-à-dire des soldats capturés qui doivent attendre la fin de la guerre, à une date inconnue, pour être libérés, et cela se termine par le silence imposé aux familles des otages à la Knesset.

Zamir a un avantage certain : l’armée est toujours derrière lui. La majorité absolue des officiers le croit et partage ses considérations. Netanyahou, dont les partisans envisagent des scénarios de destitution et de remplacement, devra en tenir compte. La combinaison du danger pour la vie des soldats et des otages et d’une confrontation publique entre le Premier ministre et le chef d’état-major pourrait faire basculer l’opinion publique contre Netanyahou.


Réservistes à Gaza, en mars. Photo porte-parole de l’armée israélienne

Si Zamir fait ce qu’Eli Geva a fait pendant la guerre du Liban en 1982 – en tant que commandant de la 211e brigade blindée, il avait démissionné de l’armée pour protester contre la guerre –, nous entrerons en territoire inconnu. Cela risque d’entraîner un refus plus important de servir, en particulier parmi les unités de réserve, et de voir enfin naître un nouveau mouvement des Quatre Mères, efficace et plus virulent, à l’image de celui qui avait vu le jour en 1997 contre la guerre au Liban.

L’état réel de l’armée, qui combat à Gaza depuis 22 mois, peut être déduit d’un message publié par un major de réserve, commandant d’une unité qui utilise du matériel de génie lourd. « Au cours des trois dernières semaines, j’ai pu constater de près la gravité du problème », écrit-il. « Le manque d’organisation, l’incertitude et l’absence d’objectif opérationnel clair – des sentiments qui reviennent dans tous les cadres... Le résultat sur le terrain : les forces se déplacent sans contexte, sans continuité et sans objectif clair. Les troupes de combat le ressentent également, non seulement dans la charge, mais aussi dans un sentiment de mépris total pour les opérations. »

Lorsque les choses sont clairement énoncées, et non par des sources anonymes, les médias sont obligés de les rapporter de manière directe. Mais la plupart du temps, ils s’efforcent de brouiller les événements à Gaza sous une épaisse couche de patriotisme, de camaraderie guerrière et d’édulcoration.

6 août 2025 : une fillette palestinienne devant le centre de santé Sheikh Radwan, dans le nord de la ville de Gaza, après sa destruction lors d'une frappe nocturne. Photo Omar Al-Qattaa/AFP

HAARETZ
Se taire, c’est se rendre

Éditorial, Haaretz, 8/8/2025
Traduit par Tlaxcala

 


Le cabinet de sécurité s’est réuni jeudi soir pour discuter d’une nouvelle extension de la guerre à Gaza, un maillon supplémentaire dans une longue chaîne qui finira certainement par avoir son propre nom. Les noms changent, mais le refrain reste le même : occupation, destruction et transfert forcé de dizaines de milliers de Palestiniens. D’autres soldats seront sacrifiés sur cet autel, et les otages israéliens restants seront perdus. Le gouvernement Netanyahou a fait de ces deux groupes des dommages collatéraux.

Face à cette vision cauchemardesque, motivée par des considérations personnelles et messianiques juives, nous ne pouvons rester indifférents. Nous ne devons pas rester silencieux. C’est pourquoi plus de 2 000 artistes et personnalités culturelles ont signé une pétition appelant à la fin de la guerre, intitulée « Stop à l’horreur à Gaza ». Celle-ci a tendu un miroir important au public, même si de nombreux Israéliens préfèrent le briser ou détourner le regard.

La pétition des artistes reflétait une vérité humaine fondamentale que le gouvernement cherche à étouffer : il est immoral de faire du mal à des innocents. Par conséquent, selon la pétition, il est impossible d’accepter « le meurtre d’enfants et de civils, les politiques de famine, les déplacements massifs et la destruction sensible de villes entières ». Les ordres illégaux ne doivent pas être donnés, et s’ils le sont, ils ne doivent pas être obéis, ajoute la pétition, réitérant ce qui devrait être évident. Mais pas en Israël sous le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Depuis la publication de la pétition, une campagne systématique a été menée pour faire taire les signataires. Parmi les participants figurent des ministres et des politiciens hors du gouvernement, des collaborateurs des médias, des militants d’extrême droite et de nombreuses autres personnalités culturelles. Des maires ont également annoncé qu’ils ne commanderaient pas de spectacles aux artistes ayant signé la pétition, qu’ils accusent d’« incitation à la haine contre les soldats de l’armée israélienne ». Il est devenu évident que dans l’Israël d’aujourd’hui, une seule opinion peut être exprimée entre l’opposant Yair Lapid et le rappeur d’extrême droite Yoav (« l’Ombre ») Eliasi. Ce consensus frauduleux est un chœur qui chante à l’unisson.


Alon Oleartchik et Assaf Amdursky

La pression exercée sur les signataires de la pétition n’a été que partiellement couronnée de succès. Certains d’entre eux (Assaf Amdursky, Alon Oleartchik) n’ont pas résisté à la pression et aux menaces et ont retiré leur signature. Dans le cas d’Oleartchik, sa rétractation publique a porté ses fruits : une de ses représentations qui avait été annulée a été rétablie. Cela montre non seulement le pouvoir de la censure, officielle et officieuse, mais aussi le fait que certaines personnes choisissent de collaborer avec elle.

Face à cette campagne de musellement, nous ne devons pas céder. Le plan que Netanyahou est en train de mettre en œuvre conduira à la destruction totale de Gaza, mais aussi des fondements moraux d’Israël. En s’opposant à la guerre et à ses crimes, les personnalités culturelles se sont jointes à des personnes partageant les mêmes opinions dans le monde universitaire, les organisations non gouvernementales et même au sein de l’armée elle-même. Toutes sont essentielles pour forger une alternative au culte de la mort prôné par le gouvernement.

Aujourd’hui plus que jamais, après tant de jours de tueries sans précédent et alors qu’Israël est à deux doigts de sombrer dans une guerre perpétuelle, chaque Israélien doit s’élever haut et fort contre cette situation. Se taire, c’est se rendre.

07/08/2025

HAARETZ
Une entreprise US, des chauffeurs d’Europe de l’Est, des liens avec Israël : qui est derrière l’acheminement de l’aide à Gaza

Arkel International, un sous-traitant du gouvernement usaméricain et d’armées du monde entier, transporte de l’aide vers les sites de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF). Son représentant en Israël est un homme d’affaires, consul honoraire du Rwanda, qui a précédemment négocié des contrats de défense en Afrique.

Bar Peleg, Yaniv Kubovich et Avi ScharfHaaretz, 5/8/2025

Traduit par Tlaxcala


Des véhicules blindés escortent des camions d’aide humanitaire vers le passage de Kerem Shalom, à la frontière entre Israël et la bande de Gaza. On peut voir un graffiti représentant le mot « millénaire » en hébreu sur l’avant d’un camion. Photo : Eliahu Hershkovitz

Au cours des derniers mois, un hôtel situé dans un kibboutz du sud d’Israël est devenu le lieu de résidence de chauffeurs routiers étrangers venus de plusieurs pays d’Europe de l’Est.

La plupart d’entre eux sont arrivés en Israël au cours des derniers mois après s’être vu promettre une opportunité financière qui leur permettrait de gagner un salaire beaucoup plus élevé que dans leur pays d’origine. Pour gagner leur vie, les chauffeurs doivent effectuer un trajet quotidien, parfois deux, entre le point de passage frontalier de Kerem Shalom et les points de distribution alimentaire à l’intérieur de la bande de Gaza.

Ces chauffeurs, principalement originaires de Géorgie et de Serbie, pays avec lesquels Israël n’a pas conclu d’accord bilatéral en matière de main-d’œuvre, ont été amenés en Israël par une société usaméricaine impliquée dans le projet d’aide alimentaire dans la bande de Gaza : Arkel International LLC, une entreprise de construction et de logistique qui opère en tant que sous-traitant pour la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), a appris Haaretz.

La GHF, qui gère quatre centres de distribution d’aide dans la bande de Gaza, emploie au moins trois entreprises en tant que sous-traitants.

Jusqu’à présent, deux de ces sociétés étaient connues : la première est UG Solutions, qui a participé plus tôt cette année à la sécurisation du corridor de Netzarim lors d’un échange d’otages et qui s’occupe désormais de certains aspects de la sécurité sur les sites de distribution de l’aide humanitaire. La deuxième est Safe Reach Solutions, une société de logistique et d’opérations.

La troisième société, Arkel International, est responsable de la logistique des opérations de distribution de l’aide humanitaire.

Selon les documents constitutifs de la société en Israël, son représentant autorisé dans le pays est Hezi Bezalel, un homme d’affaires israélien qui a précédemment négocié des contrats de défense en Afrique. La société affirme qu’il n’est pas impliqué dans ses activités et qu’il a seulement aidé à sa création en Israël.

« Je suis chauffeur routier en Géorgie . Mon patron m’a proposé de venir en Israël par l’intermédiaire d’un courtier et m’a dit que je pouvais gagner deux fois plus, voire plus », a déclaré à Haaretz un chauffeur routier de 32 ans, marié et père d’une fille.

Lorsqu’on lui a demandé qui l’avait amené en Israël et qui payait son salaire, il a répondu : « C’est la société Arkel qui nous a amenés ici. C’est elle qui nous paie nos salaires, et c’est avec elle que nous avons signé le contrat. Notre travail consiste à partir le matin dans un convoi de camions et à entrer dans Gaza. L’armée israélienne nous escorte jusqu’à la zone de distribution. Nous arrivons avec les camions, ils les déchargent pour nous sur le site, et nous repartons immédiatement. Il y a parfois deux trajets par jour », a déclaré le chauffeur.

Arkel transporte des colis alimentaires depuis un point de chargement près de Kerem Shalom vers des lieux de livraison à l’intérieur de Gaza : trois dans le sud, près des ruines de Rafah, et un le long de la partie sud du corridor de Netzarim. Dans le cadre de ce projet, Arkel a fait venir en Israël des dizaines de travailleurs étrangers, dont certains chauffeurs routiers d’Europe de l’Est.

Arkel est enregistrée dans l’État de Louisiane, aux USA, depuis 2005. La société s’est enregistrée en Israël en tant que société étrangère le 13 mai 2025, une semaine avant que les centres de distribution de l’aide du GHF ne commencent leurs activités dans la bande de Gaza et un jour avant l’enregistrement de Safe Reach Solutions en Israël. Au moins un des dirigeants d’Arkel vit en Israël depuis octobre 2024.


Hezi Bezalel (né en 1951) est un homme d'affaires, banquier d'investissement et producteur de cinéma très impliqué en Afrique de l'Est (Kenya, Ouganda, Rwanda, Éthiopie) et ami personnel de Paul Kagame

Au moins un mois avant l’enregistrement officiel de la société en Israël, des discussions étaient déjà en cours concernant sa création. Comme l’a précédemment rapporté Haaretz, l’opération d’aide à Gaza a été lancée par des officiers du commandement sud de l’armée israélienne, à l’insu de l’ensemble des autorités de défense, et coordonnée par le bureau du Premier ministre.

Selon une source proche du projet, Arkel devait initialement construire les sites de distribution à l’intérieur de Gaza, mais cette tâche a finalement été confiée à l’armée israélienne.

Dans les documents constitutifs d’Arkel en Israël, c’est Hezi Bezalel, un homme d’affaires qui a fondé un opérateur de téléphonie mobile en Israël, négocié des contrats de défense en Afrique et occupe le poste de consul honoraire du Rwanda en Israël, qui est désigné comme le représentant de la société en Israël.

La société lui a donné procuration pour gérer ses activités en Israël, ouvrir et gérer un compte bancaire pour la société, nommer des avocats et des comptables pour la société et recevoir des documents juridiques au nom de la société.

La société affirme que Bezalel n’a fait que l’aider à se lancer en Israël, grâce à une relation de longue date nouée au fil de projets menés en Afrique depuis des décennies, et qu’il n’est pas un partenaire commercial. Selon une source bien informée, Bezalel aurait même obtenu l’accord du ministère de la Défense avant l’ouverture de la société en Israël.

Un employé d’Arkel a déclaré à Haaretz que les seuls signataires autorisés au sein de la société sont aujourd’hui le PDG et le directeur des opérations ; cependant, le nom de Bezalel n’a pas encore été retiré du dossier de la société auprès de l’Autorité des sociétés israéliennes.

Actuellement, l’activité principale de la société consiste à transporter des marchandises depuis le point de chargement de Kerem Shalom vers des centres de distribution situés dans la bande de Gaza. Les camions utilisés par Arkel appartenaient auparavant à la société de logistique israélienne Millennium.

Des photos obtenues par Haaretz à proximité de Kerem Shalom montrent que le nom de la société a été grossièrement effacé à la peinture. Selon Arkel, les camions leur ont été vendus par Millennium.

Millennium a déclaré que les camions avaient été vendus à un fournisseur, sans toutefois préciser lequel. Les camions entrent dans la bande de Gaza en longs convois, sans plaque d’immatriculation, et sont sécurisés par du personnel d’autres entreprises sous-traitantes.

Comme mentionné, les chauffeurs sont des travailleurs d’Europe de l’Est, notamment de Géorgie et de Serbie, pays avec lesquels Israël n’a pas conclu d’accords bilatéraux pour l’importation de main-d’œuvre.


Des camions d’aide humanitaire d’Arkel sont garés dans le quai de chargement près du kibboutz Kerem Shalom, dans le sud d’Israël, dimanche. Les camions n’ont pas de plaques d’immatriculation et certains portent des graffitis noircissant le nom « Millennium ». Photo : Eliahu Hershkovitz

Les chauffeurs sont logés dans un kibboutz dans le sud d’Israël. « En gros, nous restons au kibboutz toute la journée, sauf lorsque nous livrons des marchandises à Gaza », a déclaré un chauffeur serbe. « Nous voulions vraiment visiter Jérusalem et Nazareth, mais nous ne sommes pas autorisés à trop nous déplacer à l’extérieur et, jusqu’à présent, nous n’avons pas organisé de visite touristique. »

Les chauffeurs indiquent qu’ils gagnent environ 4 000 shekels (1004 €) par mois, soit plus que le salaire moyen dans leur pays d’origine. « Le travail n’est pas vraiment dangereux », explique l’un d’eux. « Nous ne distribuons pas la nourriture. Nous quittons généralement Gaza dès que le chargement est déchargé. Il y a beaucoup d’explosions et de tirs tout le temps, mais cela ne nous vise pas, donc dans l’ensemble, c’est sûr. »

La plupart des chauffeurs interrogés par Haaretz ont déclaré que leur contrat expirait le mois prochain. « À l’heure actuelle, tout le monde ici est censé partir en septembre. On ne sait pas si les contrats seront prolongés ou si d’autres personnes seront recrutées pour nous remplacer. Un responsable a déclaré cette semaine que nous pourrions rentrer [chez nous] encore plus tôt, dans les prochaines semaines, car ces convois vers Gaza pourraient devenir inutiles », a déclaré un chauffeur.

Les marchandises transportées par les camions – certaines achetées en Israël, selon TheMarker – sont emballées dans des entrepôts en Israël, en partie au port d’Ashdod et à Jérusalem, puis chargées dans des camions dans un centre logistique construit près de la frontière avec Gaza.

TheMarker a indiqué que l’une des entreprises responsables était Millennium. Lors d’un entretien avec Haaretz, le propriétaire de Millennium, Shimon Sabah, a déclaré que son entreprise ne fournissait plus aucune aide logistique au client impliqué dans l’aide humanitaire à Gaza et que le fait que le logo n’ait pas été effacé des camions était dû à une négligence de la part de l’entreprise.

Arkel International est une société d’infrastructure et de services créée aux USA il y a environ 60 ans et enregistrée en Louisiane depuis 20 ans. Le seul propriétaire de toutes les actions d’Arkel est George H. Knost III. Le directeur est John Moore.

La société est un sous-traitant du gouvernement usaméricain et d’armées et de gouvernements du monde entier, qui gère des projets de construction, d’énergie et de logistique. Selon le site web aujourd’hui disparu de la société, celle-ci opère « là où d’autres ne peuvent ou ne veulent pas ».

Depuis 2010, la société a remporté plus d’une centaine de contrats d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars auprès du ministère usaméricain de la Défense et du département d’État pour des projets en Irak, en Afghanistan et ailleurs. C’est la première fois qu’elle entreprend un projet civilo-militaire de cette envergure en Israël.

La société est également impliquée dans le forage pétrolier et gazier et travaille comme sous-traitant pour le gouvernement usaméricain, ainsi que pour des armées et des gouvernements du monde entier, gérant des projets de construction, d’énergie et de logistique.


Des cartons contenant de l’aide humanitaire sont entreposés du côté gazaoui du point de passage de Kerem Shalom avant d’être distribués par la Fondation humanitaire de Gaza, en juillet. Photo : Ohad Zwigenberg/AP

Malgré les critiques internationales à l’encontre du projet d’aide à Gaza, Arkel est fière de ce travail, qu’elle considère comme un soutien à Israël et une aide pour renverser le contrôle du Hamas sur Gaza. Une source au sein de l’entreprise, s’exprimant auprès du journal Haaretz, a déclaré qu’elle estimait que la plupart des critiques à l’encontre du projet étaient « des fausses informations et de la propagande du Hamas visant à discréditer Israël ».

Travis Daharash, chef de projet chez Arkel, a déclaré : « Arkel fournit à la GHF un soutien logistique et en matière de construction. Bien que nous ne fournissions pas d’informations spécifiques sur notre main-d’œuvre pour des raisons de sécurité, celle-ci répond à toutes les exigences locales. »

Le financement du projet d’aide humanitaire est largement opaque et la GHF ne révèle pas l’identité de ses donateurs. En juin de cette année, environ un mois après le début des activités du fonds, le département d’État usaméricain a approuvé un financement de 30 millions de dollars pour l’entreprise. Selon un rapport de Reuters, cette somme sera versée par l’Agence américaine pour le développement international à la GHF, dont sept millions de dollars seront transférés immédiatement.

Jeudi, Reuters a rapporté que des responsables de l’administration Trump avaient déclaré au Congrès en juillet qu’Israël avait accepté de verser une somme équivalente à celle versée par les USA et de transférer 30 millions de dollars au fonds.

En juin dernier, Liel Kyzer a rapporté pour la chaîne publique Kan que le gouvernement avait prévu 700 millions de shekels [175 M€] pour l’aide humanitaire à Gaza et que cette mesure était financée par une réduction massive du budget de l’État, y compris des services sociaux.

Le ministère des Finances et le bureau du Premier ministre ont démenti cette information à l’époque, affirmant qu’Israël ne finance pas l’aide humanitaire à Gaza.

Les centres d’aide de la GHF ont commencé à fonctionner en mai. Ce fonds a été créé par Israël en collaboration avec des sociétés de sécurité privées.

Des travailleurs usaméricains et palestiniens gèrent ces centres, tandis que l’armée israélienne les sécurise à plusieurs centaines de mètres de distance. Chaque jour, des milliers, voire des dizaines de milliers de Gazaouis viennent chercher de la nourriture dans ces centres. Malgré les promesses faites par le fonds au début du projet d’aide, la distribution ne se fait pas de manière ordonnée, mais dans une bousculade générale pour s’emparer des cartons.

Haaretz a fait état d’un chaos généralisé sur les sites de distribution, où des centaines de Palestiniens ont été tués alors qu’ils se rendaient sur place pour recevoir de la nourriture depuis que le GHF a commencé ses opérations d’aide ces derniers mois.