Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
La création d’enclaves palestiniennes est un compromis interne à Israël : faire disparaître les Palestiniens sans les expulser. Pendant ce temps, Israël engrange d’importants bénéfices, notamment en transformant la Cisjordanie et la bande de Gaza en laboratoire humain
Steve Bell, The Guardian
Steve Bell, The Guardian
Dans les accords d’Oslo signés il y a 30 ans, Israël a accepté de réduire progressivement l’occupation, tandis que les Palestiniens ont été contraints de cesser instantanément toute résistance. Chaque partie a interprété cette réduction comme elle l’entendait.
Les représentants palestiniens ont compris ou espéré qu’en échange de la cession de 78 % de la Palestine historique avant la fin de 1999 (sans renoncer aux liens personnels, familiaux, culturels, émotionnels ou historiques de leur peuple), le contrôle militaire israélien sur les territoires occupés en 1967 prendrait fin et les Palestiniens y établiraient un État.
Les Israéliens ont conclu qu’ils avaient obtenu un sous-traitant pour procéder à des arrestations et traquer les opposants (sans que la Cour suprême d’Israël et le groupe de défense des droits B’Tselem s’en mêlent, comme l’a dit le Premier ministre de l’époque, Yitzhak Rabin). Les négociateurs israéliens ont veillé à ce que l’accord écrit détaille les étapes du processus sans mentionner d’objectifs concrets (un État, un territoire et des frontières fixes).
Israël étant la partie la plus forte, c’est son interprétation qui l’a emporté et qui a déterminé la nature et la morphologie éternelles du “rétrécissement” : L’israélisation d’autant de territoires que possible et, à l’intérieur de ceux-ci, des poches d’autonomie palestinienne - qui sont séparées, affaiblies et contrôlées à distance, Israël étant en mesure de les couper les unes des autres. Les origines des accords d’Abraham de 2020 remontent à 1993.
Grâce à Oslo, Israël s’est déchargé de la responsabilité de l’occupant à l’égard de la population et de son bien-être. Et il a gardé la crème : le contrôle de la terre, de l’eau, des longueurs d’onde des téléphones portables, de l’espace maritime et aérien, de la liberté de mouvement, de l’économie et des frontières (à la fois extérieures et de chaque poche de territoire).
Israël tire d’énormes profits de ces leviers de contrôle, car il est à la tête d’un grand laboratoire humain où il développe et teste ses exportations les plus rentables : armes, munitions et technologies de contrôle et de surveillance. Les Palestiniens de ce laboratoire, privés d’autorité et dont les ressources s’amenuisent, se voient confier la responsabilité de gérer leurs problèmes et leurs affaires civiles.
Les Palestiniens restent une réserve de main-d’œuvre bon marché pour les Israéliens. Une grande partie des coûts de l’occupation est répercutée sur les Palestiniens sous la forme de biens et de services qu’ils sont obligés d’acheter mais qu’ils ne peuvent pas développer parce qu’Israël contrôle la majeure partie du territoire, des frontières et de l’économie en général.
Saïd An-Nahry
Viennent ensuite les frais élevés sur les transactions financières (comme le transfert de l’argent des douanes au trésor palestinien), les prélèvements et les amendes dont les recettes vont à la police, aux ports, à l’administration civile et à l’armée israélienne, les frais au passage de la frontière avec la Jordanie, les frais de transaction et d’enregistrement immobilier dans la zone C de la Cisjordanie, le marché noir des permis de travail, la rétention de l’argent des douanes sous divers prétextes, l’emploi de vétérans du service de sécurité du Shin Bet et de l’armée comme consultants qui ouvrent des portes dans la bureaucratie de l’occupation, et les intérêts qui s’accumulent sur tous les retards de paiement. Ce n’est peut-être pas grand-chose par rapport au produit intérieur brut d’Israël, mais c’est une fortune pour les Palestiniens, surtout si l’on tient compte de leur PIB et de leurs salaires.
Les pays occidentaux ont déchargé Israël de ses obligations financières en tant que puissance occupante et ont financé une grande partie des dépenses de gestion, d’entretien et de développement limité des enclaves palestiniennes. L’explication est que cela est nécessaire à l’établissement d’un État palestinien. Mais depuis des années, les pays occidentaux en ont assez de subventionner l’occupation et ses problèmes. Ils punissent donc les Palestiniens en faisant preuve d’avarice et les mettent en garde contre des catastrophes humanitaires, alors qu’ils signent de généreux accords économiques, scientifiques et militaires avec Israël.