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27/06/2021

ARAM ABOU SALEH
Nous, les yeux de la Syrie

Une écrivaine originaire des Hauteurs du Golan syrien occupé par Israël raconte l'histoire des nombreux Syriens emprisonnés par Israël, qui sont aujourd'hui politiquement « orphelins » et négligés par l'histoire.  

Aram Abou Saleh آرام أبو صالح, 23/7/2020 

 Traduit par Fausto Giudice

Original arabe نحن، عيون سوريا
Version anglaise We, the eyes of Syria

 

Aram est un écrivaine originaire du village druze de Majdal Shams, sur les Hauteurs du Golan syrien occupé. Elle est titulaire d'un diplôme en études arabes et islamiques de l'Université hébraïque de Jérusalem. Elle travaille au Centre Al Marsad pour les droits humains dans le Golan.
 
 Le 8 août 2012, le quotidien israélien Haaretz a publié un reportage sur les cellules de résistance syrienne locales dans le Golan syrien occupé dans les années 1970. Quand je l'ai lu, je me voyais comme les colonisateurs me voyaient. Le titre de l’article en hébreu était : « Nous étions les yeux de la Syrie ».

Ce texte est inspiré par les témoignages de nombreux Syriens emprisonnés par l'occupation israélienne. Certains sont mes propres expériences, tandis que d'autres, dont j'ai seulement entendu parler ou que j'ai lu, m'ont accompagné longtemps après. Les pronoms peuvent changer tout au long des récits, car j'ai parfois combiné plusieurs témoignages en un seul. Bien que cela risque d'ajouter une certaine confusion au texte, la plupart d'entre nous ne se souviennent pas de tout ce qui s'est passé avec une parfaite clarté ; peut-être est-ce une façon de faire face à la brutalité de ces expériences. Nous oublions des détails infimes. Le déni et la suppression de la mémoire sont des traits éminemment humains. Lorsque nous écrivons sur des événements dont nous n'avons qu'un souvenir imparfait, nous faisons de notre mieux pour combler les lacunes. À partir d'un aperçu ici et d'un sentiment là, nous reconstruisons et restaurons le récit complet. Toute histoire est un récit, et les récits diffèrent dans la manière de combler ces lacunes. Il se peut que j'omette certains détails ici et là, par oubli ou par inadvertance, ou par la dissimulation prudente qui m'enserre encore, moi et tous ceux qui figurent dans ce texte. Espérons que le jour viendra où ces chaînes seront brisées pour toujours.

Au départ, j'avais cherché à documenter la mémoire du mouvement de résistance mené par les détenus syriens dans les prisons de l'occupation israélienne. Cette histoire longtemps oubliée est riche de sens, de signification et de valeur symbolique. Pourtant, je ne voudrais pas réduire ces expériences à un simple symbolisme. 54 ans après son début, ce récit fait partie intégrante d'une histoire plus vaste, celle d'hommes et de femmes syriens, dont beaucoup ont perdu la vie en raison de leur emprisonnement. D'autres ont perdu leur ouïe, ou ont perdu des années et des décennies à cause de condamnations à perpétuité. Certains ont perdu leur famille alors qu'ils étaient coincés dans une cellule, et d'autres ont perdu la capacité de dormir sans cauchemars. Comme il s'agit d'êtres humains, touchés par la plus grande perte syrienne, celle de la liberté, je vais tenter d'honorer leurs sacrifices afin de défier cette perte. Il ne s'agira pas d'une documentation au sens juridique du terme, mais plutôt d'une documentation qui permette au lecteur, ne serait-ce que pour quelques instants, de voir à travers les yeux de ceux qui étaient là.

Je dédie ce texte à ces hommes et ces femmes - ceux qui ont été martyrisés, ceux qui ont été libérés et ceux qui doivent l’être encore.

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