Antonio Mazzeo, Mosaico
di Pace, dicembre 2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Alea iacta est. Le
sort en est jeté. Les nouvelles bombes nucléaires tactiques usaméricaines
à gravité améliorée B61-12 seront déployées en Europe d'ici la fin 2022, soit
trois mois avant le calendrier fixé par Washington avec ses partenaires de
l'OTAN. Il s'agit d'une démonstration de force qui va dangereusement alimenter
les tensions déjà élevées avec la Russie après l'invasion de l'Ukraine. Une
centaine d'armes seront logées dans les bunkers de cinq pays : la Belgique
(base aérienne de Kleine Brogel), l'Allemagne (Buchel), les Pays-Bas (Volkel),
la Turquie (Incirlik) et l'Italie (les aérodromes d'Aviano-Pordenone et de
Ghedi-Brescia). Les nouvelles bombes, une variante modernisée de l'ancienne B61,
auront une puissance de destruction réglable, avec quatre options
sélectionnables en fonction de la cible à atteindre. « L'utilisation
opérationnelle peut donc être calibrée en fonction de l'effet recherché et de
l'importance de la cible », écrit Difesaonline. Par rapport à la bombe “mère”, la B61-12 sera guidée par un système
satellitaire et pourra pénétrer dans le sous-sol pour exploser en profondeur.
La National Nuclear Security Administration, l'organisme du ministère usaméricain
de l'Énergie chargé des stocks d'armes nucléaires, a annoncé en novembre 2021
les chasseurs-bombardiers qui seront utilisés pour larguer les nouvelles armes
atomiques : le Panavia PA-200 "Tornado", le F-15 "Eagle",
le F-16 C/D "Fighting Falcon", le B-2 "Spirit", le B-21
"Raider" et le nouveau F-35A "Lighting II" également acheté
par l'armée de l'air italienne et déployé sur la base d'Amendola (Foggia).
L'US Air Force stocke actuellement environ 100 bombes nucléaires en Europe, contre 180 en 2010 et 480 en 2000. Au cours de la dernière décennie, la restructuration et l'incertitude concernant la Turquie ont réduit l'inventaire. Source
Au
total, entre 30 et 50 bombes B61-12 devraient être logées à Ghedi et Aviano, et
les travaux de “renforcement” des bunkers atomiques sont en voie d'achèvement
sur les deux aérodromes de l'OTAN. Ghedi abrite la 6e Escadre de l'armée de l'air italienne, qui
dispose de Tornado nucléaires, mais s'entraîne depuis un certain temps à
l'utilisation des chasseurs-bombardiers F-35 de cinquième génération. À Aviano,
les nouvelles bombes seront utilisées par les chasseurs-bombardiers F-16 de
l'US Air Force. Sur la base du Frioul, les pistes ont été allongées et de nouveaux
hangars et centres de maintenance des avions ont été construits. Aviano est
également utilisé par les gros avions cargo qui transportent les parachutistes
de la 173rd Airborne Brigade de l'armée usaméricaine vers les
grandes zones de guerre internationales (dernièrement en Irak et en
Afghanistan, aujourd'hui en Europe de l'Est et en Afrique).
La 173e
Brigade est l'une des unités d'élite des forces armées usaméricaines et son
quartier général se trouve sur l'ancien aérodrome Dal Molin à Vicenza, l'une des
plus grandes bases militaires usaméricaines sur le sol italien. Il y a quelques
mois, les travaux ont commencé dans la ville de Vénétie pour la construction de
478 logements destinés au personnel militaire usaméricain et à leurs familles
(des maisons en terrasse et plusieurs nouveaux bâtiments à l'intérieur de la
caserne Ederle et du “Village de la paix”), pour un coût estimé à 373 millions
de dollars. De nouvelles infrastructures routières sont également prévues pour
accélérer la connexion des bases de Vicence avec l'aéroport d'Aviano.
En
vérité, il existe d'innombrables chantiers ouverts pour moderniser le réseau
militaire usaméricain et national en Italie. Il y a quelques mois, l'AGS -
Alliance Ground Surveillance - le système avancé de surveillance terrestre de
l'Alliance atlantique, basé sur cinq grands avions sans pilote RQ-4
"Phoenix", est devenu opérationnel sur la base sicilienne de
Sigonella. Ces drones mesurent 14,5 mètres de long et peuvent voler dans toutes
les conditions environnementales et en continu pendant plus de 30 heures,
jusqu'à une altitude de 18 280 mètres. Le système AGS est utilisé pour les
activités de renseignement de l'OTAN en mer Noire et aux frontières avec le
territoire ukrainien : les flottes et les unités terrestres de la Fédération de
Russie sont espionnées dans leurs moindres mouvements et les données
recueillies sont mises à la disposition des forces armées de Kiev pour
planifier les opérations contre l'envahisseur.
Les
grands drones espions "Global Hawk" de l'US Air Force et les avions
de patrouille maritime P8A "Poseidon" de l'US Navy et des forces
aériennes et maritimes de l'Australie et du Royaume-Uni décollent également
quotidiennement de Sigonella, contribuant ainsi à l'escalade de la guerre en
Europe orientale. Toutefois, le rôle de Sigonella dans les stratégies de guerre
mondiale est appelé à se développer encore davantage : le Pentagone a signé un
contrat de 177 millions de dollars avec une filiale du géant industriel
Raytheon Technologies pour améliorer l'efficacité des 14 terminaux mondiaux
(dont Sigonella) inclus dans le système de communications mondiales à haute
fréquence (HFGCS). Les stations HFGCS transmettent des messages d'action
d'urgence (EAM) et d'autres types de codes d'importance stratégique, y compris
ceux permettant de mener une attaque nucléaire. Enfin, à Sigonella, le
ministère italien de la Défense a entamé le processus d'expropriation de près
de 100 hectares de terrain afin d'allonger les pistes de la base et de
permettre les décollages et les atterrissages d'avions ravitailleurs pour le
ravitaillement en vol des chasseurs de l'OTAN.
Une
autre infrastructure clé dans les programmes de renforcement de l'appareil de
projection avancée des forces armées italiennes et alliées est la base de
Pratica di Mare, à Rome, qui abrite la 14e Escadre de l'armée de l'air. Depuis le début
de la guerre en Ukraine, des avions sophistiqués Gulfstream E.550 CAEW
décollent de Pratica di Mare en direction de la mer Noire et de l'Europe de
l'Est pour surveiller les opérations des unités de guerre russes. Les avions ne
sont pas simplement des “radars volants”, mais ont également pour tâche de “gérer”
les missions des alliés sur les champs de bataille et de brouiller les
émissions électroniques. Les avions-citernes KC-767A utilisés pour le
ravitaillement des avions italiens et de l'OTAN employés dans le cadre de la
mission de police aérienne dans l'espace aérien de l'Europe de l'Est décollent
également de l'aéroport de Rome. Des avions cargo sont utilisés depuis Pratica
di Mare pour transporter des systèmes d'armes “donnés” par le gouvernement
italien aux forces armées ukrainiennes.
Des
coulées de ciment à des fins de guerre sont également prévues pour la ville de
Pise. Le commandement général du corps des carabiniers a l'intention de construire
des casernes et des logements pour les soldats et les familles, des stands de
tir et des bases d'entraînement, sur une superficie de 73 hectares à Coltano,
dans le parc régional de Migliarino-San Rossore-Massaciuccoli. Parmi les unités
d'assaut des Carabinieri qui seront installées à Coltano figurent le 1er régiment
de parachutistes "Tuscania", le G.I.S.-Groupe d'intervention spéciale
et le Centre de défense canine, qui sont employés depuis des décennies sur les
principaux théâtres de guerre dans des actions de combat et dans la formation “antiterroriste”
du personnel militaire de certains régimes d'Afrique et du Moyen-Orient. Le
projet de Pise est fonctionnel au renforcement géostratégique de la région
toscane : la nouvelle citadelle des carabiniers s'ajoutera à la grande base de
véhicules lourds de l'armée usaméricaine de Camp Darby, aux aéroports de
Pise-San Giusto et de Grosseto, au port de Livourne, aux nombreuses casernes
des parachutistes "Folgore", au centre de recherche militaire avancée
(anciennement nucléaire) de San Piero a Grado et au poste de commandement
florentin de la division "Vittorio Veneto", qui opérera bientôt en
tant que division multinationale sud de l'OTAN pour les opérations de
l'alliance en Méditerranée et en Afrique.
Le
centre de guerre toscan rejoindra ainsi ceux de Vénétie-Frioul (avec Vicence et
Aviano) ; de Sicile (Sigonella, le MUOS de Niscemi, la baie d'Augusta, l'escale
de Trapani-Birgi et les petites îles de Pantelleria et Lampedusa). Les Pouilles
(les bases navales de l'OTAN de Tarente et de Brindisi, les aéroports
d'Amendola, de Gioia del Colle et de Galatina) ; la Campanie (le port de Naples
et Capodichino, le commandement interallié du Lago Patria) ; la Sardaigne (les
innombrables polygones disséminés sur l'île, Decimomannu, l'archipel de la
Maddalena). Se profile également à l'horizon le développement du complexe
militaro-industriel du Piémont et de la Lombardie (il existe déjà dans cette
région le centre de Cameri-Novara pour la production du F-35, le quartier général
du Corps à déploiement rapide de l'OTAN à Solbiate Olona, les complexes
Leonardo-Agusta à Varese, la base nucléaire de Ghedi et les usines de
pistolets, de mitrailleuses et de fusils dans la région de Brescia). En avril
dernier, l'OTAN a approuvé le document stratégique jetant les bases de
l'Accélérateur d'innovation de défense pour l'Atlantique Nord (DIANA), destiné
à promouvoir la recherche scientifique et technologique menée par des centres
universitaires, des jeunes pousses et des petites et moyennes entreprises sur
les technologies émergentes que l'OTAN a jugées “prioritaires” : systèmes
aérospatiaux, intelligence artificielle, biotechnologie et bio-ingénierie,
ordinateurs quantiques, cybersécurité, moteurs hypersoniques, robotique et
systèmes terrestres, navals, aériens et sous-marins pilotés à distance, etc. La
ville de Turin a été choisie comme premier siège européen des accélérateurs de
l'OTAN : dans une première phase, le siège de DIANA sera installé dans les
historiques Officine Grandi Riparazioni (Ateliers de grandes réparations), pour
être transféré à partir de 2026 dans la cité aérospatiale en cours de
construction à la périphérie ouest de la capitale piémontaise, grâce à un
financement de 300 millions d'euros provenant du plan national de relance et de
résilience (PNRT), auquel s'ajoutent 800 millions d'euros qui devraient
provenir d'environ soixante-dix entreprises du secteur aérospatial (Leonardo
SpA in primis). Une Italie encore plus armée et militarisée à l'usage exclusif des
forces armées usaméricaines et de l'OTAN et pour le bénéfice et le profit des
industries de la mort.