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23/06/2024

THOMAS L. FRIEDMAN
Les dirigeants usaméricains devraient cesser de s’avilir devant Israël

Thomas L. Friedman The New York Times, 18/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 4 novembre 2022, juste après l’élection de l’actuelle coalition gouvernementale israélienne d’extrême droite, j’ai écrit une chronique avec ce titre : « L’Israël que nous connaissions a disparu ». Il s’agissait d’une mise en garde contre la radicalité de cette coalition. Beaucoup de gens n’étaient pas d’accord. Je pense que les événements ont prouvé qu’ils avaient tort et que la situation est encore pire aujourd’hui : l’Israël que nous connaissions a disparu et l’Israël d’aujourd’hui est en danger existentiel.


Photo Abir Sultan

Israël est confronté à une superpuissance régionale, l’Iran, qui a réussi à prendre Israël en étau, en utilisant ses alliés et ses mandataires : le Hamas, le Hezbollah, les Houthis et les milices chiites en Irak. Pour l’heure, Israël n’a pas de réponse militaire ou diplomatique. Pire encore, il est confronté à la perspective d’une guerre sur trois fronts - Gaza, le Liban et la Cisjordanie - mais avec une nouveauté dangereuse : le Hezbollah au Liban, contrairement au Hamas, est armé de missiles de précision qui pourraient détruire de vastes pans de l’infrastructure israélienne, de ses aéroports à ses ports maritimes, en passant par ses campus universitaires, ses bases militaires et ses centrales électriques.

Mais Israël est dirigé par un premier ministre, Benjamin Netanyahou, qui doit rester au pouvoir pour éviter d’être éventuellement envoyé en prison pour corruption. Pour ce faire, il a vendu son âme pour former un gouvernement avec des extrémistes juifs d’extrême droite qui insistent sur le fait qu’Israël doit se battre à Gaza jusqu’à ce qu’il ait tué tous les Hamasniks – “victoire totale” - et qui rejettent tout partenariat avec l’Autorité palestinienne (qui a accepté les accords de paix d’Oslo) pour gouverner un Gaza post-Hamas, parce qu’ils veulent qu’Israël contrôle tout le territoire entre le Jourdain et la mer Méditerranée, y compris la bande de Gaza.

Aujourd’hui, le cabinet de guerre d’urgence de Netanyahou s’est effondré en raison de l’absence de plan pour mettre fin à la guerre et se retirer de Gaza en toute sécurité, et les extrémistes de sa coalition gouvernementale réfléchissent à leurs prochaines actions pour accéder au pouvoir.

Ils ont déjà fait tant de dégâts, et pourtant le président Biden, le lobby pro-israélien AIPAC et de nombreux membres du Congrès n’ont pas pris conscience de la radicalité de ce gouvernement.

En effet, le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, et ses collègues du G.O.P. [Great Old Party, Les Républicains] ont décidé de récompenser Netanyahou en lui accordant le grand honneur de s’adresser à une session conjointe des deux chambres du Congrès le 24 juillet. Poussés dans leurs retranchements, les principaux démocrates du Sénat et de la Chambre des représentants ont signé l’invitation, mais le but inavoué de cet exercice républicain est de diviser les démocrates et de provoquer des cris d’insultes de la part de leurs représentants les plus progressistes, ce qui aliénerait les électeurs et les donateurs juifs usaméricains et les pousserait à se tourner vers Donald Trump.

Netanyahou sait qu’il s’agit avant tout de politique intérieure usaméricaine, et c’est pourquoi son acceptation de l’invitation à prendre la parole est un tel acte de déloyauté à l’égard de Joe Biden - qui a fait le voyage jusqu’en Israël pour le serrer dans ses bras dans les jours qui ont suivi le 7 octobre – que ça vous coupe carrément le souffle.

Aucun ami d’Israël ne devrait participer à ce cirque. Israël a besoin d’un gouvernement centriste pragmatique capable de le sortir de cette crise aux multiples facettes et de saisir l’offre de normalisation avec l’Arabie saoudite que Biden a réussi à mettre en place. Cela ne peut se faire qu’en destituant Netanyahou par de nouvelles élections, comme l’a courageusement demandé le chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, en mars dernier. Israël n’a pas besoin d’une soirée arrosée sponsorisée par les USA pour son chauffard bourré.

On se demande si les “amis” d’Israël ont la moindre idée de la nature de son gouvernement. Ce gouvernement n’est pas l’Israël de votre grand-père et ce Bibi n’est même pas l’ancien Bibi.

Contrairement à tous les cabinets israéliens précédents, ce gouvernement a inscrit l’objectif d’annexion de la Cisjordanie dans l’accord de coalition. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait passé sa première année à essayer d’écraser la capacité de la Cour suprême israélienne à mettre un frein à ses pouvoirs. Bibi a également cédé le contrôle de la police et des principales autorités du ministère de la défense aux suprémacistes juifs de sa coalition afin de leur permettre d’accroître le contrôle des colons sur la Cisjordanie. Ils ont immédiatement procédé à l’ajout d’un nombre record d’unités d’habitation au cœur de ce territoire occupé pour tenter d’empêcher la création d’un État palestinien.

22/06/2024

THE NEW YORK TIMES
Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, décrit la tentative secrète du gouvernement de bétonner le contrôle de la Cisjordanie


Natan Odenheimer, Ronen Bergman et Patrick Kingsley, The New York Times, 22/6/2024
Johnatan Reiss a contribué au reportage depuis Tel Aviv et Adam Rasgon depuis Jérusalem
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Les juges israéliens ont longtemps estimé que le contrôle d’Israël sur le territoire était une occupation militaire temporaire et qu’il était conforme au droit international. Un discours récent d’un ministre influent, enregistré, suggère que le gouvernement tente de changer cela.
Nos reporters ont examiné l’enregistrement d’un récent discours prononcé par Bezalel Smotrich, un ministre israélien d’extrême droite qui dirige les efforts visant à renforcer le contrôle israélien sur la Cisjordanie occupée.

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Un soldat israélien à un poste de garde en Cisjordanie, en décembre. Photo : Avishag Shaar-Yashuv pour le New York Times

Un membre influent de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahou a déclaré à des colons de la Cisjordanie occupée par Israël que le gouvernement était engagé dans un effort furtif visant à modifier de manière irréversible la manière dont le territoire est gouverné, afin de renforcer le contrôle d’Israël sur celui-ci sans être accusé de l’annexer formellement.

Dans un enregistrement du discours, on peut entendre le fonctionnaire, Bezalel Smotrich, suggérer lors d’un événement privé au début du mois de juin que l’objectif était d’empêcher la Cisjordanie de faire partie d’un État palestinien.

« Je vous le dis, c’est méga-dramatique », a déclaré Smotrich aux colons. « De tels changements modifient l’ADN d’un système ».

Si l’opposition de Smotrich à la cession du contrôle de la Cisjordanie n’est un secret pour personne, la position officielle du gouvernement israélien est que le statut de la Cisjordanie reste ouvert aux négociations entre les dirigeants israéliens et palestiniens. La Cour suprême d’Israël a statué que la domination d’Israël sur le territoire équivalait à une occupation militaire temporaire supervisée par les généraux de l’armée, et non à une annexion civile permanente administrée par des fonctionnaires israéliens.

Le discours prononcé le 9 juin par Smotrich lors d’un rassemblement en Cisjordanie pourrait rendre cette position plus difficile à maintenir. Il y a décrit un programme soigneusement orchestré pour retirer l’autorité sur la Cisjordanie des mains de l’armée israélienne et la confier à des civils travaillant pour Smotrich au sein du ministère de la défense. Certaines parties du plan ont déjà été introduites progressivement au cours des 18 derniers mois, et certaines autorités ont déjà été transférées à des civils.

 

Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, s’adressant aux parents des otages lors d’un rassemblement à Jérusalem ce mois-ci. Photo : Menahem Kahana/Agence France-Presse - Getty Images

« Nous avons créé un système civil distinct », a déclaré Smotrich. Pour détourner l’attention de la communauté internationale, le gouvernement a permis au ministère de la défense de rester impliqué dans le processus, de sorte qu’il semble que l’armée soit toujours au cœur de la gouvernance de la Cisjordanie.

« Ce sera plus facile à avaler dans le contexte international et juridique », a déclaré Smotrich. « Ainsi, ils ne diront pas que nous procédons à une annexion ».

Les journalistes du New York Times ont écouté un enregistrement du discours d’environ une demi-heure fourni par l’un des participants, un chercheur de La Paix Maintenant, un groupe de campagne contre l’occupation. Un porte-parole de Smotrich, Eytan Fold, a confirmé qu’il avait prononcé le discours et que l’événement n’était pas secret.