Imran Abdallah , Aljazeeranet, 8/6/2025
Traduit par Tlaxcala
Original : قراءة شاملة لجذور الصراع
الفلسطيني الإسرائيلي من منظور المؤرخ الشاب زكاري فوستر
Imran Abdallah est un journaliste
soudanais, rédacteur culturel au site ouèbe Aljazeeranet
Dans cet entretien atypique et approfondi,
l’historien et militant usaméricain Zachary Foster propose sa lecture de
l’histoire palestinienne contemporaine et moderne, ainsi qu’une vision
approfondie et complète du conflit israélo-palestinien. Foster a obtenu son
doctorat en études du Proche-Orient à l’Université de Princeton en 2017 et est
le fondateur du projet Palestine Nexus, qui, espère-t-il, deviendra la source
privilégiée pour comprendre la situation en Palestine.
Ce dialogue retrace les racines historiques du
conflit et son évolution au cours des deux derniers siècles. Foster,
spécialiste de l’histoire de la région, explore les multiples dimensions de la
question, proposant une analyse critique des discours dominants et
déconstruisant certaines idées reçues.
Le dialogue débute par un historique de la
question : l’invité déclare : « Je crois que les racines de la
question israélo-palestinienne remontent à la fin du XIXe siècle…
lorsque des Juifs décidèrent de transformer un État arabe, la Palestine, en
État juif. » Cette définition chronologique replace la question dans son
contexte historique, soulignant que ses origines sont antérieures à la période
du colonialisme traditionnel.
Le dialogue compare le sionisme à d’autres
mouvements coloniaux de peuplement, soulignant sa singularité. L’invité déclare
: « Le sionisme, parmi tous les mouvements coloniaux de
peuplement du monde… est un exemple idéal de ce mouvement ». Il ajoute,
expliquant la différence : « Ce qui distingue les mouvements coloniaux de
peuplement des mouvements coloniaux ordinaires, c’est qu’ils abandonnent leurs
liens avec leur patrie d’origine. »
Le dialogue aborde également l’évolution des
positions académiques sur la question, notamment parmi les historiens
occidentaux et juifs. L’invité souligne qu’« il existe une longue tradition
d’antisionisme parmi les Juifs. En fait, cette tradition remonte aux origines
du sionisme lui-même. » Il réfute également les affirmations selon lesquelles
il n’existait pas d’identité palestinienne avant la création d’Israël.
Il conclut en soulignant l’importance de
comprendre les racines historiques du conflit pour en saisir la complexité
actuelle. L’invité déclare : « On peut comprendre une grande partie de
l’histoire palestinienne en comprenant seulement leur réponse à cette question
: quelle est la réponse appropriée à un groupe qui tente de s’emparer de mes
terres, de détruire ma maison et de me purifier ethniquement du pays ? »
L’activiste
et historien Zachary Foster (médias sociaux)
Comment voyez-vous les racines des
problèmes actuels au Moyen-Orient, en particulier en Palestine ?
Je crois que les racines de la question
israélo-palestinienne remontent à la fin du XIXe siècle. Cette
période est donc antérieure à la période coloniale. Dans les années 1870 et
1880, les Juifs d’Europe parlaient de la création d’un État juif en Palestine.
Je pense que c’est là, pour moi, l’origine de la question palestinienne. C’est
lorsque les Juifs ont décidé de transformer un État arabe, la Palestine, en
État juif. Pour moi, ce fut le début de la question israélo-palestinienne
moderne.
Au
XIXe siècle, cent ans avant la formation d’Israël ?
Oui. Nous parlons des années 1870 ou
1880, il y a donc 140 ou 150 ans. J’ai généralement reçu des réactions très
positives à une vidéo expliquant ce sujet. Mon objectif était d’aborder le plus
de sujets possibles dans une vidéo aussi courte que possible, et de m’attacher
à comprendre pourquoi les choses se sont produites, comment elles se sont
déroulées.
Et je pense que les gens ont généralement
apprécié cela, car j’essaie avant tout d’être objectif. Je parle du terrorisme
juif, du terrorisme palestinien, des crimes de guerre commis par Israël et le
Hamas. C’est vrai. Je m’efforce donc de donner un compte rendu objectif, et de
faire preuve d’un courage interprétatif pour vous aider à comprendre comment
nous en sommes arrivés là aujourd’hui.
Et je pense que les gens apprécient cela.
Évidemment, j’ai mon propre point de vue. Et bien sûr, je pense que pour
vraiment comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui, il faut
comprendre l’idée fondamentale du sionisme : sa volonté de transformer ce
pays, d’un pays arabo-palestinien, en un pays juif.
Chaque dirigeant sioniste a donc dû se
poser cette question : que faire des autochtones ? J’essaie donc de
mettre en avant le point de vue palestinien, et je m’attache en particulier à
donner la parole aux victimes de ce conflit, à ceux dont la voix a été perdue
dans les récits traditionnels.
Je pense que je me concentre également
sur Israël et la Palestine plutôt que sur le conflit israélo-arabe. Pendant des
décennies, on a considéré ce conflit comme un conflit israélo-arabe entre
Israël et les États arabes. Je pense qu’il est clair qu’il n’y a jamais eu de
véritable conflit majeur entre Israël et les États arabes. Au contraire, le
conflit a toujours principalement opposé Israël aux Palestiniens.
Et je pense que c’est aujourd’hui plus
évident que jamais. Voilà donc un autre aspect de l’histoire. Je ne parle pas
de la guerre de 1973. Je ne parle pas de l’invasion du Sinaï. Je ne parle pas
vraiment des traités de paix entre la Jordanie et l’Égypte dans les années
1970, 1950 et 1990.
Pour moi, ce ne sont que des événements
secondaires. Pour moi, le problème principal est la question
israélo-palestinienne, c’est-à-dire la tentative sioniste, puis israélienne, de
contrôler toutes les terres situées entre le fleuve et la mer. Je pense que
c’est ce qu’il nous faut vraiment comprendre, pour comprendre comment nous en
sommes arrivés là aujourd’hui.
Selon vous, la période coloniale a jeté
les bases de ce conflit. Quelle est donc la différence entre le colonialisme en
Australie, puis dans le Nouveau Monde, en Amérique, et ce qui s’est passé au
Moyen-Orient ?
Je pense qu’il y a quelques différences.
Tout d’abord, je ne qualifierais pas le sionisme de mouvement colonialiste. Je
le qualifierais plutôt de mouvement de colonisation de peuplement. En fait, on
pourrait dire que de tous les mouvements de colonisation de peuplement à
travers le monde, en Australie, aux USA et au Canada, le sionisme est le plus
exemplaire.
Autrement dit, ce qui distingue les
mouvements coloniaux de peuplement des mouvements coloniaux ordinaires, c’est
que les mouvements coloniaux de peuplement abandonnent leurs liens avec leur
patrie, tandis que les mouvements coloniaux veulent maintenir leurs liens avec
leur patrie.
Prenons l’exemple des Français d’Algérie.
C’était un mouvement colonial, n’est-ce pas ? Parce qu’ils souhaitaient
vraiment maintenir leurs liens avec leur patrie. On pourrait dire que les USA
se situaient entre les deux, car beaucoup de colons souhaitaient conserver
leurs liens avec la Grande-Bretagne et y retourner. Ils ne voulaient pas rompre
complètement ce lien.
Dans le cas du sionisme, ils ont
complètement abandonné leur pays d’origine. Ils n’avaient aucune intention d’y
retourner. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux y sont retournés, mais à leur
arrivée en Palestine, leur objectif était : « Nous n’avons pas
l’intention de rentrer chez nous. Nous allons nous installer en Palestine, nous
allons nous y établir et nous allons prendre le contrôle de ce pays. »
C’est donc l’une des principales différences.
La deuxième différence majeure est que le
sionisme est ancré dans de nombreuses idées juives. N’est-ce pas ? Le judaïsme
part de l’idée que les Juifs finiront par retourner en Terre Sainte. C’est une
sorte de croyance eschatologique selon laquelle le Messie reviendra à la fin
des temps et que tous les Juifs des quatre coins du monde se rassembleront et
retourneront en Palestine.
C’est ce qui les distingue des autres
mouvements coloniaux qui ne s’appuyaient pas sur des traditions religieuses
vieilles de 3 000 ans. Ils étaient profondément attachés à la terre,
entretenaient un lien religieux avec elle, et la considéraient comme ayant une
signification religieuse. Je pense donc que c’est aussi ce qui les distingue.
Mais je dirais que, de manière générale,
les similitudes sont assez frappantes. Il y a ces personnes persécutées,
n’est-ce pas ? Je pense que c’est très important pour comprendre l’essence
de la plupart des mouvements coloniaux. Il faut comprendre que ce sont
principalement des personnes qui se sentent persécutées dans leur pays
d’origine. N’est-ce pas ? Les protestants américains arrivés au Nouveau
Monde ont été persécutés dans leur pays d’origine. C’est pourquoi ils ont plié
bagage et sont partis. Pensez-vous qu’ils voulaient embarquer ? C’était
une traversée très dangereuse et périlleuse. La traversée a duré deux mois.
Beaucoup ont péri en chemin. Voulaient-ils vraiment faire ça ? Non, bien
sûr que non. Tout comme les Juifs, pour la plupart, ne voulaient pas abandonner
leur patrie. Ils ont été contraints de partir à cause des pogroms, de
l’antisémitisme et de la violence qu’ils subissaient dans leur pays d’origine.
Je pense donc qu’en ce sens, le sionisme
est très similaire à de nombreux autres mouvements coloniaux.
Une nouvelle génération d’historiens
occidentaux a récemment émergé, s’opposant à la politique israélienne. Comment
une génération d’universitaires comme la vôtre, a-t-elle émergé au sein
d’institutions traditionnellement considérées comme pro-israéliennes ?
Tout d’abord, je ne suis affilié à aucune
organisation universitaire. Je ne suis pas professeur dans une université
usaméricaine. Et je pense que ceci explique en grande partie cela. D’ailleurs,
lorsque j’ai obtenu mon doctorat à l’Université de Princeton, plusieurs membres
du corps professoral de mon département, dont mon directeur de thèse, ont lancé
un appel et une déclaration appelant l’université à adopter une résolution de
boycott, la résolution BDS, soutenant ce mouvement et exigeant que l’université
se désinvestisse des entreprises qui profitent de l’occupation israélienne de
la Cisjordanie et du blocus de Gaza.
Je dirais que la grande majorité des
membres du corps enseignant qui étudient Israël et la Palestine aux USA sont
très favorables à la cause palestinienne.
Mais je dirais aussi qu’il existe une
crainte institutionnelle. Ils craignent que leurs institutions, leurs
administrations universitaires et les personnes qui occupent les plus hautes
sphères de la hiérarchie universitaire ne subissent des représailles de la part
de ces individus, car ces derniers ont des intérêts différents. Ce ne sont ni
des historiens, ni des politologues. Ils ne suivent pas les événements sur le
terrain. Ils ignorent ce qui se passe en Israël et en Palestine. Mais la
plupart du temps, ils sont fidèles aux donateurs et à leurs désirs, et sont
donc redevables à la classe des donateurs, qui est un groupe très différent.
Comme vous le savez, il existe une grande
différence entre le corps professoral et l’administration universitaire, et une
différence encore plus grande entre le corps professoral et les donateurs. En
réalité, ce sont les dirigeants de l’université qui sont véritablement
responsables. Ce n’est pas le corps professoral qui compte.
Nous notons que cette guerre constituait
un événement distinct dans ce contexte, et que de nombreux historiens
antisionistes ont émergé au sein de la communauté juive d’Europe et des USA.
Pourriez-vous nous en donner un bref aperçu ?
Écoutez, on peut remonter à plusieurs
décennies. Je parle de personnalités comme Noam Chomsky et Norman Finkelstein.
Il existe une longue tradition d’antisionisme parmi les Juifs. En fait, cette
tradition remonte aux origines du sionisme lui-même, n’est-ce pas ?
Lorsque le sionisme est apparu pour la première fois, en Europe et aux USA, le
Juif moyen y était opposé.
Lorsque le sionisme est apparu aux USA à
la fin du XIXe siècle, le mouvement réformé, aujourd’hui le plus important
mouvement juif des USA, regroupait un tiers des Juifs usaméricains.
J’appartiens à ce mouvement, fondé dans les années 1880 et qui a adopté la
Plateforme de Pittsburgh.
Le programme de Pittsburgh disait
essentiellement : « Nous ne soutenons pas l’immigration juive en Palestine, car
elle contredit notre conviction que les Juifs doivent s’assimiler aux sociétés
dans lesquelles ils vivent. » À l’époque, ils tentaient de s’assimiler aux USA
face à l’antisémitisme. Ils pensaient que si un mouvement juif émergeait
affirmant que les Juifs appartenaient à la Palestine, ils seraient davantage
persécutés dans leurs pays d’origine, accusés de double allégeance et victimes
de discrimination, car on leur dirait : « Si vous voulez aller en Palestine,
que faites-vous ici ? »
Il y avait donc un mouvement très actif
parmi les Juifs. Il s’agissait du Programme de Pittsburgh dans les années 1880.
De nombreux intellectuels juifs, tout au long de l’entre-deux-guerres,
s’opposaient au sionisme. Je pense que leur opposition au sionisme était due au
fait qu’ils voyaient que le sionisme, en tant que mouvement colonial de
peuplement, n’aurait qu’une seule issue inévitable : le déplacement des
populations autochtones de leurs terres. Ce constat a été réitéré par de
nombreux antisionistes, notamment par des Juifs antisionistes, durant
l’entre-deux-guerres, de 1919 à 1939. Nombre de Juifs s’opposent au sionisme
pour cette raison.
Il y avait ensuite une troisième
génération de Juifs antisionistes, essentiellement religieux et antisionistes,
dont certains étaient très instruits. Certes, ils n’étaient peut-être pas des
intellectuels, mais ils étaient certainement imprégnés de la tradition juive et
croyaient que toute tentative d’accélérer la venue du Messie était, à leurs
yeux, une tentative sioniste d’accélérer l’avenir, une tentative des Juifs
d’entraver la seconde venue du Messie.
Il existait une croyance théologique dans
le judaïsme selon laquelle les Juifs retourneraient en Palestine ou en Israël à
la fin des temps, lors du retour du Messie. Leur conviction était que
s’installer en Palestine violait la loi de la Torah, car seul Dieu pouvait en
décider. C’est à Dieu de décider quand il viendra, et non à l’homme. Lorsque
l’homme agit pour tenter de hâter cet avenir, il viole la loi de la Torah.
C’était un troisième courant au sein du judaïsme, dans les cercles juifs. On
pourrait dire qu’il s’agissait d’une opposition au sionisme.
Il y avait donc des Juifs qui
souhaitaient s’intégrer dans leurs communautés d’origine et qui s’opposaient au
sionisme. D’autres s’opposaient peut-être au sionisme parce qu’ils pensaient
qu’il entraînerait l’expulsion des populations autochtones de leurs terres. Et
cela les inquiétait beaucoup. Et ils avaient parfaitement raison. C’est la
deuxième tendance. Et puis il y avait la troisième, celle des antisionistes
religieux.
Les
juifs ortohodoxes croyaient que lorsque les humains agissaient pour essayer de
hâter cet avenir, cela constituait une violation de la loi de la Torah (Getty)
Qu’en est-il des Juifs d’origines
ethniques différentes ?
Je pense que ce que je veux dire, c’est
que les intellectuels qui s’opposent au sionisme s’opposent probablement à la
plupart des nationalismes, car le sionisme est une forme de nationalisme. C’est
le nationalisme juif. Et je pense que de nombreux universitaires sont de cet
avis, surtout après la Seconde Guerre mondiale, notamment à la suite du
nettoyage ethnique des Bosniaques, au Myanmar, et du nettoyage ethnique des
peuples autochtones dans le monde, en Australie et aux USA.
Je pense qu’il y a eu une prise de
conscience ces dernières décennies quant au fait que le sionisme était
fondamentalement très similaire à de nombreux autres mouvements coloniaux de
peuplement. Si l’on remonte aux années 1940 et 1950, on ne trouvait pas
beaucoup d’universitaires parlant du sionisme comme d’un mouvement colonial de
peuplement. Ce n’est qu’au cours des dernières décennies que les universitaires
ont réalisé que le sionisme partageait beaucoup de points communs avec tous ces
autres mouvements coloniaux de peuplement, qui ont tous commis d’horribles
atrocités contre les peuples autochtones.
Je pense donc que le nationalisme
ethnique, en particulier à la suite du génocide qui a eu lieu dans les Balkans
dans les années 1990, lorsque les milices serbes sont entrées à Srebrenica et
ont massacré 8 000 musulmans bosniaques, pour le crime d’être bosniaque, je
pense que cela a en quelque sorte réveillé le monde à l’idée que lorsque vous
essayez de créer un État national ethnique, c’est-à-dire un État qui sert les
intérêts d’un seul groupe ethnique, cela a des conséquences très graves pour
les groupes au sein de l’État qui sont d’une ethnie différente.
Vous étudiez de nombreuses questions de
l’histoire contemporaine palestinienne et israélienne, et vous avez également
étudié les réactions et les interactions du peuple palestinien avec les
sionistes à plusieurs reprises. Comment comparez-vous ce qui s’est passé en
1948, avant et après 1967, avec la situation actuelle ? Et comment
comparez-vous les réactions du peuple palestinien à l’occupation, avant et
après la Nakba ? Car vous vous concentrez également sur la période
antérieure à la Nakba. Ce n’est pas courant aujourd’hui, car il semble, pour
certains, que l’histoire ait commencé le 7 octobre. Nous souhaitons donc
resituer le contexte historique.
On peut comprendre beaucoup de choses sur
l’histoire palestinienne si l’on comprend la réponse palestinienne à une seule
question : quelle est la voie légitime ? Quelle est la manière
appropriée de résister à un groupe qui veut s’emparer de votre pays et prendre
toutes les décisions importantes concernant votre vie ? Car c’est
précisément l’essence même du sionisme.
Il est clair que les Palestiniens ont
réagi de différentes manières, et les réactions étaient diverses. Sous le
Mandat [britannique], dans les années 1920, 1930 et 1940, des Palestiniens
disaient : « Travaillons avec ces gens. Travaillons avec les
sionistes. Soumettons des lettres de protestation aux Britanniques et
disons-leur que nous allons résister pacifiquement. Nous allons consigner nos
protestations par écrit. Nous allons manifester pacifiquement dans les
rues. » Et c’est exactement ce que firent de nombreux Palestiniens. Ce fut
d’ailleurs l’un des courants les plus importants du mouvement national
palestinien des années 1930 et 1940. Cette forme de lutte était entièrement non
violente, et ils organisèrent ce qu’ils appelèrent des conférences nationales
tout au long des années 1920, et tout se passa pacifiquement.
Les Palestiniens se sont réunis en 1919,
1920, 1921, 1922, 1923, 1924 et 1925 et ont déclaré : « Écoutez, nous appelons
à la création d’un État démocratique en Palestine. Nous avons demandé aux
Britanniques de nous permettre d’élire démocratiquement nos représentants parmi
les populations juives, chrétiennes et musulmanes autochtones de Palestine ».
Naturellement, les Britanniques ont complètement ignoré ces propositions.
Le système britannique était
antidémocratique. Il violait la volonté politique de 85 % de la population. Et
puis, bien sûr, il y avait un courant plus radical au sein du gouvernement.

On
peut comprendre une grande partie de l’histoire des Palestiniens en comprenant
simplement leur réponse à cette question : « Quelle est la meilleure
façon de résister à un groupe de personnes qui tente de s’emparer de ma terre,
de détruire ma maison et de me purifier ethniquement ? » (Agence
Anadolu)
Il ne s’agit pas seulement de politiques
ratées, mais de toutes celles qui ont réussi durant la période de domination
britannique en Palestine. Il s’agit de milliers de Palestiniens qui ont
travaillé sous domination britannique, chacun d’entre eux ayant implicitement
accepté, par ce travail, le système imposé par les Britanniques, un système qui
n’avait rien de démocratique et qui était clairement orienté en faveur du
projet sioniste. Cette acceptation, même si elle semblait pragmatique,
reflétait une attitude répandue à l’époque.
Cependant, d’un autre côté, je dois dire
qu’un courant clair au sein du mouvement national palestinien a adopté une
position plus ferme. Ce courant était convaincu que le colonialisme britannique
n’était pas le fruit d’un consensus, mais avait été imposé par la force armée.
Par conséquent, la réponse doit également être vigoureuse. Face à un projet
colonial violent qui vise à s’emparer de vos terres, à effacer votre identité
et à transformer votre patrie d’un pays arabe en une entité juive, la seule façon
de lui résister est de riposter par la force.
Je crois que cette tendance, bien que non
prédominante au début, a commencé à prendre de l’ampleur, surtout à la fin des
années 1930, plus précisément avec le déclenchement de la Grande Révolte Arabe
en Palestine entre 1936 et 1939. Depuis lors, et tout au long des sept
décennies qui ont suivi la Nakba de 1948, et jusqu’à aujourd’hui, on peut dire
que ces deux courants – pacifique et armé – sont restés présents et entrelacés
dans le paysage palestinien.
Il y a toujours eu des partisans de
l’idée que la libération de la Palestine ne pouvait se faire que par la force.
Ce point de vue n’était pas marginal ; il constituait la tendance
dominante au sein de la diaspora palestinienne et était adopté par des groupes
majeurs comme le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine. De
fait, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) elle-même, à ses
débuts, a adopté la lutte armée comme seul moyen de libération nationale, avant
de progressivement s’orienter vers des options politiques et pacifiques,
rejetant ensuite la violence.
Il me semble important de souligner ici
la question de la dynamique des positions, car ces transformations ne se sont
pas limitées à un seul groupe. Au contraire, les mêmes groupes, avec les mêmes
individus, les mêmes dirigeants et la même structure organisationnelle de base,
ont oscillé sur l’échiquier politique, entre violence et non-violence, selon
les circonstances, la nature de l’occupation et ses tactiques répressives.
Nous avons observé la même évolution avec
le Hamas. Ce mouvement, initialement issu du « Complexe islamique »
caritatif et non violent, a ensuite évolué vers la lutte armée. Comme pour
l’OLP avant lui, les positions évoluent en fonction de l’escalade de la
violence de l’autre camp, de l’ampleur de la brutalité exercée par l’occupation
israélienne et des conditions politiques à chaque étape.
Par conséquent, pour comprendre
l’histoire palestinienne contemporaine, je ne crois pas qu’il soit nécessaire
de lire chaque détail. Il suffit de se poser une question et d’observer la
réponse des Palestiniens au fil du temps : quels sont les moyens légitimes
de résister à un projet colonial qui vise à s’emparer de vos terres, à détruire
votre foyer et à vous purifier ethniquement de votre patrie ? La réponse à
cette seule question suffit à comprendre nombre des transformations et des
tendances que ce peuple a observées face à un colonialisme de longue date.
La première carte géographique décrivant et désignant la Palestine par son nom a été établie par l'immense géographe Claudios Ptolemaïos, dit Ptolémée, un Gréco-Égyptien d'Alexandrie, au deuxième siècle après Jésus-Christ. Ceci est une reproduction de la carte originale, perdue, datant du début du quatorzième siècle et réalisée à Constantinople, la future Istanbul, contenue dans un ouvrage détenu par la Bibliothèque du Vatican
Il y a actuellement un grand débat sur
l’identité palestinienne avant la Nakba, et il y a ceux qui nient cette
identité historique ?
Le discours sioniste a longtemps cherché
à nier l’identité nationale palestinienne en présentant les Palestiniens comme
de simples « Arabes » ou « Syriens du Sud », dans le but de remettre en cause
l’idée qu’ils constituent un peuple authentique doté d’une existence nationale
et historique. Ce déni constituait un moyen de favoriser le discours sioniste,
qui prône un nationalisme juif accordant « Israël » exclusivement aux Juifs.
D’où les efforts délibérés de réécriture
de l’histoire, à travers des articles et écrits universitaires niant
l’existence du « Palestinien » en tant que figure nationale. En
réponse, j’ai tenté de documenter l’utilisation du terme « Palestinien »
dans les contextes locaux, prouvant, par des éléments linguistiques et
historiques, que les Palestiniens se définissaient comme une nation des années,
voire des décennies, avant l’émergence du sionisme.
Dans
les sources anglaises, le terme apparaît depuis les années 1860, et dans les
sources arabes depuis la fin des années 1890, plus précisément en 1898. Le
chercheur affirme que l’utilisation de ce terme n’était pas le résultat d’une
réaction au sionisme, mais l’a plutôt précédé et est apparue parmi les
étudiants palestiniens de Nazareth, loin de toute influence directe du
mouvement sioniste, qui ne s’était pas encore répandu dans toute la région.
Il
souligne également que ces pionniers palestiniens, tels que Najib Nassar,
Khalil Baydas et Salim Qub'ayn, ont été éduqués dans des écoles arabes et
russes, et que pour eux les concepts de patrie et d’identité faisaient partie
d’une conscience culturelle plus large sans rapport avec le conflit ultérieur
avec le sionisme, mais plutôt avec des racines nationalistes profondément
ancrées dans la conscience, la langue et les cartes accrochées aux murs de
l’école.

Najib Nassar (1865-1947), fondateur en 1908 de l'hebdomadaire Al Karmil, premier journal palestinien résolument antisioniste
Khalil Baydas (1874–1949), traducteur du russe vers l'arabe et romancier, le premier Arabe à utiliser le terme "Palestinien" au sens moderne du terme
Salim Qub'ayn (1870-1951), enseignant, journaliste, écrivain, historien et traducteur palestinien. Il fut l'un des premiers traducteurs arabes à avoir fait découvrir la littérature russe aux lecteurs arabes, ce qui lui a valu le surnom de « doyen des traducteurs du russe ».