La professeure au centre du
scandale de l’arrestation en vue de le déporter de l’étudiant palestinien à l’Université
de Columbia Mahmoud Khalil est une ancienne agente des services de
renseignements israéliens, révèle MintPress News.
Alan MacLeod, MintPress News,
11/3/2025
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Mahmoud Khalil, récemment diplômé de la School of International and Public Affairs (SIPA) de l’université, a été enlevé par l’Immigration Customs Enforcement (ICE) samedi pour son rôle dans l’organisation de manifestations l’année dernière contre l’attaque d’Israël sur Gaza. Keren Yarhi-Milo, directrice de cette École des affaires internationales et publiques, est une ancienne officière du renseignement militaire israélien et fonctionnaire à la mission d’Israël auprès des Nations unies. Yarhi-Milo a joué un rôle important en suscitant l’inquiétude du public face à une prétendue vague d’antisémitisme intolérable déferlant sur le campus, jetant ainsi les bases de l’importante répression des libertés civiles qui a suivi les manifestations.
Keren
Yarhi-Milo pose avec Hillary Clinton lors de son séjour à Columbia en
tant qu’enseignante invitée en 2023. Mme Clinton préside le conseil
consultatif de l’Institute of Global Politics (IGP), fondé par
Yerhi-Milo
Photo | Facebook | Hillary Clinton
Des fantômes parmi nous
Avant d’entrer dans le monde universitaire, la Dre Yarhi-Milo a servi en tant qu’officière et analyste du renseignement au sein des forces de défense israéliennes. Étant donné qu’elle a été recrutée dans les services de renseignement en raison de sa capacité à parler couramment l’arabe, son travail consistait probablement à surveiller la population arabe.
Après avoir quitté le monde du renseignement, elle a travaillé pour la mission permanente d’Israël auprès des Nations unies à New York. C’est là qu’elle a rencontré l’homme qu’elle a épousé, porte-parole officiel d’Israël auprès des Nations unies.
Bien qu’elle soit aujourd’hui universitaire, elle n’a jamais quitté le monde de la sécurité internationale, dont elle a fait son domaine d’expertise. Elle s’est efforcée de faire entendre la voix des femmes dans ce domaine. L’une d’entre elles était Avril Haines, alors directrice de la sécurité nationale des USA, avec qui elle s’est entretenue en 2023. Bien que Khalil ait été un élève de son école, elle n’a rien dit au sujet de son arrestation. En effet, plutôt que de s’exprimer sur la question (comme le demandaient les militants), elle a choisi cette semaine d’inviter Naftali Bennett, premier ministre d’Israël de 2021 à 2022, à s’exprimer à Columbia. Les étudiants qui ont protesté contre l’événement de mardi ont été condamnés par les autorités universitaires pour avoir “harcelé” Yarhi-Milo.
Des manifestations sans précédent, une répression sans précédent
L’année dernière, Columbia a été l’épicentre d’un mouvement de protestation massif sur les campus universitaires du pays. On estime qu’au moins 8 % des étudiants usaméricains ont participé à des manifestations dénonçant l’attaque génocidaire contre Gaza et appelant les établissements d’enseignement à se désinvestir d’Israël. La réaction a été tout aussi massive. Plus de 3 000 manifestants ont été arrêtés y compris des membres du personnel universitaire.
Le mouvement national a débuté à Columbia le 17 avril, lorsqu’un modeste campement de solidarité avec Gaza a été établi. Les manifestants ont été choqués lorsque la présidente de l’université, Minouche Shafik, a immédiatement fait appel à la police de New York. C’était la première fois que l’université permettait à la police de réprimer la dissidence sur le campus depuis les célèbres manifestations de 1968 contre la guerre du Viêt Nam.
Mahmoud Khalil était l’un des leaders du mouvement. Ce réfugié palestinien né en Syrie était prêt à s’exprimer calmement et de manière convaincante devant la presse sur les objectifs de la manifestation. Résident permanent aux USA, il a été enlevé par l’ICE samedi.
Traduction du gazouillis présidentiel« Suite à mes décrets signés précédemment, l’ICE a fièrement appréhendé et détenu Mahmoud Khalil, un étudiant radical étranger pro-Hamas sur le campus de l’université de Columbia. C’est la première arrestation d’une longue série. Nous savons qu’il y a d’autres étudiants à Columbia et dans d’autres universités du pays qui se sont engagés dans des activités pro-terroristes, antisémites et anti-américaines, et l’administration Trump ne le tolérera pas. Beaucoup ne sont pas des étudiants, ce sont des agitateurs rémunérés. Nous trouverons, appréhenderons et expulserons ces sympathisants terroristes de notre pays, pour qu’ils n’y reviennent plus jamais. Si vous soutenez le terrorisme, y compris le massacre d’hommes, de femmes et d’enfants innocents, votre présence est contraire à nos intérêts nationaux et de politique étrangère, et vous n’êtes pas les bienvenus ici. Nous attendons de chaque collège et université d’Amérique qu’ils se conforment à cette règle. Merci ! »
« L’ICE a fièrement appréhendé et détenu Mahmoud Khalil, un étudiant étranger radical pro-Hamas sur le campus de l’université Columbia. Il s’agit de la première arrestation d’une longue série à venir », a déclaré le président Trump. Le Secrétaire d’État Marco Rubio s’est fait l’écho de la menace inquiétante de Trump, annonçant : « Nous allons révoquer les visas et/ou les cartes vertes des partisans du Hamas en Amérique afin qu’ils puissent être expulsés ». Dans une autre menace claire, l’administration Trump a pris des mesures pour annuler 400 millions de dollars d’aides fédérales à l’université Columbia, invoquant le fait que l’institution n’a pas suffisamment réprimé les incidents “antisémites” sur le campus.
La femme de Khalil, enceinte de huit mois, a d’abord appris qu’il avait été emmené dans un établissement à Elizabeth, dans le New Jersey. En fait, il avait été déplacé à l’autre bout du pays, dans un centre situé à Jena, en Louisiane. Le journaliste Pablo Manríquez de Migrant Insider a expliqué que l’ICE se met souvent « à la recherche d’un juge de l’immigration en plaçant les détenus dans des centres de détention sous la juridiction de tribunaux qui statuent très rarement en faveur des migrants ».
La tentative très médiatisée d’expulser le détenteur d’une carte verte en raison d’un discours politique critiquant un gouvernement étranger a profondément inquiété de nombreux avocats spécialisés dans les droits civils. Alec Karakatsanis, par exemple, a déclaré : « Je n’ai jamais vu de violation plus claire du premier amendement, ni de déclaration gouvernementale plus flagrante de l’intention de violer le droit écrit. Le gouvernement ne prétend pas qu’il a commis un crime, mais simplement qu’il a exprimé des opinions que le gouvernement n’aime pas au sujet d’Israël. ça fait froid dans le dos ».
Les milliardaires pro-israéliens de Columbia
Une grande partie du financement de Columbia provient de dons de milliardaires bienfaiteurs. Mais ces dons sont assortis de conditions. C’est ce qui est apparu dans le sillage du mouvement de protestation, lorsque de nombreux mécènes pro-israéliens ont exigé que l’université prenne des mesures. Le magnat de l’industrie manufacturière Robert Kraft, par exemple, a publiquement annoncé qu’il coupait son alma mater de son financement somptueux en raison de son incapacité à réprimer efficacement les manifestations.
Le gestionnaire de fonds spéculatifs Leon Cooperman a fait de même, exigeant que les “enfants fous” de Columbia “soient contrôlés”. Parmi ces “enfants” figurait évidemment le professeur jordanien Joseph Massad, âgé de 61 ans, dont les opinions sur le Moyen-Orient étaient jugées intolérables par Cooperman, qui a demandé à ce qu’il soit licencié. L’oligarque d’origine soviétique Len Blavatnik, quant à lui, a exhorté la police à demander des comptes aux manifestants.
À eux trois, Kraft, Cooperman et Blavatnik sont soupçonnés d’avoir investi près de 100 millions de dollars à Columbia, ce qui leur confère une influence considérable sur l’orientation politique de l’université.
Des voix se sont également élevées au sein de l’université pour réclamer la répression violente du mouvement étudiant. C’est le cas de Shai Davidai, professeur adjoint de gestion des entreprises, a dénoncé les manifestants comme “nazis” et “terroristes” et appelant la Garde nationale à se déployer contre le campement, faisant ainsi une référence indirecte au massacre de l’université d’État de Kent [4 mai 1970]. Davidai, israélo-usaméricain, a servi dans les forces de défense israéliennes et a publiquement a exprimé sa fierté pour ça.
Compte tenu de son dernier ajout, il semble peu probable que la School of International and Public Affairs modère ses positions pro-israéliennes. En janvier, l’école a annoncé que Jacob Lew rejoindrait la faculté. Lew venait de quitter son poste d’ambassadeur des USA en Israël sous l’administration Biden, un rôle dans lequel il a facilité la complicité usaméricaine dans le génocide, en fournissant à Israël des armes et en lui apportant un soutien diplomatique pour ses efforts.
Défendre Israël, détruire la liberté d’expression
Les lecteurs de longue date de MintPress News seront moins surpris que beaucoup d’autres d’apprendre que des responsables du renseignement militaire israélien occupent des postes aussi importants dans la vie publique usaméricaine. Les enquêtes précédentes de MintPress ont mis au jour d’immenses réseaux d’anciens espions israéliens occupant des postes à responsabilité dans de grandes entreprises de technologie et de médias sociaux, dont Microsoft, Google, Meta et Amazon. Même TikTok, souvent qualifiée d’application d’espionnage chinoise, a embauché d’anciens espions israéliens pour gérer ses affaires. En octobre, nous avons révélé que d’anciens espions israéliens écrivent les infos usaméricaines, avec plusieurs anciens agents travaillant dans les principaux médias, dont CNN, Axios et le New York Times.
Le fait que la doyenne de l’école au centre d’une tempête médiatique mondiale soit une ancienne officière du renseignement militaire israélien ne devrait donc pas être un choc. Mais cela reste un rappel brutal du niveau d’extraordinaire partialité institutionnelle en faveur d’Israël affichée à travers les USA.