Malainin Lakhal, The Panafrikanist, 3/6/2025
Traduit par Solidarité Maroc
L’auteur est représentant permanent adjoint de la RASD auprès de l’Union africaine
Dans un virage controversé qui contrevient aux principes les plus fondamentaux du droit international et de la Charte des Nations Unies, le ministre britannique des Affaires étrangères, dans une déclaration conjointe avec son homologue marocain, a exprimé le soutien du Royaume-Uni à ce qui a été appelé « l’autonomie marocaine au Sahara occidental », la décrivant comme la solution « la plus crédible, la plus viable et la plus pragmatique » au conflit.
Cette déclaration n’est pas passée inaperçue ; elle a été largement rejetée et condamnée, non seulement par la République sahraouie et le Front Polisario, mais aussi par un certain nombre de politiciens et d’experts britanniques et non britanniques sur la question du Sahara occidental. Ils l’ont considéré comme une rupture dangereuse avec la position traditionnelle du Royaume-Uni et comme un soutien injustifié à une puissance occupante dans un différend international classé par les Nations Unies comme un cas de décolonisation.
David Lammy
et Nasser Bourita
Ce
changement de position de la Grande-Bretagne, malgré l’hypothèse que Londres ne
reconnaît pas la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, reflète une
contradiction flagrante entre les paroles et les actes. Il soulève de sérieuses
questions quant à l’engagement du Royaume-Uni, en tant que membre permanent du
Conseil de sécurité de l’ONU, envers le droit international et ses
responsabilités morales envers les peuples qui luttent encore pour leur droit à
l’autodétermination.
Bien que la
Grande-Bretagne ait affirmé à plusieurs reprises l’importance d’un « ordre
international fondé sur des règles » et exprimé son soutien de principe au
droit à l’autodétermination, son approbation explicite de la soi-disant «
proposition d’autonomie » du Maroc révèle un deux poids deux mesures troublant.
Comment le Royaume-Uni, prétendument défenseur du droit international, peut-il
considérer une initiative unilatérale d’une puissance occupante qui exploite
illégalement des terres et des ressources comme une solution « réaliste » à une
question de décolonisation que les Nations unies supervisent depuis 1963 ?
La
proposition marocaine n’est rien d’autre qu’une manœuvre politique destinée à
contourner la légalité internationale et à consolider l’occupation par le biais
d’un langage trompeur tel que le « réalisme » et la « viabilité ». En réalité,
le Maroc continue, par la force militaire, les violations systématiques des
droits humains et le soutien de puissances néocoloniales et d’acteurs
fonctionnels profondément complices dans l’alimentation des crises mondiales, à
imposer un fait accompli à un peuple sans défense, privé de ses droits civils
et politiques les plus élémentaires.
Toutes les
juridictions internationales et régionales, y compris la Haute Cour du
Royaume-Uni (2019), ainsi que tous les organes de l’ONU, ne reconnaissent
aucune souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. En effet, la Cour
internationale de justice, dans son avis consultatif de 1975, a conclu qu’il n’y
avait pas de liens souverains entre le Maroc et le Sahara occidental. De même,
les arrêts de la Cour européenne de justice, dont le plus récent date de 2024,
affirment que tout accord économique impliquant le Sahara occidental sans le
consentement du peuple sahraoui, représenté par le Front Polisario, est
juridiquement nul. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est
parvenue à une conclusion encore plus forte dans son arrêt de 2022.
Dans ce
contexte juridique et politique clair, comment le Royaume-Uni, nation
historiquement connue pour ses positions prudentes sur les différends
internationaux, peut-il ignorer ces faits et apporter un soutien implicite à un
État qui occupe un territoire sur lequel il ne détient aucune souveraineté
légitime ?
Pour toutes
ces raisons, le Front Polisario et l’ensemble de la communauté sahraouie
rejettent la proposition marocaine d’autonomie comme un stratagème colonial
destiné uniquement à conférer une fausse légitimité à une occupation militaire
illégale. La proposition n’accorde pas au peuple sahraoui son droit inaliénable
à l’autodétermination ; au contraire, elle présume à l’avance de la
souveraineté marocaine sur le territoire et refuse aux Sahraouis la possibilité
même de choisir l’indépendance.
De plus, le
fait que la déclaration conjointe Royaume-Uni-Maroc se concentre exclusivement
sur la proposition marocaine, sans faire référence à la proposition du Front
Polisario soumise en 2007 et incluse dans le même paragraphe dans toutes les
résolutions du Conseil de sécurité depuis lors, sape le principe de neutralité
et expose un parti pris politiquement motivé. Une telle position ne sert pas la
cause de la paix ; au contraire, elle aggrave l’impasse et encourage le Maroc à
persister dans son intransigeance et ses tactiques dilatoires.
La vérité
est que le Royaume-Uni, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, a
une responsabilité encore plus grande de faire respecter le droit international
et les résolutions de l’ONU - qu’il s’agisse du Sahara occidental ou d’autres
questions globales. En approuvant implicitement la proposition du Maroc, la
Grande-Bretagne abdique cette responsabilité, fournit une couverture
diplomatique à l’occupation illégale, et porte gravement atteinte à sa
crédibilité, du moins aux yeux du peuple sahraoui et de ceux qui comprennent
les complexités du conflit. Plus dangereux encore, ce soutien encourage le
Maroc à continuer à faire obstruction au référendum convenu de longue date et
accepté par toutes les parties en 1991.
Une paix
véritable en Afrique du Nord ne peut être fondée sur la récompense de l’expansionnisme
militaire et de l’occupation illégale et brutale. Elle doit être fondée sur le
respect du droit des peuples à déterminer librement et honorablement leur
propre destin. Donner la priorité à des intérêts économiques perçus ou à des
alliances régionales plutôt qu’à des principes juridiques ne sert qu’à saper l’ensemble
de l’ordre international et à affaiblir la crédibilité des institutions
mondiales.
À la lumière
de ces développements, la Grande-Bretagne doit être invitée à réévaluer sa
position et à se réaligner sur la légitimité internationale, et non sur une
occupation brutale et arrogante. Soutenir le peuple sahraoui dans sa lutte pour
la liberté n’est pas simplement une position politique, c’est un véritable test
des valeurs dont la Grande-Bretagne s’enorgueillit depuis longtemps : la
justice, les droits humains et le respect des peuples.
En
conclusion, il faut reconnaître que l’occupation marocaine a perdu le peu d’autonomie
politique qu’elle prétendait avoir. Elle est désormais de plus en plus dirigée
de l’extérieur de Rabat, parfois de Tel Aviv, parfois de certains États du
Golfe bien connus ou de la France, qui sèment tous activement la discorde et
alimentent l’hostilité régionale pour servir l’agenda d’un nouvel ordre
colonial. Cet agenda se manifeste aujourd’hui par les préparatifs d’Abou Dhabi
pour accueillir une nouvelle conférence réunissant les États que l’alliance
coloniale émergente a réussi à influencer, dans le but de réimposer les
réalités coloniales dans la région et en Afrique, en commençant par le Sahara
occidental.
Cela ne
fait-il pas écho à la tristement célèbre conférence de Berlin de 1884, qui a
divisé le continent africain et ses peuples ?
Il est temps
pour les nations occidentales, en particulier la Grande-Bretagne, d’abandonner
les doubles standards et de prendre une position claire en faveur de la justice
et de la légalité internationale dans le dernier cas de décolonisation en Afrique.
Il est également temps pour les peuples qui résistent de reconnaître leurs
adversaires et de se préparer à une confrontation décisive entre le pouvoir du
droit et des principes et la force de l’agression et de la dépossession.