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14/09/2025

GIDEON LEVY
“Un père de 10 enfants qui a travaillé en Israël pendant plus de 30 ans : comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ?”

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 12/09/2025
Traduit par Tlaxcala

Exécution au poste de contrôle : Un éleveur de volailles palestinien quitte un mariage et se rend acheter des plateaux de carton pour ses œufs dans une ville voisine. Des soldats israéliens à un poste de contrôle lui tirent près de 20 balles à bout portant, alors qu’il était déjà blessé.


Des proches en deuil chez Ahmed Shahadeh, au village d’Urif, non loin de Naplouse

Un coup de feu, puis un autre, puis un troisième. À travers les fentes entre les blocs de béton, on distingue un homme s’effondrer, étendu sur le dos, bras écartés sur la route. Le tir continue, balle après balle.

Deux soldats israéliens se tiennent sous un toit de toile rouge à un poste de contrôle, visant leur victime de leurs fusils, alors qu’elle gît blessée. À ce moment-là, il est déjà certainement mort. En un clin d’œil, un père de dix enfants est abattu. Sa voiture est garée à proximité. La vidéo entière dure 22 secondes, y compris le moment où, pour une raison obscure, la caméra est tournée ailleurs.

C’est ce qui s’est passé vendredi dernier au crépuscule. Le poste de contrôle d’Al-Murabba’a, au sud-ouest de Naplouse, est l’un des rares points de passage restés ouverts pour entrer et sortir de la ville, après que le poste principal de Hawara a été fermé lorsque la guerre à Gaza a éclaté il y a presque deux ans.


Le corps d’Ahmed Shahadeh, entouré de soldats israéliens. Photo fournie par la famille

C’est une barrière de blocs de béton avec une installation de fortune pour les soldats, derrière laquelle se dresse une grille de fer jaune. Parfois les soldats contrôlent les voitures et leurs conducteurs, parfois non. Vendredi dernier, ils ont contrôlé la voiture de leur victime.

Que s’est-il passé durant les instants où l’éleveur de volailles, Ahmed Shahadeh – qui avait travaillé des décennies en Israël et parlait hébreu couramment – est sorti de son véhicule, apparemment sur ordre des soldats, avant d’être abattu par près de vingt balles tirées à bout portant ?

Peut-être ne le saura-t-on jamais. La vidéo – on ne sait pas qui l’a publiée – diffusée sur les réseaux sociaux montre peu et dissimule beaucoup. On n’y comprend pas pourquoi les soldats ont tiré sur leur victime avec une telle rage.

Il est douteux qu’Ahmed ait représenté un danger, même un instant. Mais alors qu’il gisait blessé sur la route, près du poste de contrôle, les soldats ont apparemment décidé de l’exécuter coûte que coûte. Qu’est-ce qui a bien pu provoquer un tel acte ?

Un appartement du village d’Urif, près de Naplouse. C’est le troisième jour de deuil de la famille. Au rez-de-chaussée, un petit poulailler, avec son odeur désagréable. Le défunt vivait à l’étage avec son épouse malade ; dans un autre appartement du même immeuble vivait l’un de ses fils avec sa famille. Depuis le 7 octobre 2023, deux attentats ont été perpétrés par des habitants d’Urif.

Ahmed Shahadeh avait travaillé en Israël durant des décennies, comme certains de ses enfants avant la guerre. Âgé de 57 ans, il avait travaillé dans une imprimerie à Holon, dans la banlieue de Tel-Aviv, puis 15 ans dans l’usine de plastiques Keter, dans la zone industrielle de Barkan, près de la colonie d’Ariel. Ses fils affirment qu’il avait des amis juifs.

Il y a un an, il a pris sa retraite. Ou peut-être a-t-il été licencié. Il a alors monté une petite activité à domicile pour rester occupé et gagner un peu d’argent. Il vendait les œufs de ses quelque 200 poules aux magasins d’Urif.

Vendredi après-midi, les Shahadeh ont assisté au mariage d’un proche, dans une salle du village. Le matin, Ahmed avait nettoyé le poulailler, nourri les poules, s’était bien habillé et était parti avec son épouse à l’événement. Aelia, 55 ans, souffre d’atrophie musculaire et a besoin d’aide pour se déplacer ; Ahmed s’occupait d’elle.


Une banderole commémorative d’Ahmed Shahadeh cette semaine à Urif.  “Un homme qui a 10 enfants et travaillé en Israël plus de 30 ans – comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ?”, demande son frère.

Ses trois fils s’appellent Jihad (37 ans), Abdelfatteh (33 ans) et Mohammed (32 ans), ouvrier du bâtiment dans la colonie de Beit Arye, qui parle hébreu. Vendredi, Ahmed est resté environ une heure au mariage, puis a dit à ses fils qu’il partait pour le village de Tal, à 15 minutes en voiture, acheter des plateaux en carton pour les œufs récoltés. Il les a invités à l’accompagner mais ils ont préféré rester. Leur père leur a dit qu’au retour il ramasserait leur mère. Personne n’imaginait qu’il ne reviendrait jamais.

Vers 17h40, une demi-heure après son départ, ses fils ont vu un message sur le groupe WhatsApp local signalant un incident au poste de contrôle d’Al-Murabba’a, où un Palestinien avait été blessé. La photo jointe montrait une Ford Focus bleu métallisé, la voiture de leur père. Les fils ont quitté en hâte le mariage et se sont rendus au poste de contrôle.

À une centaine de mètres de la barrière, les soldats leur ont fait signe de s’arrêter et ont pointé leurs armes sur eux. « C’est mon père, c’est mon père ! », a crié Mohammed. Les soldats leur ont ordonné de sortir du véhicule, de relever leurs chemises et de lever les mains. Seul Jihad a été autorisé à avancer, très lentement. Cette semaine, il dit avoir aperçu une partie du corps encore découvert de son père, dépassant entre les blocs de béton.


Deux petites-filles d’Ahmed dans le poulailler

« Mon père est  vivant ou mort ? », a-t-il demandé avec agitation. L’un des soldats a répondu en arabe approximatif : « Ton père est mort. »

« Pourquoi vous avez tué mon père ? », a-t-il demandé. Le soldat a répondu qu’Ahmed avait lancé quelque chose vers eux. « Vous auriez pu lui tirer dans la jambe, s’il avait vraiment jeté quelque chose », a répliqué Jihad. Pas de réponse.

Quelques minutes plus tard, raconte Jihad, un autre soldat s’est approché, lui a serré la main et a dit : « Je suis désolé. » Jihad a demandé à voir le corps de son père. Le soldat a répondu qu’il le verrait lorsque les autorités israéliennes, via la COGAT (Coordination des activités gouvernementales dans les territoires), le transféreraient à l’hôpital.

Les trois fils sont rentrés à la maison, en deuil, pour annoncer la terrible nouvelle à leur mère. Vers 20h, ils ont reçu un appel de la COGAT : l’armée avait transféré le corps au camp de Hawara et il se trouvait désormais dans une ambulance palestinienne en route vers l’hôpital Rafidia de Naplouse.

Toute la famille s’y est rendue. Jihad dit avoir compté pas moins de 18 impacts de balles sur le corps de son père, la plupart dans le cou, la poitrine et l’abdomen.

Le corps est resté une nuit à Rafidia. Le lendemain, les fils l’ont enterré. Le seul témoin oculaire a rapporté avoir seulement vu les soldats ordonner à Ahmed de sortir de sa voiture, rien de plus.


Les frères d’Ahmed lors du deuil

Selon Salma al-Deb’i, chercheuse de terrain pour l’ONG israélienne B’Tselem, les soldats au poste de contrôle d’Al-Murabba’a se comportent souvent de façon très agressive, surtout lorsqu’ils voient un véhicule avec un seul conducteur. Parfois un soldat dit au conducteur d’avancer, un autre lui ordonne de s’arrêter : la situation est tendue.

Elle dit n’avoir trouvé aucun témoin capable d’éclairer ce qui s’est passé lors de ces instants fatidiques, ni pourquoi les soldats ont tué Ahmed Shahadeh. Elle ajoute que chaque poste de contrôle de Cisjordanie est équipé d’innombrables caméras de surveillance : l’armée sait donc exactement ce qui s’est passé.

Cette semaine, Haaretz a posé une question à l’armée, partant du fait que les fils de la victime avaient retrouvé la carte d’identité de leur père à la maison. Nous avons demandé si Ahmed avait été tué parce qu’il conduisait sans sa carte. Voici la réponse du porte-parole de l’armée :

« Le 5 septembre (vendredi), un suspect est arrivé à un poste de contrôle militaire près du village de Burin, dans le secteur de la brigade de Samarie de Tsahal. Lors de l’inspection, le suspect a contourné imprudemment les véhicules devant lui, est entré en collision avec une autre voiture, puis a poursuivi à pied vers les forces, tout en tenant à la main un objet identifié comme suspect.

Les soldats ont suivi la procédure d’arrestation d’un suspect, qui comprend des sommations et des tirs de sommation en l’air. Le suspect n’a pas obéi, a continué à avancer vers les forces et a lancé l’objet. En réponse, les forces ont tiré sur lui afin d’éliminer la menace, conformément aux règles d’engagement en vigueur. »

Le frère d’Ahmed arrive. Il demande que son nom ne soit pas mentionné. « Comment pouvez-vous être assis dans notre maison ? On peut venir  me dire : prends 10 millions de shekels [2,5 millions d’€] et tue-les, mais je ne le ferai jamais. Vous avez une maison, des enfants, une famille. Voilà ce qui est arrivé à mon grand frère. Un homme qui a 10 enfants et travaillé en Israël plus de 30 ans – comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ? », demande-t-il, luttant pour ne pas éclater en sanglots.

Dans un coin du poulailler d’Ahmed, trois plateaux d’œufs en carton ; les poules caquettent sans cesse. Lundi, la rentrée scolaire a commencé avec retard en Cisjordanie, et la maison était pleine d’enfants dégustant des Krembos lorsque nous sommes venus en visite. Ce sont les petits-enfants d’Ahmed.

Un peu plus haut dans la rue, sur un terrain vague, la Ford Focus bleue est garée. Seule une balle parmi les nombreuses tirées a atteint le côté de la voiture : on distingue un impact et la vitre côté passager est brisée. Les baskets de la victime se trouvent encore dans le coffre.

09/09/2025

GIDEON LEVY
Les libéraux israéliens horrifiés à l’idée que le prochain chef du Shin Bet puisse les traiter comme des Palestiniens

Gideon Levy, Haaretz, 7/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Alerte dans le camp libéral : le général de division David Zini est sur le point d’être nommé à la tête du service de sécurité intérieure, le Shin Bet. Un portrait exemplaire et digne d’éloges de Zini vient d’être publié dans le supplément week-end de Haaretz par Hilo Glazer [lire en français].


Le général David Zini à Jérusalem en 2023. Photo : Sraya Diamant

Les descriptions qu’on y trouve sont véritablement glaçantes : un fils messianique délirant d’un père messianique, à la tête du service secret. À ses yeux, les Palestiniens sont « les ennemis du Saint béni soit-Il », la guerre contre eux est éternelle, et son éducation va de la doctrine de Baruch Goldstein [l’auteur du massacre des fidèles musulmans à Hébron en 1994] à celle du rabbin ultra-nationaliste et homophobe Zvi Thau. Terrifiant !

La personnalité, les positions et tout le parcours de Zini sont effectivement inquiétants. Quand une religion obscurantiste sert de moteur, et que l’armée et le Shin Bet en sont les instruments, le résultat est alarmant. Le mélange d’une foi religieuse brûlante et d’une arrogance ultranationaliste délirante engendre un fascisme débridé ; des gens comme Zini sont prêts à tout au nom de ces deux forces.

Mais l’effroi provient surtout des craintes quant à ce que Zini fera à la « démocratie » israélienne. En d’autres termes, et de façon moins politiquement correcte : ce qu’il fera à nous, les Juifs de ce pays.

Il est possible que ceux qui s’alarment aient raison et que Zini dépasse effectivement les limites du Shin Bet dans ses opérations contre la population juive. Pour lui, la loyauté envers le Premier ministre prime sur la loyauté envers la loi, et le système judiciaire est une dictature.

Peut-être assisterons-nous au retour des jours sombres du jeune État, quand le Shin Bet posait des micros dans les sièges des partis. Mais n’est-il pas logique que précisément quelqu’un comme Zini prenne la tête d’un organisme aussi corrompu moralement — même si, pour l’instant, les seules victimes de cette pourriture sont les Palestiniens ?

Ce que le Shin Bet inflige aux Palestiniens ne préoccupe pas vraiment les libéraux. Même sans le terrible Zini, le Shin Bet a agi avec cruauté. Avec des dizaines de détenus palestiniens morts rien que ces deux dernières années, certains lors d’interrogatoires brutaux, il est difficile d’imaginer ce que Zini pourrait faire de pire. Extorquer encore plus de malades palestiniens atteints de cancer ou d’homosexuels ? Arracher des ongles plutôt que de battre à mort ?

Le camp libéral voudrait qu’un végane dirige l’abattoir, et voilà qu’on leur impose un boucher sous stéroïdes. Ce n’est vraiment pas « gentil ». Mais la mission même du Shin Bet est de consolider l’occupation, l’apartheid, l’expulsion et la « judaïsation », par les interrogatoires, les enlèvements de masse (qu’on appelle ici des « détentions »), l’extorsion et les assassinats. Qui mieux que Zini pourrait remplir cette mission ?

Il est désagréable pour les libéraux de voir le Shin Bet d’une démocratie dirigé par un fasciste déclaré. Zini ternit leur image de « nos meilleurs garçons ». Cela pourrait éveiller chez eux le soupçon que le Shin Bet est en réalité une organisation antidémocratique. Zini empêchera le camp libéral de se complaire dans l’image de la seule démocratie de la région.

Un colon religieux extrémiste à la tête de la Securitate éclairée ? Nadav Argaman et Ronen Bar étaient tellement plus « beaux ». Ils étaient libéraux, comme nous. Mais ils ont infligé aux Palestiniens exactement ce que Zini fera. Peut-être que c’est Zini, enfin, qui suscitera une protestation publique contre le mode d’action du Shin Bet ?

Nos beaux et bons enfants et frères détruisent actuellement Gaza. Bezalel, le frère animé de valeurs de Zini, contribue de ses propres mains et de ses bulldozers à cette démolition massive. L’épouse de Zini, Naomi, pense que détruire des maisons à Gaza est une mitsva, un devoir religieux, et que la guerre à Gaza est une « renaissance nationale ». Cela paraît horrible, mais aucun véritable choc devant la destruction n’a été documenté en Israël ; il ne faut simplement pas le faire comme une mitsva, comme si cela changeait quoi que ce soit.

Le frère du conducteur de bulldozer à Gaza va être nommé chef du Shin Bet, avec pour objectif de poursuivre le nettoyage ethnique et le génocide en Cisjordanie également. Personne n’est plus qualifié.

Mais la dystopie de Zini est déjà parmi nous depuis longtemps. Quand elle se manifeste sans kippa, sans récitation de phrases religieuses ou sans accomplissement de mitsvot bizarres, elle est accueillie avec indifférence en Israël. Le ministre de la Défense se vante de la démolition d’un immeuble de grande hauteur à Gaza et menace d’ouvrir les portes de l’enfer ; au mieux, il apparaît comme un personnage pathétique dans une émission satirique télévisée. Peut-être que lorsque ce sera fait au nom de Dieu, nous finirons par nous réveiller et nous y opposer.

En attendant, nous sommes tous des Zini, avec ou sans la composante messianique.

07/09/2025

GIDEON LEVY
Avi Bluth, le “général de bain de sang” en Cisjordanie est le visage moral d’Israël

Gideon Levy, Haaretz, 28/8/2025

Traduit par Tlaxcala

L’Oberkommandant Avi Bluth, chef du commandement central de l’armée, a décidé de leur montrer de quel bois il se chauffe. Avec sa kippa militaire de guingois, son éloquence à glacer le sang, son arrogance sans limites et ses deux poids-deux mesures moraux malsains, il a ordonné la mise en œuvre d’« opérations de remodelage » afin de « dissuader tout un chacun, tout village qui oserait lever la main contre l’un des résidents ».


Les “résidents” en question sont les colons qui commettent quotidiennement des pogroms. En ce qui concerne Bluth, il n’a aucune obligation de défendre qui que ce soit en Cisjordanie, à part les voyous des avant-postes des colonies. « Nous savons comment installer un projecteur », a menacé le général de division à l’adresse des Palestiniens qui « lèvent les mains » alors qu’ils tentent avec leurs dernières forces de défendre ce qui leur reste de la terre qui leur a été volée sous les auspices et avec l’encouragement de Bluth.

Je ne sais rien des “projecteurs”, mais je m’y connais un peu en droit international. Bluth a ordonné à ses soldats de se livrer à des punitions collectives, ce qui constitue un crime de guerre. Si tel est le cas, Bluth est un criminel de guerre qui devrait être extradé vers la Cour pénale internationale de La Haye. Lorsque l’éditeur du Haaretz, Amos Schocken, a exprimé cette vérité évidente, les réseaux sociaux se sont enflammés. Mais lorsque Bluth a fait sa déclaration choquante, les réseaux sociaux sont restés silencieux.

Les propos de Bluth pourraient sembler plus appropriés en allemand – “opérations de remodelage”, “projecteur”, “ chasse”. Mais ils sont tout aussi clairs en hébreu. « Ils subiront des couvre-feux, ils subiront un encerclement et ils subiront des opérations de remodelage », a-t-il déclaré. Tout cela parce qu’un colon a été légèrement blessé par balle alors qu’il conduisait un quad sur des terres volées.


Je me trouvais à Al Mughayyir cette semaine et j’ai vu le résultat de l’« opération de remodelage » menée par Bluth : 3 100 arbres, des oliviers pour la plupart, avaient été abattus et gisaient désormais éparpillés sur le sol. Il est impossible d’être quelqu’un qui aime la terre, quelqu’un qui aime les autres ou tout simplement un être humain et de ne pas être choqué par ce spectacle, à quelques semaines seulement de la récolte des olives. Il est également impossible d’ignorer le contexte qui a conduit à cette attaque.

Sous le couvert de la guerre à Gaza, Al-Mughayyir a perdu toutes ses terres – 43 000 dunams [4 300 hectares] – à l’écart de la zone construite du village. Bluth a permis la construction de 10 avant-postes sauvages tout autour du village et a laissé des colons violents imposer un règne de terreur aux habitants, au point que ceux-ci ont peur de sortir pour travailler leurs terres.

Aujourd’hui, il autorise les voyous à construire des routes illégales menant à leurs avant-postes afin de leur faciliter les attaques contre le village. Sous le commandement de Bluth, deux pogroms se sont soldés par la mort de Palestiniens tués par les tirs de l’armée. Personne n’a été jugé pour ça.

Mais Bluth ne « braquera pas un projecteur » ni ne mènera « d’opérations de remodelage » contre ceux qui « lèvent vraiment la main » contre les autres : les colons. Lui et eux viennent du même village, ont les mêmes cheveux et portent bien sûr les mêmes kippas inclinées avec désinvolture.

Lorsque vous nommez un officier comme Bluth à la tête du Commandement central, vous confiez cette fonction à quelqu’un qui est l’assistant des colons. Certes, les colons ont également intimidé tous les précédents chefs du Commandement central. Mais c’est plus facile lorsque le poste est occupé par un diplômé de la yeshiva pré-militaire de la colonie d’Eli et ancien résident de la colonie de Neveh Tzuf [avec un master en réflexion stratégique obtenu à l'United States Army War College, en Pennsylvanie, NdT]. Comment Bluth a-t-il pu rester impassible lorsqu’il a parlé des personnes « levant la main » et de la punition collective qu’elles méritent ?

Pourquoi ne pas punir les vrais criminels, ceux qui vivent dans ces repaires de malfaiteurs que sont les avant-postes ? Comment peux-tu dormir la nuit, Bluth, avec cette morale raciste ?

Mais c’est ce que Bluth a appris à Eli : que les Juifs sont les seigneurs de la terre. Les colons ont le droit de brûler, détruire, déraciner et assassiner à leur guise. Les Palestiniens, considérés comme des Untermenschen, n’ont le droit de rien faire : ils ne peuvent pas quitter leurs villages, travailler en Israël, récolter leurs olives, et parfois même respirer. Tel est le sionisme de Bluth. Et tel est le sionisme de l’armée dont Bluth est le visage.

Chaque personne a un nom, qui lui est donné par Dieu. Le nom de famille Bluth signifie “sang” en allemand [et en yiddish, NdT]. Ce général de bain de sang est désormais devenu le visage de la Cisjordanie et l’image morale de tout le pays. Peut-être sera-t-il nommé pour commander le prochain génocide, après Gaza.

 

05/09/2025

GIDEON LEVY
Las capuchas negras del ejército israelí no alcanzan a tapar sus crímenes de guerra en Gaza

Gideon Levy, Haaretz4/9/2025
Traducido por Tlaxcala

Israel se cubre la cara: por vergüenza, tal vez, por culpa, por miedo… seguramente por las tres razones. La nueva moda es que los oficiales entrevistados en televisión aparezcan con capuchas negras. El “ejército del pueblo” se transformó en el ejército de las capuchas


El teniente coronel T., comandante de un batallón de reserva, asegura que la participación de los reservistas es «impresionante»; el mayor S., segundo al mando de otro batallón de reserva, dice: «Dejé a una esposa valiente sola en casa con tres hijos que retomaron sus rutinas, y un negocio que quedó en pausa. Aun así, entendemos que estamos en una misión importante». Los dos aparecen con capuchas negras. Parecen ladrones de banco a punto de dar un golpe: solo se les ven los ojos. Las capuchas entregadas por el ejército reemplazaron a la clásica media de nylon de los rateros. Algo, o alguien, necesita ser ocultado.

Los primeros en disfrazarse, como siempre, fueron los pilotos de la Fuerza Aérea. En cada entrevista aparecían con su imponente casco y lentes oscuros, para que nadie los reconociera. Al principio, el miedo era que, si uno caía en medio de la noche, sus captores lo identificaran por una entrevista televisiva. Con casco y lentes podía alegar que solo era un sargento de escritorio o que estaba en contra de los bonos militares. Pero con el aumento de los crímenes cometidos por los pilotos en Gaza, el disfraz adquirió otra función clave: evitar que nuestros “héroes” fueran identificados en La Haya, donde ya saben perfectamente lo que hacen los pilotos.


Los escoltas del primer ministro y de algunos ministros también se sumaron hace poco a esta farsa de misterio, ocultamiento y autoiengrandecimiento. Usan mascarillas quirúrgicas negras, agregando otra capa a un espectáculo ya grotesco: decenas de guaruras rodeando con agresividad a una sola persona, con una seriedad absurda. Ahora no solo los protegidos, sino también los guardias mismos se vuelven “objetivos sensibles”. Súmales las sirenas aullando y las caravanas interminables, y tenemos una república bananera hecha y derecha. Las mascarillas negras son la cereza del pastel. Si antes los guardias parecían lo mejor de lo nuestro, con esos tapabocas negros ya parecen matones de la mafia. Quizá ese sea el objetivo.

Pero las nuevas capuchas militares y los disfraces de los escoltas no son solo una caricatura de soberbia; también reflejan una realidad más amplia. Algunos oficiales de reserva que esta semana entran a Gaza lo hacen sabiendo que se espera de ellos que cometan crímenes de guerra atroces. Y aun así se presentan. La capucha se supone que les facilita el trabajo: dice que tienen algo que esconder y algo que temer.

El ladrón armado que se lanza a su golpe más grande sabe que lo que hace es ilegal, inmoral y peligroso; por eso se cubre la cara. Lo mismo con los oficiales que entran a Gaza. Quizá unos pocos se sientan avergonzados por sus actos, pero es muy dudoso – al igual que los ladrones, no suelen sentir vergüenza: la mayoría solo teme ser atrapada. El miedo a La Haya ya cayó sobre el ejército, y con razón.

Aunque ese miedo tampoco es del todo fundado. La justicia en La Haya se mueve con una lentitud desesperante. Para cuando determinen si hay un genocidio en Gaza, ya no quedará nadie allí. Y Benyamín Netanyahu no será extraditado, pese a la orden de arresto de la Corte Penal Internacional. Aun así, el hecho de que los oficiales usen capuchas muestra que dentro del ejército hay conciencia de que algo anda mal y que hay que tener cuidado. No cuidado con lo que hacen, sino cuidado para que no los atrapen por lo que hacen.

Un ejército que viste a sus oficiales con capuchas negras es un ejército que sabe que comete crímenes, aunque no lo confiese. Al final, hasta quienes miran a esos oficiales disfrazados acabarán reconociéndolo.

GIDEON LEVY
Les cagoules noires de l’armée israélienne ne peuvent pas masquer ses crimes de guerre à Gaza

Gideon Levy, Haaretz4/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Israël se couvre le visage : par honte, peut-être, ou par culpabilité, ou par peur, et sans doute pour les trois raisons à la fois. La nouvelle tendance consiste pour les officiers interrogés à la télévision à cacher leur visage sous des cagoules noires. L’armée du peuple est devenue l’armée des cagoules.


Le lieutenant-colonel T., commandant de bataillon dans la réserve, affirme que le taux de mobilisation des réservistes est « impressionnant » ; le commandant en second du bataillon de réserve, le major S., déclare : « J’ai laissé une épouse courageuse seule à la maison avec trois enfants qui ont retrouvé leur routine et une entreprise mise en pause. Néanmoins, nous comprenons que nous sommes en mission importante. » Tous deux apparaissent cagoulés de noir. Ils ressemblent à deux braqueurs de banque prêts pour un coup ; seuls leurs yeux sont visibles. Les cagoules fournies par l’armée ont remplacé le bas nylon classique des cambrioleurs. Il y a sans doute quelqu’un, et quelque chose, à dissimuler.

Les premiers, comme toujours, furent les pilotes de l’armée de l’air. Dans chaque interview, ils portaient le casque impressionnant ainsi que des lunettes noires, de peur d’être reconnus. Au départ, la crainte était que si un pilote s’éjectait en pleine nuit, ses ravisseurs ne l’identifient grâce à une apparition télévisée. Grâce au casque et aux lunettes, il pourrait prétendre n’être qu’un simple sergent de bureau, ou être opposé aux primes militaires. Mais avec l’augmentation des crimes commis par les pilotes à Gaza, le déguisement a pris une fonction supplémentaire cruciale : éviter que nos « héros » soient identifiés à La Haye, où l’on sait très bien ce que font ces pilotes.


Les gardes du corps du Premier ministre et de quelques ministres se sont récemment joints à cette mascarade de mystère, de dissimulation et d’auto-magnification. Ils portent des masques chirurgicaux noirs, ajoutant une dimension supplémentaire à un spectacle déjà grotesque : celui de dizaines de gardes du corps se pressant avec agressivité autour d’un seul individu, avec un sérieux solennel. Désormais, ce ne sont plus seulement les protégés, mais aussi les gardes eux-mêmes qui deviennent des cibles sensibles. Ajoutez les gardes masqués aux sirènes hurlantes et aux cortèges interminables, et nous avons une république bananière certifiée. Les masques chirurgicaux noirs en sont la cerise sur le gâteau. Si, auparavant, ces gardes semblaient être nos meilleurs éléments, affublés de noir ils ressemblent eux aussi à des hommes de main de la mafia. Peut-être est-ce le but recherché.

Mais les nouvelles cagoules militaires et les accoutrements des gardes du corps ne sont pas seulement une caricature d’importance déplacée ; ils reflètent aussi une réalité plus large. Au moins certains officiers de réserve qui entrent cette semaine dans Gaza le font en sachant qu’ils sont censés commettre d’horribles crimes de guerre. Et pourtant, ils se présentent au service. La cagoule est censée leur faciliter la tâche. Elle dit qu’ils ont quelque chose à cacher et quelque chose à craindre.

Le braqueur armé qui part pour son plus gros coup sait que ce qu’il fait est illégal, immoral et dangereux ; c’est pourquoi il enfile un bas nylon. Il en va de même pour les officiers pénétrant dans la bande de Gaza. Peut-être que quelques-uns éprouvent de la honte pour leurs actes. C’est très douteux – les braqueurs, eux non plus, n’ont pas honte : la plupart ont juste peur d’être attrapés. La peur de La Haye s’est abattue sur l’armée, et à juste titre.

Non pas que cette crainte soit pleinement fondée. Les rouages de la justice à La Haye tournent avec une lenteur insupportable. Le temps qu’ils déterminent si un génocide est en cours à Gaza, il n’y aura plus personne là-bas. Et Benjamin Netanyahou ne sera pas extradé, malgré le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Pourtant, le simple fait que les officiers portent des cagoules suggère qu’il existe, au sein de l’armée, une compréhension implicite que quelque chose ne va pas et qu’il faut se montrer prudent. Non pas prudent dans leurs actes, mais prudent afin de ne pas être pris à cause de ces actes.

Une armée qui affuble ses officiers de cagoules noires est une armée qui sait qu’elle commet des crimes, même si elle ne l’admet pas. Finalement, même ceux qui regardent ces officiers déguisés finiront par le reconnaître.

03/09/2025

GIDEON LEVY
Una moral selectiva inadmisible : por qué el movimiento de protesta por los rehenes en Israel ignora a los palestinos en Gaza

Una protesta moral lucharía contra el genocidio al mismo tiempo que exigiría la liberación de los rehenes, porque no se puede escapar a las cifras: 20 rehenes vivos y más de 2 millones de palestinos cuya vida es un infierno
Gideon Levy, Haaretz, 31-8-2025
Traducido por
Tlaxcala

 Familiares de rehenes israelíes y manifestantes levantan fotos y banderas durante una protesta antigubernamental que exige acciones para asegurar la liberación de israelíes retenidos por militantes palestinos en la Franja de Gaza desde el 7 de octubre de 2023, cerca del kibutz Beeri, próximo a la frontera oriental con Gaza, el 20 de agosto de 2025. Foto : Ahmad Gharabli/AFP

Israel está gobernado por un gobierno cruel y un primer ministro sin corazón, como nunca se había visto aquí [Ben Gurión, Golda Meir, Menachem Begin, Shimon Peres e Itzhak Rabin tampoco estaban mal, NdT]. Las vidas humanas, sean de gazatíes, rehenes o soldados israelíes, no le interesan a este gobierno. Masacra a los habitantes de Gaza y abandona a rehenes y soldados con la misma indiferencia.
En su contra se levanta un pequeño movimiento extraparlamentario, humano y valiente, que valora todas las vidas humanas por igual.
Entre ese pequeño grupo y el gobierno malvado está el pantano centrista La mayoría lucha contra la creciente pérdida de humanidad y el engaño que exhibe el gobierno. La gente de este campo se conmueve con cada video, pierde el sueño por el destino de los rehenes famélicos y de los soldados muertos. Pero cuando escuchan informes de una masacre atroz en un hospital, bostezan, desinteresados.



[Poquísimas]] manifestantes sostienen [pequeños] carteles con la inscripción “Stop Gaza Genocide”» en Tel Aviv el sábado por la noche.
Photo Moti Milrod

Son mejores que el gobierno y sus seguidores. Son humanos y solidarios, pero solo de manera selectiva. No existe la media moral. Así como la moral de doble rasero no es moral, tampoco lo es la moral a medias. Es lo opuesto a la verdadera moral. Así son los de este campo. Se preocupan por la vida de 20 rehenes mientras ignoran que su país mata en promedio a 20 inocentes por hora.

Para ellos, la humanidad se detiene en las fronteras de la nacionalidad. No dejarán piedra sin remover para ayudar a un israelí, pero apartan la mirada, desinteresados, ante un palestino cuyo destino suele ser mucho peor. Se indignan por la frialdad de Benjamín Netanyahu, pero la suya no es menos evidente. Cuando se trata de palestinos, muestran la misma crueldad y el mismo corazón helado.

Es difícil entender este fenómeno, que ha llegado a su punto más bajo durante la guerra actual. ¿Cómo puede uno conmoverse al ver al rehén hambriento Evyatar David y encogerse de hombros, o incluso alegrarse, ante los asesinatos en las colas para conseguir comida? ¿Cómo puede uno horrorizarse por el asesinato de la familia Bibas y al mismo tiempo mostrar desinterés por los 1.000 bebés y 19.000 niños muertos por el ejército israelí, o por los 40.000 huérfanos de Gaza?

¿Cómo puede uno perder el sueño por los túneles de Hamás y no interesarse por lo que ocurre en los centros de detención de Sde Teiman o Megiddo, para nuestra vergüenza? ¿Cómo es posible? ¿Cómo se puede exigir visitas de la Cruz Roja para los rehenes sabiendo que Israel impide esas visitas a miles de palestinos secuestrados?

Es humano y comprensible preocuparse primero por la propia gente. Pero mostrar total indiferencia hacia los miembros de la otra nación, masacrados por decenas de miles, con su país destruido ante nuestros ojos por nuestras propias manos, convierte a muchas de las buenas personas que se manifiestan en calle Kaplan y en plaza de los Rehenes en personas inhumanas ellas mismas.


Palestinos lloran frente al hospital Shifa de Ciudad de Gaza, donde se trasladaron los cadáveres antes de sus funerales el viernes.
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Bashar Taleb/ AFP

Para ellos – y algunos lo dicen abiertamente – Israel debe hacer todo para liberar a los rehenes, y luego puede volver a la guerra, al genocidio y a la limpieza étnica. Lo principal es que los rehenes sean liberados. Esto no es moral ni humanidad. Es un ultranacionalismo abyecto.

Considerar a los seres humanos – niños, personas con discapacidad, ancianos, mujeres y otros indefensos – como polvo, como personas cuyo asesinato y hambre son legítimos, cuyos bienes no valen nada y cuya dignidad no existe, equivale a ser Netanyahu, Ben-Gvir y Smotrich.

Frente al mal absoluto, hay que defender la humanidad absoluta, que casi no existe en Israel. El refugio moral de colgar un lazo amarillo en la puerta del coche y la aparente muestra de preocupación por los rehenes no es un refugio ni constituye moralidad. Incluso un extremista ultranacionalista hueco como el periodista Almog Boker, que sabe que «no hay personas inocentes en Gaza», quiere la liberación de los rehenes. Esto no lo hace menos ultranacionalista ni menos vil, ni siquiera por un momento.

El poder moral del movimiento de protesta es solo parcial debido a su carácter selectivo. Si fuera plenamente moral, su principal preocupación sería la lucha contra el genocidio, junto con la campaña por la liberación de los rehenes. Su lucha no se vería disminuida; su validez moral solo se fortalecería. No se puede escapar a las cifras: 20 rehenes vivos y más de 2 millones de palestinos cuya vida es un infierno. El corazón no puede dejar de estar con ambos.