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23/04/2023

ALLISON KAPLAN SOMMER
Pourquoi Netanyahou a choisi une “fière raciste” pour représenter Israël à New York

Allison Kaplan Sommer,  Haaretz, 20/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Si elle avait choisi une autre voie politique, May Golan - la députée d’extrême droite du Likoud à la Knesset que le Premier ministre Benjamin Netanyahou veut nommer consule générale à New York* - aurait pu être considérée par la plupart des Israéliens comme une figure de Cendrillon inspirante : une jeune femme défavorisée qui a réussi.

May Golan et Itamar Ben-Gvir au poste de police de Kafr Qasem en 2021. Photo Moti Milrod

Golan, 36 ans, a commencé son parcours au plus bas de l’échelle socio-économique israélienne, élevée par une mère célibataire dans l’un des quartiers les plus pauvres du sud de Tel-Aviv, gangrené par la drogue et la criminalité.

Elle a fait irruption dans la conscience publique à un jeune âge, en apparaissant à la télévision à une heure de grande écoute en 1996 en tant qu’invitée âgée de 10 ans. Lors de cette émission, elle a parlé de sa vie et a ensuite été sélectionnée pour fréquenter une école secondaire prestigieuse de l’autre côté de la voie ferrée, dans le nord de la ville. C’est là, a déclaré Golan, que sa volonté de devenir une femme politique a été marquée de manière indélébile par le racisme auquel elle a été confrontée de la part de ses camarades de classe ashkénazes privilégiés, qui la “détestaient” et lui “faisaient vivre un enfer”, la qualifiant de “sale et contaminée”. [sa mère est née en Irak, NdT]

Cette expérience n’a cependant pas déclenché de sympathie pour tous les éléments des classes opprimées, et l’a lancée dans la direction de Marjorie Taylor Green [blondasse facho, représentante de Géorgie au Congrès US, NdT] plutôt que dans celle d’Alexandria Ocasio-Cortez [brunette hispanique, membre socialiste démocrate du Congrès]

Lorsque les caméras filment les cris rauques des membres likoudniks de la Knesset attaquant l’opposition, Golan est souvent au centre, augmentant parfois les insultes avec des sons d’animaux - comme lorsqu’elle s’est mise à glousser et à traiter sa collègue députée de “poule caquetante”.

Il y a dix ans, Golan s’est fait un nom en tant que jeune opposante très active sur les réseaux sociaux à ce qu’elle appelait “l’infiltration” de son quartier par des demandeurs d’asile originaires du Soudan et de l’Érythrée. Elle les a qualifiés de violeurs, de voleurs et de “groupe terroriste à tous points de vue” dans ce qu’elle a présenté comme une bataille pour son quartier contre les demandeurs d’asile et les “groupes gauchistes” qui les soutiennent.

Golan a rapidement fait cause commune avec les franges les plus extrêmes de la droite politique, d’abord avec les militants qui allaient devenir le parti Otzma Israel - dont l’actuel ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et ses comparses encore plus à droite, Baruch Marzel et Michael Ben-Ari - où elle a été placée au 10e  rang sur leur liste pour la Knesset en 2013.

Lors d’un rassemblement contre les réfugiés, elle s’est exclamée : « Si je suis raciste pour préserver ma vie, alors je suis fière d’être raciste ». Elle a également déclaré qu’elle ne mangerait pas dans un restaurant qui emploie des travailleurs africains parce qu’ « un infiltré sur trois a le sida ou la tuberculose ». Elle a en outre déclaré que ce fut un “grand honneur” de prendre la parole lors d’un rassemblement à la mémoire du rabbin Meir Kahane et que “le fait d’être qualifiée de kahaniste ne m’insulte pas le moins du monde”.

Sans abandonner ses opinions extrêmes, elle est passée d’Otzma Yehudit au camp droitier et populiste du Likoud et est entrée à la Knesset en 2020. Récemment, elle a été nommée à la tête d’un nouveau ministère pour la promotion de la femme, ce qui a suscité l’hostilité des féministes. La législatrice a en effet déclaré que “le féminisme radical est un mouvement de haine” et a voté contre une loi visant à aider les victimes de viol et à protéger les femmes de la violence domestique. TikTok a retiré la vidéo d’un discours dans lequel elle attribuait aux décisions de la Cour suprême israélienne concernant les demandeurs d’asile le viol d’une jeune femme à Tel-Aviv, qualifiant le pouvoir judiciaire de « dictature la plus dangereuse qui soit dans cette fausse démocratie dans laquelle nous vivons ».

En l’envoyant à New York pour remplacer Asaf Zamir - le précédent consul général qui a démissionné pour protester contre la “révolution judiciaire” - Netanyahou cherche apparemment à soulager un mal de tête politique. Nommer Golan enlèverait un soldat politique au camp du Likoud qui fait pression sur lui pour qu’il ne fasse pas de compromis sur la refonte judiciaire complète qui déchire Israël, en dépouillant la cour qu’elle méprise tant d’une grande partie de son pouvoir.

Mais le message le plus fort, si Golan est nommée, ne sera pas un message de politique intérieure, il reflétera la façon dont. Netanyahou considère les relations d’Israël avec le camp démocrate usaméricain qui domine la région desservie par le consul général de New York - et auquel appartient la grande majorité des juifs usaméricains.

Golan parle couramment l’anglais, comme le soulignent ses défenseurs.

Mais son aisance n’a aucune chance de jeter des ponts avec le grand nombre d’USAméricains - juifs et non juifs - qui regardent l’Israël de Netanyahou avec un niveau croissant de détresse et d’inquiétude.

NdT
* Selon les médias israéliens, Netanyahou aurait finalement renoncé à nommer May Golan consule à New York, pour calmer l’indignation suscitée parmi les notables juifs et démocrates de New York et effacer la grimace saluant sa décision à Washington

14/04/2023

GIDEON LEVY
Qu'est-ce qui attend Israël après les protestations ? Le gantzisme
On prend les mêmes et on recommence

Gideon Levy, Haaretz, 13/4/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À la fin de la grande protestation, Benny Gantz sera élu Premier ministre et on parlera à juste titre d'un succès grandiose, fatidique, peut-être même historique - le coup d'État judiciaire sera contrecarré et Benjamin Netanyahou et la droite seront vaincus.

Le chef du Parti de l'unité nationale, Benny Gantz, lors de la manifestation anti-Netanyahou à Jérusalem, samedi dernier. Photo : Ohad Zwigenberg

En effet, la protestation ne doit pas être prise à la légère. Les signes de son succès se sont déjà reflétés dans les sondages, comme celui, spectaculaire, de Canal 13. La chute du Likoud à 20 sièges à la Knesset [32 actuellement, NdT] dans les sondages pourrait annoncer la fin de son règne : l'ascension météorique de Gantz pourrait signifier que son étoile est montée au firmament. Des mois de protestations civiles efficaces prendront fin avec un Benny Gantz Premier ministre. Il n'y a pas de plus grand succès à l'horizon.

La majorité absolue des manifestants serait très heureuse de ce résultat. Gantz n'est peut-être pas exactement celui qu'ils voulaient, mais il est certainement exactement ce qu'ils voulaient.

Gantz, c'est la réconciliation, le retour à un Israël "normal", "sain", "représentatif", celui qui avait "sombré", qui avait été si beau et si agréable. Gantz, c'est le retour à la paix et à la tranquillité que les bons Israéliens avaient tant souhaitées ces dernières années, les années sous le pilonnage incessant du compresseur.

Gantz, c'est la fin de Netanyahou, et que peuvent désirer de plus les manifestants. La grande malédiction aura été levée et Israël redeviendra ce qu'il était.

Mais une protestation qui se termine par un retour à la routine est une protestation terriblement malavisée, une petite manifestation de petit épicier. Une protestatio, qui se termine uniquement par le rétablissement de l'ordre antérieur ne peut que laisser un goût amer et de la frustration. Gantz rétablira l'ordre, mais cet ordre, pour commencer, était un ordre pourri et malade.

Gantz mettra en place un gouvernement central, avec ceux-ci et ceux-là, les choses reprendront leur cours, Tsahal redeviendra une "valeur" dans le code moral de l'État. Israël redeviendra représentatif, respectable, comme tous les manifestants l'avaient tant souhaité.

Itamar Ben Gvir recommencera à détruire les étals des vendeurs à Hébron, Bezalel Smotrich continuera à se languir d'une seconde Nakba et le mauvais vieil Israël sera de retour.

Il y avait une aberration sous la forme d'un gouvernement d'extrême droite, il a été écarté grâce à la protestation, le désastre a été évité et maintenant tout va être si beau.

Gantz sera le héros du camp de la paix, Yair Lapid le héros de la démocratie, la Cour suprême le phare de la justice et bien sûr, Avigdor Lieberman, ne l'oublions pas, le héros des lumières.

Une image a démontré tout cela plus que mille mots. La présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, a assisté à un concert du Gevatron marquant le 75e anniversaire du chœur, et le public s'est levé pour applaudir l'héroïne de sa classe sociale.

Que manque-t-il à ce moment ? Le lieu est l'auditorium Mann, le spectacle est la Mer des gerbes et le public est approprié. On ne peut imaginer un mélange plus représentatif du camp de ceux qui aspirent à un retour à la normale, qui est le cœur du camp protestataire.

La présidente de la Cour suprême y est reçue comme une rock star comme elle n'en a jamais rêvé, pas même dans ses jeunes années en tant qu'Esti Avni de la Fanfare du Commandement central (de l’armée). Si elle s'était présentée contre Gantz, elle l'aurait peut-être même battu.

La soif de "normalité", réelle ou imaginée, est désormais le mot d'ordre. Même un président de cour plutôt terne, à la tête d'une institution sans un seul vrai juge libéral ou de gauche, est aujourd'hui le désir le plus cher des personnes en quête de normalité.

Et quelle est cette normalité à laquelle tout le monde aspire aujourd'hui ? Une plaie ethnique profonde et saignante qui s'est encore élargie.

Un militarisme profondément ancré dans la société, dont la profondeur n'a fait que croître avec les manifestations.

Une société dont l'exclusion des Arabes n'a été qu'accentuée par la protestation.

Un État dont le budget de défense est démesuré, au détriment de tout le reste.

L'État le plus religieux du monde occidental, qui ne connaît pas la séparation entre l'État et la religion.

Une Cour suprême qui est la plus grande légitimatrice de l'occupation.

Un projet de colonisation - mis en place par la gauche et le centre et développé par la droite - qui n'est rien d'autre qu'un grand crime de guerre permanent.

Des dizaines de milliers de demandeurs d'asile qu'Israël maltraite de façon scandaleuse, et de plus en plus de fléaux et de maladies que le gantzisme ne songe même pas à soigner.

C'est de cela que nous rêvons. C'est à cela que nous voulons revenir.

Esther Hayut aujourd'hui...

 

...et quand elle chantait comme Esti Avni dans la Fanfare du Commandement central (au centre)



08/02/2023

HILO GLAZER
La procureure générale d’Israël ne va pas reculer la première

Hilo Glazer, Haaretz, 3/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Israël est à la veille d’une épreuve de force fatidique, et tous les regards sont tournés vers la procureure générale. Tous ceux qui connaissent l’histoire de la carrière de Gali Baharav-Miara savent ce qu’elle va faire ensuite.

La Procureure générale Gali Baharav-Miara

Dans la liste des choses qui donnent des nuits blanches à la procureure générale Gali Baharav-Miara, la possibilité qu’elle soit démise de ses fonctions arrive en dernière position. L’impression des personnes qui ont parlé avec elle ces dernières semaines est qu’il y a des affaires qu’elle trouve bien plus inquiétantes. Surtout celles qui ne relèvent pas de son influence directe. La destitution des juges, par exemple. Cela, prévient-elle, serait un cadeau qui permettrait aux auteurs de la “réforme” de la justice du gouvernement de modifier le visage de la Cour suprême de manière méconnaissable.

Une autre source d’inquiétude est la possibilité croissante de la fermeture de la Société publique de radiodiffusion Kan. Pour l’instant, cette question n’a pas encore atterri sur son bureau, mais Baharav-Miara signale que le jour où des pétitions seront déposées contre cette fermeture, et si elle est convaincue qu’il s’agit d’une décision arbitraire motivée par des considérations étrangères, elle n’hésitera pas à agir contre elle.

Ayant un esprit analytique, Baharav-Miara dit à son personnel qu’elle est surtout préoccupée par les statistiques. Plus précisément, elle craint que la campagne éclair menée par les responsables du coup d’État ne porte ses fruits sur des fronts qui échappent au radar et ne sont pas soumis à l’examen du public. Et il ne s’agit pas d’une préoccupation abstraite : elle note que le gouvernement n’a jusqu’à présent dévoilé qu’une seule des quatre étapes de sa prétendue réforme et qu’il dissimule le reste de son plan de changement de régime. Dans des conversations privées, elle compare la situation à un avion de guerre qui est censé larguer une bombe de 100 tonnes, mais qui transporte en réalité une bombe de 500 tonnes.

Le sol brûle sous les pieds de la procureure générale. Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir tente de la dépeindre comme l’ennemie du peuple. Des manifestants de droite demandent qu’elle soit “neutralisée”. Le flot de demandes initial pour son licenciement pendant la récente campagne électorale s’est transformé en un véritable raz-de-marée, grâce aux encouragements de hauts responsables du gouvernement. Pour l’heure, la menace consiste à limiter à une année supplémentaire son mandat, qui a débuté en 2022 après six ans passés dans le privé. La coalition semble préparer un dossier pour son éviction, et est à tout le moins déterminée à lui pourrir la vie au point qu’elle soit contrainte de démissionner.

Mais à ce jour, Baharav-Miara tient bon et affiche une colonne vertébrale de fer, en déclarant à la population qu’elle a l’intention d’aller jusqu’au bout de son mandat de six ans comme prévu ; quiconque tente de la renvoyer devra payer le prix public que cela implique. Elle est convaincue que les ondes de choc qui en résulteront seront ressenties puissamment, loin et largement, y compris sur la scène internationale. En outre, dit-elle à ses proches, je sais une chose ou deux sur la survie.

Une liste impressionnante de personnes a recommandé Baharav-Miara pour le poste de procureur général. « J’ai eu l’impression qu’elle est professionnelle, déterminée et qu’elle adopte des opinions claires », déclare à Haaretz Dorit Beinisch, présidente de la Cour suprême à la retraite. Menachem Mazuz, autre ancien juge de la Cour suprême et ancien procureur général, se souvient de son impression « qu’elle possède l’attribut le plus important pour le poste : une colonne vertébrale morale ». L’ancienne juge et ancienne procureure générale Edna Arbel fait également partie de ceux qui ont soutenu Baharav-Miara. « Elle a traité une importante affaire de corruption gouvernementale et l’a fait de manière approfondie, ciblée et intègre », dit Arbel. Dans le passé, elle dit avoir également engagé Baharav-Miara pour la représenter dans une affaire de diffamation intentée contre elle.

Une autre personne qui a recommandé Baharav-Miara - l’ancien procureur d’État Moshe Lador - a également fait appel à ses services lorsqu’un procès en diffamation a été intenté contre lui par l’ancien Premier ministre Ehud Olmert, à la suite de commentaires qu’il a faits dans une interview accordée à Haaretz. Lador note qu’il a trouvé en elle « une personne morale, une femme de principes, charismatique et imprégnée du courage qui est si nécessaire dans un moment comme celui-ci ».

Cependant, ces noms prestigieux n’ont guère impressionné le chef du comité de recherche du procureur général, Asher Grunis, ancien président de la Cour suprême. Il s’est opposé, au début de l’année 2022, à la nomination de Baharav-Miara parce qu’il pensait qu’elle n’avait pas l’expérience nécessaire dans les deux domaines les plus importants du poste : le droit public et le droit pénal. Baharav-Miara, qui n’est pas du genre à se vexer, a alors déclaré à ses amis qu’il s’agissait d’un “événement lié au genre”. Sinon, elle estimait qu’il était impossible d’expliquer pourquoi, dans le cas de ses prédécesseurs masculins, personne ne parlait d’un manque d’expérience dans des domaines spécifiques, alors qu’elle, avec un parcours cumulé de 40 ans dans la gestion d’affaires complexes, était effectivement considérée comme inférieure.

Grunis a d’ailleurs soutenu la nomination du procureur général adjoint, Raz Nizri, qui ne figurait même pas sur la liste des candidats sélectionnés. Elyakim Rubinstein, à la fois ancien juge de la Cour suprême et ancien procureur général, a également soutenu publiquement Nizri, malgré son amitié de longue date avec Baharav-Miara.

Asher Grunis, ancien président de la Cour suprême, s’est opposé à la nomination de Mme Baharav-Miara parce qu’il pensait qu’elle n’avait pas l’expérience nécessaire. Baharav-Miara, qui n’est pas du genre à se vexer, a alors déclaré à ses amis qu’il s’agissait d’un incident lié au sexe. Photo : Olivier Fitoussi

« Lorsque sa candidature a été proposée pour la première fois, je l’ai appelée pour lui dire que je la respecte et l’estime mais que je soutiens Nizri », se souvient Rubinstein. « Elle l’a accepté dans un esprit raisonnable et m’a remercié d’avoir été juste. En tout cas, à partir du moment où elle a été nommée, il va sans dire que je la soutiens. À mon avis, elle fait son travail avec dévouement et de manière digne, dans une période évidemment si tendue ».

GIDEON LEVY
Puissent les manifestations anti-Netanyahou réussir. Et après, qu'arrivera-t-il aux Palestiniens ?

Gideon Levy, Haaretz, 5/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La fureur est compréhensible, l'inquiétude justifiée. Il devient de plus en plus clair que l'inquiétude n'est pas exagérée, que l'objectif du plan est de soumettre le pouvoir judiciaire, laissant le pouvoir entre les mains de la branche exécutive du gouvernement, qui en Israël contrôle également la branche législative. Le pays ne ressemblera plus à une démocratie libérale, comme les Israéliens aiment à définir (à tort) leur système de gouvernement. Nous sommes confrontés à une tentative de coup d'État de type hongrois. Par conséquent, la protestation semble justifiée. Je lui souhaite de réussir.

Une manifestante anti-Netanyahou tient une pancarte sur laquelle on peut lire : "Pas de démocratie avec l'occupation" devant la résidence du président à Jérusalem samedi dernier. Photo : Olivier Fitoussi

Tout comme les protestations précédentes, devant la résidence du Premier ministre à Jérusalem, leur seul objectif est de renverser, d'écarter ou d'arrêter une personne ou un processus. A l'époque, c'était “tout sauf Bibi”. Maintenant, c'est “tout sauf un coup d'État”. Aujourd'hui comme hier, il n'y a pas de plan B. Supposons que vous vous débarrassiez de Netanyahou, qui le remplacerait ? Supposons que vous arrêtiez le coup d'État ; qu'est-ce qui viendra à sa place ? Les gens diront : « Occupons-nous d'abord du danger immédiat, puis nous verrons. Une étape à la fois. C'est ce qui est urgent maintenant, ce qui doit pousser tout le reste de côté ».

 

Supposons que les protestations et la pression internationale réussissent au-delà de toute attente et que Netanyahou soit déclaré inapte à servir, que Yariv Levin redevienne ministre du tourisme et qu'Israël redevienne ce qu'il était avant. La Cour suprême conserve son indépendance sans entrave, continuant à légitimer les détentions sans procès, les punitions collectives, les colonies et la déportation des demandeurs d'asile. La procureure générale, Gali Baharav-Miara, recommencera à faire ce qu'elle a fait toute sa vie professionnelle : cette héroïne du mouvement de protestation recommencera à défendre inlassablement l'establishment de la défense, comme le décrit Hilo Glazer dans un article de fond retraçant sa carrière (Haaretz, 3 février, en français ici).

 

Gali Baharav-Miara

 

« Elle a cru à cette position dès le début », dit l'article, en faisant référence à son grand succès dans le rejet d'une poursuite judiciaire clairement justifiée. « Cela correspondait à son programme de protection des soldats des FDI de toutes ses forces ». Le procès a été intenté par la famille de la militante Rachel Corrie, qui demandait des dommages et intérêts après que leur fille eut été écrasée à mort par un bulldozer des FDI dans la bande de Gaza en 2003. Quel grand succès en salle d'audience et quel échec moral pour elle à l'époque, tout comme elle a réussi à disculper le lieutenant-colonel Shalom Eisner dans un autre procès visant à obtenir des dommages et intérêts après qu'il eut été filmé en train d'agresser vicieusement un Palestinien et un manifestant danois. Dans le mémoire de défense de Baharav-Miara, le soldat brutal est devenu une victime.

 

Baharav-Miara a également été responsable du rejet d'une demande de compensation du père de trois filles tuées à Gaza, le Dr Izzeldin Abuelaish, et d'une autre demande de la famille d'une fille tuée à Gaza, sur laquelle on a tiré à nouveau pour s'assurer qu'elle était bien morte. L'avocat des droits humains Eitay Mack a déclaré que l'accusation dirigée par Baharav-Miara a mené une campagne tous azimuts contre ces justes revendications. Le journal Makor Rishon a écrit qu'elle avait pris ces affaires en charge comme un “projet personnel”. C'est la personne que les manifestants encensent. Si elle réussit, elle reviendra en force.

 

Les quelques personnes en Israël qui vivent les crimes de l'occupation ont du mal à se joindre à une manifestation avec ces objectifs et ces héros. Il est vrai que les choses pourraient être pires - le coup d'État diminuera la démocratie - mais comment pouvons-nous continuer à fermer les yeux sur les actes d'Israël lorsque nous luttons pour sa démocratie ?

 

On ne peut pas parler de démocratie pour les Juifs uniquement, ni même pour les seuls citoyens d'Israël. Toute lutte pour la démocratie qui ignore la dictature militaire qui est une partie inséparable des régimes d'Israël n'est pas une manifestation à laquelle on peut se joindre. Le fait que l'on parle enfin de démocratie et que des groupes importants de personnes soient prêts à se battre pour elle est un signe d'espoir. Le respect est dû aux lauréats du prix de la défense d'Israël, aux architectes, aux avocats, aux psychiatres, aux hommes d'affaires et à tous ceux qui agissent. Mais une manifestation qui ne s'intéresse pas au véritable état de la démocratie, qui ne propose aucune alternative au statu quo et qui est incapable d'amener la conversation sur la démocratie à une discussion sur sa véritable signification, la démocratie pour tous, est moralement défectueuse.

 

Bonne chance à vous, mes amis, du fond du cœur. Mais même si vous gagnez, c'est l'apartheid qui restera, pas la démocratie.      

 

 

08/12/2022

GIDEON LEVY
Che Lapid et Benny Guevara

Gideon Levy, Haaretz, 8/12/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Un Israël, complaisant, rassasié, vantard et satisfait de lui-même, appelle à descendre dans la rue. Les places de la ville tremblent d'impatience, les rues s'embellissent : La grande manifestation est en route. Benny Gantz menace de « faire trembler le pays », comme il a un jour menacé le Liban, Yair Lapid menace Benjamin Netanyahou : « Vous n'avez encore rien vu, nous ne faisons que commencer » (Haaretz, 5 décembre). Si c'est ainsi que Lapid commence, la fin est claire : Ho, Che Lapid et Benny Guevara.

Benny Gantz et Yair Lapid à la Knesset, 2019. Photo : RONEN ZVULUN / REUTERS

C'est bien que la société civile s'éveille à l'action. Il est clair qu'il n'y a rien de plus légitime. Même les accusations de la droite selon lesquelles une rébellion est en train de s'organiser sont un non-sens : organiser une rébellion civique est permis, parfois même obligatoire. C'est ainsi que cela se passe dans une démocratie, et dans une dictature aussi : les gens essaient de se rebeller contre ce qui est inacceptable et exaspérant. Un appel aux chefs des autorités locales pour qu'ils ne coopèrent pas avec le gouvernement central est exactement ce qu'il faut faire quand on a le sentiment que le pays est mené vers le bord d'un abîme.

Il n'y a qu'un seul petit problème avec cet esprit combatif qui s'est emparé du camp qui a perdu les élections : comme toujours, il choisit les sujets de la contestation uniquement dans ses zones de confort. Il n'y a jamais de sujets controversés au sein même du camp, et ils ne nécessitent jamais de courage. Avi Maoz en est un excellent exemple. Qui est en faveur de Maoz ? De tous les problèmes qui nous attendent, le camp a choisi le vice-ministre désigné comme sa prochaine poupée vaudou. Bien sûr, c'est un béotien, un fondamentaliste et un raciste, mais est-il la plus grande menace du nouveau gouvernement ?

En Israël, la protestation est une denrée rare, et lorsqu'elle éclate, elle se concentre toujours sur les problèmes qui menacent personnellement les manifestants - le prix du fromage blanc ou des appartements - jamais sur les menaces qui pèsent sur les autres, sur ceux qui sont plus faibles qu'eux.

Les  douces âmes de nos enfants qui étudient dans un système scolaire libéral et de grande qualité seront lésées par le transfert du département de l'enseignement et des partenariats externes à Maoz. Mais le système scolaire aurait dû faire descendre les gens dans la rue bien avant Maoz : c’est un système qui crée des niveaux intolérables d'ignorance. Récemment encore, Israël a été classé à la 74e place dans une enquête mondiale sur les compétences en anglais - bien plus bas que l'Albanie, l'Iran, le Vietnam et le Liban. Quelle honte. Mais c’est Maoz le problème.

On a plus qu'assez écrit sur l'ultranationalisme et le lavage de cerveau dans le système scolaire, et personne n'est descendu dans la rue à cause d'eux. Maintenant, Maoz va tout détruire. Les protestations du camp portent toujours sur ce qu'il n'a pas créé, même si ses années au pouvoir ont donné lieu à tant de problèmes dignes de protestation.

Bezalel Smotrich sera à la tête de l'administration civile - la fin du monde. Une administration civile éclairée et libérale deviendra maintenant myope et raciste. Quelle blague. Il aurait dû y avoir une rébellion contre l'Administration civile d'avant Smotrich, une administration d'occupation brutale et oppressive, qui aurait dû être boycottée.

Mais maintenant ils arrivent parce que le racisme s'appelle Smotrich. Quand il s'appelait Gantz, tout allait bien. Depuis 20 ans, un sous-chef israélien dans un restaurant branché de Tel Aviv ne peut pas rencontrer sa mère, qui vit à une heure et demie de route de chez lui, uniquement parce qu'elle vit à Gaza - bien avant Smotrich - et personne n'a protesté.

Une véritable protestation vient de la base, et se caractérise par la colère ; elle ne naît pas dans les bureaux des politiciens. La frustration de Lapid et Gantz face à leur défaite aux élections n'est pas une raison suffisante pour lancer une protestation. Le pays ne tremblera pas parce qu'une majorité de la nation voulait Netanyahou, et ceux qui ne le voulaient pas sont trop gâtés et rassasiés pour être furieux.

Le pays ne tremblera pas parce qu'il aurait dû trembler il y a longtemps, depuis qu'il a établi son régime d'apartheid. Il n'a jamais tremblé parce que ce régime n'a pas eu le moindre effet sur un Israélien imbu de lui-même, à qui l'on a dit à l'école qu'il vivait dans la seule démocratie du Moyen-Orient, et qui le croit encore aujourd'hui. Si nous ne nous révoltons pas contre ces choses, nous ferions bien de ne pas nous révolter contre Maoz, même s'il est homophobe - pour des raisons d'hypocrisie.

 

 

23/10/2022

GIDEON LEVY
Tout à coup, tout le monde a peur pour la démocratie israélienne

Gideon Levy, Haaretz, 23/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Une vague de sursaut démocratique a frappé Israël avant les élections : tout le monde a peur pour la démocratie.

Le danger ne guette que sur la droite, bien sûr. Le centre-gauche est agité et perturbé. Le pathos fait des heures sup, tout comme les exagérations dramatiques. Nehemia Shtrasler met en garde contre l'assassinat de la démocratie (Haaretz, 21 octobre) ; l'ancien chef du service de sécurité Shin Bet, Yuval Diskin, met en garde contre la guerre civile. Le journaliste Ben Caspit s'écrie : « Un cheveu sépare l'Israël libéral et démocratique d'un gouvernement de Ben-Gvir/Smotrich ». Certaines personnes parlent déjà de quitter le pays après les élections. Soudain, tout le monde craint pour la démocratie.

Des Palestiniens regardent un caterpillar israélien démolir une maison palestinienne à Masafer Yatta, le 25 juillet 2022.Photo : MUSSA ISSA QAWASMA / REUTERS

Soudain, tout le monde craint pour la démocratie dans un pays dont environ la moitié des sujets vivent sous une tyrannie militaire qui compte parmi les plus cruelles du monde. Soudain, tout le monde s'inquiète de l'avenir du système judiciaire, dans un pays où ce système légitime presque tous les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité et défie ouvertement le droit international. Tout à coup, tout le monde s'inquiète de la possibilité de dépénaliser le délit de fraude et d'abus de confiance, dans un pays où le crime de meurtre a été presque entièrement éliminé lorsque le meurtrier est un soldat ou un colon et que la victime est palestinienne. Tout à coup, tout le monde est horrifié par l'extrémisme religieux, dans le pays le plus coercitif sur le plan religieux du monde occidental actuel. Et les gens sont choqués par la possibilité que le procès de Benjamin Netanyahou puisse être annulé, dans un pays où Avigdor Lieberman n'a même pas été jugé, alors que les soupçons qui pesaient sur lui étaient plus graves que ceux qui pesaient sur Netanyahou.

La plupart des personnes qui poussent des cris étaient silencieuses jusqu'à présent. Elles étaient silencieuses face aux crimes de l'occupation et à la menace que ces crimes font peser sur la démocratie. Elles étaient silencieuses face à la légitimation honteuse des crimes par la Cour suprême et les tribunaux militaires, comme si le fait d'être impliqué dans les événements dans les territoires  occupés depuis 1967ne faisait pas partie du système judiciaire en Israël. Elles sont restées silencieuses lorsque les meurtriers et autres criminels n'ont pas été traduits en justice ni même interrogés ; et elles sont restées silencieuses face à l'entreprise de colonisation, la racine du régime d'apartheid israélien - et le plus grand danger pour la démocratie dont les gens s'inquiètent tant aujourd'hui. La plupart d'entre eux sont trop lâches pour appeler ce régime pour ce qu'il est, un État d'apartheid, de peur que cela ne leur porte préjudice, mais ils se battent courageusement pour préserver la loi contre la corruption ; pour eux, supprimer cette loi du code pénal est plus dangereux que toutes les lois d'apartheid réunies.

Démocrates acharnés et déterminés, ils s'éveillent maintenant à la lutte sur le régime. Cela ne se produit que lorsque Netanyahou menace de revenir au pouvoir et qu’Itamar Ben-Gvir est son partenaire. Cela ne se produit que lorsque le feu du danger pour la démocratie lèche leurs vêtements. Tant que les éléments anti-démocratiques ne font du mal qu'aux Palestiniens, le camp libéral et éclairé n'est pas vraiment intéressé. Mais quand le feu s'approche d'eux et menace leurs libertés personnelles, et quand Netanyahou est celui qui l'allume, ils se lèvent pour se battre comme s'ils étaient mordus par un serpent.

Vous vous réveillez maintenant ? Où étiez-vous jusqu'à présent ? L'Israël “libéral et démocratique” est en danger ? Il n'est plus libéral ou démocratique depuis longtemps maintenant, en partie parce que vous avez fermé les yeux. En fait, il ne l'a jamais été. Un pays où il y a toujours eu un régime militaire (à l'exception des quelques mois précédant la guerre des Six Jours de juin 1967) ne peut être considéré comme une démocratie, quel que soit le critère utilisé.

La différence, c'est qu'il s'agit maintenant de Netanyahou, et que le danger pourrait également toucher les Juifs israéliens privilégiés, qui ont jusqu'à présent bénéficié d'une impressionnante démocratie libérale. La lutte pour cela, et pour cela seulement, est un deux poids deux mesures. Lorsque vous parlez du danger existentiel que représente Ben-Gvir pour la démocratie, après avoir ignoré pendant toutes ces années des dangers bien plus graves, vous vous mentez à vous-même. Mais que ne ferions-nous pas pour susciter encore plus de peur de Netanyahou et de Bezalel Smotrich, pour nous sentir les gardiens de la lumière contre ceux qui cherchent à la détruire et pour oublier qui est responsable des véritables dommages causés à la démocratie, et des véritables dangers qui la guettent.

Demandez-vous ce qui est le plus dangereux pour la démocratie : l'abrogation de la loi contre l'abus de confiance, ou le soutien absolu de l'armée aux pogroms des colons ? Qu'est-ce qui menace le plus de la détruire ? Et à qui la faute ? Netanyahou et Ben-Gvir ? Vraiment, eux seuls ?

24/06/2022

GIDEON LEVY
Netanyahou : une histoire différente

Gideon Levy, Haaretz, 22/6/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

On pourrait raconter une histoire différente. L'histoire d'un homme politique qui n'abandonne pas et ne se rend pas, alors que n'importe qui d'autre à sa place aurait abandonné depuis longtemps ; un homme politique dont la peau est plus épaisse que celle d'un éléphant, qui a subi et subit encore une série d'humiliations, de condamnations, de discours alarmistes, d’appels à la haine que peu de gens ont connus, y compris une bataille juridique bâclée dont la conclusion n'est toujours pas claire.

Emad Hajjaj

On pourrait raconter l'histoire d'un homme politique qui n'a pas craqué, malgré tout ce qu'il a traversé ; cela susciterait une immense admiration dans un contexte différent. On pourrait également raconter l'histoire d'un homme qui protège sa famille, qui soutient sa femme contre vents et marées et qui paie un prix public élevé pour cela, ce qui susciterait également l'admiration dans un contexte différent.

On pourrait parler d'un homme politique qui est aimé par un grand pourcentage d'Israéliens, que cela nous plaise ou non. On pourrait parler du camp de ses ennemis, qui est creux, rempli uniquement de sa haine pour lui. On pourrait dire que le gouvernement qui a remplacé le sien ne lui était en rien supérieur, sauf en matière de politesse et de bonnes manières.

En Israël, quiconque est impressionné par la politesse et les manières, et uniquement par elles, est également considéré comme éclairé et libéral. On pourrait parler d'un homme politique qui, en dépit de toutes ces choses, reçoit une majorité décisive dans chaque sondage sur l'aptitude à occuper le poste de premier ministre.

L'étonnante histoire de Benjamin Netanyahou peut également être racontée de cette façon. Mais celui qui raconte l'histoire différemment de ce qui est habituel est, bien sûr, un bibiiste qui est voué au pilori dans le camp de la lumière, l'opposé du camp des ténèbres. La seule lumière est celle de quiconque s'oppose à Netanyahou.

En quoi Netanyahou est-il plus sombre que ses rivaux ? En quoi ses rivaux sont-ils plus éclairés que lui ? En Israël, il n'y a plus besoin d'expliquer. Il suffit de dire Netanyahou, Ben-Gvir et Smotrich. Ce triumvirat va détruire la démocratie israélienne. L'un des régimes les plus éclairés en matière de liberté et d'égalité, deuxième après la démocratie en Islande, est sur le point d'être détruit à cause des trois ténors.

Bezalel Smotrich, d'ailleurs, était déjà ministre, et je ne me souviens pas que le ciel nous soit tombé  sur la tête. Mais attendez Itamar Ben-Gvir au ministère de la Sécurité intérieure. Il ordonnera déjà à la police de donner des coups de pied aux porteurs du cercueil d'une grande journaliste palestinienne, qui a apparemment été tuée par des soldats de Tsahal. Il ordonnera déjà à la police d'attaquer les Palestiniens de Jérusalem et enverra la police des frontières tuer les travailleurs arabes qui osent toucher la barrière qui les emprisonne. Lorsque tout cela se produira, à cause de Netanyahou, bien sûr, la démocratie israélienne sera définitivement détruite. C'est l'histoire que les Israéliens éclairés se racontent.

Maintenant, tout cela va revenir, et avec encore plus de force. Israël n'est divisé que sur une seule chose : entre ceux qui veulent une direction qui leur adoucisse la tyrannie totalitaire dans les territoires occupés, et ceux qui la présentent telle qu’elle est, mauvaise et criminelle.

Avec Netanyahou et Ben-Gvir, nous ne nous sentirons pas bien dans notre peau. Avec Yair Lapid et Omer Bar-Lev, oh, comme nous sommes beaux. Maintenant, tout cela n'est plus théorique et n'est plus un rêve. Nous avons déjà essayé le gouvernement de la lumière qui a régné ici pendant un an. Ses membres mangeaient la bouche fermée et parlaient gentiment ; Miri Regev, David Biton et David Amsalem disparaissaient de l'écran de télévision, comme c'est bien, mais après leur remplacement par Merav Michaeli, Nitzan Horowitz et Mansour Abbas, membres du gouvernement de rêve, les crimes se sont accumulés encore plus qu'avant leur arrivée.

Il n'y a jamais eu de pogroms aussi fréquents ici par les colons, sans que personne ne les arrête ou n'essaie de protéger leurs victimes. Jamais les soldats de Tsahal n'ont tué aussi facilement que sous ce gouvernement du changement. Et ils nous font peur avec Netanyahou. Il va détruire le système judiciaire.

Lequel exactement ? Celui qui est devenu depuis longtemps un méprisable chèque en blanc pour l'occupation ? Qui a besoin d'un système judiciaire indépendant, si sur la question la plus cruciale pour le caractère légal du pays, c'est un système honteux de collaborateurs ? Nous pourrions continuer à dire qu'Israël deviendra antidémocratique si Netanyahou est élu. Cela aide beaucoup de croire que sans lui, Israël, l'occupant et le tyran, est une démocratie. Et c'est tout ce que le camp des détracteurs de Bibi veut ressentir.

 

30/08/2021

GIDEON LEVY
Naftali Bennett, responsable maintenance de l’entreprise Israël

Gideon Levy, Haaretz, 28/8/2021
Traduction par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le responsable maintenance d'Israël est rentré chez lui dimanche après avoir accompli un nouvel exploit : la réunion à la Maison Blanche s'est bien déroulée, avec succès même.


Et même en tenant compte de l'importance absurde et exagérée que les correspondants puérils de Washington ont attribué à ses moindres détails - était-ce dans la salle à manger privée du bureau ovale ou dans la kitchenette, cela a-t-il duré 25 minutes ou 30, est-il déjà un ami de Joe Biden ou non ? - Naftali Bennett s'est bien comporté.

Rien ne s'est passé, il n'y a même pas eu la moindre maladresse. Les déclarations prévisibles ont été prononcées, les grandes promesses ont été faites et le Premier ministre rentrera en Israël sain et sauf, au grand dam des fans de Benjamin Netanyahou, qui n'abandonnent pas un seul instant.

Bennett est certainement susceptible de s'épanouir dans son nouveau poste, mais ce poste est limité : responsable maintenance, rien de plus. L'Israël d'aujourd'hui veut un manager, pas un leader. Après l'ère Netanyahou, la seule chose que les adversaires de Netanyahou veulent, c'est un peu de silence. Ils l'auront. Bennett est fait pour ce travail.

15/08/2021

GIDEON LEVY
On peut aussi détester Netanyahou et Bennett, mais pas aussi aveuglément

 Gideon Levy, Haaretz, 15/8/2021
Traduit par Fausto Giudice

Quelle ironie : les partisans de Benjamin Netanyahou, les bibiistes, se comportent exactement comme les détracteurs de l'ancien Premier ministre, le camp « Tout sauf Bibi ». Ils utilisent le même vocabulaire, les mêmes épithètes, affichent la même haine aveugle et automatique, la même focalisation sur le personnel, uniquement le personnel. Tout ce qui était détesté par les partisans de Netanyahou est maintenant utilisé contre Naftali Bennett (et Ayelet Shaked). Nous verrons bientôt des manifestations devant la résidence du Premier ministre, rue Balfour, avec les bandanas et les poupées gonflables. Le Satan Netanyahu a été remplacé par le Satan Bennett. 
 
À part ça, tout va bien. Et pourtant, on ne peut s'empêcher d'être stupéfait par l'ampleur de la haine envers Bennett, l'ancien partenaire du Likoud. En vérité, il faut souhaiter le succès aux deux camps. Une telle haine entre camps de droite ne peut être que satisfaisante. Sur ce, on peut s'interroger sur le faible niveau de la politique israélienne.

Le Premier ministre Naftali Bennett lors d'une réunion du gouvernement à Jérusalem, dimanche. Photo : Ohad Zwigenberg

04/07/2021

GIDEON LEVY
Mansour Abbas, un politicien arabe israélien impressionnant qui suscite une illusion agréable

 Gideon Levy, Haaretz, 4/7/2021
Traduit par Fausto Giudice

 Il était plutôt difficile de résister au tour de magie. Le journaliste Raviv Drucker a passé une heure à dresser le portrait de Mansour Abbas sur la chaîne de télévision Channel 13, et Abbas n'a cessé d'impressionner, de charmer et d'inspirer confiance.

Mansour Abbas sur Channel 13

 Cet homme, chauve et épais avec son costume démodé, semblait avoir tout d’un antihéros : un homme arabe non moderne, un politicien sournois et pas très éloquent, un agent politique qui passe au mieux pour le président du conseil syndical de Maghar, son village natal. C'est le dentiste que vous ne laisseriez pas s'approcher de vos dents.

Mais ce conservateur religieux arabe s'est révélé être le contraire de tous ces stéréotypes. Il semblait que même Drucker, le sage analyste qui a déjà tout vu et tout méprisé, était hors de lui, plein d'affection et d'appréciation. Abbas dit au téléspectateur israélien : ce n'est pas ce que vous pensez. Ce n'est pas ce qu'ils vous ont dit. J'ai quelque chose d'autre à vous offrir.