Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Comme on le sait, la notion de « race » - critiquée puis abandonnée par une grande partie des sciences sociales et biologiques qui avaient contribué à son élaboration - est une catégorie aussi infondée que paradoxale, car elle repose sur le postulat qui établit une relation déterministe entre les caractéristiques somatiques, physiques et génétiques et les caractéristiques psychologiques, intellectuelles, culturelles et sociales.
Oswaldo Guayasamín, Mère et enfant de la série Ternura [Tendresse] (1989)
Je rappelle qu'en 1950, le déterminisme biologique a été formellement dénoncé par l'UNESCO dans la Déclaration sur la race, considérée comme le premier document officiel à nier la corrélation entre les différences biologiques et les différences culturelles, psychologiques, intellectuelles et comportementales.
Toutefois, cette déclaration n'a pas abandonné la catégorie de la race, mais uniquement le déterminisme biologique. En tant que tel, il ne s'agissait pas, même pour son époque, d'un document très avancé, bien que des chercheurs du calibre de Claude Lévi-Strauss et Ashley Montagu aient contribué à sa rédaction.
Je rappelle que ce dernier - biologiste, psychologue et enfin anthropologue (il fut l'un des premiers élèves de Malinowski, puis de Boas) - avait déjà en 1942 démoli « le mythe de la race » dans un essai (Man's Most Dangerous Myth : The Fallacy of Race), traduit tardivement en italien, sous le titre La race. Analyse d'un mythe [et pas encore traduit en français depuis 80 ans...].
En ce qui concerne la contribution de l'anthropologie culturelle à la déconstruction de la « race » (qui est souvent sous-estimée par les anthropologues eux-mêmes), il suffit de considérer le rôle de Franz Boas, un pionnier de l'anthropologie moderne. Boas, qui a également souffert personnellement de l'antisémitisme, est devenu, au fil du temps, un opposant acharné au racisme improprement appelé scientifique. Et ce, dans une phase historique où prévalaient encore des pseudo-sciences telles que la physiognomonie, la phrénologie et l'anthropologie criminelle de Cesare Lombroso.
C'est en démolissant progressivement l’innéisme et le biologisme déterministe que Boas a réussi à introduire la culture comme concept primaire, puis le relativisme culturel.
Autoportrait avec « document de voyage juif » (1943) de Felix Nussbaum (Osnabrück, 1904), mort à Auschwitz peu avant la libération du camp
Ce n'est pas un hasard si l'un des volumes que les nazis ont brûlé à Berlin dans la nuit du 10 mai 1933, cinq mois après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, était l'un des essais les plus populaires de Boas : The Mind of Primitive Man, datant de 1911 (publié trois ans plus tard en allemand sous le titre plus explicite de Kultur und Rasse).
Beaucoup plus tard, en 1946, Fernando Ortiz, considéré comme le plus important ethnologue et anthropologue cubain, publiera El engaño de las razas. Influencé avant tout par l'anthropologie culturelle usaméricaine, Ortiz y réfute radicalement, entre autres, le racisme scientiste. Je rappelle d'ailleurs que c'est lui qui a inventé le mot et le concept de transculturation.
La Déclaration sur la race, votée à l'unanimité et par acclamation en 1978 par la Conférence générale de l'UNESCO, ne brille pas non plus par son audace. Il suffit de dire que, alors que pour l'anthropologue cubain, « race » était « una mala palabra que non debiera decirse », ici les adjectifs « racial »/ « raciaux » reviennent trente-deux fois et même les groupes raciaux sont mentionnés à plusieurs reprises comme une évidence.