Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Les tribunaux marocains poursuivent 60 personnes qui ont échoué dans leur tentative d'entrer en Espagne.
Arrivée au tribunal de Nador (Maroc), lundi, de 28 migrants et possibles demandeurs d'asile, dont un mineur, détenus après avoir tenté d'entrer dans Melilla vendredi. Photo : JAVIER BAULUZ
L'indignation s'est installée ce lundi aux portes du Centre de séjour temporaire pour immigrés (CETI) de Melilla. Une demi-centaine de résidents soudanais ont organisé un acte de protestation contre ce qu'ils considèrent comme une répression sanglante par les autorités marocaines de la tentative d'entrée à Melilla vendredi, dans laquelle au moins 23 personnes ont trouvé la mort, selon le décompte officiel. Ils ont également protesté contre la réponse du gouvernement espagnol, qu'ils considèrent comme complice de la violence à la barrière. "Pourquoi [le président espagnol] Pedro Sánchez dit que nous sommes des mafias ?", s'est écrié le porte-parole des manifestants, Hussein, "nous, les Soudanais, n'avons pas de mafias, nous avons agi ensemble ". Lundi également, 60 migrants africains, détenus lors de la tentative de traversée, ont fait des déclarations devant les tribunaux de première instance et d'appel de Nador (Maroc), selon un avocat qui a requis l'anonymat.
Hussein ne connaît pas de répit : "Nous n'avons rien payé, nous sommes venus ici gratuitement ; nous avons juste utilisé nos têtes et trouvé un bon plan [pour quitter le Maroc] parce que nous souffrons beaucoup. Le mafioso, c’est Mohamed VI, qui a pris tout l'argent [que Bruxelles donne à Rabat pour contrôler et prendre en charge les migrants irréguliers] et a disparu". Son discours est une charge contre la position de Madrid qui consiste à pointer du doigt les réseaux de trafic d'êtres humains pour ce qui s'est passé à la clôture, et non le pouvoir de Rabat.
Ce lundi, la ministre
porte-parole, Isabel Rodríguez, a
insisté après le Conseil des ministres : "Le problème est qu'il existe des
mafias internationales qui trafiquent des êtres humains et provoquent ces
situations tragiques". Vendredi, le président de l'exécutif a salué les actions
des forces marocaines dans la répression de la tentative d'entrée massive. Les
violences ont été enregistrées dans des images diffusées sur les
réseaux sociaux, où l'on voit des dizaines de corps à terre tandis que des agents marocains
continuent de les frapper à coups de matraques. Lundi après-midi, le Médiateur a annoncé qu'il
enquêtait sur la gestion de la tentative, après avoir reçu une
plainte signée par neuf associations.
Immigrants subsahariens lors de la manifestation de lundi à Melilla. ANTONIO RUIZ
Parmi les banderoles qu’on a pu lire dans le vent, les critiques du silence sur la violence et de la collaboration entre Madrid et Rabat ont prédominé. "L'Espagne est complice du massacre", peut-on lire ; "Vous accueillez les Ukrainiens avec des fleurs et parce que nous sommes noirs vous nous envoyez en enfer", cette phrase écrite sur un drap dominait la partie centrale. Jusqu'à 133 jeunes ont réussi à rester à Melilla sur les 1 700 qui ont tenté de le faire vendredi, la plupart étant des Soudanais. Ils sont tous mis en quarantaine dans le CETI, sans pouvoir sortir des locaux. Des compatriotes comme Hussein, qui a réussi à entrer en mars lors du plus grand saut par-dessus la clôture de l'histoire de la ville, les soutiennent et demandent une enquête internationale "urgente" sur le recours à la violence contre les migrants.
Le porte-parole soudanais a déclaré : "Comme nous avons subi plusieurs incursions à la clôture, nous savons très bien ce que font les autorités marocaines en termes d'abus et de violations des droits humains".