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17/09/2025

MICHAEL TRACEY
La droite yankee a enfin son “moment George Floyd”
Charlie Kirk, saint et martyr

Michael Tracey, 17/9/2025
Traduit par Tlaxcala


Michael Tracey (1988) est un journaliste et commentateur politique usaméricain inclassable, qui a déclaré avoir été enregistré comme électeur démocrate toute sa vie, mais est très critique vis-à-vis de ce parti, notamment son volet “politique identitaire”.

 

JD Vance a généreusement rempli le vide lundi après-midi comme animateur invité de « The Charlie Kirk Show ». Comme à peu près tous les autres politiciens républicains du pays, le vice-président a affirmé à quel point il avait été un grand « ami » de Charlie. Du président de la Chambre au directeur du FBI, en passant par la procureure générale, chacun a proclamé que Charlie était un « cher ami » à lui, et il serait extrêmement impoli de se demander si ces « amitiés » n’étaient pas d’abord d’ordre politique et transactionnel, plutôt que fondées sur un véritable lien affectif. (Pour ne pas être en reste, RFK Jr. a déclaré que lui et Charlie étaient des « âmes sœurs ».)


Pendant les pauses publicitaires de l’émission de Vance, diffusée en radio, les spectateurs de la diffusion sur Rumble ont eu droit à des extraits vidéo de Charlie lors de ses nombreuses tournées de « débats » universitaires. Un extrait en particulier s’est démarqué. Non, ce n’était pas l’un de ces classiques devenus viraux dans lesquels il DÉTRUISAIT totalement une étudiante fluide de genre de 19 ans, alors qu’elle bégayait péniblement en parlant des trans dans le sport. C’était bien plus banal — mais en un sens, bien plus révélateur.

Charlie était engagé dans un échange avec un type à propos de l’histoire aujourd’hui largement oubliée du « Signalgate », qui s’est avérée être le premier scandale de la seconde administration Trump. Ou du moins, le premier quasi-scandale.

Pour ceux dont la mémoire est logiquement courte sur ce genre de choses : en mars 2025, Jeffrey Goldberg, du magazine The Atlantic, a révélé qu’il avait été ajouté par inadvertance à un groupe de discussion Signal — l’application de messagerie chiffrée — avec des membres haut placés de l’administration Trump, alors qu’ils chorégraphiaient le lancement d’une nouvelle campagne de bombardements au Yémen. Un échange mémorable montrait JD Vance répondre par un seul mot, « Excellent », dès qu’on lui annonçait — par Mike Waltz, conseiller à la sécurité nationale bientôt limogé — que la première salve de bombardements usaméricains avait fait s’effondrer un immeuble résidentiel yéménite entier. Apparemment, Vance n’avait besoin d’aucun détail pour s’exclamer que ce développement était « Excellent ». Waltz répondit avec des émojis drapeau US et « coup de poing ». Vance avait auparavant écrit par texto qu’il allait « dire une prière pour la victoire », et ses prières furent apparemment exaucées par la destruction d’un bâtiment civil.

Dans la mesure où cet épisode aurait dû constituer un vrai scandale, la partie réellement scandaleuse était que ces hauts responsables gouvernementaux, qui ne savaient pratiquement rien du Yémen et pouvaient à peine expliquer les objectifs de la mission militaire, se montraient si désinvoltes et légers dans le lancement inconsidéré d’une nouvelle guerre. La superficialité particulière d’un soi-disant « non-interventionniste » comme Vance, qui rejoignit très vite le chœur des va-t-en-guerre, était un aperçu utile. Mais bien sûr, ce n’est pas de ça que le « scandale » allait traiter. À la place, on eut droit au sempiternel recyclage sur la « bonne conservation et transmission d’informations classifiées » — le faux-scandale washingtonien classique.

Ramses, Cuba

Bref, c’est de ça que Charlie Kirk discutait avec ce gars à casquette, qui se disait très préoccupé par les protocoles d’information classifiée de l’administration Trump.

L’échange n’était évidemment pas aussi susceptible de devenir viral que des classiques du genre « Charlie Kirk détruit une gauchiste trans pleine de piercings » ou « Charlie Kirk ridiculise un hippie trans aux cheveux longs ». Il n’avait pas non plus la force argumentative de ses autres punchlines de « débat » électrisants, que nos enfants et petits-enfants apprendront sans doute un jour, en se rassemblant autour du souvenir du « diseur de vérité » assassiné. Par exemple : « Savez-vous qui est Richard Spencer, le suprémaciste blanc ? Savez-vous qu’il vient d’apporter son soutien à Kamala Harris ? David Duke, l’ancien chef du Ku Klux Klan, a aussi soutenu Kamala Harris. »

Mais le dialogue autour du « Signalgate » fut néanmoins instructif — car il révélait exactement qui était Charlie Kirk et quelle fonction il remplissait.

« Je suis sûr que vous avez déjà été ajouté à des groupes de discussion de 30 ou 40 personnes », dit Charlie à l’homme à casquette, très troublé par la mauvaise gestion d’informations classifiées. « Et vous avez confiance que chaque acronyme désigne vraiment un responsable gouvernemental. »

« Évidemment, cela ne se reproduira pas », assura Charlie. « Pour être clair, Signal avait été approuvé par l’administration Biden. C’était un canal sécurisé approuvé par le gouvernement fédéral. »

Pourquoi cet échange banal est-il notable ? Parce que si l’on remarque bien, il n’y avait là aucun principe réel en jeu — si ce n’est l’impératif suprême de Charlie : défendre l’administration Trump à tout prix. Le seul principe opératoire, pour Charlie, était que le gouvernement devait être défendu, et il s’en chargeait. Que l’application Signal ait été ou non un canal de communication approuvé n’avait intrinsèquement rien à voir avec le « conservatisme », le « nationalisme » ou la lutte contre l’agenda woke — toutes ces postures idéologiques que Charlie pouvait parfois adopter. C’était simplement ce qu’il fallait dire ce jour-là, par pur hasard, pour soutenir l’exécutif — dont Charlie était considéré comme un membre honoraire. C’est pourquoi il pouvait parler en son nom, comme un porte-parole. « Évidemment, ça ne se reproduira pas », dit-il — avec un apparent savoir de première main sur les ajustements internes de politique post-Signalgate. En jouant les porte-paroles du gouvernement sans en être officiellement un employé, Charlie avait une utilité particulière pour les puissants. Il pouvait passionnément défendre la cause du gouvernement, sans être limité par les contraintes qui pèsent sur un vrai fonctionnaire. Il est alors très clair pourquoi il était si adoré par chaque politicien républicain et chaque officiel de l’administration : il était leur relais de communication indéfectible. Bien sûr qu’il était considéré comme un « cher ami » par la classe politique républicaine — par gratitude pour ces services inestimables qu’il fournissait gratuitement.

Il est donc facile de comprendre pourquoi cette nouvelle flambée de « cancel culture » républicaine a éclaté en faveur de Charlie. Les puissants — ses « amis » — ont une motivation supplémentaire pour le venger. Il était considéré comme un membre indispensable de leur appareil de gouvernement et de communication. Lorsqu’il a été abattu, c’était comme si un haut responsable de l’administration Trump avait été abattu. « Je le voyais sans cesse à la Maison-Blanche », dit Todd Blanche, le procureur général adjoint. « Je pense qu’il a travaillé chaque jour à la transition, d’une façon ou d’une autre, à un endroit ou un autre. L’administration Trump porte sa marque », dit Susie Wiles, cheffe de cabinet. « Charlie Kirk a joué un rôle essentiel pour nous amener les bonnes personnes, pour constituer les équipes », dit JD Vance.

Encore une fois, dans une société libre, avec tant de largesses de milliardaires flottant un peu partout, Charlie Kirk avait parfaitement le droit d’être un fonctionnaire officieux de l’État, et de jouer ce rôle public de communicant pour ses « amis ». Mais quand JD Vance prend le micro et proclame, mélodramatiquement, que la meilleure manière d’honorer Charlie « est de faire briller la lumière de la vérité comme une torche dans les lieux les plus sombres… car que fut-il, sinon un homme qui disait la vérité ? » — là, nous sommes aspergés de seaux entiers de balivernes. Quiconque est rationnel, même s’il admirait Charlie à certains égards, devrait reconnaître que son aspiration suprême n’était pas la « vérité », mais de servir ses puissants « amis » dans l’administration Trump et le Parti républicain. Oui, il fut peut-être un habile opérateur partisan, mais un opérateur tout de même, et l’idéal de servir des intérêts politiques partisans est incompatible avec l’idéal de la recherche de la vérité. Pourtant, on nous ordonne désormais d’affirmer que Charlie faisait la deuxième chose, et qu’il est tombé martyr pour ça. Et si l’on ose trop dénigrer son héritage glorifié, « Vous serez tenus responsables, et nous vous humilierons publiquement aussi », dit la procureure générale Pam Bondi — qui a aussi confié qu’elle et Charlie « se parlaient beaucoup au téléphone ». La dernière fois qu’ils se sont vus, dit-elle, il lui a fait un « énorme câlin ».

Selon la plus haute responsable de l’application de la loi du pays, Pam Bondi : « Ce n’est pas de la liberté d’expression de dire : “C’est bien ce qui est arrivé à Charlie.” Nous renvoyons des gens. Nous voyons des gens en ligne publier des discours de haine — ils doivent être réduits au silence. Ils doivent être arrêtés. Et ils doivent savoir qu’il y a des conséquences à leurs actes. »

Tout d’abord, c’est bel et bien de la liberté d’expression de dire : « C’est bien ce qui est arrivé à Charlie. » Une telle déclaration peut être jugée grossière, répugnante, choquante, ou odieuse — mais c’est précisément pourquoi nous avons le Premier Amendement : pour protéger même les discours les plus répréhensibles. Rien, absolument rien, dans une telle déclaration hypothétique ne la placerait en dehors des précédents établis par la Cour suprême, qui protège même les discours politiques les plus honnis. Vous avez littéralement le droit de protester aux funérailles de soldats usaméricains morts avec des pancartes disant « Vous irez en enfer » et « Merci mon Dieu pour les soldats morts », selon la Cour suprême. Dire « C’est bien ce qui est arrivé à Charlie » n’approcherait même pas du seuil fixé dans Brandenburg v. Ohio (1969), qui interdit au gouvernement de punir un discours politique sauf s’il est « destiné à inciter ou à produire une action illégale imminente et susceptible de l’inciter ou de la produire ». Applaudir la mort de Charlie Kirk, si l’on voulait le faire, n’atteindrait jamais ce seuil d’« incitation ». Voilà pourquoi vous avez le droit d’appeler à la révolution violente aux USA. Donc oui, vous pouvez aussi célébrer la mort de Charlie Kirk. (Ce que vous ne pouvez pas faire, c’est dire : « Toi là-bas, va tuer ce type, comme ils ont tué Charlie Kirk. »)


En même temps, d’après tout ce que j’ai vu, ces arguties constitutionnelles sont pratiquement sans objet. Très peu — voire aucun — des individus punis jusqu’à présent pour leurs discours politiques au sujet de Charlie Kirk n’ont en réalité célébré son assassinat. Je suis sûr qu’il y a quelques illuminés et têtes brûlées qui l’ont peut-être fait — le pays est vaste — mais la quasi-totalité des exemples que j’ai vus ne contiennent aucune célébration explicite du meurtre, et relèvent plutôt d’un discours politique que les nouveaux censeurs de la droite ne supportent pas, ou veulent faire passer pour une incitation à la violence.

Peut-être le cas le plus scandaleux jusqu’ici est celui de Darren Michael, professeur à l’université Austin Peay State, au Tennessee. Quand j’ai entendu qu’il avait été renvoyé pour avoir dit quelque chose de négatif sur Charlie Kirk, j’ai supposé que cela devait être vraiment dingue. Après tout, il est professeur de théâtre, et les professeurs de théâtre peuvent être très extravagants. Mais en réalité, son geste ne pouvait pas être plus anodin : il a simplement publié une capture d’écran d’un titre d’article de Newsweek de 2023.

À ce moment-là, Marsha Blackburn, sénatrice républicaine du Tennessee (et candidate au poste de gouverneure, donc directement influente sur le système universitaire de l’État), a tweeté aux administrateurs d’Austin Peay pour exiger des mesures face à ce « crime » consistant à poster un titre d’article sur Facebook. En quelques heures, Darren Michael fut effectivement licencié du poste qu’il occupait depuis 2007, au motif que son post était « insensible, irrespectueux et interprété par beaucoup comme une justification d’une mort illégale ». Interprété ainsi par qui, exactement ? Marsha Blackburn ? C’est tout simplement scandaleux. Si ce n’est pas de la « cancel culture », qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ces revanchards de droite n’admettent-ils pas simplement qu’ils n’ont jamais eu de problème avec la « cancel culture » en tant que telle — ils voulaient juste être ceux qui l’exercent ?

En 2020, on risquait une « annulation » immédiate si l’on tweetait le mauvais mot sur George Floyd, ou sur la « suprématie blanche », ou sur les pronoms de genre, ou tout autre concept à la mode alors dans le complexe des médias et ONG de gauche/libéral. En 2025, JD Vance appelle tous les bons citoyens à traquer quiconque pourrait exprimer des opinions politiques jugées insuffisamment révérencieuses sur Charlie Kirk. « Dénoncez-les », implore Vance. « Et surtout, appelez leur employeur. »

C’est juste un copier-coller de la « cancel culture » de gauche/libérale qui faisait rage il y a quelques années, et que nous avions tous convenu d’avoir « poussée trop loin ». Mais apparemment, pas la droite aigrie et revancharde : elle voulait juste contrôler l’arme de l’annulation. Ce qu’elle fait désormais. Et elle est déchaînée.

Le gouverneur Gregg Abbott, du Texas, a exigé l’expulsion immédiate d’un étudiant de Texas State University qui avait été filmé en train de tenir des propos impolis sur Charlie Kirk. Il n’a pas fallu longtemps au président de l’université pour annoncer une chasse à l’homme urgente afin d’identifier le coupable — comme si un crime sensationnel avait été commis. L’université du Mississippi a licencié une employée pour avoir écrit qu’elle « n’avait pas de prières à offrir à Kirk », car elle n’aimait pas ses opinions politiques. L’auditrice d’État du Mississippi s’en est plaint sur Twitter — et aussitôt, elle fut renvoyée. Une neurologue de l’université de Miami fut rapidement virée après avoir tweeté : « Ce qui est arrivé à Charlie Kirk est arrivé à d’innombrables bébés, enfants, filles, garçons, femmes et hommes palestiniens, pas seulement ces deux dernières années de génocide en cours, mais depuis des décennies. » Un peu gênant, non ? Motif pour un licenciement immédiat et une condamnation publique ? Quoi ??? Les administrateurs de l’université de Miami ont même eu l’audace de publier un communiqué affirmant que « la liberté d’expression est un droit fondamental » — tout en annonçant que la femme était renvoyée pour son discours politique.

Ce qui semble se passer, c’est que des politiciens républicains, dans des États qui leur sont acquis, ont saisi l’occasion politique de se placer en première ligne pour venger Charlie Kirk, le héros de droite tombé — et quoi de mieux, pour ce faire, que de harceler avec rancune des employés publics de petites enclaves universitaires libérales. Marsha Blackburn a une primaire républicaine à remporter dans le Tennessee, donc bien sûr qu’elle va tout faire pour glorifier Charlie de façon tapageuse, et punir ses détracteurs. Même mort, Charlie continue de jouer son rôle de précieux fonctionnaire politique.

Parmi les personnes auxquelles Pam Bondi a juré de « demander des comptes » et de les « humilier publiquement » figurent des employés d’Office Depot filmés en train de peut-être mal gérer une demande d’impression d’affiches pour une veillée en hommage à Charlie Kirk — bien qu’il ne soit pas clair, comme d’habitude, ce qui s’est réellement passé d’après les bribes de vidéos publiées. Mais peu importe — vraiment ? Nous en sommes à détruire la vie de travailleurs de service qui n’ont pas respecté la bonne étiquette politique ? C’est comme la frénésie George Floyd / COVID qui recommence, sauf que cette fois, ceux qui appellent à « rendre des comptes » et à « l’humiliation publique » incluent la procureure générale, avec tout le poids de l’appareil fédéral derrière ses menaces délirantes. Au moins en 2020, on pouvait théoriquement ignorer les journalistes et activistes d’ONG émotifs exigeant la participation à leurs rituels absurdes d’épuration raciale. C’est un peu plus difficile d’ignorer le Département de la Justice.

Et avant que quelqu’un essaie de prétendre que je suis moi-même hypocrite, parce que j’aurais soi-disant soutenu ou jamais critiqué les précédentes vagues de « cancel culture », vous auriez tort de manière hilarante. Faites deux secondes de recherche avant de vous ridiculiser. J’ai littéralement été pris à partie par des manifestants de Portland pour avoir osé faire du journalisme de base. Des « antifa » encagoulés m’ont arraché mon téléphone, menacé de me casser la mâchoire, et m’ont chassé. J’étais peut-être le seul journaliste du pays à avoir passé des mois à parcourir tout le territoire pour couvrir les manifestations, émeutes et destructions. J’étais en guerre avec la moitié de l’industrie médiatique en ligne à cause de leurs tactiques de chantage émotionnel délirantes. Ils auraient absolument adoré me « cancel », mais ils ne le pouvaient pas, car je n’avais pas de patron à qui se plaindre. (Et je n’en ai toujours pas — tant pis, JD.)  “Why Media Liberals Have To Lie About “Cancel Culture”  [Pourquoi les libéraux des médias doivent mentir au sujet de la « culture de l'annulation » ] est le titre d’un article que j’ai écrit ici même en avril 2021. Voici un autre article, de juin 2020, pour Unherd, intitulé “How US journalism lost its spine: the media is petrified of showing even mild scepticism of woke orthodoxy” [Comment le journalisme usaméricain a perdu son échine dorsale : les médias ont peur de montrer le moindre scepticisme envers l'orthodoxie woke].

Je n’ai pas besoin d’une seule seconde de me justifier de mon opposition à la cancel culture. J’ai déjà risqué ma sécurité physique, ma réputation et ma carrière pour la critiquer, bien avant que JD Vance et Pam Bondi ne découvrent soudainement les joies d’annuler des gens à tour de bras.

Mais c’est exactement ce qui se passe maintenant : la droite a enfin trouvé son « moment George Floyd ». En 2020, toute l’élite institutionnelle s’est déchaînée pour imposer une orthodoxie idéologique autour de George Floyd, exigeant la révérence absolue et menaçant quiconque osait la remettre en question. En 2025, la même logique est recyclée, mais appliquée à Charlie Kirk.

La mort tragique et violente de George Floyd a été instrumentalisée pour justifier une expansion délirante du pouvoir social et politique de la gauche, alimentant une vague d’hystérie morale. Cinq ans plus tard, la mort tragique et violente de Charlie Kirk est instrumentalisée de la même manière par la droite — comme prétexte pour punir arbitrairement, imposer la révérence obligatoire, et renforcer son pouvoir politique.

La droite n’a jamais vraiment haï la cancel culture. Elle enviait simplement l’arme.
Et maintenant qu’elle la manie, on voit exactement à quoi elle sert : non pas à rendre la société plus juste, ni à défendre la « vérité », mais à écraser ses ennemis, récompenser ses amis et étouffer toute dissidence.

La boucle est bouclée.


Alors s’il vous plaît, épargnez-moi les leçons sur « l’hypocrisie ». Épargnez-moi les lamentations selon lesquelles je serais désormais mauvais parce que j’ai la capacité de me réajuster lorsque les circonstances politiques changent. Désolé de ne pas être intéressé par le fait de rester bloqué de façon permanente en 2021, ce qui, je le sais, est un truc qui a rapporté gros à beaucoup de gens. Pardonnez-moi de reconnaître que la droite a désormais pris le pouvoir et que, parmi ses toutes premières priorités, elle a lancé une croisade de censure à l’échelle gouvernementale — d’abord au nom d’Israël, maintenant au nom de Charlie Kirk. Désolé si cela vous contrarie d’entendre que la droite est actuellement la principale menace pour la liberté d’expression, malgré les foutaises totales qui vous ont été inlassablement déversées dans vos flux YouTube et X pendant la campagne de l’an dernier.

Et désolé si vous ne voulez pas entendre que le problème commence au sommet, malgré le grotesque décret que Trump a signé quelques heures après son investiture le 20 janvier, censé « restaurer la liberté d’expression » — alors que lui et ses sycophantes s’emploient obstinément à faire exactement le contraire. Ce matin, quand on lui a demandé ce qu’il pensait de Pam Bondi déclarant son intention de s’attaquer vigoureusement au « discours de haine », Trump s’est vanté d’avoir déjà poursuivi avec succès ABC News pour s’être livré à « une forme de discours de haine » — et d’avoir soutiré un règlement de 15 millions de dollars directement pour ses poches personnelles. Pour être clair, je suis d’accord sur le fait que George Stephanopoulos d’ABC a commis une faute journalistique lorsqu’il a déclaré faussement que Trump avait été « reconnu coupable de viol ». Néanmoins, la jubilation punitive de Trump laisse entrevoir un certain confort à utiliser le pouvoir gouvernemental pour infliger une punition à des propos politiques qui lui déplaisent, sous le prétexte fraîchement inventé que cela pourrait constituer un « discours de haine ». Bien que son commentaire d’aujourd’hui à propos d’ABC ait eu un ton semi-plaisantin, Trump n’a manifestement pas eu la moindre envie de réprimander Bondi pour son djihad contre le « discours de haine ». En réalité, il répète sans cesse à quel point il pense qu’elle fait un travail fantastique.

Rappelons-nous : la raison centrale pour laquelle Trump a nommé Bondi en premier lieu était sa volonté et son empressement à servir, avant tout, comme une fidèle marionnette. (Un peu comme Charlie Kirk, sauf qu’elle dispose du pouvoir de poursuite judiciaire.) Si cela sonne comme une attaque hystérique façon MSNBC aux oreilles de certains lecteurs, je comprends, mais qu’on me cite une seule autre raison pour laquelle Pam Bondi aurait été nommée par Trump comme second choix pour le poste de ministre de la Justice, après qu’un autre fidèle de Trump, Matt Gaetz, a dû se retirer. Bondi et Gaetz étaient deux personnes dont l’identité publique était entièrement dédiée à plaire et à cirer les bottes de Trump. Il est certain qu’il est douteux que Trump ait nommé l’un ou l’autre pour leur expertise juridique — Gaetz était à peine un avocat en exercice. Bondi, elle, n’était plus procureure générale de Floride depuis six ans, et avait entre-temps occupé son temps avec des activités aussi stimulantes que lobbyiste « contre la traite des êtres humains » financée par le Qatar et chroniqueuse pour Fox News.

Donc oui, en d’autres termes, il est juste de dire que tout ce que fait Bondi a l’enthousiaste appui de Trump. Y compris sa dernière vendetta contre le « discours de haine ». Souvenez-vous : Trump a publié l’un de ses messages les plus délirants sur les réseaux sociaux, ce qui est un exploit pour lui, le 12 juillet — dans le but précis de défendre Bondi, qui avait été critiquée par des soi-disant « influenceurs MAGA », ou comme Trump les appelait, ses « gars » et dans certains cas, ses « nanas ». Parmi ces dernières figurait Laura Loomer qui, après l’échec épique de Bondi sur les « dossiers Epstein », s’était amusée à surnommer la procureure générale « Scam Blondi ». De cette façon, Laura ne faisait qu’imiter le style de surnoms caractéristique de Trump, mais il n’a pas semblé apprécier la plaisanterie. À la place, il a publié un mur de texte maniaque sur Truth Social, fustigeant ses « gars et nanas » — ce qui incluait alors en bonne place Charlie Kirk — parce qu’ils ne soutenaient pas Bondi avec suffisamment de ferveur.

C’est parce que c’était lors du fameux rassemblement « Turning Point USA » de Charlie Kirk que des gens comme Dave Smith avaient pu monter sur scène et déclarer — comme s’il s’agissait d’un fait avéré — que Trump avait activement couvert « un vaste réseau de violeurs d’enfants ». Les participants à la conférence, qui idolâtrent Trump jusqu’à l’absurde, se sont néanmoins sentis obligés d’applaudir comme des phoques la déclaration ridicule de Dave Smith — accusant leur Président préféré d’être complice de viols d’enfants. Cela devait être une dissonance cognitive d’ampleur historique. Imaginez-vous huer et applaudir à l’idée que le Président couvre activement un immense réseau pédophile, tout en paradant joyeusement avec votre casquette rouge MAGA, sans percevoir la moindre contradiction.

Quoi qu’il en soit, Trump n’a pas hésité à dénoncer et désavouer de façon flamboyante ses partisans les plus acharnés au profit de Pam Bondi, parce qu’il pense qu’elle est tout simplement fantastique. « Elle restera dans l’histoire comme la meilleure procureure générale que nous ayons eue », a déclaré Trump le 21 août. « Et je le pense vraiment. »
« Pam Bondi — les gens ne savent pas quelle star elle est. Elle est incroyable », a dit Trump le 12 septembre.

Donc, si vous n’aimez pas le fait que Bondi promette de criminaliser agressivement le « discours de haine », ne nous insultez pas en essayant de suggérer une distance entre elle et Trump, car cette tentative d’absoudre Trump est désormais pathétique. Pathétique aussi est le fait de régurgiter sans réfléchir les propos de RFK Jr., ce tuyau d’incendie de propagande incessante, qui a eu l’impudence d’apparaître hier dans l’émission de JD Vance et d’y déclarer que ce qu’il partageait le plus avec son « âme sœur » Charlie, c’était leur « engagement total pour la liberté d’expression ». Cela, après que RFK a passé des mois à diriger un effort intergouvernemental visant à punir les propos politiques jugés trop critiques envers Israël. Et dans cette même émission, Vance a livré l’un des plaidoyers les plus enflammés pour la Cancel Culture de droite (autrement dit, la censure) que vous puissiez entendre — appelant à surveiller, dénoncer et punir les propos politiques de citoyens privés. L’audace du spectacle serait presque comique, si elle n’était pas si pernicieuse.

Aujourd’hui, dans tout l’Oklahoma, les écoles ont reçu l’ordre d’observer une minute de silence* en l’honneur de Charlie Kirk, au motif qu’il aurait promu le « débat constructif ». Mais après avoir regardé plusieurs de ces « débats » tant vantés, généralement accompagnés d’un titre suffisant et d’une vignette YouTube racoleuse, je peux dire qu’ils figurent parmi les exemples d’expression publique les moins « constructifs » que j’aie jamais vus. Ce que faisait Kirk était une pâle imitation de « débat », conçue pour humilier de pauvres étudiants de deuxième année, dont les mines déconcertées pouvaient ensuite être utilisées pour générer du contenu viral médiocre et des revenus. Personne d’authentiquement intéressé par la culture d’un débat substantiel ne se comporterait ainsi. En réalité, cela ternit le mot même de « débat ». Cela dit, oui : les participants étaient des adultes, même si on les appelle familièrement des « étudiants », et ils participaient volontairement. Donc, dans une société libre, chacun est en droit de prendre part à ces pseudo-exercices de « débat » s’il le souhaite vraiment.

Cependant, vivre dans une société libre signifie aussi que nous n’avons pas à rester les bras croisés pendant que des agents du gouvernement nous contraignent à obéir à leurs rituels de béatification artificiels — où nous sommes censés hocher la tête et convenir solennellement que Charlie Kirk a été intronisé au panthéon national des martyrs de la vérité. Si c’est si évident que Charlie mérite cette distinction, pourquoi ne pas honorer ce que l’on prétend être son héritage, et organiser un vrai débat ?

* Une grande partie des écoles publiques ont refusé d'obéir à cette injonction [NdT]

Lire
➤ 
Comment Charlie Kirk est devenu l’homme qui susurre l’air de la trumperie à l’oreille des jeunes aux USA (Robert Draper, février 2025)

➤ Un prix baptisé Charlie Kirk lancé à Jérusalem pour honorer la jeunesse engagée aux côtés d’Israël

 

25/08/2025

GIDEON LEVY
El lugar de Trump está en la CPI, no en la ceremonia del Premio Nobel

Gideon Levy, Haaretz, 24-8-2028
Traducido por Tlaxcala

Se dice que el sueño del presidente de USA es recibir el Premio Nobel de la Paz en Oslo, pero el lugar que le corresponde es la Corte Penal Internacional de La Haya. Nadie más que Donald Trump tiene tanta responsabilidad en la masacre de Gaza. Si quisiera, él (y solo él) podría, con una simple llamada telefónica, poner fin a esta terrible guerra y a la matanza de los rehenes israelíes. 

Trump hace un anuncio desde la Casa Blanca el viernes. Foto Andrew Caballero-Reynolds/AFP

No lo ha hecho. Trump no solo no ha llamado, sino que sigue financiando, armando y apoyando la maquinaria bélica israelí como si nada estuviera pasando. Es su último fan. La semana pasada, calificó al comandante en jefe de Israel, el primer ministro Benyamin Netanyahu, de «héroe de guerra». Rápidamente se atribuyó el mismo dudoso honor, añadiendo: «Supongo que yo también lo soy», con su característica modestia.

El presidente de USA cree que alguien que lleva a cabo un genocidio en Gaza es un héroe. También cree que alguien que lanza bombarderos desde su oficina para una operación única y sin riesgo contra Irán es un héroe. Esa es la mentalidad del hombre más poderoso del mundo.

Vincular a Trump con el Premio Nobel de la Paz es como convertir la noche en día, la mentira en verdad y al autor de la guerra más terrible de este siglo en una combinación del reverendo Martin Luther King Jr. y el Dalai Lama, ambos galardonados con el premio. Trump y Nelson Mandela en el mismo barco. No hay límites para lo grotesco, y todo corre a nuestra costa.

Si Netanyahu y Trump merecen un premio, es uno que, afortunadamente, aún no se ha creado: el Premio al Genocidio.

Dos impactantes informes publicados el viernes no dejaron lugar a dudas sobre el carácter genocida de la guerra.

La Iniciativa de Clasificación Integrada de la Seguridad Alimentaria, o IPC, respaldada por la ONU y máxima autoridad mundial en crisis alimentarias, confirmó que más de 500 000 personas en la ciudad de Gaza y sus alrededores se enfrentan a condiciones catastróficas de hambruna en el nivel más alto. Las Fuerzas de Defensa de Israel están listas para invadir esta ciudad hambrienta, y Trump está dando luz verde, apoyo internacional y armas a esta brutal invasión.

Al mismo tiempo, el sitio web de noticias israelí +972 Magazine, su sitio hermano en hebreo Local Call (o Sikha Mekomit) y el diario británico The Guardian revelaron una base de datos de inteligencia militar israelí que indica que el 83 % de los palestinos asesinados por las FDI en la guerra hasta ahora eran civiles, una proporción extremadamente alta incluso en comparación con las guerras más horribles, como las de Bosnia, Irak y Siria. Según los propios datos de las FDI, solo uno de cada seis palestinos muertos eran hombres armados. Cinco de cada seis eran civiles inocentes, en su mayoría mujeres y niños. Como sospechábamos, como sabíamos, esto es un genocidio. USA lo respalda.

Trump ha prestado su apoyo a esta guerra, pero aún se atreve a soñar con el Premio Nobel de la Paz. La opinión pública usamericana se mantiene impasible, al igual que el presidente. Solo una llamada telefónica de la Casa Blanca podría detener la matanza y, mientras tanto, no hay señales de que el presidente vaya a hacerla. Respaldado por un vasto aparato de inteligencia, 16 agencias con enormes presupuestos, Trump dijo que vio en la televisión que había «hambre real» en Gaza.

Pero la televisión de Trump aparentemente no lo conmocionó lo suficiente como para llevar a cabo la única operación de rescate que USA puede y debe realizar: ordenar a Israel que cumpla con un alto el fuego total e inmediato. El Israel de Netanyahu no puede desafiar el terror del mundo. Además, Trump está haciendo todo lo posible para impedir que otros países impongan sanciones a Israel con el fin de detener el genocidio. Europa está en pie de guerra, pero paralizada por el miedo que le tiene, al igual que las organizaciones internacionales.

El político judío usamericano que también es ministro del gabinete israelí, Ron Dermer, logró engañar a la Casa Blanca y a sus 16 agencias de inteligencia para que creyeran que la sangre es lluvia, incluso lluvia bendita para USA. El resultado: el padre del plan de la Riviera de Gaza, el presidente de Estados Unidos de América, es ahora un kahanista declarado. Quiere un Premio Nobel de la Paz por ello.



GIDEON LEVY
La place de Trump est devant la CPI, pas à la cérémonie du prix Nobel

Gideon Levy, Haaretz24/8/2025
Traduit par Tlaxcala

Le président usaméricain rêve de recevoir le prix Nobel de la paix à Oslo, dit-on ; mais sa place est à la Cour pénale internationale de La Haye. Aucun autre non-Israélien n’est autant responsable du bain de sang à Gaza que Donald Trump. S’il le voulait, lui seul pourrait, d’un simple coup de fil, mettre fin à cette terrible guerre et au massacre des otages israéliens.


Trump fait une annonce depuis la Maison Blanche vendredi. Photo Andrew Caballero-Reynolds/AFP

Il ne l’a pas fait. Non seulement Trump n’a pas téléphoné, mais il continue de financer, d’armer et de soutenir la machine de guerre israélienne comme si de rien n’était. Il est son dernier fan. La semaine dernière, il a qualifié le commandant en chef d’Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahou, de « héros de guerre ». Il s’est rapidement attribué le même honneur douteux, ajoutant avec sa modestie caractéristique : « Je suppose que je le suis aussi ».

Le président usaméricain pense qu’une personne qui commet un génocide à Gaza est un héros. Il pense également qu’une personne qui lance des bombardiers depuis son bureau pour une opération ponctuelle et sans risque contre l’Iran est un héros. Telle est la mentalité de l’homme le plus puissant du monde.

Associer Trump au prix Nobel de la paix, c’est transformer le jour en nuit, le mensonge en vérité et l’auteur de la guerre la plus terrible de ce siècle en une combinaison du révérend Martin Luther King Jr. et du Dalaï Lama, tous deux lauréats de ce prix. Trump et Nelson Mandela dans le même bateau. Le grotesque n’a pas de limites, et c’est entièrement à nos dépens.

Si Netanyahou et Trump méritent une récompense, c’est une récompense qui, heureusement , n’existe pas encore : le prix du génocide.

Deux rapports choquants publiés vendredi ne laissent aucun doute sur la nature génocidaire de la guerre. L’Initiative pour la classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC), soutenue par l’ONU et considérée comme la principale autorité mondiale en matière de crises alimentaires, a confirmé que plus de 500 000 personnes à Gaza et dans ses environs sont confrontées à une famine catastrophique du plus haut niveau. Les Forces de défense israéliennes s’apprêtent à envahir cette ville affamée, et Trump donne son feu vert à cette invasion brutale, ainsi que son soutien international et des armes.

Dans le même temps, le site d’information israélien +972 Magazine, son site jumeau en hébreu Local Call (ou Sikha Mekomit) et le journal britannique The Guardian ont révélé l’existence d’une base de données des services de renseignement militaires israéliens indiquant que 83 % des Palestiniens tués par l’armée israélienne depuis le début de la guerre étaient des civils, un pourcentage extrêmement élevé, même comparé aux guerres les plus horribles telles que celles de Bosnie, d’Irak et de Syrie. Selon les propres données de l’armée israélienne, seul un Palestinien tué sur six était un combattant armé. Cinq sur six étaient des civils innocents, principalement des femmes et des enfants. Comme nous le soupçonnions, comme nous le savions, il s’agit d’un génocide. Les USA le soutiennent.

Trump a prêté main-forte à cette guerre, mais ose encore rêver d’un prix Nobel de la paix. L’opinion publique usaméricaine reste sur ses positions, tout comme le président. Seul un coup de fil de la Maison Blanche pourrait mettre fin au massacre, mais rien n’indique que le président le fera. Soutenu par un vaste appareil de renseignement, 16 agences dotées de budgets colossaux, Trump a déclaré avoir vu « à la télévision » qu’il y avait « une véritable famine » à Gaza.

Mais la télévision de Trump ne l’a apparemment pas suffisamment choqué pour qu’il mène la seule opération de sauvetage que l’USAmérique peut et doit entreprendre : ordonner à Israël de respecter un cessez-le-feu complet et immédiat. L’Israël de Netanyahou ne peut défier la terreur du monde. De plus, Trump fait tout ce qu’il peut pour empêcher les autres pays d’imposer des sanctions à Israël afin de mettre fin au génocide. L’Europe est en colère, mais paralysée par sa peur de Trump, tout comme les organisations internationales.

Le politicard juif usaméricain qui est également ministre du gouvernement israélien, Ron Dermer, a réussi à faire croire à la Maison Blanche et à ses 16 agences de renseignement que le sang est de la pluie, voire une pluie bénie pour l’USAmérique. Résultat : le père du plan Riviera de Gaza, le président usaméricain, est désormais un kahaniste déclaré. Il veut obtenir le prix Nobel de la paix pour ça.



04/08/2025

Lettre du gratin de l'appareil militaro-policier israélien à Trump

Voici la lettre que le gratin des retraités des forces armées, policières, de renseignement d’Israël, cosignée par 600 de leurs collègues, viennent d’envoyer à Mister Trump. Un document d’anthologie.



 Lettre des Commandants pour la sécurité d’Israël 

@cisorgil

 au président Trump

Président Donald J. Trump

La Maison Blanche

Monsieur le Président,

Arrêtez la guerre à Gaza !

Au nom du CIS, le plus grand groupe d’anciens généraux de l’armée israélienne et d’équivalents du Mossad, du Shin Bet, de la police et du corps diplomatique, nous vous exhortons à mettre fin à la guerre à Gaza.

Vous l’avez fait au Liban. Il est temps de le faire à Gaza également.

L’armée israélienne a depuis longtemps atteint les deux objectifs qui pouvaient être atteints par la force : démanteler les formations militaires et le gouvernement du Hamas. Le troisième, et le plus important, ne peut être atteint que par un accord : ramener tous les otages chez eux.

Selon notre avis professionnel, le Hamas ne représente plus une menace stratégique pour Israël, et notre expérience nous montre qu’Israël dispose de tous les moyens nécessaires pour faire face à ses capacités terroristes résiduelles, à distance ou autrement.

La traque des derniers cadres du Hamas peut être effectuée plus tard.

Nos otages ne peuvent pas attendre.

Votre crédibilité auprès de la grande majorité des Israéliens renforce votre capacité à orienter le Premier ministre Netanyahu et son gouvernement dans la bonne direction : mettre fin à la guerre, ramener les otages, mettre fin aux souffrances et forger une coalition régionale et internationale qui aide l’Autorité palestinienne (une fois réformée) à offrir aux Gazaouis et à tous les Palestiniens une alternative au Hamas et à son idéologie vicieuse.

Avec tout notre respect,

Général de division (à la retraite) Matan Vilnai
Ancien chef d’état-major adjoint de l’armée israélienne Président du CIS

Tamir Pardo
Ancien directeur du Mossad

Ambassadeur (à la retraite) Jeremy Issacharoff.
Ancien vice-directeur général, ministère des Affaires étrangères 

Assaf Hefetz
Ancien commissaire, police israélienne

Amiral (à la retraite) Ami Ayalon
 Ancien directeur de l’ISA (Shabak/Shinbet)

 @realDonaldTrump

@SteveWitkoff

#Stopthewar #BringThemHomeNow

31/07/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Le Venezuela et les USA ont-ils amélioré leurs relations ?

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 30/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Les gouvernements vénézuélien et usaméricain ont réussi à stabiliser une ligne de communication permanente. Cela tient davantage à des décisions internes aux USA qu'à une réelle amélioration des relations entre les deux pays. Finalement, aux USA, la proposition pragmatique MAGA (Make American Great Again) l'emporte sur l'idéologie des néoconservateurs emmenés par Marco Rubio.

La situation internationale et l'acceptation du fait que la Chine est l'ennemi principal de Washington ont gagné du terrain au sommet du pouvoir usaméricain, amenant une bonne partie des dirigeants de l'administration à comprendre cette situation et obligeant les néoconservateurs et Marco Rubio à céder.

Sa politique de pression maximale (qui n'est aujourd'hui soutenue au Venezuela que par le groupe de María Corina Machado) a échoué. La production et l'exportation de pétrole se sont stabilisées et ont même légèrement augmenté pour dépasser le million de barils par jour. Cela a été rendu possible en grande partie grâce au soutien de la Chine, qui semble adopter une position plus active en ce qui concerne ses liens économiques et commerciaux avec le Venezuela, en augmentant ses achats de pétrole et en comblant le vide laissé par la suspension des licences spéciales accordées à Chevron pour opérer au Venezuela malgré les sanctions. Alors que la politique usaméricaine visant à renverser le président Nicolás Maduro continue de faire naufrage au Venezuela, la vision stratégique du président Xi Jinping a fini par l'emporter sur le court-termisme et le simple intérêt lucratif des entrepreneurs chinois.

Dans ce contexte, la libération de 252 migrants vénézuéliens qui avaient été arrêtés aux USA et envoyés dans une prison au Salvador a été l'expression publique d'une apparente amélioration des relations. En réalité, ce qui s'est produit, c'est une amélioration de la communication. Si tel n'était pas le cas, il n'y aurait aucune raison de continuer à associer le gouvernement vénézuélien à la criminalité organisée et au trafic de drogue, ce qui reste présent dans le regard et la rhétorique politique du département d'État. 

Par ailleurs, des enfants qui avaient été enlevés aux USA et séparés de leurs parents sont également rentrés chez eux, même si 33 d'entre eux sont toujours détenus illégalement par Washington. Il n'est pas exclu que Marco Rubio, dans son obsession aberrante de renverser le gouvernement vénézuélien, veuille les utiliser comme monnaie d'échange en faveur de l'une de ses vilenies habituelles. Dans ce contexte, les licences spéciales accordées à Chevron ont été rétablies et l'entreprise reprendra ses activités au Venezuela, même si elle n'est pas autorisée à payer le pays en espèces

En échange, le Venezuela a dû payer un prix élevé : il a dû libérer 10 terroristes usaméricains emprisonnés dans le pays et un grand nombre de terroristes vénézuéliens militants des partis d'opposition radicale qui avaient commis des crimes punis par la Constitution et les lois. Marco Rubio lui-même a reconnu qu'il n'y avait aucune raison de maintenir les migrants vénézuéliens en détention aux USA et qu'ils n'étaient que des otages destinés à être échangés contre leurs compatriotes. On a même appris que l'un d'entre eux est un meurtrier qui a avoué son crime et a déjà été jugé en Espagne.


Grenell et Maduro, janvier 2025

Finalement, la politique menée par l’envoyé spécial Richard Grenell a prévalu sur la position extrémiste de Marco Rubio. L’interlocuteur du gouvernement vénézuélien a été en communication permanente avec lui. La position de Grenell est que le Venezuela n’a pas adopté une position agressive à l’égard des USA et il a finalement assuré, dans une optique de pragmatisme absolu, que le Venezuela n’avait jamais refusé de vendre du pétrole aux USA, ce qui est tout à fait vrai.

Il n’a pas non plus refusé de rapatrier les migrants, utilisant même des avions vénézuéliens pour aller les chercher, libérant ainsi Washington du paiement de ces opérations qui sont désormais quasi quotidiennes et qui ont ramené un nombre quantitativement faible de migrants dans le pays, mais qui ont eu un énorme impact médiatique, émotionnel et symbolique en tant qu’expression de la volonté du gouvernement de faire face à cette situation qui trouve son origine dans la désignation du Venezuela, par Washington comme une menace pour la sécurité nationale des USA, avec les répercussions que cela a eu depuis plus de dix ans. 

D’autre part, les mensonges de Rubio ont été mis en évidence. Il a déclaré que la « libération » des dirigeants terroristes réfugiés à l’ambassade d’Argentine à Caracas était le fruit d’une opération des forces spéciales usaméricaines, alors qu’il s’agissait en réalité d’une négociation avec Grenell. Il a maintenant déclaré avoir fait pression sur Maduro pour qu’il libère les prisonniers usaméricains, alors qu’il s’agissait en réalité d’un autre accord conclu avec l’envoyé spécial de Trump. Cela a également affaibli et discrédité davantage la position de María Corina Machado, principale alliée de Rubio au Venezuela.

À l’heure actuelle, dans la logique de Trump, le Venezuela n’est plus un problème et il se concentre sur ceux qui le sont (selon sa logique) et pour différentes raisons : le Mexique et la Colombie pour le trafic de drogue et l’envoi de drogues aux USA, et le Brésil parce que, en tant que puissance industrielle, il est en concurrence avec les entreprises usaméricaines.

Lorsque les circonstances ont contraint Trump à remettre le département d’État aux néoconservateurs et qu’il a dû nommer Rubio contre son gré à ce poste, il a contrebalancé cette décision en nommant 24 envoyés spéciaux qui ne répondent pas à Rubio mais à lui seul. Avec ces envoyés, qui s’occupent des aspects les plus importants et les plus stratégiques, Trump gère l’essentiel de la politique étrangère des USA. En effet, face à la perte d’importance du département d’État, Rubio a été contraint de réduire ses effectifs, mettant sur la ouche des centaines de diplomates de carrière et d’autres fonctionnaires.

En échange, Trump a confié à Rubio la gestion de la politique envers l’Amérique latine et les Caraïbes, qui ne présente pas un grand intérêt pour Trump et qui est en réalité gérée par le Pentagone à travers le Commandement Sud des Forces armées. Dans cette mesure, la région subit le plus fort impact de la haine de celui que Trump a appelé « le petit Marco ». Dans le cas du Venezuela, en tant que pays pétrolier, l’agenda bilatéral dépasse ses possibilités, de sorte que le pouvoir de décision est de plus en plus transféré à Trump, par l’intermédiaire de Grenell.

En réponse aux progrès réalisés dans la communication entre le Venezuela et les USA, et au grand dam de Rubio et à sa perte de protagonisme, le département d’État, par l’intermédiaire du Bureau des affaires de l’hémisphère occidental, a déclaré que le « Cartel des Soleils », une création artificielle des USA prétendument composée de hautes autorités vénézuéliennes, était une organisation terroriste. Il a ensuite désigné le président Maduro comme le chef de cette organisation fantoche, l’accusant sans fondement d’avoir des liens avec le Tren de Aragua, une autre organisation criminelle détruite au Venezuela par l’action résolue du gouvernement, mais que Washington maintient en vie avec sa rhétorique afin de justifier sa politique envers le Venezuela.

De même, afin de donner une dimension internationale à cette idée, le département d’État a ajouté une faction du Cartel de Sinaloa, accusé d’être l’une des principales organisations introduisant de la drogue aux USA, à la triade mafieuse imaginaire qui n’existe que dans l’esprit fiévreux et pervers de l’extrême droite terroriste yankee.

L’acceptation de cette aberration ne répond qu’aux besoins de Trump de maintenir l’équilibre et de maintenir unis les groupes opposés qui se sont réunis, « collés avec du chewing-gum », dans son administration.

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Venezuela y USA ¿han mejorado las relaciones?

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 31-7-2025

El gobierno de Venezuela y el de Estados Unidos han logrado estabilizar una línea de comunicación permanente. Ello se debe más a definiciones de orden interno en Estados Unidos que a un mejoramiento real de los vínculos entre los dos países. Finalmente, en Estados Unidos se está imponiendo la pragmática propuesta MAGA (Make American Great Again) frente a la ideológica de los neoconservadores liderados por Marco Rubio.

La situación internacional y la aceptación de que China es el enemigo principal de Washington ha ido ganando espacios en la cúpula del poder estadounidense llevando a una buena parte del liderazgo de la administración a entender esta situación, obligando a los neoconservadores y a Marco Rubio a ceder. Su política de máxima presión (que en Venezuela hoy solo sostiene el grupo de María Corina Machado), ha fracasado. 

La producción y exportación de petróleo se ha estabilizado e incluso ha crecido un poco por encima del millón de barriles diarios. En gran medida eso ha sido posible gracias al apoyo de China que parece asumir una posición más activa en cuanto a sus vínculos económicos y comerciales con Venezuela elevando las compras de petróleo y llenando el vacío que había dejado la suspensión de las licencias especiales otorgadas a Chevron para operar en Venezuela a pesar de las sanciones. Mientras la política estadounidense orientada al derrocamiento del presidente Nicolás Maduro sigue naufragando en Venezuela, la mirada estratégica del presidente Xi Jinping se terminó imponiendo al cortoplacismo y al mero interés de lucro de los empresarios chinos.

En este contexto, la liberación de 252 migrantes venezolanos que fueron detenidos en Estados Unidos y enviados a una cárcel en El Salvador ha sido expresión pública de un aparente mejoramiento de las relaciones. En realidad lo que ha ocurrido es un mejoramiento de la comunicación. Si no fuera así, no tendría porque seguirse vinculando al gobierno de Venezuela con la delincuencia organizada y el narcotráfico que sigue presente en la mirada y en la retórica política del Departamento de Estado. 

Junto a lo anterior, también han regresado niños que habían sido secuestrados en Estados Unidos y separados de sus padres, aunque aún hay 33 de ellos retenidos ilegalmente por Washington. No se descarta que Marco Rubio en su aberrante obsesión por derrocar al gobierno de Venezuela, los quiera utilizar como moneda de cambio en favor de alguna de sus habituales fechorías. En este contexto, las licencias especiales a Chevron fueron restablecidos y la empresa volverá a operar en Venezuela aunque no está autorizada a pagar en efectivo al país.

A cambio, Venezuela tuvo que pagar un alto precio: debió liberar a 10 terroristas estadounidenses presos en el país y a una cantidad alta de terroristas venezolanos militantes de los partidos de la oposición radical que habían cometido delitos sancionados en el marco de la Constitución y las leyes. El propio Marco Rubio reconoció que no había razones para tener a los migrantes venezolanos presos en Estados Unidos y que solo eran rehenes para buscar intercambiarlos con sus compatriotas. Incluso, se ha sabido que uno de ellos, es un asesino confeso que ya fue juzgado en España.


Grenell y Maduro, enero de 2025

Finalmente, la política conducida por el enviado especial Richard Grenell se ha impuesto a la posición extremista de Marco Rubio. El interlocutor del gobierno de Venezuela ha estado en comunicación permanente con él. La posición de Grenell es que Venezuela no ha tenido una posición agresiva contra Estados Unidos y que finalmente –en el marco de una visión de absoluto pragmatismo - ha asegurado que Venezuela jamás se ha negado a vender petróleo a Estados Unidos, lo cual es totalmente cierto.

Tampoco se ha negado a repatriar los migrantes incluso utilizando aviones venezolanos para irlos a buscar liberando a Washington de pagar por esas operaciones que a estas alturas son casi diarias y que han traído un número cuantitativamente pequeño de migrantes de regreso al país pero que ha tenido un enorme impacto mediático, emocional y simbólico como expresión de la voluntad del gobierno de encarar esta situación que tuvo su origen en la designación de Venezuela, por parte de Washington, de ser una amenaza a la seguridad nacional de Estados Unidos con las consecuentes repercusiones que ello ha tenido por más de diez años. 

Por otro lado, se han puesto en evidencia las mentiras de Rubio. Dijo que la “liberación” de dirigentes terroristas asilados en la embajada de Argentina en caracas había sido una operación de fuerzas especiales de Estados Unidos, cuando en realidad fue producto de una negociación con Grenell. Ahora, ha dicho que él presionó a Maduro para liberar a los estadounidenses presos cuando en realidad también fue obra de otro acuerdo con el enviado especial de Trump. Con ello también se ha debilitado y desacreditado aun más, la posición de María Corina Machado, principal aliada de Rubio en Venezuela.

En este momento, en la lógica de Trump, Venezuela ha dejado de ser un problema y se está abocando a los que sí lo son (según su lógica) y por diferentes razones: México y Colombia por el narcotráfico y el envío de drogas a Estados Unidos y Brasil porque al ser una potencia industrial, compite con las empresas estadounidenses.

Cuando las circunstancias obligaron a Trump a entregarle el departamento de Estado a los neoconservadores y tuvo que nombrar a Rubio contra su voluntad en ese cargo, lo contrarrestó con el nombramiento de 24 enviados especiales que no responden a Rubio sino a él. Con estos enviados, que atienden los aspectos más importantes y estratégicos, Trump maneja lo sustancial de la política exterior de Estados Unidos. De hecho ante, la pérdida de protagonismo del Departamento de Estado, Rubio se vio obligado a reducir su plantilla dejando fuera a centenares de diplomáticos de carrera y otros funcionarios.

A cambio, Trump le entregó a Rubio el manejo de la política hacia América Latina y el caribe que no revisten mayor interés para Trump y que en realidad está siendo manejada por el Pentágono a través del Comando Sur de las Fuerzas Armadas. En esa medida la región está recibiendo el impacto más fuerte del odio de quien Trump llamó “el pequeño Marco”. En el caso de Venezuela, por ser un país petrolero, la agenda bilateral rebasa sus posibilidades por lo que cada vez más se va traspasando a Trump el poder de decisión, a través de Grenell.

En respuesta a los avances en la comunicación entre Venezuela y Estados Unidos, y ante la desesperación de Rubio y su pérdida de protagonismo, el Departamento de Estado a través de la Oficina de Asuntos del hemisferio occidental declaró que el “Cartel de los Soles”, una creación artificial de Estados Unidos supuestamente conformada por altas autoridades de Venezuela era una organización terrorista. A continuación, sindicó al presidente Maduro como jefe de ese engendro, acusándolo sin fundamento alguno de tener vínculos con el Tren de Aragua, otra organización delictiva destruida en Venezuela por la acción decidida del gobierno pero que Washington mantiene viva con su retórica a fin de argumentar a favor de su política hacia Venezuela.

Así mismo, y para darle ámbito internacional a la idea, el Departamento de Estado ha agregado a una facción del Cartel de Sinaloa, acusada de ser una de las principales organizaciones que introduce droga en Estados Unidos, como parte del imaginado triunvirato de poder mafioso que solo existe en la mente afiebrada y perversa de la extrema derecha terrorista de Estados Unidos

La aceptación de esta aberración solo responde a las necesidades de Trump de mantener los equilibrios y sostener unidos a los contradictorios grupos que se han reunido, “pegados con chicle”, en su administración.

19/07/2025

THE NEW YORK TIMES
Les débuts chaotiques du centre de détention “Alligator Alcatraz” en Floride

Plusieurs immigrants détenus ont décrit une tension et une anxiété élevées dans ce centre isolé et construit à la hâte, en raison du manque d’informations, d’activités récréatives et d’accès aux médicaments.

Patricia Mazzei, Ochopee, Floride  et Hamed Aleaziz, Washington, The New York Times, 16/7/2025
Kirsten Noyes a contribué à la recherche.

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 


Patricia Mazzei est la reportrice principale du Times à Miami, couvrant la Floride et Porto Rico.

Hamed Aleaziz  couvre le département de la Sécurité intérieure et la politique d’immigration pour le Times.


La Floride s’est empressée d’ouvrir le centre de détention des Everglades le 3 juillet, désireuse d’aider le président Trump dans sa lutte contre l’immigration en fournissant davantage de places de détention. Photo Ava Pellor pour le New York Times

Les hommes détenus dans le nouveau centre de détention pour immigrants situé dans les Everglades, en Floride, n’ont ni crayons, ni livres, ni télévision. Les lumières restent allumées toute la nuit. Quand il pleut, c’est-à-dire presque tous les jours en été, les tentes qui abritent les détenus prennent l’eau et les insectes s’y engouffrent.

Lors d’entretiens téléphoniques, plusieurs détenus ont fait état de douches peu fréquentes, de repas qui n’étaient guère plus que des collations, d’autres détenus tombant malades avec des symptômes grippaux et de privation de sommeil. Ils ont décrit des troubles liés au manque d’informations, à l’absence de loisirs et à l’impossibilité d’accéder à des médicaments.

« C’est une poudrière », a déclaré Rick Herrera, l’un des détenus, qui a appelé un journaliste à plusieurs reprises pendant cinq jours, offrant un rare aperçu des premières semaines chaotiques de ce que les experts considèrent comme le seul centre d’accueil géré par l’État pour les détenus immigrés fédéraux.

La Floride, sous la houlette de son procurer général James Uthmeier, a foncé  pour ouvrir le centre — baptisé officiellement « Alligator Alcatraz » en référence à son emplacement isolé et marécageux — le 3 juillet, dans son désir d’aider le président Trump dans sa lutte contre l’immigration en augmentant la capacité d’accueil des centres de détention. Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure, a déclaré dimanche que d’autres États souhaitaient suivre l’exemple de la Floride.

Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride, a positionné son État  comme particulièrement agressif en matière d’application des lois sur l’immigration, déléguant aux autorités locales et étatiques le pouvoir d’ agir comme un « multiplicateur de force »  pour les autorités fédérales.

Mais l’ouverture du centre de détention dans les Everglades était une mesure sans précédent qui reposait sur les pouvoirs d’urgence de l’État. Jusqu’à récemment, le gouvernement fédéral était responsable de l’hébergement des immigrants détenus, et il détenait principalement des personnes entrées illégalement dans le pays récemment, ou qui avaient été condamnées pour des infractions pénales ou faisaient l’objet d’une mesure d’expulsion. Mais sous Trump, l’application des lois sur l’immigration a considérablement changé, touchant désormais des personnes qui n’étaient pas visées auparavant.


Trump et Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure, visitant le centre au début du mois. Photo Doug Mills/The New York Times

Le centre des Everglades s’inscrit dans le cadre du processus de coopération locale et fédérale en matière d’immigration connu sous le nom de 287(g). En vertu de ce système, les autorités locales peuvent arrêter et placer en détention des migrants pour le compte des services de l’immigration et des douanes (ICE). On ignore toutefois si et quand les personnes détenues au centre des Everglades seront transférées à l’ICE avant d’être expulsées.

La plupart des détenus du centre n’ont pas été condamnés pour des infractions pénales, selon un responsable gouvernemental au fait des données qui a souhaité garder l’anonymat car il n’était pas autorisé à s’exprimer à ce sujet. Au moins certains d’entre eux avaient été transférés depuis des prisons locales où ils avaient été placés en détention après avoir été arrêtés pour des infractions au code de la route ; d’autres avaient été transférés depuis des centres de détention de l’ICE.

Un autre responsable gouvernemental qui a souhaité garder l’anonymat pour la même raison a déclaré qu’au total, 60 % des détenus du centre avaient été condamnés pour des infractions pénales ou faisaient l’objet de poursuites pénales.

DeSantis est envisage déjà  d’ouvrir un autre centre de ce type dans le nord de la Floride. Les tribunaux ont toutefois jugé à plusieurs reprises que l’application des lois sur l’immigration relevait de la compétence fédérale. La semaine dernière, la Cour suprême a refusé de réanimer  une loi restrictive sur l’immigration en Floride, bloquée par les tribunaux inférieurs, qui aurait érigé en infraction pénale le fait pour des migrants en situation irrégulière d’entrer dans l’État.

« Les États ne sont pas autorisés à créer leur propre système de détention des immigrants », a déclaré Lucas Guttentag, ancien fonctionnaire du ministère de la Justice sous l’administration Biden. « Tous ceux qui accordent de l’importance à la liberté et à la responsabilité devraient être profondément inquiets. »

Interrogée au sujet du centre des Everglades, Tricia McLaughlin, porte-parole du département de la Sécurité intérieure, a déclaré : « Sous la direction du président Trump, nous travaillons d’arrache-pied pour trouver des moyens rentables et innovants de répondre à la demande du peuple américain en matière d’expulsion massive des étrangers en situation irrégulière ayant commis des infractions pénales. »

Bien que Trump ait fait sensation en visitant le centre de détention des Everglades  il y a deux semaines, le gouvernement fédéral s’est désengagé du projet, affirmant qu’il relevait de la responsabilité de l’État de Floride. Après que des groupes environnementaux ont esté en justice pour faire arrêter la construction  du centre, Thomas P. Giles, haut responsable de l’ICE, a répondu dans un communiqué que le rôle de l’agence « s’est limité à visiter les installations afin de s’assurer qu’elles respectaient les normes de détention de l’ICE, et à rencontrer des représentants de l’État de Floride pour discuter de questions opérationnelles ».

« La décision finale quant à l’identité des personnes à placer en détention », a-t-il écrit, « appartient à la Floride ».


Les responsables de l’État, qui ont déclaré aux députés qu’ils prévoyaient d’augmenter la capacité de l’établissement à 4 000 personnes d’ici le mois prochain, ont rejeté les descriptions des détenus concernant les mauvaises conditions de détention, les qualifiant de « totalement fausses ». Photo Rebecca Blackwell/Associated Press

Les détenus du centre n’apparaissent pas dans la base de données publique de l’ICE, ce qui rend difficile pour leurs proches ou leurs avocats de les retrouver ou de savoir s’ils ont été expulsés. Avec 1 000 lits répartis dans des unités clôturées pouvant accueillir chacune 32 hommes, il comptait environ 900 détenus samedi, selon des membres du Congrès et des députés de l’État. La grande majorité d’entre eux étaient hispaniques.

Les détentions massives ont donné lieu à des plaintes pour surpopulation et conditions insalubres et inhumaines  dans les centres de détention de l’ICE à travers le pays, bien que l’ICE ait nié tout problème. Mais certaines conditions dans le centre de détention des Everglades sont spécifiquement dues à sa construction précipitée et à son emplacement isolé. Il a été construit sur un aérodrome avec si peu d’infrastructures que les ordures et les eaux usées doivent être évacuées par de gros camions.

Les responsables de l’État, qui ont déclaré aux députés qu’ils prévoyaient d’augmenter la capacité de l’établissement à 4 000 personnes d’ici le mois prochain, ont rejeté les descriptions des détenus concernant les mauvaises conditions de détention, les qualifiant de « totalement fausses ».

« L’installation répond à toutes les normes requises et fonctionne correctement », a déclaré Stephanie Hartman, directrice adjointe de la communication de la Division de la gestion des urgences de Floride, dans un communiqué.

Les proches et les avocats des détenus affirment qu’ils n’ont pas été autorisés à leur rendre visite ; mercredi, l’Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Union) a intenté une action en justice pour dénoncer l’impossibilité pour les avocats d’accéder aux détenus. Jusqu’à présent, les détenus ont été autorisés à passer des appels illimités et gratuits, mais ceux-ci peuvent être surveillés ou enregistrés. Certains détenus et leurs proches ont refusé d’être nommés par crainte de représailles.

Des membres du Congrès et des députés de l’État ont visité les installations samedi sur invitation, après que des législateurs démocrates de l’État s’étaient vu refuser l’entrée plus tôt ce mois-ci lorsqu’ils s’étaient présentés à l’improviste. Les démocrates de l’État ont intenté une action en justice, arguant qu’ils ont le droit d’exercer un tel contrôle.

Après la visite, le sénateur républicain Blaise Ingoglia a décrit une couchette dans une cellule vide de l’établissement comme « meilleure que mon lit chez moi ».

Plusieurs députés démocrates ont critiqué cette visite, la qualifiant d’ « aseptisée », et ont déclaré que les conditions à l’intérieur étaient pires que celles des centres de détention de l’ICE. « Tous les Floridiens devraient avoir honte que l’argent des contribuables soit utilisé pour mettre des gens dans ces cages », a déclaré le représentant Maxwell Alejandro Frost, un démocrate d’Orlando.


Manifestants à l’entrée du centre de détention, érigé sur un aérodrome dans les Everglades. Photo Ava Pellor pour le New York Times

La présence des politiciens a attiré une foule modeste près de l’autoroute américaine 41, une route à deux voies qui traverse les Everglades d’est en ouest. Parmi eux se trouvait Benita Mendoza, dont le mari, Jordan Márquez, arrivé aux USA il y a 19 ans en provenance de Cuba, faisait partie des premiers détenus du centre.

« Il me demande sans cesse : “Quelle heure est-il ? Quel jour sommes-nous ?”», a-t-elle déclaré, ajoutant que M. Márquez, âgé de 43 ans, lui avait dit qu’il ne prenait pas régulièrement ses médicaments pour la tension artérielle.

Des manifestants se trouvaient parmi les personnes présentes devant le centre ce jour-là. Un partisan brandissait un drapeau américain à côté d’une pancarte sur laquelle on pouvait lire « ENVOYEZ PLUS DE GATORS !! ». Un autre homme vendait des t-shirts Alligator Alcatraz depuis son SUV au prix de 25 dollars pièce. Quatre jeunes hommes qui roulaient de Naples à Miami dans une Mercedes-Benz décapotable se sont arrêtés et ont filmé la scène.

Les républicains ont affirmé que le centre nécessite moins de sécurité que d’autres en raison de son environnement inhospitalier, peuplé qu’il est par des alligators et des pythons envahissants. Aucun de ces animaux n’a tendance à attaquer les humains, et les Amérindiens, notamment la tribu des Miccosukee, ont depuis longtemps élu domicile dans les Everglades.

« C’est toute la communauté Miccosukee qui est concernée », dit Betty Osceola, une membre de la tribu qui vit à proximité et qui a protesté contre le centre de détention pour des raisons environnementales.

La Floride a estimé que le fonctionnement de ce centre coûtera environ 450 millions de dollars par an, dont une partie sera remboursée par l’Agence fédérale de gestion des urgences. Les détracteurs ont souligné que le coût par détenu est plus élevé que dans les prisons d’État ou les centres de détention de l’ICE. L’État a conclu des contrats sans appel d’offres en urgence ; certains   sont allés à des donateurs politiques républicains.


Betty Osceola, membre de la tribu Miccosukee qui vit à proximité et qui a protesté contre le centre de détention pour des raisons environnementales. Photo Ava Pellor pour le New York Times

Un bus rempli de détenus, dont M. Herrera, est arrivé mercredi dernier, mais ils n’ont pas été immédiatement pris en charge. Ils ont été gardés dans le bus toute la nuit, menottés et enchaînés, sans nourriture ni boisson, ont déclaré M. Herrera et un autre détenu. M. Herrera avait été informé qu’il serait transféré au centre de détention de Krome, géré par l’ICE, plus près de Miami, mais au lieu de ça, il est arrivé au centre des Everglades.

Les hommes ont été placés dans l’une des huit unités clôturées à l’intérieur d’une immense tente ; ceux qui avaient un casier judiciaire chargé ont reçu des bracelets rouges. M. Herrera, 55 ans, a été libéré de prison il y a deux ans après avoir purgé une peine pour vol de voiture. Il vit aux USA depuis l’âge de 3 ans et n’a pas de dossier de citoyenneté en Argentine, d’où est originaire sa famille, ce qui rend son expulsion difficile.

Le centre des Everglades était différent des prisons fédérales et des centres de détention de l’ICE où il avait séjourné, a-t-il déclaré : il n’y avait pas de règlement affiché ni de coordonnées pour contacter un inspecteur général ; pas de bibliothèque juridique ni de matériel religieux, y compris des bibles ; pas de temps de récréation en plein air, du moins pas pour son unité ; pas de cantine ni de distributeurs automatiques. Au cours d’une conversation téléphonique avec M. Herrera, on pouvait entendre en arrière-plan des hommes à l’intérieur de l’unité crier en espagnol : « Libertad ! Libertad ! »

Alexander Boni, un détenu cubain âgé de 32 ans, a déclaré avoir demandé un masque facial après que d’autres détenus sont tombés malades, mais qu’il ne l’avait pas obtenu.

« Nous sommes désespérés ici », a-t-il déclaré.

Pour passer le temps, certains détenus ont fabriqué la semaine dernière des pièces d’échecs et des dominos rudimentaires à partir de bouts de papier, a déclaré M. Herrera. Ils ont utilisé de la graisse de soudure provenant des lits superposés en métal pour marquer les pièces noires.

Mardi, les gardiens ont informé M. Herrera qu’il allait être transféré, sans toutefois lui dire où il allait. D’autres membres de son unité avaient également été emmenés. Mercredi, son avocat a été informé qu’il avait été transporté vers le centre de détention de l’ICE situé à proximité, à Krome, où il aurait dû être envoyé dès le début.

Bonus/Malus
Alligator Alcatraz vu par les dessinateurs

Mahmoud Rifai, Jordanie


-Qui a dit que je n'ai pas d'animaux de compagnies ?
"Cruauté gratuite"
Nick Anderson

This cartoon is set outside near a barbed-wire fence with a sign that reads “Alligator Alcatraz: Migrant Detention Center.” Two alligators look worried as they stare through the fence at the Statue of Liberty. One alligator says to the other, “ICE did warn that there would be big, green dangerous things on the other side of the fence.”

-L'ICE avait prévenu qu'il y aurait des gros trucs verts dangereux de l'autre côté de la clôture
Joe Heller

This editorial cartoon is titled “Alligator Auschwitz”. It depicts the front gates of a detention center in Florida. Alligators are nearby and a sign on the foreboding fence reads, “Dade-Collier Training and Transition Airport operated by ICE.” Above the front gates are the words, “Arbeit Macht Frei.”
Pat Byrnes



Les petits commerçants républicano-trumpistes n'hésitent pas à vendre des stickers débiles dans ce genre ...
...et des T-shirts