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04/08/2025

Lettre du gratin de l'appareil militaro-policier israélien à Trump

Voici la lettre que le gratin des retraités des forces armées, policières, de renseignement d’Israël, cosignée par 600 de leurs collègues, viennent d’envoyer à Mister Trump. Un document d’anthologie.



 Lettre des Commandants pour la sécurité d’Israël 

@cisorgil

 au président Trump

Président Donald J. Trump

La Maison Blanche

Monsieur le Président,

Arrêtez la guerre à Gaza !

Au nom du CIS, le plus grand groupe d’anciens généraux de l’armée israélienne et d’équivalents du Mossad, du Shin Bet, de la police et du corps diplomatique, nous vous exhortons à mettre fin à la guerre à Gaza.

Vous l’avez fait au Liban. Il est temps de le faire à Gaza également.

L’armée israélienne a depuis longtemps atteint les deux objectifs qui pouvaient être atteints par la force : démanteler les formations militaires et le gouvernement du Hamas. Le troisième, et le plus important, ne peut être atteint que par un accord : ramener tous les otages chez eux.

Selon notre avis professionnel, le Hamas ne représente plus une menace stratégique pour Israël, et notre expérience nous montre qu’Israël dispose de tous les moyens nécessaires pour faire face à ses capacités terroristes résiduelles, à distance ou autrement.

La traque des derniers cadres du Hamas peut être effectuée plus tard.

Nos otages ne peuvent pas attendre.

Votre crédibilité auprès de la grande majorité des Israéliens renforce votre capacité à orienter le Premier ministre Netanyahu et son gouvernement dans la bonne direction : mettre fin à la guerre, ramener les otages, mettre fin aux souffrances et forger une coalition régionale et internationale qui aide l’Autorité palestinienne (une fois réformée) à offrir aux Gazaouis et à tous les Palestiniens une alternative au Hamas et à son idéologie vicieuse.

Avec tout notre respect,

Général de division (à la retraite) Matan Vilnai
Ancien chef d’état-major adjoint de l’armée israélienne Président du CIS

Tamir Pardo
Ancien directeur du Mossad

Ambassadeur (à la retraite) Jeremy Issacharoff.
Ancien vice-directeur général, ministère des Affaires étrangères 

Assaf Hefetz
Ancien commissaire, police israélienne

Amiral (à la retraite) Ami Ayalon
 Ancien directeur de l’ISA (Shabak/Shinbet)

 @realDonaldTrump

@SteveWitkoff

#Stopthewar #BringThemHomeNow

31/07/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Le Venezuela et les USA ont-ils amélioré leurs relations ?

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 30/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Les gouvernements vénézuélien et usaméricain ont réussi à stabiliser une ligne de communication permanente. Cela tient davantage à des décisions internes aux USA qu'à une réelle amélioration des relations entre les deux pays. Finalement, aux USA, la proposition pragmatique MAGA (Make American Great Again) l'emporte sur l'idéologie des néoconservateurs emmenés par Marco Rubio.

La situation internationale et l'acceptation du fait que la Chine est l'ennemi principal de Washington ont gagné du terrain au sommet du pouvoir usaméricain, amenant une bonne partie des dirigeants de l'administration à comprendre cette situation et obligeant les néoconservateurs et Marco Rubio à céder.

Sa politique de pression maximale (qui n'est aujourd'hui soutenue au Venezuela que par le groupe de María Corina Machado) a échoué. La production et l'exportation de pétrole se sont stabilisées et ont même légèrement augmenté pour dépasser le million de barils par jour. Cela a été rendu possible en grande partie grâce au soutien de la Chine, qui semble adopter une position plus active en ce qui concerne ses liens économiques et commerciaux avec le Venezuela, en augmentant ses achats de pétrole et en comblant le vide laissé par la suspension des licences spéciales accordées à Chevron pour opérer au Venezuela malgré les sanctions. Alors que la politique usaméricaine visant à renverser le président Nicolás Maduro continue de faire naufrage au Venezuela, la vision stratégique du président Xi Jinping a fini par l'emporter sur le court-termisme et le simple intérêt lucratif des entrepreneurs chinois.

Dans ce contexte, la libération de 252 migrants vénézuéliens qui avaient été arrêtés aux USA et envoyés dans une prison au Salvador a été l'expression publique d'une apparente amélioration des relations. En réalité, ce qui s'est produit, c'est une amélioration de la communication. Si tel n'était pas le cas, il n'y aurait aucune raison de continuer à associer le gouvernement vénézuélien à la criminalité organisée et au trafic de drogue, ce qui reste présent dans le regard et la rhétorique politique du département d'État. 

Par ailleurs, des enfants qui avaient été enlevés aux USA et séparés de leurs parents sont également rentrés chez eux, même si 33 d'entre eux sont toujours détenus illégalement par Washington. Il n'est pas exclu que Marco Rubio, dans son obsession aberrante de renverser le gouvernement vénézuélien, veuille les utiliser comme monnaie d'échange en faveur de l'une de ses vilenies habituelles. Dans ce contexte, les licences spéciales accordées à Chevron ont été rétablies et l'entreprise reprendra ses activités au Venezuela, même si elle n'est pas autorisée à payer le pays en espèces

En échange, le Venezuela a dû payer un prix élevé : il a dû libérer 10 terroristes usaméricains emprisonnés dans le pays et un grand nombre de terroristes vénézuéliens militants des partis d'opposition radicale qui avaient commis des crimes punis par la Constitution et les lois. Marco Rubio lui-même a reconnu qu'il n'y avait aucune raison de maintenir les migrants vénézuéliens en détention aux USA et qu'ils n'étaient que des otages destinés à être échangés contre leurs compatriotes. On a même appris que l'un d'entre eux est un meurtrier qui a avoué son crime et a déjà été jugé en Espagne.


Grenell et Maduro, janvier 2025

Finalement, la politique menée par l’envoyé spécial Richard Grenell a prévalu sur la position extrémiste de Marco Rubio. L’interlocuteur du gouvernement vénézuélien a été en communication permanente avec lui. La position de Grenell est que le Venezuela n’a pas adopté une position agressive à l’égard des USA et il a finalement assuré, dans une optique de pragmatisme absolu, que le Venezuela n’avait jamais refusé de vendre du pétrole aux USA, ce qui est tout à fait vrai.

Il n’a pas non plus refusé de rapatrier les migrants, utilisant même des avions vénézuéliens pour aller les chercher, libérant ainsi Washington du paiement de ces opérations qui sont désormais quasi quotidiennes et qui ont ramené un nombre quantitativement faible de migrants dans le pays, mais qui ont eu un énorme impact médiatique, émotionnel et symbolique en tant qu’expression de la volonté du gouvernement de faire face à cette situation qui trouve son origine dans la désignation du Venezuela, par Washington comme une menace pour la sécurité nationale des USA, avec les répercussions que cela a eu depuis plus de dix ans. 

D’autre part, les mensonges de Rubio ont été mis en évidence. Il a déclaré que la « libération » des dirigeants terroristes réfugiés à l’ambassade d’Argentine à Caracas était le fruit d’une opération des forces spéciales usaméricaines, alors qu’il s’agissait en réalité d’une négociation avec Grenell. Il a maintenant déclaré avoir fait pression sur Maduro pour qu’il libère les prisonniers usaméricains, alors qu’il s’agissait en réalité d’un autre accord conclu avec l’envoyé spécial de Trump. Cela a également affaibli et discrédité davantage la position de María Corina Machado, principale alliée de Rubio au Venezuela.

À l’heure actuelle, dans la logique de Trump, le Venezuela n’est plus un problème et il se concentre sur ceux qui le sont (selon sa logique) et pour différentes raisons : le Mexique et la Colombie pour le trafic de drogue et l’envoi de drogues aux USA, et le Brésil parce que, en tant que puissance industrielle, il est en concurrence avec les entreprises usaméricaines.

Lorsque les circonstances ont contraint Trump à remettre le département d’État aux néoconservateurs et qu’il a dû nommer Rubio contre son gré à ce poste, il a contrebalancé cette décision en nommant 24 envoyés spéciaux qui ne répondent pas à Rubio mais à lui seul. Avec ces envoyés, qui s’occupent des aspects les plus importants et les plus stratégiques, Trump gère l’essentiel de la politique étrangère des USA. En effet, face à la perte d’importance du département d’État, Rubio a été contraint de réduire ses effectifs, mettant sur la ouche des centaines de diplomates de carrière et d’autres fonctionnaires.

En échange, Trump a confié à Rubio la gestion de la politique envers l’Amérique latine et les Caraïbes, qui ne présente pas un grand intérêt pour Trump et qui est en réalité gérée par le Pentagone à travers le Commandement Sud des Forces armées. Dans cette mesure, la région subit le plus fort impact de la haine de celui que Trump a appelé « le petit Marco ». Dans le cas du Venezuela, en tant que pays pétrolier, l’agenda bilatéral dépasse ses possibilités, de sorte que le pouvoir de décision est de plus en plus transféré à Trump, par l’intermédiaire de Grenell.

En réponse aux progrès réalisés dans la communication entre le Venezuela et les USA, et au grand dam de Rubio et à sa perte de protagonisme, le département d’État, par l’intermédiaire du Bureau des affaires de l’hémisphère occidental, a déclaré que le « Cartel des Soleils », une création artificielle des USA prétendument composée de hautes autorités vénézuéliennes, était une organisation terroriste. Il a ensuite désigné le président Maduro comme le chef de cette organisation fantoche, l’accusant sans fondement d’avoir des liens avec le Tren de Aragua, une autre organisation criminelle détruite au Venezuela par l’action résolue du gouvernement, mais que Washington maintient en vie avec sa rhétorique afin de justifier sa politique envers le Venezuela.

De même, afin de donner une dimension internationale à cette idée, le département d’État a ajouté une faction du Cartel de Sinaloa, accusé d’être l’une des principales organisations introduisant de la drogue aux USA, à la triade mafieuse imaginaire qui n’existe que dans l’esprit fiévreux et pervers de l’extrême droite terroriste yankee.

L’acceptation de cette aberration ne répond qu’aux besoins de Trump de maintenir l’équilibre et de maintenir unis les groupes opposés qui se sont réunis, « collés avec du chewing-gum », dans son administration.

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Venezuela y USA ¿han mejorado las relaciones?

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 31-7-2025

El gobierno de Venezuela y el de Estados Unidos han logrado estabilizar una línea de comunicación permanente. Ello se debe más a definiciones de orden interno en Estados Unidos que a un mejoramiento real de los vínculos entre los dos países. Finalmente, en Estados Unidos se está imponiendo la pragmática propuesta MAGA (Make American Great Again) frente a la ideológica de los neoconservadores liderados por Marco Rubio.

La situación internacional y la aceptación de que China es el enemigo principal de Washington ha ido ganando espacios en la cúpula del poder estadounidense llevando a una buena parte del liderazgo de la administración a entender esta situación, obligando a los neoconservadores y a Marco Rubio a ceder. Su política de máxima presión (que en Venezuela hoy solo sostiene el grupo de María Corina Machado), ha fracasado. 

La producción y exportación de petróleo se ha estabilizado e incluso ha crecido un poco por encima del millón de barriles diarios. En gran medida eso ha sido posible gracias al apoyo de China que parece asumir una posición más activa en cuanto a sus vínculos económicos y comerciales con Venezuela elevando las compras de petróleo y llenando el vacío que había dejado la suspensión de las licencias especiales otorgadas a Chevron para operar en Venezuela a pesar de las sanciones. Mientras la política estadounidense orientada al derrocamiento del presidente Nicolás Maduro sigue naufragando en Venezuela, la mirada estratégica del presidente Xi Jinping se terminó imponiendo al cortoplacismo y al mero interés de lucro de los empresarios chinos.

En este contexto, la liberación de 252 migrantes venezolanos que fueron detenidos en Estados Unidos y enviados a una cárcel en El Salvador ha sido expresión pública de un aparente mejoramiento de las relaciones. En realidad lo que ha ocurrido es un mejoramiento de la comunicación. Si no fuera así, no tendría porque seguirse vinculando al gobierno de Venezuela con la delincuencia organizada y el narcotráfico que sigue presente en la mirada y en la retórica política del Departamento de Estado. 

Junto a lo anterior, también han regresado niños que habían sido secuestrados en Estados Unidos y separados de sus padres, aunque aún hay 33 de ellos retenidos ilegalmente por Washington. No se descarta que Marco Rubio en su aberrante obsesión por derrocar al gobierno de Venezuela, los quiera utilizar como moneda de cambio en favor de alguna de sus habituales fechorías. En este contexto, las licencias especiales a Chevron fueron restablecidos y la empresa volverá a operar en Venezuela aunque no está autorizada a pagar en efectivo al país.

A cambio, Venezuela tuvo que pagar un alto precio: debió liberar a 10 terroristas estadounidenses presos en el país y a una cantidad alta de terroristas venezolanos militantes de los partidos de la oposición radical que habían cometido delitos sancionados en el marco de la Constitución y las leyes. El propio Marco Rubio reconoció que no había razones para tener a los migrantes venezolanos presos en Estados Unidos y que solo eran rehenes para buscar intercambiarlos con sus compatriotas. Incluso, se ha sabido que uno de ellos, es un asesino confeso que ya fue juzgado en España.


Grenell y Maduro, enero de 2025

Finalmente, la política conducida por el enviado especial Richard Grenell se ha impuesto a la posición extremista de Marco Rubio. El interlocutor del gobierno de Venezuela ha estado en comunicación permanente con él. La posición de Grenell es que Venezuela no ha tenido una posición agresiva contra Estados Unidos y que finalmente –en el marco de una visión de absoluto pragmatismo - ha asegurado que Venezuela jamás se ha negado a vender petróleo a Estados Unidos, lo cual es totalmente cierto.

Tampoco se ha negado a repatriar los migrantes incluso utilizando aviones venezolanos para irlos a buscar liberando a Washington de pagar por esas operaciones que a estas alturas son casi diarias y que han traído un número cuantitativamente pequeño de migrantes de regreso al país pero que ha tenido un enorme impacto mediático, emocional y simbólico como expresión de la voluntad del gobierno de encarar esta situación que tuvo su origen en la designación de Venezuela, por parte de Washington, de ser una amenaza a la seguridad nacional de Estados Unidos con las consecuentes repercusiones que ello ha tenido por más de diez años. 

Por otro lado, se han puesto en evidencia las mentiras de Rubio. Dijo que la “liberación” de dirigentes terroristas asilados en la embajada de Argentina en caracas había sido una operación de fuerzas especiales de Estados Unidos, cuando en realidad fue producto de una negociación con Grenell. Ahora, ha dicho que él presionó a Maduro para liberar a los estadounidenses presos cuando en realidad también fue obra de otro acuerdo con el enviado especial de Trump. Con ello también se ha debilitado y desacreditado aun más, la posición de María Corina Machado, principal aliada de Rubio en Venezuela.

En este momento, en la lógica de Trump, Venezuela ha dejado de ser un problema y se está abocando a los que sí lo son (según su lógica) y por diferentes razones: México y Colombia por el narcotráfico y el envío de drogas a Estados Unidos y Brasil porque al ser una potencia industrial, compite con las empresas estadounidenses.

Cuando las circunstancias obligaron a Trump a entregarle el departamento de Estado a los neoconservadores y tuvo que nombrar a Rubio contra su voluntad en ese cargo, lo contrarrestó con el nombramiento de 24 enviados especiales que no responden a Rubio sino a él. Con estos enviados, que atienden los aspectos más importantes y estratégicos, Trump maneja lo sustancial de la política exterior de Estados Unidos. De hecho ante, la pérdida de protagonismo del Departamento de Estado, Rubio se vio obligado a reducir su plantilla dejando fuera a centenares de diplomáticos de carrera y otros funcionarios.

A cambio, Trump le entregó a Rubio el manejo de la política hacia América Latina y el caribe que no revisten mayor interés para Trump y que en realidad está siendo manejada por el Pentágono a través del Comando Sur de las Fuerzas Armadas. En esa medida la región está recibiendo el impacto más fuerte del odio de quien Trump llamó “el pequeño Marco”. En el caso de Venezuela, por ser un país petrolero, la agenda bilateral rebasa sus posibilidades por lo que cada vez más se va traspasando a Trump el poder de decisión, a través de Grenell.

En respuesta a los avances en la comunicación entre Venezuela y Estados Unidos, y ante la desesperación de Rubio y su pérdida de protagonismo, el Departamento de Estado a través de la Oficina de Asuntos del hemisferio occidental declaró que el “Cartel de los Soles”, una creación artificial de Estados Unidos supuestamente conformada por altas autoridades de Venezuela era una organización terrorista. A continuación, sindicó al presidente Maduro como jefe de ese engendro, acusándolo sin fundamento alguno de tener vínculos con el Tren de Aragua, otra organización delictiva destruida en Venezuela por la acción decidida del gobierno pero que Washington mantiene viva con su retórica a fin de argumentar a favor de su política hacia Venezuela.

Así mismo, y para darle ámbito internacional a la idea, el Departamento de Estado ha agregado a una facción del Cartel de Sinaloa, acusada de ser una de las principales organizaciones que introduce droga en Estados Unidos, como parte del imaginado triunvirato de poder mafioso que solo existe en la mente afiebrada y perversa de la extrema derecha terrorista de Estados Unidos

La aceptación de esta aberración solo responde a las necesidades de Trump de mantener los equilibrios y sostener unidos a los contradictorios grupos que se han reunido, “pegados con chicle”, en su administración.

19/07/2025

THE NEW YORK TIMES
Les débuts chaotiques du centre de détention “Alligator Alcatraz” en Floride

Plusieurs immigrants détenus ont décrit une tension et une anxiété élevées dans ce centre isolé et construit à la hâte, en raison du manque d’informations, d’activités récréatives et d’accès aux médicaments.

Patricia Mazzei, Ochopee, Floride  et Hamed Aleaziz, Washington, The New York Times, 16/7/2025
Kirsten Noyes a contribué à la recherche.

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 


Patricia Mazzei est la reportrice principale du Times à Miami, couvrant la Floride et Porto Rico.

Hamed Aleaziz  couvre le département de la Sécurité intérieure et la politique d’immigration pour le Times.


La Floride s’est empressée d’ouvrir le centre de détention des Everglades le 3 juillet, désireuse d’aider le président Trump dans sa lutte contre l’immigration en fournissant davantage de places de détention. Photo Ava Pellor pour le New York Times

Les hommes détenus dans le nouveau centre de détention pour immigrants situé dans les Everglades, en Floride, n’ont ni crayons, ni livres, ni télévision. Les lumières restent allumées toute la nuit. Quand il pleut, c’est-à-dire presque tous les jours en été, les tentes qui abritent les détenus prennent l’eau et les insectes s’y engouffrent.

Lors d’entretiens téléphoniques, plusieurs détenus ont fait état de douches peu fréquentes, de repas qui n’étaient guère plus que des collations, d’autres détenus tombant malades avec des symptômes grippaux et de privation de sommeil. Ils ont décrit des troubles liés au manque d’informations, à l’absence de loisirs et à l’impossibilité d’accéder à des médicaments.

« C’est une poudrière », a déclaré Rick Herrera, l’un des détenus, qui a appelé un journaliste à plusieurs reprises pendant cinq jours, offrant un rare aperçu des premières semaines chaotiques de ce que les experts considèrent comme le seul centre d’accueil géré par l’État pour les détenus immigrés fédéraux.

La Floride, sous la houlette de son procurer général James Uthmeier, a foncé  pour ouvrir le centre — baptisé officiellement « Alligator Alcatraz » en référence à son emplacement isolé et marécageux — le 3 juillet, dans son désir d’aider le président Trump dans sa lutte contre l’immigration en augmentant la capacité d’accueil des centres de détention. Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure, a déclaré dimanche que d’autres États souhaitaient suivre l’exemple de la Floride.

Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride, a positionné son État  comme particulièrement agressif en matière d’application des lois sur l’immigration, déléguant aux autorités locales et étatiques le pouvoir d’ agir comme un « multiplicateur de force »  pour les autorités fédérales.

Mais l’ouverture du centre de détention dans les Everglades était une mesure sans précédent qui reposait sur les pouvoirs d’urgence de l’État. Jusqu’à récemment, le gouvernement fédéral était responsable de l’hébergement des immigrants détenus, et il détenait principalement des personnes entrées illégalement dans le pays récemment, ou qui avaient été condamnées pour des infractions pénales ou faisaient l’objet d’une mesure d’expulsion. Mais sous Trump, l’application des lois sur l’immigration a considérablement changé, touchant désormais des personnes qui n’étaient pas visées auparavant.


Trump et Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure, visitant le centre au début du mois. Photo Doug Mills/The New York Times

Le centre des Everglades s’inscrit dans le cadre du processus de coopération locale et fédérale en matière d’immigration connu sous le nom de 287(g). En vertu de ce système, les autorités locales peuvent arrêter et placer en détention des migrants pour le compte des services de l’immigration et des douanes (ICE). On ignore toutefois si et quand les personnes détenues au centre des Everglades seront transférées à l’ICE avant d’être expulsées.

La plupart des détenus du centre n’ont pas été condamnés pour des infractions pénales, selon un responsable gouvernemental au fait des données qui a souhaité garder l’anonymat car il n’était pas autorisé à s’exprimer à ce sujet. Au moins certains d’entre eux avaient été transférés depuis des prisons locales où ils avaient été placés en détention après avoir été arrêtés pour des infractions au code de la route ; d’autres avaient été transférés depuis des centres de détention de l’ICE.

Un autre responsable gouvernemental qui a souhaité garder l’anonymat pour la même raison a déclaré qu’au total, 60 % des détenus du centre avaient été condamnés pour des infractions pénales ou faisaient l’objet de poursuites pénales.

DeSantis est envisage déjà  d’ouvrir un autre centre de ce type dans le nord de la Floride. Les tribunaux ont toutefois jugé à plusieurs reprises que l’application des lois sur l’immigration relevait de la compétence fédérale. La semaine dernière, la Cour suprême a refusé de réanimer  une loi restrictive sur l’immigration en Floride, bloquée par les tribunaux inférieurs, qui aurait érigé en infraction pénale le fait pour des migrants en situation irrégulière d’entrer dans l’État.

« Les États ne sont pas autorisés à créer leur propre système de détention des immigrants », a déclaré Lucas Guttentag, ancien fonctionnaire du ministère de la Justice sous l’administration Biden. « Tous ceux qui accordent de l’importance à la liberté et à la responsabilité devraient être profondément inquiets. »

Interrogée au sujet du centre des Everglades, Tricia McLaughlin, porte-parole du département de la Sécurité intérieure, a déclaré : « Sous la direction du président Trump, nous travaillons d’arrache-pied pour trouver des moyens rentables et innovants de répondre à la demande du peuple américain en matière d’expulsion massive des étrangers en situation irrégulière ayant commis des infractions pénales. »

Bien que Trump ait fait sensation en visitant le centre de détention des Everglades  il y a deux semaines, le gouvernement fédéral s’est désengagé du projet, affirmant qu’il relevait de la responsabilité de l’État de Floride. Après que des groupes environnementaux ont esté en justice pour faire arrêter la construction  du centre, Thomas P. Giles, haut responsable de l’ICE, a répondu dans un communiqué que le rôle de l’agence « s’est limité à visiter les installations afin de s’assurer qu’elles respectaient les normes de détention de l’ICE, et à rencontrer des représentants de l’État de Floride pour discuter de questions opérationnelles ».

« La décision finale quant à l’identité des personnes à placer en détention », a-t-il écrit, « appartient à la Floride ».


Les responsables de l’État, qui ont déclaré aux députés qu’ils prévoyaient d’augmenter la capacité de l’établissement à 4 000 personnes d’ici le mois prochain, ont rejeté les descriptions des détenus concernant les mauvaises conditions de détention, les qualifiant de « totalement fausses ». Photo Rebecca Blackwell/Associated Press

Les détenus du centre n’apparaissent pas dans la base de données publique de l’ICE, ce qui rend difficile pour leurs proches ou leurs avocats de les retrouver ou de savoir s’ils ont été expulsés. Avec 1 000 lits répartis dans des unités clôturées pouvant accueillir chacune 32 hommes, il comptait environ 900 détenus samedi, selon des membres du Congrès et des députés de l’État. La grande majorité d’entre eux étaient hispaniques.

Les détentions massives ont donné lieu à des plaintes pour surpopulation et conditions insalubres et inhumaines  dans les centres de détention de l’ICE à travers le pays, bien que l’ICE ait nié tout problème. Mais certaines conditions dans le centre de détention des Everglades sont spécifiquement dues à sa construction précipitée et à son emplacement isolé. Il a été construit sur un aérodrome avec si peu d’infrastructures que les ordures et les eaux usées doivent être évacuées par de gros camions.

Les responsables de l’État, qui ont déclaré aux députés qu’ils prévoyaient d’augmenter la capacité de l’établissement à 4 000 personnes d’ici le mois prochain, ont rejeté les descriptions des détenus concernant les mauvaises conditions de détention, les qualifiant de « totalement fausses ».

« L’installation répond à toutes les normes requises et fonctionne correctement », a déclaré Stephanie Hartman, directrice adjointe de la communication de la Division de la gestion des urgences de Floride, dans un communiqué.

Les proches et les avocats des détenus affirment qu’ils n’ont pas été autorisés à leur rendre visite ; mercredi, l’Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Union) a intenté une action en justice pour dénoncer l’impossibilité pour les avocats d’accéder aux détenus. Jusqu’à présent, les détenus ont été autorisés à passer des appels illimités et gratuits, mais ceux-ci peuvent être surveillés ou enregistrés. Certains détenus et leurs proches ont refusé d’être nommés par crainte de représailles.

Des membres du Congrès et des députés de l’État ont visité les installations samedi sur invitation, après que des législateurs démocrates de l’État s’étaient vu refuser l’entrée plus tôt ce mois-ci lorsqu’ils s’étaient présentés à l’improviste. Les démocrates de l’État ont intenté une action en justice, arguant qu’ils ont le droit d’exercer un tel contrôle.

Après la visite, le sénateur républicain Blaise Ingoglia a décrit une couchette dans une cellule vide de l’établissement comme « meilleure que mon lit chez moi ».

Plusieurs députés démocrates ont critiqué cette visite, la qualifiant d’ « aseptisée », et ont déclaré que les conditions à l’intérieur étaient pires que celles des centres de détention de l’ICE. « Tous les Floridiens devraient avoir honte que l’argent des contribuables soit utilisé pour mettre des gens dans ces cages », a déclaré le représentant Maxwell Alejandro Frost, un démocrate d’Orlando.


Manifestants à l’entrée du centre de détention, érigé sur un aérodrome dans les Everglades. Photo Ava Pellor pour le New York Times

La présence des politiciens a attiré une foule modeste près de l’autoroute américaine 41, une route à deux voies qui traverse les Everglades d’est en ouest. Parmi eux se trouvait Benita Mendoza, dont le mari, Jordan Márquez, arrivé aux USA il y a 19 ans en provenance de Cuba, faisait partie des premiers détenus du centre.

« Il me demande sans cesse : “Quelle heure est-il ? Quel jour sommes-nous ?”», a-t-elle déclaré, ajoutant que M. Márquez, âgé de 43 ans, lui avait dit qu’il ne prenait pas régulièrement ses médicaments pour la tension artérielle.

Des manifestants se trouvaient parmi les personnes présentes devant le centre ce jour-là. Un partisan brandissait un drapeau américain à côté d’une pancarte sur laquelle on pouvait lire « ENVOYEZ PLUS DE GATORS !! ». Un autre homme vendait des t-shirts Alligator Alcatraz depuis son SUV au prix de 25 dollars pièce. Quatre jeunes hommes qui roulaient de Naples à Miami dans une Mercedes-Benz décapotable se sont arrêtés et ont filmé la scène.

Les républicains ont affirmé que le centre nécessite moins de sécurité que d’autres en raison de son environnement inhospitalier, peuplé qu’il est par des alligators et des pythons envahissants. Aucun de ces animaux n’a tendance à attaquer les humains, et les Amérindiens, notamment la tribu des Miccosukee, ont depuis longtemps élu domicile dans les Everglades.

« C’est toute la communauté Miccosukee qui est concernée », dit Betty Osceola, une membre de la tribu qui vit à proximité et qui a protesté contre le centre de détention pour des raisons environnementales.

La Floride a estimé que le fonctionnement de ce centre coûtera environ 450 millions de dollars par an, dont une partie sera remboursée par l’Agence fédérale de gestion des urgences. Les détracteurs ont souligné que le coût par détenu est plus élevé que dans les prisons d’État ou les centres de détention de l’ICE. L’État a conclu des contrats sans appel d’offres en urgence ; certains   sont allés à des donateurs politiques républicains.


Betty Osceola, membre de la tribu Miccosukee qui vit à proximité et qui a protesté contre le centre de détention pour des raisons environnementales. Photo Ava Pellor pour le New York Times

Un bus rempli de détenus, dont M. Herrera, est arrivé mercredi dernier, mais ils n’ont pas été immédiatement pris en charge. Ils ont été gardés dans le bus toute la nuit, menottés et enchaînés, sans nourriture ni boisson, ont déclaré M. Herrera et un autre détenu. M. Herrera avait été informé qu’il serait transféré au centre de détention de Krome, géré par l’ICE, plus près de Miami, mais au lieu de ça, il est arrivé au centre des Everglades.

Les hommes ont été placés dans l’une des huit unités clôturées à l’intérieur d’une immense tente ; ceux qui avaient un casier judiciaire chargé ont reçu des bracelets rouges. M. Herrera, 55 ans, a été libéré de prison il y a deux ans après avoir purgé une peine pour vol de voiture. Il vit aux USA depuis l’âge de 3 ans et n’a pas de dossier de citoyenneté en Argentine, d’où est originaire sa famille, ce qui rend son expulsion difficile.

Le centre des Everglades était différent des prisons fédérales et des centres de détention de l’ICE où il avait séjourné, a-t-il déclaré : il n’y avait pas de règlement affiché ni de coordonnées pour contacter un inspecteur général ; pas de bibliothèque juridique ni de matériel religieux, y compris des bibles ; pas de temps de récréation en plein air, du moins pas pour son unité ; pas de cantine ni de distributeurs automatiques. Au cours d’une conversation téléphonique avec M. Herrera, on pouvait entendre en arrière-plan des hommes à l’intérieur de l’unité crier en espagnol : « Libertad ! Libertad ! »

Alexander Boni, un détenu cubain âgé de 32 ans, a déclaré avoir demandé un masque facial après que d’autres détenus sont tombés malades, mais qu’il ne l’avait pas obtenu.

« Nous sommes désespérés ici », a-t-il déclaré.

Pour passer le temps, certains détenus ont fabriqué la semaine dernière des pièces d’échecs et des dominos rudimentaires à partir de bouts de papier, a déclaré M. Herrera. Ils ont utilisé de la graisse de soudure provenant des lits superposés en métal pour marquer les pièces noires.

Mardi, les gardiens ont informé M. Herrera qu’il allait être transféré, sans toutefois lui dire où il allait. D’autres membres de son unité avaient également été emmenés. Mercredi, son avocat a été informé qu’il avait été transporté vers le centre de détention de l’ICE situé à proximité, à Krome, où il aurait dû être envoyé dès le début.

Bonus/Malus
Alligator Alcatraz vu par les dessinateurs

Mahmoud Rifai, Jordanie


-Qui a dit que je n'ai pas d'animaux de compagnies ?
"Cruauté gratuite"
Nick Anderson

This cartoon is set outside near a barbed-wire fence with a sign that reads “Alligator Alcatraz: Migrant Detention Center.” Two alligators look worried as they stare through the fence at the Statue of Liberty. One alligator says to the other, “ICE did warn that there would be big, green dangerous things on the other side of the fence.”

-L'ICE avait prévenu qu'il y aurait des gros trucs verts dangereux de l'autre côté de la clôture
Joe Heller

This editorial cartoon is titled “Alligator Auschwitz”. It depicts the front gates of a detention center in Florida. Alligators are nearby and a sign on the foreboding fence reads, “Dade-Collier Training and Transition Airport operated by ICE.” Above the front gates are the words, “Arbeit Macht Frei.”
Pat Byrnes



Les petits commerçants républicano-trumpistes n'hésitent pas à vendre des stickers débiles dans ce genre ...
...et des T-shirts




18/07/2025

18 juillet 2025 : “Mein Kampf” a 100 ans


Le 18 juillet 1925 paraissait à Munich le premier tome du livre d’Adolf Hitler intitulé « Mein Kampf » (Mon combat) et sous-titré « eine Abrechnung » (un règlement de comptes). Cette première édition, tirée à 10 000 exemplaires, sera suivie d’une deuxième édition en décembre 1925, elle aussi à 10 000 exemplaires. Le deuxième tome de l’œuvre du futur Führer paraîtra en décembre 1926. Les éditions du parti nazi en vendirent 287 000 exemplaires jusqu’en janvier 1933. Cette année-là, après la prise de pouvoir nazie, il s’en vendit plus d’un million d’exemplaires. Jusqu’en 1944, il y eut 22 éditions du livre, vendues à 12,5 millions d’exemplaires. Mein Kampf remplaça la Bible comme cadeau offert à tout couple de jeunes mariés par les mairies. Combien de followers Hitler aurait-il eu s’il avait pu utiliser des « réseaux sociaux » ? Sans doute au moins autant que Donald Trump ou Elon Musk, deux de ses plus célèbres émules.

Olivier Mannoni a consacré une dizaine d’années à réaliser une nouvelle traduction de Mein Kampf, éditée par Fayard en 2021 sous le titre Historiciser le mal. Traduction, annotation critique et analyse de Mein Kampf d'Adolf Hitler*. Il a ensuite publié deux livres, Traduire Hitler (2022) et Coulée brune. Comment le fascisme inonde notre langage (2024). On les trouvera ci-dessous, ainsi que deux interviews de Mannoni. Les personnes pressées peuvent écouter un résumé audio de ce dossier.-FG, Tlaxcala


 



*On ne peut que regretter que le livre soit vendu pour 100€ [les bénéfices allant à la Fondation Auschwitz-Birkenau,] et non mis en accès libre, comme l'avaient proposé 4 historiens en 2015 : "Publier une édition critique en ligne, gratuitement, nous semble être la meilleure solution, adaptée qui plus est aux modalités nouvelles du travail de recherche et d’enseignement.[...] À nos yeux, les éditions Fayard s’honoreraient d’un tel choix" [lire ici]

 

14/07/2025

CHRIS HEDGES
Trump, Epstein et l’État profond
Un “Satyricon” du XXIème siècle


Le refus de l’administration Trump de divulguer les dossiers et les vidéos d’Epstein ne vise pas seulement à protéger Trump, mais aussi la classe dirigeante. Ils appartiennent tous au même club.

Chris Hedges, The Chris Hedges Report, 12/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Satyricon américain, par M. Fish

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Le refus de l’administration Trump de divulguer les dossiers et les vidéos accumulés au cours des enquêtes sur les activités du pédocriminel Jeffrey Epstein devrait mettre fin à la croyance absurde, embrassée par les partisans de Trump et les libéraux crédules, selon laquelle Trump démantèlera l’État profond. Trump est et fait depuis longtemps partie de la cabale répugnante composée de politiciens – démocrates et républicains –, de milliardaires et de célébrités qui nous considèrent, nous, et souvent des filles et des garçons mineurs, comme des marchandises à exploiter pour leur profit ou leur plaisir.

La liste des personnes qui gravitaient autour d’Epstein est un véritable bottin mondain. Elle comprend non seulement Trump, mais aussi Bill Clinton, qui aurait fait un voyage en Thaïlande avec Epstein, le Prince AndrewBill Gates, le milliardaire gestionnaire de fonds spéculatifs Glenn Dubin, l’ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson, l’ancien secrétaire au Trésor et ancien président de l’université Harvard Larry Summers, le psychologue cognitif et auteur Stephen Pinker, l’avocat Alan Dershowitz, le milliardaire et PDG de Victoria’s Secret Leslie Wexner, l’ancien banquier de Barclays Jes Staley, l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak, le magicien David Copperfield, l’acteur Kevin Spacey, l’ancien directeur de la CIA Bill Burns, le magnat de l’immobilier Mort Zuckerman, l’ancien sénateur du Maine George Mitchell  et le producteur hollywoodien déchu Harvey Weinstein, qui se délectaient des perpétuelles Bacchanales d’Epstein.

Parmi eux des cabinets d’avocats et des avocats coûteux, des procureurs fédéraux et d’État, des enquêteurs privés, des assistants personnels, des agents publicitaires, des domestiques et des chauffeurs. On trouvait aussi de nombreux fournisseurs et proxénètes, dont la petite amie d’Epstein et fille de Robert Maxwell, Ghislaine Maxwell. Parmi eux les médias et les politiciens qui ont impitoyablement discrédité et réduit au silence les victimes, et qui ont utilisé la force contre quiconque, dont une poignée de journalistes intrépides, cherchant à révéler les crimes d’Epstein et son cercle de complices.

Beaucoup de choses restent encore dans l’ombre. Mais certaines choses sont connues. Epstein avait installé des caméras cachées dans ses somptueuses résidences et sur son île privée des Caraïbes, Little St. James, afin de filmer ses amis influents se livrant à des orgies et à des abus sexuels sur des adolescentes et des adolescents mineurs. Ces enregistrements constituaient une mine d’or pour le chantage. Faisaient-ils partie d’une opération des services secrets israéliens, le Mossad? Ou bien étaient-ils utilisés pour garantir à Epstein une source stable d’investisseurs qui lui versaient des millions de dollars pour éviter d’être démasqués ? Ou bien étaient-ils utilisés dans les deux cas ? Il faisait voyager des mineures entre New York et Palm Beach dans son jet privé, le Lolita Express, qui aurait été équipé d’un lit à orgies. Son cercle d’amis célèbres, dont Clinton  et Trump, sont enregistrés comme ayant voyagé à plusieurs reprises à bord de cet avion dans les registres de vol publiés, bien que de nombreux autres registres aient disparu.

Les vidéos d’Epstein sont conservées dans les archives du FBI, ainsi que des preuves détaillées qui lèveraient le voile sur les penchants sexuels et la cruauté des puissants. Je doute qu’il existe une liste de clients, comme l’affirme la procureure générale Pam Bondi. Il n’existe pas non plus de dossier unique sur Epstein. Les documents d’enquête accumulés sur Epstein remplissent de nombreuses boîtes qui encombreraient le bureau de Bondi et, s’ils étaient rassemblés dans une seule pièce, occuperaient probablement la majeure partie de son bureau.

Epstein s’est-il suicidé, comme l’affirme le rapport d’autopsie officiel, en se pendant dans sa cellule le 10 août 2019 au Metropolitan Correctional Center de New York ? Ou a-t-il été assassiné ? Les caméras qui enregistraient l’activité dans sa cellule cette nuit-là ne fonctionnaient pas, nous ne le savons donc pas. Michael Baden, médecin légiste engagé par le frère d’Epstein, qui a été médecin légiste en chef de la ville de New York et qui était présent lors de l’autopsie, a déclaré qu’il pensait que l’autopsie d’Epstein suggérait un homicide.

L’affaire Epstein est importante car elle fait voler en éclats le mythe des divisions profondes entre les démocrates, qui n’avaient pas plus intérêt que Trump à divulguer les dossiers Epstein, et les républicains. Ils appartiennent tous au même club. Elle révèle comment les tribunaux et les forces de l’ordre s’entendent pour protéger les personnalités puissantes qui se livrent à des crimes. Elle met à nu la dépravation de notre classe dirigeante exhibitionniste, qui n’a de comptes à rendre à personne et qui est libre de violer, piller, saccager et exploiter les faibles et les vulnérables. C’est le bilan sordide de nos maîtres oligarchiques, ceux qui sont incapables de ressentir la honte ou la culpabilité, qu’ils se déguisent en Donald Trump ou en Joe Biden.

Cette classe de parasites au pouvoir a été parodiée dans le roman satirique du premier siècle, le Satyricon par Gaius Petronius Arbiter, écrit sous les règnes de Caligula, Claude et Néron. Comme dans le Satyricon, le cercle d’Epstein était dominé par des pseudo-intellectuels, des bouffons prétentieux, des escrocs, des petits délinquants, des riches insatiables et des dépravés sexuels. Epstein et son cercle restreint se livraient régulièrement à des perversions sexuelles dignes de Pétrone, comme le documente Julie Brown, journaliste d’investigation au Miami Herald, dont les reportages acharnés ont largement contribué à la réouverture de l’enquête fédérale sur Epstein et Maxwell, dans son livre “Perversion of Justice : The Jeffrey Epstein Story”.

Comme l’écrit Brown, en 2016, une femme anonyme, utilisant le pseudonyme “Kate Johnson”, a déposé une plainte civile devant un tribunal fédéral de Californie, affirmant avoir été violée par Trump et Epstein lorsqu’elle avait treize ans, pendant quatre mois, de juin à septembre 1994.

« J’ai supplié Trump à grands cris d’arrêter », a-t-elle déclaré dans le procès concernant son viol. « Trump a répondu à mes supplications en me frappant violemment au visage avec sa main ouverte et en criant qu’il pouvait faire tout ce qu’il voulait. »

Brown poursuit :

Johnson a déclaré qu’Epstein l’avait invitée à une série de « soirées sexuelles avec des mineurs » dans son manoir de New York, où elle a rencontré Trump. Séduite par des promesses d’argent et des opportunités de devenir mannequin, Johnson a déclaré avoir été contrainte d’avoir des relations sexuelles avec Trump à plusieurs reprises, dont une fois avec une autre fille de douze ans, qu’elle a surnommée « Marie Doe ».

Trump a exigé une fellation, selon la plainte, puis « a repoussé les deux mineures tout en les réprimandant violemment pour la « mauvaise » qualité de leurs performances sexuelles », selon la plainte déposée le 26 avril devant la cour fédérale de Californie centrale.

Par la suite, lorsqu’Epstein a appris que Trump avait dépucelé Johnson, il aurait « tenté de la frapper à la tête avec ses poings fermés », furieux de ne pas avoir été celui qui lui avait pris sa virginité. Johnson a affirmé que les deux hommes avaient menacé de s’en prendre à elle et à sa famille si elle révélait ce qui s’était passé.

La plainte indique que Trump n’a pas participé aux orgies d’Epstein, mais qu’il aimait regarder, souvent pendant que « Kate Johnson », âgée de treize ans, lui faisait une fellation.

Il semble que Trump ait réussi à faire annuler le procès en achetant son silence. Elle a depuis disparu.

En 2008, Alex Acosta, qui était alors procureur fédéral pour le district sud de Floride, a négocié un accord de plaidoirie  pour Epstein. L’accord accordait l’immunité contre toutes les accusations criminelles fédérales à Epstein, à quatre complices nommés et à tout « complice potentiel » non identifié. L’accord a mis fin à l’enquête du FBI visant à déterminer s’il y avait d’autres victimes et d’autres personnalités influentes impliquées dans les crimes sexuels d’Epstein. Il a suspendu l’enquête et scellé l’acte d’accusation. Trump, dans ce que beaucoup considèrent comme un geste de gratitude, a nommé Acosta secrétaire au Travail lors de son premier mandat.

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Trump a envisagé de gracier Ghislaine Maxwell après son arrestation en juillet 2020, craignant qu’elle ne révèle des détails sur son amitié de plusieurs décennies avec Epstein, selon le biographe de Trump, Michael Wolff. En juillet 2022, Maxwell a été condamnée à 20 ans de prison.

« La relation la plus étroite de Jeffrey Epstein dans sa vie était celle qu’il entretenait avec Donald Trump... Ces deux hommes étaient inséparables depuis une bonne quinzaine d’années. Ils faisaient tout ensemble », a dit  Wolff à  Joanna Coles, animatrice du podcast The Daily Beast. « Et cela va du partage, de la conquête des femmes, de la chasse aux femmes, du partage d’au moins une petite amie pendant au moins un an dans ce genre de relation entre riches, avec les avions les uns des autres, jusqu’à Epstein conseillant Trump sur la manière de frauder le fisc. »

Les anomalies juridiques, notamment la disparition d’une grande quantité de preuves incriminant Epstein, ont permis à ce dernier d’échapper à des accusations fédérales de trafic sexuel en 2007, lorsque ses avocats ont négocié un accord secret avec Acosta. Il a pu plaider coupable dans des accusations moins graves au niveau de l’État, à savoir sollicitation d’une mineure à des fins de prostitution.

Les hommes éminents accusés d’avoir participé au carnaval pédocriminel d’Epstein, y compris l’avocat d’Epstein, Dershowitz, ont violemment menacé  quiconque chercherait à les exposer. Dershowitz, par exemple, affirme qu’une enquête qu’il a refusé de rendre publique, menée par l’ancien directeur du FBI Louis Freeh, prouve qu’il n’a jamais eu de relations sexuelles avec Virginia Giuffre, une victime d’Epstein qui a été livrée au prince Andrew alors qu’elle était âgée de 17 ans. Giuffre, l’une des rares victimes à avoir publiquement dénoncé ses agresseurs, a déclaré avoir été « passée de main en main comme un plateau de fruits » parmi les amis d’Epstein et de Maxwell, jusqu’à ce qu’elle parvienne à s’échapper à l’âge de 19 ans. Elle “s’est suicidée” en avril 2025. Dershowitz a envoyé plusieurs menaces à Brown et à ses rédacteurs en chef du Miami Herald.

Brown poursuit :

[Dershowitz] n’a cessé de faire référence à des informations contenues dans des documents scellés. Il a accusé le journal de ne pas rapporter les « faits » qui, selon lui, figuraient dans ces documents scellés. La vérité, ai-je tenté d’expliquer, c’est que les journaux ne peuvent pas écrire sur des choses simplement parce qu’Alan Dershowitz affirme qu’elles existent. Nous devons les voir. Nous devons les vérifier. Puis, parce que j’ai dit « montrez-moi les documents », il m’a publiquement accusée d’avoir commis un acte criminel en lui demandant de produire des documents qui étaient sous scellés judiciaires.

C’est ainsi que fonctionne Dershowitz.

Ce qui me dérange le plus chez ce bonhomme, c’est la façon dont les médias, à quelques exceptions près, ne le remettent pas en question de manière critique. Les journalistes ont vérifié les faits rapportés par Donald Trump et d’autres membres de son administration presque tous les jours, mais dans l’ensemble, les médias semblent laisser Dershowitz s’en tirer à bon compte dans l’affaire Epstein.

En 2015, lorsque les accusations de Giuffre ont été rendues publiques pour la première fois, Dershowitz est apparu dans toutes les émissions de télévision imaginables, jurant, entre autres, que les registres de vol d’Epstein le disculperaient. « Comment le savez-vous ? » lui a-t-on demandé.

Il a répondu qu’il n’avait jamais été dans l’avion d’Epstein pendant la période où Virginia était impliquée avec Epstein.

Mais si les médias avaient vérifié, ils auraient pu apprendre que, selon les registres, il était bien passager à bord de l’avion pendant cette période.

Il a ensuite déclaré sous serment qu’il n’avait jamais pris l’avion sans sa femme. Mais il figurait sur les listes d’embarquement comme ayant voyagé à plusieurs reprises sans sa femme. Lors d’au moins un voyage, il se trouvait dans l’avion avec une mannequin nommée Tatiana.

Epstein a fait don d’argent à Harvard et a été nommé chercheur invité au département de psychologie de Harvard, bien qu’il n’ait aucune qualification universitaire dans ce domaine. Il s’est vu remettre une carte magnétique et un code d’accès, ainsi qu’un bureau dans le bâtiment qui abrite le programme de dynamique évolutive de Harvard. Dans ses communiqués de presse, il se présentait comme « Jeffrey Epstein, philanthrope scientifique », « Jeffrey Epstein, militant pour l’éducation », « Jeffrey Epstein, évolutionniste », « Jeffrey Epstein, mécène des sciences » et « Jeffrey Epstein, gestionnaire de fonds spéculatifs non-conformiste ».

Epstein, reproduisant les prétentions et la vacuité des personnages parodiés dans le chapitre “Le dîner chez Trimalcion” du Satyricon, organisait des dîners somptueux pour ses amis milliardaires, parmi lesquels Elon Musk, Salar Kamangar et Jeff Bezos. Il imaginait des stratagèmes sociaux étranges, notamment un plan  pour ensemencer l’espèce humaine avec son propre ADN en créant un bébé composite dans son immense ranch au Nouveau-Mexique.

« Epstein était également obsédé par la cryogénisation, une philosophie transhumaniste dont les adeptes croient que les êtres humains peuvent être reproduits ou ramenés à la vie après avoir été congelés », écrit Brown. « Epstein aurait déclaré à certains membres de son cercle scientifique qu’il souhaitait inséminer des femmes avec son sperme afin qu’elles donnent naissance à ses enfants, et qu’il voulait que sa tête et son  pénis soient congelés”.

L’affaire Epstein est révélatrice de la faillite morale, de l’hédonisme et de la cupidité de la classe dirigeante. Cela transcende les clivages politiques. C’est le dénominateur commun entre les politiciens démocrates, tels que Bill Clinton, les philanthropes, tels que Bill Gates, la classe des milliardaires et Trump. Ils forment une seule et même classe de prédateurs et d’escrocs. Ce ne sont pas seulement les filles et les femmes qu’ils exploitent, mais nous tous.

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