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08/11/2024

GIDEON LEVY
Comme Kamala Harris, l'opposition israélienne est charmante, décente, et… affreusement creuse

Gideon Levy, Haaretz, 6/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La victoire de Donald Trump a prouvé aux USA ce que nous savons depuis longtemps ici en Israël : lorsque les libéraux* ne peuvent pas proposer d'alternative, les populistes marquent contre un filet vide. Tout le monde compare Trump à Benjamin Netanyahou, et en effet il y a beaucoup de similitudes, mais personne ne compare les démocrates aux USA au centre-gauche en Israël. Tout comme Trump est le frère jumeau de Netanyahou, Kamala Harris est la sœur jumelle de Benny Gantz et de Yair Lapid : le rire en cascade de Harris, le charme captivant [sic] de Lapid et la décence [resic] de Gantz, derrière tout ça, il n'y a rien.


Les députés Lapid, à gauche, et Gantz, à la Knesset, au début de l'année. Photo Olivier Fitoussi

Trump et Netanyahou sont faits de l'étoffe dont sont faits les dirigeants qui suscitent des émotions intenses et pures de haine ou d'admiration. Peu importe aux trumpistes et aux bibiistes ce que leur héros dit et fait, ils le suivraient dans l'eau et le feu et aussi dans le crime, il a toujours raison et il est toujours une victime. Mais les victoires des deux hommes sont également dues, en partie, à la faiblesse du camp rival.
Aux USA et en Israël, les libéraux suscitent la sympathie et sont terriblement creux. Aux USA et en Israël, les libéraux sont censés s'opposer à la guerre à Gaza, et leur opposition est une histoire de vide idéologique et d'échec moral, d'hypocrisie et de moralité.
Les électeurs n'ont pas aimé ça en USAmérique mardi, et ils pourraient ne pas l'aimer lors des prochaines élections israéliennes. Mme Harris n’a pas perdu seulement à cause de Gaza, mais la conduite de l'administration démocrate sur la guerre ne l'a certainement pas aidée dans les urnes. Les électeurs n'aiment pas les artifices et les faux-semblants.
La similitude est évidente. Au cours de l'année écoulée, l'administration Biden a porté l'hypocrisie et la moralité à des sommets que même le centre-gauche israélien n'a pas atteints. Ce dernier, quant à lui, a prouvé que, sur des questions fondamentales, la différence entre lui et la droite bibiiste est beaucoup plus ténue qu'il n'y paraît, si tant est qu'elle existe.
Un fossé incroyable s'est creusé entre les paroles et les actes de l'administration Biden. Les paroles dressaient le portrait d'un gouvernement humain et moral, profondément soucieux de la vie humaine et des droits humains. Ils se sont battus pour chaque camion d'aide à Gaza, se sont plaints des massacres et des destructions, et ont averti Israël de ne pas envahir Rafah. Que pourrions-nous demander de plus au gouvernement usaméricain ?
Mais dans le même temps, ce gouvernement moral et humain a engraissé Israël en lui fournissant des armes et des munitions à une échelle sans précédent. Aucune des exigences morales de Washington n'a été assortie de stipulations, aucune sanction significative n'a été imposée à l'État client qui s'est débarrassé de toutes les contraintes légales et morales à Gaza.
L'administration du président Joe Biden et de la vice-présidente Harris était-elle en faveur ou contre les massacres à Gaza ? Pour ou contre le nettoyage ethnique ? D'après ses déclarations, l'administration a été choquée par les actions d'Israël. D'après ses actions, l'administration démocrate a soutenu, financé, armé et appuyé la terrible attaque contre Gaza. Elle a le sang de dizaines de milliers de personnes sur les mains.
Quiconque arme un pays avec autant de prodigalité veut que ces armes et ces munitions soient utilisées, et Israël en a fait un usage des plus terribles. Regardez Jabaliya, pensez à Beit Lahia. L'USAmérique est complice. Les démocrates sont complices. Les électeurs libéraux ont tiré des conclusions face à l'hypocrisie de Harris et ont surmonté leur horreur de Trump ou sont restés chez eux.
Nous avons nous aussi une opposition résolue - qui soutient tacitement la guerre, qui vote à la Knesset contre une solution à deux États, qui soutient la suppression de l'UNRWA. Benny Gantz offre une oreille attentive aux familles des otages, il est si sensible et décent ; Lapid a également mémorisé les noms des soldats tombés au combat et partage le chagrin des familles. Ils ne prononcent pas un seul mot sur les atrocités commises à Gaza. Pas un mot.
Mardi, lorsqu'ils ont été interviewés après le licenciement de Yoav Gallant, choqués et bouleversés, les deux hommes ont complimenté le ministre suivant de la défense, Israel Katz*. Ils l'admirent tellement, ont expliqué les libéraux israéliens.

NdT
Libéraux : en anglousaméricain, « liberal » désigne tout ce qui est vaguement « progressiste », équivalent de l’appellation « centre gauche » en Europe, autrement dit la main gauche du capital.
Israel Katz : lire le CV édifiant de ce candidat idéal à une comparution devant la Cour pénale internationale

 

13/06/2024

DAHLIA SCHEINDLIN
Une véritable opposition va-t-elle se lever ? Y aura-t-il quelqu’un pour essayer de sauver* Israël de Netanyahou, de la guerre sans fin et de l’isolement ?

 Dahlia Scheindlin, Haaretz, 10/6/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le départ sans surprise de Benny Gantz du gouvernement Netanyahou ne renforcera pas l’opposition, car Israël en possède à peine une digne de ce nom. C’est une mauvaise nouvelle pour qui veut mettre fin à la guerre à Gaza et au conflit israélo-palestinien


L’ancien ministre israélien Benny Gantz après avoir annoncé sa décision de quitter le cabinet de guerre du Premier ministre Benjamin Netanyahou, dimanche à Ramat Gan. Photo : Nir Elias/Reuters

Benny Gantz a fait les dernières unes politiques en Israël en annonçant dimanche soir son départ de la coalition d’urgence de guerre, sans surprendre personne.

Le pays est encore sous le choc – cette fois de bonheur – après le sauvetage de quatre otages de Gaza samedi. Les médias israéliens sont occupés à rendre compte du sauvetage triomphal tout en se contorsionnant pour éviter de mentionner que les forces israéliennes ont tué des centaines de Palestiniens lors du raid , dont de nombreux civils. Lundi, l’actualité s’est déplacée vers le projet de loi sur le service militaire pour les Haredim [orthodoxes religieux] et Gantz est devenu un thème de une parmi d’autres,  , distrayant Israël des plus grands dilemmes d’aujourd’hui et de demain.

Gantz voulait rendre les élections inévitables, surtout avant le vote clé sur le projet Haredi de lundi. Il a tenté de déclencher une dynamique politique en appelant le ministre de la Défense Yoav Gallant à se joindre à lui et à se rebeller contre le Premier ministre Netanyahou au sein du Likoud, car le départ de Gantz ne peut à lui seul provoquer des élections anticipées.

Mais même si les factions se rapprochent, cela aura-t-il une quelconque importance ? Si Gantz est l’espoir, il n’y a pas de véritable opposition en Israël aujourd’hui : pas de compétition sur les idées ou les voies pour l’avenir, ni sur les principes du type de pays qu’Israël devrait être.

Gantz s’est présenté lors de cinq scrutins, mais n’a réussi à rien promettre concernant le plus grand problème du pays : l’occupation [des territoires palestiniens depuis 1967] et le conflit israélo-palestinien. Honte à quiconque estime que cela aurait été une erreur stratégique de la part de Gantz de clarifier ses positions au cours de ses cinq années dans la politique israélienne. Personne n’aurait dû avoir besoin de la guerre actuelle pour savoir à quel point c’était une erreur mortelle et impardonnable de « gérer le conflit » et de mettre la question de côté pendant toutes ces années.


Morad Kotkot, Palestine, 2022

Quel est aujourd’hui l’attrait électoral de Gantz auprès du public ? Dimanche, il a déclaré qu’il quittait le gouvernement parce que Netanyahou a donné la priorité à sa survie politique avant le bien du pays et n’a donc pas réussi à prendre les bonnes décisions – ou aucune des décisions fondamentales – en conséquence.

11/09/2022

GIDEON LEVY
“Personne ne nous dictera notre conduite” (Yair Lapid)

Gideon Levy, Haaretz, 11/9/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Je vais reposer la question : qu'est-ce qui est “israélien” pour moi, comme notre Premier ministre actuel le demandait à chaque invité de son ancien talk-show télévisé ? Et je répondrai encore une fois : Yair Lapid. Et qu'est-ce qui est israélien chez Lapid ? L'incroyable combinaison d'arrogance et d'autovictimisation simultanées.


« Je ne permettrai pas qu’un soldat israélien soit poursuivi juste pour recevoir des applaudissements de l’étranger. Personne ne nous dictera nos règles d’engagement »

Il y a des chefs d'État arrogants et d'autres qui s'autovictimisent, mais il est difficile de trouver un autre exemple de leader qui soit les deux. Il faut une bonne dose de chutzpah israélienne pour être à la fois pitoyable à ses propres yeux et vantard. Un exemple : « Personne ne nous dictera nos règles d'engagement, alors que c'est nous qui nous battons pour nos vies », a déclaré le Premier ministre après que les USA ont demandé à Israël de revoir la politique d'ouverture du feu des Forces de défense israéliennes.

La réponse automatique et générique de Lapid avait tout pour plaire : cela fait longtemps que nous n'avons pas eu un orfèvre des mots capable de distiller tous les maux d'Israël en une seule et courte phrase - seulement 12 mots, en hébreu. Il est également difficile d'imaginer un premier ministre qui s'efforce de changer, qui essaie de se différencier pendant un mandat aussi court, mais qui s'attache automatiquement aux déclarations malveillantes et corruptrices de son prédécesseur. Peu importe qu'il soit élu ou non, aucun changement ne se produira.

07/08/2022

GIDEON LEVY
Opération « Aube naissante » contre Gaza : encore et toujours la même politique d'Israël

Gideon Levy, Haaretz, 7/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Voilà ce qu'a écrit la présidente du parti travailliste israélien Merav Michaeli, quelques minutes après qu'Israël eut une nouvelle fois lancé un assaut criminel sur la bande de Gaza, un instant avant le meurtre du premier nourrisson palestinien, qui ne sera pas le dernier : « Les résidents d'Israël méritent de vivre en sécurité. Aucun État souverain n'accepterait qu'une organisation terroriste assiège ses résidents. ... Je soutiens les forces de sécurité ».


Benjamin Netanyahou n'avait pas encore réagi, Itamar Ben-Gvir ne s'était pas réveillé, Yoav Gallant n'avait pas encore menacé la tête du serpent, et déjà la lideure de la gauche sioniste s'aligne sur la droite, salue les militaires et soutient une guerre qui n'avait même pas commencé. Cette fois, elle a même fait plus fort que Shimon Peres.

On ne peut pardonner à Michaeli son incroyable manque de sens moral : après quatre jours de bouclage partiel volontaire dans le sud, la lideure de la gauche déclare qu'aucun État n'accepterait un « siège ». Sans sourciller, aucun État. Une membre du gouvernement qui est responsable d'un siège horrible de 16 ans ose être choquée par un bouclage partiel volontaire de 2 minutes. Au lieu de soutenir la retenue momentanée du gouvernement, qui a duré l'éternité de la vie d'un papillon (le temps passe, les élections approchent), le parti travailliste soutient une fois de plus une guerre choisie insensée, comme l'ont fait tous ses prédécesseurs. La gauche sioniste applique une fois de plus le deux poids-deux mesures. Peut-être qu'au moins maintenant, les partisans du centre-gauche vont comprendre : Il n'y a pas de réelle différence entre eux et la droite. Israël ne peut même plus prétendre qu'il n'a pas commencé cette guerre - dont le nom infantile, Operation Breaking Dawn, lui a été donné à la naissance - ou qu'il n'avait pas le choix. Cette fois-ci, ils ont même renoncé aux bruits de bottes préalables et sont allés droit au but : l'arrestation d'un chef du Jihad islamique en Cisjordanie, dont ils savaient à l'avance qu'elle provoquerait une réponse sévère, et l'assassinat d'un commandant dans la bande de Gaza, après lequel ils savaient qu'il n'y avait pas de retour possible, et Israël mène déjà une "guerre défensive", la guerre juste d'un État à qui tout est permis. Le pays pacifique qui ne veut que la sécurité de ses habitants - quel innocent. L'État qui a tout sauf la dissuasion : Il n'y a rien ni personne pour dissuader Israël d'attaquer Gaza.

03/07/2022

GIDEON LEVY
Yair Lapid, Premier ministre : plus ça change, plus c'est la même chose

 Gideon Levy, Haaretz, 2/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Tôt le matin, un garde de sécurité armé et costaud se tenait à l'entrée de l'étroit chemin séparant la maison de Yair Lapid à Ramat Aviv Gimmel et une base navale adjacente. Le garde derrière cette barrière improvisée m'a refusé le passage, gâchant totalement mon parcours quotidien de jogging lent. Cela s'est produit quelques heures seulement après que Lapid était devenu le 14e  Premier ministre d'Israël. C'était le premier changement que j'ai rencontré, et pas un changement très joyeux.

Un panneau d'affichage de la campagne électorale du Likoud montrant un portrait de Benjamin Netanyahou, à gauche, et de Yair Lapid, à Ramat Gan, en Israël, le 20 mars 2021. Photo Oded Balilty/AP Photo

J'aurais vraiment voulu souhaiter à Lapid mes meilleurs vœux pour son accession à ce rôle, sentir que quelque chose de nouveau se produisait. J'aimerais penser qu'il y a un avenir (yesh atid en hébreu) et qu'il y a de l'espoir, croire qu'un premier ministre civil, un journaliste venant d'un milieu totalement différent de celui de tous ses prédécesseurs, apportera le changement tant attendu à un "gouvernement du changement" qui a perdu son chemin - s'il en a jamais eu un. Cela pourrait nous faire du bien à tous, à l'heure où l'État se trouve dans l'une des situations les plus difficiles et les plus désespérantes. De l'espoir, pour changer. De l'enthousiasme, pour varier. Mais ensuite est arrivé le garde de sécurité armé, bloquant la route que j'avais prise depuis des années.

Même sans cette route bloquée et même avec une bonne dose de bonne volonté, il est très difficile de nourrir des attentes à l'égard de Lapid. Un premier signe en a été donné immédiatement : cette semaine, il se rendra en France pour rencontrer le président français. Qu'est-ce que la France a à voir avec quoi que ce soit ? Est-ce la chose la plus urgente qu'un premier ministre à quatre mois de l'échéance puisse faire pour signaler un changement de direction ? Les médias choient Lapid : la plupart d’entre eux vont fondre de satisfaction. ça a déjà commencé : le voilà qui s'installe dans une propriété utilisée jusqu'à présent par les agents de sécurité, rue Balfour, près de la résidence officielle [la Villa Hanna Salameh, appartenant à un Palestinien chassé en 1948, NdT]. Comme c'est excitant. Le monde va aussi fondre de plaisir. Enfin, pas Benjamin Netanyahou. Mais au fond, rien ne changera. En Israël, un premier ministre de droite en remplace un autre. L'un est qualifié de droite, l'autre de centriste, mais ils sont tous de droite profonde et ultra-nationalistes. Lapid ne vénérera-t-il pas les FDI et ne fera-t-il pas ce qu'elles lui demandent ? Sa première réunion n'a-t-elle pas eu lieu avec le chef du Shin Bet, entre tous ? Et surtout, Lapid n'est-il pas un croyant fervent et invétéré de la suprématie juive, appelée sionisme, et de son résultat, appelé État juif, qui ne peut être qu'un État d'apartheid ? Lapid est en faveur de ces derniers. Oh oui, tout à fait. Et son gouvernement aussi.

Un exemple instructif des différences minuscules à inexistantes entre le gouvernement du "méchant" Netanyahou et le "bon" Naftali Bennett, et certainement le gouvernement Lapid, a été donné ce week-end par Shimrit Meir, autrefois impressionnante conseillère politique de Bennett. Dans une interview accordée à Nadav Eyal dans le Yedioth Ahronoth, elle a exposé une vérité inquiétante. Le gouvernement Bennett avait les mêmes objectifs et modes de fonctionnement que son prédécesseur.

Meir, la "gauchiste" du bureau de Bennett, a rappelé ses réalisations et celles de son Premier ministre : comment ils ont réussi à influencer Washington pour que les Gardiens de la révolution iraniens ne soient pas retirés de la liste usaméricaine des organisations terroristes, seulement pour que les Gardiens de la révolution soient retirés. Comment ils ont réussi à influencer Washington pour que les Gardiens de la Révolution iranienne ne soient pas retirés de la liste américaine des organisations terroristes, dans le seul but d'empêcher - encore une fois, d'empêcher - la conclusion d'un accord nucléaire avec l'Iran ; comment le gouvernement a trompé - encore une fois, trompé - les USA pour construire des milliers de logements dans les colonies, puis s'en est vanté ; comment ils ont réussi à faire pression sur les USA pour qu'ils reviennent sur leur décision de rouvrir un consulat à Jérusalem-Est. Empêcher un accord avec l'Iran, construire des colonies et ne pas ouvrir un consulat US pour les Palestiniens également - quoi de plus droitier ? Où est la différence, même minime, entre les objectifs du gouvernement Netanyahou et les "succès" du gouvernement Bennett ?

Si ceux-ci sont considérés comme des succès par le gouvernement sortant, il vaudrait mieux qu'il ait échoué, le pire étant le meilleur. Si ce sont également les objectifs de Lapid, et il n'y a aucune raison de penser le contraire, il serait préférable qu'il échoue également. Après tout, il s'agit d'un gouvernement qui a entrepris de s'occuper des petites choses, ostensiblement, comme la "loi sur le métro" et ses semblables, en déclarant qu'il resterait à l'écart des grands sujets comme l'Iran et les colonies. C'était un gouvernement qui ne représentait pas seulement tout ce qui n'était pas Netanyahou, mais une approche centriste, un changement. Nous n'avons eu ni l'un ni l'autre.

J'aimerais vraiment accorder un certain crédit à Lapid, lui souhaiter bonne chance et tout le tralala, et surtout, sentir qu'il y a une chance de changement. Il n'y en a pas.

06/01/2022

GIDEON LEVY
La vérité vous rendra libres

Gideon Levy, Haaretz, 6/1/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Il y a de plus en plus de chances que l'on se souvienne de Yair Lapid comme d'un meilleur ministre des Affaires étrangères que Yisrael Katz [2019-2020]. Cette semaine, Lapid a en effet dit la vérité : « Quand je serai Premier ministre [août 2023], nous ne négocierons toujours pas avec les Palestiniens ».

Yair Lapid a déclaré qu'il ne négociera pas avec les Palestiniens lorsqu'il sera Premier ministre. Oubliées ses déclarations électorales de 2012-2013 sur l’absolue nécessité de négocier avec les Palestiniens. Portrait du Financial Times de janvier 2013

Cette petite phrase n'a pas fait les gros titres, ce qui n'est pas surprenant, puisqu'il n'y a rien de nouveau ici - à part le spectacle d'un ministre disant la vérité, ne serait-ce que pour un moment. Lapid a le mérite de révéler quelque chose que l'on sait depuis longtemps : il n'y a pas de partenaire israélien. Aucun partenaire israélien pour mettre fin à l'occupation, aucun partenaire israélien pour une quelconque solution, ni même un partenaire israélien pour les négociations. En vérité, il n'y en a jamais eu, mais maintenant l'Israël officiel, pour la première fois de son histoire, le reconnaît. L'explication, comme d'habitude, vient de la politique interne. « Les accords de coalition empêchent tout progrès dans cette voie », a expliqué le premier ministre à venir.

Les grévistes de la faim palestiniens en prison devront attendre, tout comme les milliers de prisonniers, les familles déchirées, les familles endeuillées, les chômeurs, les réfugiés, les personnes à qui l'on refuse la dignité, la terre, le présent et l'avenir - tous devront attendre le gouvernement qui suivra le prochain. Il y aura alors certainement des accords de coalition qui mettront rapidement fin à l'occupation.

Si un ministre des Affaires étrangères israélien avait dit quelque chose comme cela il y a quelques années, le ciel serait tombé sur nos têtes. Pas de négociations ? Aucune ? Les USAméricains auraient émis des condamnations, les Européens auraient été furieux, l'ONU aurait adopté une résolution, les travaillistes et le Meretz auraient menacé de quitter le gouvernement. Mais maintenant, personne ne bronche.

Lapid nous a épargné tout cela. Il a annoncé la fin du rituel du processus de paix qui a facilité les nombreuses années d'occupation. Personne ne pense vraiment qu'Israël aura un gouvernement plus modéré que celui-ci dans les années à venir, et de toute façon, les 50 années de gouvernements de paix modérés auraient dû suffire à nous faire comprendre qu'il n'y a personne à qui parler en Israël, peu importe qui est au pouvoir. Lapid fait un pas, petit mais important, vers la reconnaissance de ce fait. Maintenant, il faut que cela soit bien compris : Il n'y aura pas de solution, et certainement pas une solution à deux États.

La possibilité que les Palestiniens soient condamnés à un nouveau siècle d'apartheid ne peut être écartée. En fait, c'est la possibilité la plus probable. Car qui va les sortir de cet apartheid, et comment exactement peuvent-ils s'en sortir ? Ils ont déjà tout essayé. Maintenant, ils comprennent au moins, et le monde aussi, qu'il n'y a aucune chance qu'ils aient un partenaire, car Israël a des accords de coalition.