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01/11/2024

GIDEON LEVY
Les Israéliens ne devraient pas pleurer la mort d’un salaud

Gideon Levy, Haaretz, 31/10/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Quand Bezalel Smotrich pleure, on ne peut que répondre par un rire amer. Quand Uriah Ben-Natan pleure sur la tombe de son frère Shuvael et fait son éloge funèbre, nous devons appeler la police pour qu’elle l’arrête. Lorsqu’une guerre brutale se poursuit sans fin à cause de Smotrich, Ben-Natan et de leurs semblables, nous n’avons pas à partager leur peine.


Le ministre des Finances Bezalel Smotrich à la Knesset portant deux pin’s : un gravé avec la carte d’Israël, Cisjordanie comprise, et un pin’s jaune pour les “otages”, le 9 septembre. Photo Oren Ben Hakoon


Lorsque le deuil se transforme en une incitation répugnante à commettre de nouveaux crimes de guerre, on ne peut l’ignorer, même lorsque la source est un homme qui vient de perdre son frère. Le politiquement correct doit cesser ici, ainsi que le précepte selon lequel « une personne ne peut être tenue responsable de ce qu’elle dit lorsqu’elle est en détresse ». Leur douleur n’est pas la mienne : leur douleur n’est pas celle de tous les Israéliens.
Le ministre des finances, Bezalel Smotrich, a fondu en larmes cette semaine lors d’une réunion de son parti, Sionisme religieux, à la Knesset, en évoquant les « sages, les érudits de la Torah, qui sont tombés pour défendre l’État ». Celui qui a poussé à la poursuite de la guerre et même à son escalade, et qui a empêché sa fin en exerçant le pouvoir d’extorsion de sa coalition, ne mérite pas de partager le chagrin d’autrui.
Plus que tout, Smotrich déplore le prix que la communauté sioniste religieuse a payé en sang dans la guerre, « un prix disproportionné par rapport à sa part de la population ». Cependant, il ne faut pas ignorer le rôle de ce groupe dans les horreurs de la guerre et dans sa poursuite criminelle.


Soldats israéliens en opération à Gaza, octobre 2024. Photo Tsahal

C’est une guerre de l’électorat de Smotrich. C’est la première guerre de l’extrême droite. Jamais Israël n’a mené une guerre dans laquelle la droite kahaniste a eu une influence aussi profonde.
Une forte majorité d’Israéliens la soutient. Les combats ne sont pas dirigés par les jeunes des collines, les jeunes colons juifs radicalisés de Cisjordanie. La plupart des crimes de guerre qui ont été perpétrés l’ont été par des officiers, des pilotes et des soldats de la gauche sioniste et du centre politique. En outre, il est également vrai que le Premier ministre Benjamin Netanyahou porte la plus grande part de responsabilité et de blâme pour la guerre.
Mais Israël n’a jamais mené une guerre dans laquelle les colons et leurs partisans ont eu une influence aussi décisive sur son déroulement. Par conséquent, lorsque l’un de leurs dirigeants pleure, il ne peut susciter aucune sympathie ou compassion de la part des opposants à la guerre. À cause de Smotrich et de ses semblables, il y a maintenant des millions de personnes qui pleurent sans cesse, de Beyrouth à Rafah, y compris en Israël. À cause d’eux, Israël est devenu un État paria dans lequel toute compassion et toute humanité envers l’autre est non seulement étrangère, mais considérée comme une trahison.


Un soldat de l’armée israélienne se tient debout tandis que des colons israéliens marchent pendant une visite guidée du vieux marché dans la partie palestinienne de la vieille ville d’Hébron/Al Khalil en Cisjordanie, le 22 octobre 2024, pendant la fête juive de Souccot. Photo Hazem Bader/AFP

Smotrich a pleuré les morts de sa base électorale (tout en mentionnant les autres). C’est grâce à son patronage, à son soutien, à ses encouragements et à son financement que les Shuvael ont prospéré. Le soldat Shuvael Ben-Natan a été tué la semaine dernière au Liban. Il vivait dans la colonie de Rehelim, en Cisjordanie. Ses funérailles au Mont Herzl, auxquelles des milliers de personnes ont assisté, se sont transformées en une démonstration d’incitation à la haine et d’appels au meurtre comme on n’en avait jamais vu en Israël. Sous le couvert du deuil, les masques sont tombés. Au Mont Herzl, le chat est sorti du sac, et il est violent, criminel, raciste, pogromiste, néo-nazi. Les Smotrich l’encouragent.

Il était connu sous le nom de « Shuvi le Madlik » [madlik, dérivant du radical d/l/k - delek= essence, hadlaka= éclairage, l’hadlik=allumer -signifie en hébreu à la fois « celui qui  allume les cierges de shabbat » et, par extension « incendiaire » et, en langage familier, « grand, cool, super ». On peut supposer un troisième sens : une grande partie des colons étant d’origine US, madlik en anglo-hébreu pourrait se référer à l’anglais mad (fou, comme Mad Max) augmenté d’une désinence hébraïsante, lik, NdT], pour son habitude d’incendier des maisons palestiniennes « pour s’amuser ». Lors de ses funérailles, ses amis ont parlé de lui avec tendresse et admiration. Il y a un an, il avait été arrêté, soupçonné d’avoir tué un paysan palestinien qui récoltait innocemment ses propres olives. Ben-Natan a été rapidement relâché, là aussi dans l’esprit de l’ère Smotrich.


Bilal Saleh, assassiné par Shuvi le Madlik près de Naplouse l’année dernière.

Voici comment son frère Uriah a fait son éloge funèbre : « Tu es allé à Gaza pour te venger, autant que possible - les femmes, les enfants, tous ceux que tu voyais, autant que possible, c’est ce que tu voulais... Nous pensions que nous allions massacrer l’ennemi, les massacrer tous, les chasser du pays ici... Tout le peuple d’Israël devrait pouvoir te venger. Une vengeance sanglante : non pas la vengeance des maisons brûlées, ni la vengeance des arbres brûlés, ni la vengeance des véhicules brûlés, mais la vengeance du sang versé de vos serviteurs ».

 Pendant un moment fort, la vraie nature des colons violents d’Israël a été pleinement révélée. Sous le couvert de la guerre, ils se déchaînent non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, à une échelle sans précédent qu’ils n’avaient jamais atteinte auparavant, avec l’aimable autorisation de Smotrich.

Il est inutile d’imaginer ce qui se serait passé si un Palestinien endeuillé avait utilisé des mots similaires sur la tombe de son propre frère. Inutile parce que le corps d’un terroriste palestinien, contrairement à celui d’un terroriste juif, ne serait pas rendu à sa famille.




05/06/2023

SERAJ ASSI/ZACHARY FOSTER
“Les Palestiniens, ça n’existe pas”: une affirmation sioniste dans laquelle le fanatisme le dispute à l’ignorance

Seraj Assi et Zachary Foster, Haaretz, 21/3/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Seraj Assi est un Palestinien né en Israël, titulaire d’un doctorat en études arabes et islamiques de l’université de Georgetown (Washington DC, USA), où il est chercheur invité. Il est professeur adjoint d’arabe à l’université George Mason (Fairfax, Virginie). Il est l’auteur de The History and Politics of the Bedouin. Reimagining Nomadism in Modern Palestine, Routledge 2018. @Srjassi

Zachary Foster est un historien usaméricain de la Palestine et le créateur de Palestine Nexus. @_ZachFoster

Des hommes politiques israéliens comme le ministre des Finances Bezalel Smotrich persistent à nier l’existence d’un peuple palestinien, mais les faits historiques parlent d’eux-mêmes. Smotrich et les conservateurs usaméricains pro-israéliens devraient écouter.

Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a prononcé en mars à Paris un discours niant l’existence des Palestiniens en tant que peuple, affirmant que “la nation palestinienne n’existe pas” : « Il n’existe pas de nation palestinienne. Il n’y a pas d’histoire palestinienne. Il n’y a pas de langue palestinienne ».


 Smotrich s’est exprimé devant un pupitre drapé d’une image représentant une carte d’Israël incluant la Cisjordanie occupée, la bande de Gaza, la Jordanie et une partie de la Syrie. Il est difficile d’ignorer l’ironie de la situation : un ministre ultranationaliste qui entretient l’idée que les Palestiniens sont un peuple artificiel tout en montrant une carte artificielle d’Israël.

La plus ancienne carte ptolémaïque de la Palestine encore existante. Copie grecque byzantine de la carte de la 4e carte de l’ Asie de Ptolémée [IIème  siècle ap. J-C). Tirée du Codex Vaticanus Urbinas Graecus 82, Constantinople vers 1300. Probablement assemblée par Maximus Planudes ; plus tard en possession de Palla Strozzi (1372-1462) puis de Federico da Montefeltro, duc d’Urbino. Les grandes lettres rouges au centre indiquent en grec : Παλαιστινης ou Palaistinis.


Autre carte de la Palestine de Ptolémée 

 Carte vénitienne de 1300

Abraham Ortelius, Palestinae Sive Totius Terrae Promissionis Nova Descriptio Auctore Tilemanno Stella Sigenens (Une nouvelle description de la Palestine ou de toute la Terre promise par l’auteur Tilemannus Stella Sigenens.), extrait de l’édition allemande de 1572 de son Theatrum Orbis Terrarum, le premier atlas moderne.

Smotrich n’était pas le premier haut responsable israélien à nier l’existence du peuple palestinien. Il faisait clairement écho au fameux dicton de Golda Meir : « Les Palestiniens, ça n’existe pas », ainsi qu’aux remarques plus récentes de la députée du Likoud Anat Berko, qui a affirmé que le peuple palestinien n’existait pas « parce qu’il ne peut pas prononcer la lettre P », une déclaration qui pourrait faire un titre dans The Onion (site satirique].

Ces dernières années, nier l’existence nationale des Palestiniens est devenu un stéréotype faux-cul populaire parmi les politiciens pro-israéliens en Occident également. Les politiciens conservateurs usaméricains ont nié à plusieurs reprises l’existence des Palestiniens à des fins politiques. Pour Mike Huckabee [ancien gouverneur républicain de l’Arkansas et pasteur baptiste, NdT] : « Les Palestiniens n’existent pas vraiment ». Pour Newt Gingrich, ancien président de la Chambre des représentants : « Il n’y a pas eu d’État palestinien, je pense que le peuple palestinien a été inventé ».

Une fois de plus, les Palestiniens se trouvent dans l’obligation de défendre leur existence même en tant que peuple. Heureusement, les données historiques sont sans ambiguïté et parlent d’elles-mêmes : Les Palestiniens sont connus sous le nom de Palestiniens depuis le XIXe siècle.

 

L’édition du 18 août 1931 du journal Filastin. Photos : Archives Filastin

Les références aux Palestiniens en tant que peuple remontent aux années 1870, lorsque des voyageurs et diplomates usaméricains et européens en Palestine ont commencé à désigner les habitants arabes de la Palestine comme “Palestiniens”. Parmi eux, le consul britannique à Jérusalem, James Finn, le missionnaire protestant allemand Ludwig Schneller et la voyageuse irlando-usaméricaine Adela E. Orpen, qui ont tous appelé les habitants arabes musulmans et chrétiens de la Palestine “Palestiniens”.

C’est avec l’écrivain palestinien Khalil Baydas (1874-1949) que l’appellation “palestinien” s’est imposée en arabe. Baydas a été le premier Arabe à utiliser le terme “palestinien” au sens moderne et national du terme. En 1898, il publie une traduction arabe d’un traité russe populaire, Description de la Terre Sainte. Son objectif était évidemment patriotique. « Les livres arabes de géographie sur le sujet étaient insuffisants », écrit-il dans l’introduction. « Le peuple de Palestine avait besoin d’un livre de géographie sur son pays ». Le reste de l’ouvrage est truffé de références aux Palestiniens en tant que peuple.

Au XXe siècle, après que la révolution constitutionnelle ottomane a assoupli les lois sur la censure de la presse en 1908, des dizaines de périodiques sont apparus en Palestine, et le terme “palestinien” a ainsi gagné en popularité. Entre 1908 et 1914, le terme apparaît quelque 170 fois dans plus de 110 articles de livres et de journaux arabes.

En 1911, Isa al-Isa et Yusif al-Isa, des cousins palestiniens de Jaffa, ont fondé ce qui allait devenir le journal le plus populaire de Palestine, pour lequel ils ont choisi le nom de Filastin. En fait, des années avant la fondation de Filastin, plusieurs autres Palestiniens, dont Ilyas Bawwad à Safed et Yusuf Siddiqi à Hébron, avaient tenté de lancer un journal appelé Palestine ou Filastin, mais aucune de ces tentatives ne s’était concrétisée.

Un sentiment d’identité palestinienne se développe en Palestine et au-delà, et les Palestiniens de l’Est à l’Ouest adoptent rapidement cette identité. Entre 1908 et 1914, une multitude d’associations “palestiniennes” sont créées à Chicago, Beyrouth et Istanbul.

L’occupation britannique de la Palestine pendant la Première Guerre mondiale n’a fait qu’accélérer le rythme d’adoption de l’identité nationale palestinienne. En 1919, craignant la montée du sionisme et de l’immigration juive en Palestine, le premier congrès arabe palestinien se tient à Jérusalem. Le 3 septembre 1921, le journal Filastin déclare : « Nous sommes d’abord des Palestiniens et ensuite des Arabes ».

L’identité palestinienne ne tardera pas à se répandre dans les villes et les villages de Palestine. En 1925, l’éminent éducateur palestinien Khalil Sakakini a parcouru la campagne palestinienne en tant que représentant de la délégation du sixième Congrès arabe palestinien. Il s’en souviendra plus tard : « La nation palestinienne vivait une phase de lune de miel du nationalisme ».

Sixième congrès national palestinien, Jaffa, octobre 1925. Photo : Institute of Palestine Studies.

Même les dirigeants sionistes ont été contraints de reconnaître l’existence d’une identité nationale palestinienne. En 1923, Ze’ev Jabotinsky écrit : « le peuple arabe de Palestine dans son ensemble ne vendra jamais ce patriotisme fervent qu’il garde si jalousement ». En 1929, David Ben-Gourion prévient qu’un mouvement national arabe palestinien est en train de naître.

Grâce au Grand soulèvement palestinien, qui a duré de 1936 à 1939, le terme “palestinien” était tout simplement omniprésent dans la presse à la fin des années 1930. De nombreux écrivains palestiniens, par exemple, tenaient à souligner que des familles “non palestiniennes”, notamment les Sursuq (ou Sursock), avaient vendu des “terres palestiniennes” aux sionistes. Les écrivains arabes ont également invoqué le terme pour faire l’éloge des “Palestiniens” qui ont joué un rôle clé dans le mouvement littéraire arabe d’avant-guerre, ou de ceux qui ont rejoint la Grande Révolte arabe, dirigée par l’émir Faysal Ier  pendant la Première Guerre mondiale.

Tout cela montre que les Arabes de Palestine sont connus sous le nom de Palestiniens depuis [au moins] le dix-neuvième siècle et qu’ils se sont toujours identifiés comme Palestiniens.

Alors pourquoi les propagandistes racistes comme Smotrich ressentent-ils constamment le besoin de nier l’existence des Palestiniens ? Parce que la notion même de peuple palestinien rappelle constamment que l’entreprise sioniste a été fondée sur l’effacement de l’identité nationale des Palestiniens. Mais l’histoire nous enseigne que le peuple palestinien existait bien avant la création de l’État d’Israël, et même avant le mouvement sioniste moderne.

 NdT
La palme de l'infamie revient sans doute à Shmuel Trigano, dans l'article Le passé historique du mot « Palestine » – Peleshet/Philistie, Plishtim/ Philistins/Envahisseurs (2021). Il écrit :
C’est le KGB qui en 1964 réécrivit l’histoire pour les « idiots utiles » d’Occident, la gauche socialiste, communiste, tiers mondiste, en faisant de la guerre des Arabes contre les Juifs (ce que fut excactement la guerre de 1948 rassemblant plusieurs pays arabes contre Israël, une guerre semi nationaliste, semi djihadique), une guerre nationale palestinienne contre le colonialisme occidental.” [sic]