Ci-dessous, traduits par Tlaxcala, une série de trois articles consacrée aux perspectives de la résistance palestinienne après le 7 octobre et au dixième mois d’une guerre asymétrique opposant des combattants défendant leur peuple à une armée d’occupation surarmée, équipée et soutenue par les puissances impériales. La stratégie génocidaire des occupants n’est pas parvenue à écraser cette résistance en 285 jours. Une fois de plus se vérifie cette vérité historique : aucune armée d’occupation ne peut écraser une armée populaire. Ni au Vietnam, ni en Algérie, ni en Afghanistan, ni en Irak, ni en Palestine. L’auteur de ces articles, Jeremy Scahill, est un journaliste usaméricain d’investigation chevronné, qui vient de créer avec ses amis le site ouèbe Drop Site News, après avoir travaillé pendant 11 ans au site The Intercept, qu’il avait créé avec Glenn Greenwald. Le mérite de ces articles est de donner la parole aux protagonistes de la résistance, une parole universellement censurée par les médias dominants. Une belle leçon de journalisme.
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20/07/2024
JEREMY SCAHILL
Palestine : la parole à la Résistance
09/10/2023
ABDEL BARI ATWAN
Le déluge de Gaza
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Les élites et l’opinion publique israéliennes ont subi la plus grande atteinte à leur moral depuis 50 ans.
Nous savons maintenant pourquoi Mohammed Deïf, le chef de l’aile militaire du Hamas dans la bande de Gaza, a disparu de la scène publique il y a près de deux ans, depuis la campagne “Épée de Jérusalem”. Il élaborait des plans et préparait une contre-attaque. Samedi, il est apparu, aux côtés du porte-parole “Abou Obaida”, pour l’annoncer.
Alaa Al-Laqta
Ils ont annoncé le déclenchement de l’opération “Déluge d’Al Aqsa”, la décrivant comme une bataille pour mettre fin à l’occupation la plus longue de la planète. Des milliers de roquettes ont été lancées en l’espace de quelques minutes, déconcertant les systèmes de défense antiaérienne israéliens, et des combattants ont quitté le territoire assiégé pour prendre d’assaut les colonies israéliennes de l’enveloppe de Gaza.
Les images de l’opération diffusées sur les réseaux sociaux sont stupéfiantes : des chars Merkava en feu, leurs équipages traînés dehors et implorant la pitié, et des colons fuyant dans la panique, leurs appels à l’aide n’étant pas entendus. À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de 100 Israéliens auraient été tués et des dizaines capturés pour servir de monnaie d’échange à la libération des prisonniers palestiniens détenus par Israël.
L’impact sur le moral des élites et du public israéliens a été gigantesque. Ses institutions politiques, sécuritaires et militaires ont subi le coup le plus dur depuis 50 ans, c’est-à-dire depuis la guerre d’octobre 1973. Lorsque l’armée, classée comme la quatrième plus puissante du monde, ne peut ni prévenir ni réagir au ciblage de colons censés être en sécurité en Israël “proprement dit”, c’est le signe d’un grave déclin.
Quelle que soit l’évolution des événements dans les jours et les semaines à venir, la résistance a remporté une immense victoire. Il s’agit d’une guerre de longue haleine. Israël peut semer la mort et la destruction à une échelle gigantesque, mais il n’en sortira pas indemne. Et si cette guerre dégénère en une guerre régionale sur plusieurs fronts, les choses seront clairement écrites sur le mur.
La réflexion, la planification et la gestion qui ont présidé à cette opération sont comparables à tout ce qui est enseigné dans les meilleures académies militaires du monde. Lorsque des vidéos de combattants s’entraînant pour cette opération ont été publiées sur les médias sociaux, elles ont été ridiculisées par Israël et ses alliés arabes normalisateurs. Voilà pour les diplômés de Sandhurst et de West Point. Daif n’a jamais revendiqué de titre militaire, mais il mérite le rang de “général” bien plus que n’importe lequel des commandants d’armées arabes lourdement médaillés et en surpoids qui ne font rien d’autre qu’organiser des parades et toucher des bakchichs sur des contrats d’armement.
Souvenez-vous de cette date, le 7 octobre. Elle pourrait marquer un tournant historique dans le monde arabe, d’une période de soumission, de reddition, de normalisation et d’illusions sur l’ennemi comme protecteur, à une période de dignité et de libération - la libération totale de la Palestine.
Netanyahou a déclaré l’état de guerre, menacé d’une réponse dévastatrice et appelé les réservistes de son armée. Mais que peut-il faire de plus que ce qu’il a déjà fait ? Tuer des centaines d’innocents supplémentaires à Gaza ? Ce ne serait pas la première fois. Et cela pourrait déclencher une réaction dévastatrice jusqu’à Tel-Aviv, Haïfa et Jérusalem.
Le Jihad islamique a rejoint le Hamas dans cette bataille, de même que toutes les branches armées de la résistance des principales factions palestiniennes. Les brigades de résistance de Cisjordanie - à Jénine, Naplouse, Tulkarem et peut-être Hébron - ont été inspirées et, fortes de leur solide soutien populaire, ont commencé à se joindre à la lutte. Et il n’est pas exclu que les composantes de l’axe de la résistance au Liban et en Syrie, voire au Yémen et en Irak, fassent de même dans un avenir proche, si ce n’est plus tôt.
04/06/2023
AMEER MAKHOUL
Comment les dirigeants israéliens menacent de faire la guerre à l’Iran pour résoudre la crise interne
Ameer Makhoul (bio) , middleeasteye.net, 31/5/2023
Traduit
par Fausto Giudice, Tlaxcala
La récente “guerre des menaces” a révélé la profondeur de la crise économique et financière d’Israël résultant du coup d’État judiciaire entrepris par le gouvernement actuel
Le chef de l’état-major général de l’armée israélienne, Herzi Halevi, s’exprime lors de la conférence de Herzliya le 23 mai 2023 (Twitter)
La
conférence d’Herzliya
des 22 et 23 mai, qui s’est tenue à l’université israélienne Reichman, a servi
de cadre à l’amplification des menaces militaires contre des cibles régionales,
notamment le Liban et l’Iran. Selon le chef d’état-major des forces
israéliennes, Herzl “Herzi” Halevi, des attaques "aériennes, maritimes et
terrestres" sont envisageables.
S’exprimant lors de la conférence, Halevi
a évoqué la possibilité d’une attaque préventive israélienne : « Des
développements négatifs pourraient nécessiter une action contre l’Iran. Le
moment d’une attaque [militaire] préventive contre le Hezbollah qui garantirait
notre avantage devrait être examiné... [Hassan] Nasrallah ose nous affronter,
mais le rétablissement après la guerre serait extrêmement difficile pour le
Liban ».
La conférence a coïncidé avec des
visites de bases militaires stratégiques par le Premier ministre Benjamin
Netanyahou
et le ministre de la Sécurité Itamar Ben-Gvir, qui se sont récemment fait l’écho
de ces sentiments dans leurs déclarations publiques.
Cette année, la conférence annuelle sur la sécurité avait pour thème “Visions et stratégies à l’ère de l’incertitude”, partant du principe que l’État juif serait au bord d’une guerre régionale désastreuse. Dans ce contexte, les dirigeants militaires et gouvernementaux du pays ont multiplié les menaces explicites à l’encontre de l’Iran, du Hezbollah, de la Syrie et du Liban.
Carlos Latuff
Se préparer à la guerre
Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré lors de la conférence qu’Israël se préparait à ce qu’il a décrit comme une “guerre difficile, complexe et sur plusieurs fronts”. Il a accusé les Gardiens de la révolution iraniens de “transformer des navires commerciaux civils en bases militaires, en transporteurs de drones et en bases terroristes maritimes au Moyen-Orient”.
Il est intéressant de noter que ces menaces semblent avoir suscité plus d’intérêt de la part des médias étrangers que de la part des médias israéliens.
Gallant
a ajouté : « Ces plates-formes terroristes maritimes représentent une
extension du terrorisme maritime de l’Iran dans le golfe Persique et la mer d’Arabie,
avec l’ambition d’étendre sa portée à l’océan Indien, à la mer Rouge et
peut-être même à la mer Méditerranée ».
Gallant propose une “solution” : « Seules
la coopération internationale et la mise en place d’une coalition contre le
terrorisme iranien dans le Golfe, ainsi qu’une menace militaire réelle contre
chaque front, permettront d’affronter le plus efficacement possible le
terrorisme iranien, que ce soit dans les airs, en mer ou sur terre ».
Par ailleurs, le chef de la direction du
renseignement militaire, le général Aharon Haliva, a lancé un avertissement : « Nasrallah
est sur le point de commettre un faux pas qui pourrait plonger la région dans
une guerre importante ». Il a évoqué un incident
récent
impliquant un combattant du Hezbollah qui a franchi la frontière israélienne et
posé un engin explosif près du carrefour de Megiddo, à l’intérieur du pays, disant
qu’il n’était ni accessoire ni unique.
Haliva a souligné que l’Iran continuait d'avancer dans ses ambitions
nucléaires, en progressant dans l’enrichissement de l'uranium. Il a déclaré : « Nos
évaluations indiquent que l’Iran n’a pas encore pris la décision définitive d’obtenir
des armes nucléaires. Israël reste vigilant et suit de près tous ces
changements ».
Haliva a ajouté que le retour de la Syrie au
sein de la Ligue
arabe,
ainsi que le réchauffement des relations et la visite du président Bachar Al Assad
en Arabie saoudite, laissent présager une remontée du moral et de l’assurance
des Syriens, ce qui pourrait renforcer le défi que représente la Syrie pour
Israël.
Dans une contradiction apparente, la rhétorique exacerbée menaçant d’une guerre préemptive imminente contraste fortement avec la nature même de la guerre préemptive, qui repose traditionnellement sur des éléments de tromperie et de surprise.
La perception unilatérale selon laquelle le Hezbollah a été dissuadé depuis 2006, associée aux affirmations de la conférence d’Herzliya selon lesquelles il est désormais plus audacieux dans sa confrontation avec Israël, néglige un point essentiel, à savoir qu’Israël lui-même aurait pu être dissuadé. La dissuasion est en effet une voie à double sens. Cette notion a d’ailleurs été illustrée par la récente résolution de la crise du gaz en Méditerranée orientale, ainsi que par le barrage de missiles qu’Israël a essuyé depuis le Sud-Liban il y a quelques semaines.
Plusieurs
analystes militaires soutiennent que le mandat de Netanyahou
en tant que premier ministre pendant la majeure partie de la dernière décennie,
en particulier ses efforts pour saper l’accord sur le nucléaire iranien jusqu’à
son abandon par l’administration Trump, a peut-être posé par inadvertance un
risque stratégique pour Israël.
Cette affirmation découle de l’observation
que le rythme de l’enrichissement de l’uranium et le développement de missiles
à longue portée en Iran se sont tous deux accélérés, à la suite du retrait des USA
de l’accord. Ils
ajoutent que tout acte d’agression contre l’Iran pourrait inciter ses
dirigeants à accélérer l’achèvement de son projet nucléaire militaire, ce qui
est tout à fait contraire aux intérêts stratégiques d’Israël.
Motivations politiques
L’analyste politique israélien Ronel Alfer et l’analyste militaire Amir Oren affirment dans Haaretz que la position adoptée par les dirigeants militaires, les institutions de sécurité et le gouvernement actuel est principalement destinée à l’opinion publique israélienne. Selon les analystes, la menace de guerre est devenue un cliché, bien qu’elle prévienne efficacement l’insubordination militaire potentielle parmi les pilotes.
Ils estiment en outre que ce climat d’alerte accrue aide Netanyahou à atteindre son objectif, qui est d’écarter ses rivaux politiques, tels que Ben-Gvir et le parti Otzma Yehudit (Pouvoir juif), et d’intégrer le chef de l’opposition, Benny Gantz, dans un gouvernement de coalition d’urgence. Ils estiment en outre que l’intégration de Gantz dans le gouvernement pourrait obtenir l’approbation de l’administration Biden.
Alfer
évoque en outre la possibilité qu’Israël mette en péril sa propre sécurité pour
tenter de faire dérailler les efforts de “réforme judiciaire” et de surmonter
la crise interne en cours. Selon lui, cela pourrait déboucher sur un conflit
motivé par des objectifs politiques internes.
À la suite de ses attaques contre Gaza, Netanyahou
a réussi à regagner une partie de sa popularité et de sa stature perdues,
mais ce rebond est notablement limité et n’a pas modifié l’orientation
dominante de la politique intérieure israélienne.
La population israélienne est actuellement plus préoccupée par l’état de l’économie, l’escalade des prix et l’appréhension d’un effondrement économique que par les questions relatives à l’Iran. La pression économique a été encore exacerbée par le spectre de la guerre, qui a entraîné une dépréciation marquée du shekel israélien par rapport aux devises étrangères, ce qui laisse présager de nouvelles hausses de prix et une inflation financière.
En outre, les événements en cours coïncident avec la ratification d’un budget d’État de deux ans pour lequel Netanyahou s’est manifestement plié aux exigences de ses partenaires de coalition, à savoir les sionistes religieux et les Haredim.
Manque de capacité
Bien qu’elle reste entourée d’incertitude et de scepticisme, une autre question clé est de savoir si Israël est préparé à une guerre bien calculée contre le Hezbollah et l’Iran. Plusieurs analystes ont conclu qu’Israël, malgré ses formidables capacités militaires et ses prouesses dans l’utilisation de l’intelligence artificielle à des fins militaires, pourrait ne pas être en mesure de dicter pleinement l’issue, la trajectoire et l’ampleur d’une telle guerre.
La capacité du front intérieur israélien à supporter une guerre d’une ampleur presque totale est tout aussi obscure.
Selon les déclarations du chef d’état-major israélien, la menace du Hezbollah a été gérée efficacement depuis 2006. Toutefois, cette même période illustre également la position similaire d’Israël en matière de dissuasion. Pendant toutes ces années, la frontière nord est restée l’une des lignes de confrontation les plus pacifiques.
En
outre, l’accord définissant la démarcation des frontières maritimes
entre le Liban et Israël, en particulier en ce qui concerne l’exploration
gazière, témoigne de cette double dissuasion politique et militaire. Les
récentes déclarations de l’état-major israélien viennent compléter ce tableau
complexe. À la suite de la dernière agression contre Gaza, les autorités
israéliennes ont précisé que les évaluations appropriées pour évaluer les
attaques contre le Jihad islamique ne s’appliquaient pas au front nord, où
opère le Hezbollah.
Cette déclaration fait suite aux travaux
de la conférence d’Herzliya, où, selon les évaluations israéliennes, le
Hezbollah a été qualifié de front le plus redoutable de l’Iran.
Si l’objectif de ces menaces est de
rajeunir la capacité de dissuasion d’Israël, cela correspondrait à l’affirmation
de Netanyahou sur la supériorité d’Israël dans le domaine de “l’intelligence
humaine et artificielle”. Cette dernière partie concerne les opérations
militaires, les cybercapacités et “l’influence sur l’opinion publique et le
moral de l’adversaire”.
Toutefois, l’Iran et le Hezbollah considèrent le gouvernement de. Netanyahou comme un facteur qui a affaibli Israël sur le plan stratégique, ce qui se reflète dans la diminution de son influence régionale. Pour eux, le leadership actuel offre plus d’opportunités que de risques. Revenant apparemment sur ses menaces, un porte-parole de l’armée israélienne a déclaré aux médias étrangers le 24 mai que les avertissements émis par les dirigeants politiques et militaires du pays « ne signifient pas qu’une guerre se profile à l’horizon, ni qu’Israël va frapper l’Iran de manière imminente ».
Changement d’alliances
Dans un paysage régional en mutation, des signes naissants de réconciliation interarabe et arabo-iranienne apparaissent. Dans le même temps, Israël et les USA affirment que l’Iran aide la Russie en lui fournissant des drones et des missiles dans le cadre du conflit russo-ukrainien.
En fin de compte, il est peu probable que l’escalade des menaces des dirigeants israéliens précipite une guerre à grande échelle
Cet alignement de l’Iran sur la Russie et la Chine, tel qu’il est perçu par Netanyahou, pourrait susciter l’intérêt des USA pour une éventuelle attaque contre l’Iran, mettre un terme à la détente entre l’Arabie saoudite et l’Iran et entre les pétromonarchies du Golfe et la Syrie, et limiter les efforts arabes visant à instaurer un nouvel ordre mondial fondé sur la multipolarité plutôt que sur une configuration unipolaire.
Les analyses israéliennes suggèrent qu’en menaçant d’une guerre régionale, Netanyahou pourrait accélérer les pressions usaméricaines sur l’Arabie saoudite pour qu’elle normalise ses relations diplomatiques avec Israël. Cet effort comprend actuellement des mesures limitées à court terme telles que la facilitation des vols directs entre Israël et l’Arabie Saoudite pour transporter les pèlerins du Hadj parmi les Palestiniens de 1948.
Il est de plus en plus douteux que la guerre de menaces orchestrée par Israël se transforme en une véritable guerre, une entreprise qui présente des risques dépassant de loin toute capacité à en prédire les conséquences - potentiellement dévastatrices non seulement pour le Liban, mais aussi pour Israël lui-même.
Le récent assaut israélien sur Gaza, qui visait spécifiquement le mouvement du Jihad islamique, relativement petit et de capacité limitée, a mis en évidence l’incapacité d’Israël à contrôler efficacement la progression de l’offensive ou à dicter sa conclusion. Comme l’a déclaré Halevi, la situation sur le front nord est totalement différente de celle de Gaza, et les mêmes stratégies ne peuvent être employées.
Dans ces conditions, il semble que l’influence régionale d’Israël ait diminué de manière significative et palpable. Il est également très peu probable que les dirigeants israéliens parviennent à remodeler les priorités mondiales des USA au profit de leur propre agenda politique. Par ailleurs, la “guerre des menaces”, répétée depuis 2004 et en particulier en 2013 et 2014 avant la conclusion de l’accord international sur le programme nucléaire iranien, est devenue inefficace.
Les objectifs de cette rhétorique sont axés sur des gains à court terme plutôt que sur une stratégie à long terme. La “guerre des menaces” actuelle a révélé la profondeur de la crise économique et financière d’Israël résultant du coup d’État judiciaire entrepris par le gouvernement actuel.
Alors
que certaines guerres ont pu soutenir l’économie israélienne dans le passé,
elles sont devenues désastreuses pour l’économie, qui retient actuellement l’attention
de la société israélienne plus que toute autre question. Cela indique que la crise
politique interne israélienne, le coup d’État judiciaire et ses résultats sont
à l’origine de l’érosion de la dissuasion israélienne, parallèlement aux
transformations régionales et mondiales mentionnées précédemment.
En fin de compte, il est peu probable
que l’escalade des menaces des dirigeants israéliens précipite une guerre à
grande échelle. Et bien que les manœuvres diplomatiques usaméricaines puissent
favoriser une certaine détente entre Israël et l’Arabie saoudite, la
perspective de relations diplomatiques formelles reste incertaine.
13/05/2023
AMEER MAKHOUL
L’union sacrée d’Israël autour de la nouvelle agression contre Gaza ne tiendra pas longtemps
Ameer Makhoul, Middle
East Eye, 11/5/2023
Traduit
par Fausto Giudice, Tlaxcala
La décision de frapper le Djihad islamique a donné à Netanyahou un regain de popularité, mais cela ne tiendra pas sur le long terme.
Cette semaine, Israël a effectué
une frappe cruciale en éliminant quatre dirigeants du Djihad islamique, ses médias soulignant la
précision des missiles et l’exactitude des renseignements recueillis.
Mais cette couverture est restée
largement indifférente au fait que l’opération s’est traduite par un massacre dévastateur.
Certains médias israéliens ont
présenté le nombre de victimes - dont des enfants, des femmes et des
professionnels de la santé - comme un bilan acceptable, fanfaronnant même sur
le nombre relativement faible de victimes civiles palestiniennes. Un sentiment
de célébration, de fierté et d’honneur a envahi Israël.
Un consensus national s’est dégagé
lorsque les leaders de l’opposition parlementaire ont exprimé leur soutien aux actions du gouvernement Netanyahou. Les analystes
estiment que l’opération pourrait prolonger la durée de vie du gouvernement
assiégé, qui était aux prises avec des dissensions internes et semblait sur le point de s’effondrer.
Itamar Ben-Gvir, le leader d’extrême
droite du parti Puissance juive, avait boycotté les sessions de la Knesset. Pourtant, même lui a fait l’éloge
de l’opération, suggérant que ses pressions avaient porté leurs fruits, et vantant son propre rôle. Haut du formulaire
Bas du formulaire
Entre-temps, des milliers d’Israéliens
ont fui leurs maisons dans les communautés proches de
Gaza, tandis que l’armée supervisait un plan d’évacuation plus large.
Israël s’est félicité du succès de
ses opérations militaires, citant la bonne coordination des renseignements
entre l’armée et l’agence de sécurité Shin Bet. Cette démonstration de sa
capacité à cibler les dirigeants palestiniens, même dans leurs propres chambres
à coucher, vise à envoyer un message à toutes les factions du Sud-Liban, de la Cisjordanie occupée et de
Gaza : le rayon d’action d’Israël est tous azimuts.
Assassinats
ciblés
La stratégie israélienne d’assassinats
ciblés démontre sa politique impitoyable d’éradication des dirigeants du Djihad
islamique, en raison des opérations très médiatisées du groupe et de sa
philosophie de résistance à l’occupation. Les responsables israéliens ont à
plusieurs reprises exhorté le Hamas à ne pas s’impliquer dans la confrontation actuelle.
Pourtant, alors qu’Israël s’attendait
à ce que la réponse palestinienne soit à l’image des précédentes agressions
contre Gaza, ce n’est pas ce qui s’est produit immédiatement. Les tensions ont
été exacerbées au sein de l’establishment sécuritaire, politique et médiatique
israélien, alors que le pays attendait de voir ce qui allait se passer.
Bien que des roquettes aient été tirées de Gaza dans la nuit de mercredi à
jeudi, le retard pris dans la réponse a semblé indiquer qu’Israël ne contrôlait
plus la manière dont ces situations se développaient.
Les factions palestiniennes
semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, contrairement au rythme
dicté par Israël.
Dans le même temps, Israël a perdu
le soutien de l’Égypte qui, malgré ses efforts de médiation à Gaza, a fortement critiqué les
récentes frappes contre le Djihad islamique, estimant que le massacre sapait
les efforts visant à établir une stabilité à long terme et violait les
engagements pris par Israël lors des récentes conférences d’Aqaba
(Jordanie) et de Charm el-Cheikh (Égypte).
De nombreuses factions
palestiniennes et forces régionales estiment que le pouvoir de dissuasion qu’Israël
détenait autrefois a considérablement diminué au cours des cinq mois qui se
sont écoulés depuis l’entrée en fonction du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou, et qu’il n’a pas réussi, sur le
plan stratégique, à renforcer son influence régionale et à consolider ses
défenses nationales.
Un autre défaut d’Israël réside
dans son incapacité à anticiper l’intensité de la réponse palestinienne à son
agression. À Tel-Aviv, les services de sécurité ont choisi cette semaine d’ouvrir
des abris anti-bombes publics et de fermer des écoles. Ces coûts sécuritaires,
politiques et économiques supplémentaires pourraient inciter Israël à lancer
une offensive plus large sur plusieurs fronts, afin de tenter de reprendre le
contrôle de la trajectoire et des conséquences de la confrontation.
Neutraliser le
Hamas
Bien qu’il n’y ait aucune preuve
que la dernière agression d’Israël soit une conséquence directe de ses profonds
troubles internes, la diminution du pouvoir de dissuasion de l’État peut
certainement être attribuée au climat politique actuel et à la crise
intérieure. Par conséquent, l’agression doit être considérée dans ce contexte.
Si cette stratégie agressive s’avère
fructueuse du point de vue israélien, le premier bénéficiaire politique en sera
Netanyahou, dont la cote de popularité est sur le point de grimper.
Mais ce regain de popularité ne
sera pas durable et ne garantira pas non plus la longévité du gouvernement de Netanyahou,
compte tenu des conflits intérieurs profondément enracinés et des manifestations publiques en cours. Il ne permettra pas à
Netanyahou de relever les défis les plus pressants auxquels il est confronté.
Dans le même temps, les sondages ont montré que la confiance des citoyens
israéliens dans le chef de l’opposition, Benny Gantz, s’accroît.
Entre-temps, Israël fait le pari de
neutraliser le Hamas - qui gouverne effectivement la bande de Gaza et détient
la plus grande puissance militaire - et de garantir un cessez-le-feu durable.
Cependant, la situation s’est
encore aggravée après que le ministre de l’Énergie, Israel Katz, a menacé cette semaine d’assassiner Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza, et son
chef militaire Mohammed Deif, en cas de représailles de la part du Hamas. Le
Hamas a publié mercredi une déclaration suggérant que ses forces participaient aux tirs de
roquettes de représailles, bien que cela n’ait pas été immédiatement vérifié.
L’appareil de sécurité israélien
est perplexe face à la réaction tardive et imprévisible des Palestiniens, car
il s’attendait à une réaction immédiate de tirs de roquettes, suivie d’une
médiation, de pressions et finalement d’une trêve jusqu’à la prochaine
agression. Mais la réalité s’est avérée plus complexe.
Des inquiétudes sont apparues quant
à la possibilité que l’état d’urgence israélien se prolonge indéfiniment, les coûts
associés pouvant dépasser ceux d’un engagement militaire limité. La possibilité
que les Palestiniens prennent pour cible les manifs des colons dans la partie
occupée de Jérusalem-Est suscite également des craintes.
Toutes les options semblent être
sur la table, une trêve paraissant peu probable. Les factions palestiniennes
semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, par opposition au
rythme dicté par Israël, passant d’un cycle réactif à un plan d’action plus
délibéré. Bien que cela crée une nouvelle dynamique, cela ne modifie pas
fondamentalement l’essence du conflit.
03/09/2022
JACK KHOURY / HAGAR SHEZAF
Khalil Awawdeh arrête sa grève de la faim suite à un accord sur sa libération le 2 octobre
Jack
Khoury et Hagar
Shezaf, Haaretz, 31/8/2022
Traduit par Fausto Giudice
Khalil Awawdeh, dont les images ont choqué le monde au milieu de sa grève de plus de 170 jours, a mis fin à sa grève après avoir conclu un accord sur sa remise en liberté le 2 octobre
Khalil Awawdeh, dont les avocats ont averti qu'il pouvait mourir à tout moment après 170 jours de grève de la faim, a annoncé qu'il mettait fin à sa grève après qu'un accord a été conclu pour mettre fin à sa détention administrative le 2 octobre.
Dans une vidéo, Awawdeh a déclaré qu'il resterait à l'hôpital pour traitement et surveillance jusqu'à son rétablissement. « C'est une nouvelle victoire dans la série de victoires pour les détenus administratifs qui ont mené une lutte pour leur libération et leur liberté. Je mets fin à la grève après avoir appris ma victoire ».
La femme d'Awawdeh a célébré la nouvelle de la libération de son mari : « Khalil a prouvé que le prisonnier palestinien peut remporter une victoire sur l'occupation ».
Le Jihad islamique palestinien a déclaré que la « campagne historique qu'il a menée sera enregistrée dans les annales de la lutte palestinienne ».
Une source égyptienne de haut niveau a déclaré à Haaretz que des responsables égyptiens participaient aux pourparlers en coulisses avec Israël pour obtenir la libération d'Awawdeh, qui était apparemment une condition promise dans le cadre du récent accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza. La source a ajouté que les pourparlers visant à obtenir la libération du commandant du Jihad islamique Bassam al-Saadi, sont toujours en cours.
Soutenu par une garantie égyptienne, Awawdeh a signé qu'il ne reprendra pas d’ “activités terroristes” comme condition de sa libération le 2 octobre, a déclaré une source de sécurité israélienne, ajoutant qu'Israël le libérera tant qu'il n'y aura aucune raison de croire le contraire.
19/08/2022
GIDEON LEVY
Pourquoi le père de Khalil Awawdeh, en grève de la faim depuis 170 jours, est prêt à perdre son fils
Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 19/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
C'est le 170e jour de la plus longue grève de la faim jamais observée par un détenu administratif palestinien. Khalil Awawdeh a passé 13 ans dans les prisons israéliennes et devait être libéré après le cessez-le-feu de Gaza, mais cela ne s'est pas produit.
Mohammed, le père de Khalil Awawdeh, à son domicile cette semaine. La famille a rejeté la demande de l'armée, lors d'un raid nocturne au début de l'année, de retirer ses posters du gréviste de la faim.
Mohammed Awawdeh veut que son fils, Khalil, continue à ne pas céder, et est prêt à le perdre à cette fin. « S'il sort mort, il aura ce qu'il voulait - même s'il est mort », explique le père de 61 ans dans la cour de la maison familiale de la ville d'Idna, à l'ouest d'Hébron.
Malgré cela, l'inquiétude et l'anxiété dans cette maison ont augmenté cette semaine. Mohammed sursaute à chaque fois que le téléphone sonne : Il pourrait s'agir d'un appel l'informant de la mort de son fils. La mère de Khalil, Jalila, 62 ans, voulait que son fils arrête sa grève de la faim dès le premier jour. Elle le veut vivant, même au prix de sa liberté. Pas le père. Et Dalal, la femme de Khalil, dit qu'elle est du côté de son mari qui a décidé d'aller jusqu'au bout.
Dalal est le dernier membre de la famille à avoir vu Khalil, au centre médical Shamir, au sud-ouest de Tel Aviv, où il a été transféré le week-end dernier. Elle a été gravement choquée par ce qu'elle a vu. Samedi, Dalal a rencontré un homme qu'elle a à peine reconnu, presque aveugle, à peine capable de parler.
Sa vie est en danger, et sa mort risque de déclencher une vague de violence renouvelée en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Contrairement à ce qui se passe en Israël, le sort de Khalil Awawdeh continue de susciter intérêt et inquiétude dans certains milieux internationaux. Une manifestation a eu lieu il y a quelques jours à Londres pour demander sa libération, et des événements similaires ont eu lieu dans d'autres villes.
Une cour négligée, ornée d'affiches appelant à la libération d'Awawdeh, dans un quartier tranquille d'Idna. Khalil Awawdeh a 41 ans, il est père de quatre filles. La plus jeune, âgée d'un an et demi, est blottie dans les bras de sa mère. Khalil est l'un des huit enfants de Mohammed et Jalila, mais seul Khalil a été actif dans le Jihad islamique. « Ils ont chacun suivi chacun son propre chemin, Khalil est sur le bon chemin », dit son père, qui atteste que lui-même n'a jamais été politiquement actif.
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Mohammed, un petit homme affable, a travaillé pendant des années en Israël et parle un bon hébreu d’ouvrier. Il est au chômage depuis 1992, date à laquelle il a été blessé dans un accident de travail à Ashkelon, et son taux d'invalidité est de 77 %. À son grand désespoir, il n'a pas été autorisé à entrer en Israël - on ne sait pas pourquoi. Cette semaine encore, il a demandé l'aide d'un visiteur pour obtenir un permis d'entrée afin de rendre visite à son fils et de reprendre son travail en Israël.
Khalil Awawdeh a été un éternel étudiant de premier cycle à l'université d'Hébron, où il étudiait l'ingénierie, mais ses fréquentes incarcérations l'ont empêché de terminer ses études. Il doit encore suivre neuf heures de cours et passer un entretien final pour obtenir son diplôme, ce qu'il ne parviendra probablement pas à faire de sitôt, voire jamais.
L'historique de ses arrestations est long et inquiétant : Il n'est pas raisonnable de maintenir des personnes en détention sans procès autant de fois, et pendant autant d'années. Aujourd'hui, il est déterminé à mettre fin à ce cycle, d'une manière ou d'une autre.