Affichage des articles dont le libellé est Français. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Français. Afficher tous les articles

20/09/2025

LYNA AL TABAL
Rapport sur le génocide à Gaza : lisez-le avec moi si vous voulez, ça ne changera rien !

Lyna Al Tabal, RaiAlYoum, 17/9/2025
Traduit par Tlaxcala



Chaque matin, le soleil explose au-dessus du Machrek, des missiles, du feu, des promesses internationales, chaque matin, le compte à rebours commence pour de nouvelles victimes.

Cet article ne tolère pas le silence prolongé, maudit soit le silence ! Se taire, c’est être complice du crime.

Puis, soudain, on réalise que le rouge dans le ciel n’est pas un coucher de soleil romantique : c’est du sang mêlé aux flammes des bombardements. La couleur qui était symbole de l’amour est devenue couleur de la mort, c’est exactement ce que vous voyez dans le ciel de Gaza… Gaza brûle, ses enfants sont enveloppés de couvertures trempées de sang, les mères vacillent entre les cris et les prières, les pères se frappent le visage et essayent de réveiller leurs enfants morts. Ce n’est pas le jour du Jugement dernier, c’est juste un autre jour ordinaire à Gaza.

Pour la première fois depuis soixante-dix ans de massacres, l’ONU a soudainement découvert qu’Israël commet à Gaza ce que le dictionnaire des humains appelle un « génocide ». Dans son rapport, la commission d’enquête internationale a déclaré que l’armée israélienne a commis quatre des cinq éléments constitutifs du génocide tels que définis dans la Convention de 1948 :

• Tuer des membres du groupe,
• Infliger des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale,
• Imposer des conditions de vie destinées à détruire, en tout ou en partie, le groupe,
• Créer des conditions visant à empêcher les naissances au sein du groupe.

Seul le cinquième élément, relatif à l’enlèvement d’enfants, n’a pas encore reçu l’« honneur » de la signature israélienne, peut-être par manque de temps, ou parce qu’ils préfèrent tout simplement tuer les enfants dans les bras de leurs mères.

Le rapport mentionne froidement que ces crimes ont été commis avec préméditation, estampillés par les déclarations de Netanyahou, Gallant et Herzog.

Lisez-le avec moi si vous voulez. ça ne changera rien.

Point un : élimination du groupe ciblé

Le rapport recense soixante mille martyrs à ce jour, et le nombre augmente, dont la moitié sont des femmes et des enfants. Le reste sont des civils. Leur seule faute : être vivants, c’est tout.

La revue The Lancet, qui parle habituellement de maladies du cancer ou du foie, se retrouve au cœur du génocide en documentant l’effondrement de l’espérance de vie à Gaza : de 75,5 à 40,5 ans. Israël ne se contente pas de tuer des gens, il vole la vie de ceux qui ne sont pas encore nés.

Les hôpitaux, des « infrastructures protégées » selon le droit international, sont devenus des cibles militaires… je sais que vous savez !
Le rapport enregistre 498 attaques documentées. Les façons de tuer sont nombreuses : maisons, abris, zones supposément sûres, et un siège qui empêche l’eau, le pain et les médicaments. La faim même est conçue par Israël aussi soigneusement que n’importe quelle bombe intelligente.

Point deux : infliger des atteintes graves

La mort ne suffisait pas, il fallait l’humiliation, la déportation sous les bombardements, la fuite des maisons vers rien, de là vers les tombes. Il faut ajouter la torture dans les prisons pour que le tableau soit complet. La commission internationale a tout documenté avec une froideur académique, debout au milieu d’un abattoir débordant de toutes les couleurs du sang et de toutes ses formes. Puis elle ajoute la phrase qu’elle répète dans chacun de ses rapports : « Cela pourrait être utilisé devant la Cour pénale internationale ».

Point trois : imposer des conditions de vie propices au génocide

L’ONU a mis deux ans pour dire qu’Israël utilise la famine comme arme. Deux années de faim, de soif, de bombardements, avant qu’ils écrivent cette phrase dans le rapport. Le pain, l’eau, les écoles, les hôpitaux, tout est devenu ruine et s’est évaporé, et la commission appelle ça des « crimes contre l’humanité ». Merci pour cette découverte !

Point quatre : empêcher les naissances

L’avenir lui-même a été mis sur la liste des cibles à Gaza, même la première idée de la vie a été exterminée. Le rapport de la commission documente le bombardement de la plus grande clinique de fertilité du secteur, la combustion de quatre mille fœtus, mille échantillons de sperme et ovules… Israël a décidé d’anéantir l’idée elle-même avant qu’elle ne devienne vie. Pas d’enfants, pas d’espoir, pas de nouvelles générations… tous brûlés. Imaginez ! C’est plus facile pour Israël que d’attendre pour qu’ils naissent.

Navi Pillay, présidente de la commission, a demandé l’interdiction de la fourniture d’armes à Israël, le procès des criminels et l’arrêt de ce génocide. Elle a crié : le silence est complice du crime. En mars dernier, la commission avait écrit : « les actes d’Israël pourraient relever du crime de génocide ». Aujourd’hui, « pourraient » a disparu, tout simplement. Rien n’a changé sauf le nombre des corps des martyrs.

Quant au communiqué du ministère des Affaires étrangères israélien, c’est une copie du communiqué de l’année dernière, de l’année précédente, et de l’année d’avant : « allégations mensongères, rapport falsifié, mensonges… » les mêmes allégations depuis un demi-siècle, reprises par les porte-parole officiels de Tel Aviv. Israël est innocent, encerclé par des civils, cerné par des enfants aux chaussures déchirées, une armée qui fait face, dans son récit, à une menace existentielle venant de mères cherchant les restes de leurs enfants sous les décombres.

Un demi-siècle du même discours, une armée bardée d’armes jusqu’aux dents qui tue des enfants et prétend être la victime. Au final pas de justice. Pas de honte. Le sang remplit les lieux, rien que du sang, beaucoup de sang qui noie la terre, et au-dessus duquel flottent des mots de solidarité ternes.

Le rapport (en anglais)



18/09/2025

ZVI BAR’EL
La survie d’une Sparte israélienne dépend d’un état de guerre permanent

Zvi Bar'el , Haaretz, 16/9/2025
Traduit par Tlaxcala

La conquête de la ville de Gaza est censée offrir à l’État d’Israël l’image de la victoire totale. Ce n’est pas l’Iran, ni la Syrie, ni le Liban et certainement pas les Houthis au Yémen qui sont l’ennemi ultime que Benjamin Netanyahou n’a pas réussi à vaincre, mais bien le Hamas, l’organisation qu’il a entretenue pendant des années comme un atout stratégique et idéologique. Le Hamas était censé être la charge explosive au bord de la route qui ferait disparaître la caractérisation de l’Organisation de libération de la Palestine et de l’Autorité palestinienne comme seuls représentants du peuple palestinien et, de ce fait, empêcher la reconnaissance internationale d’un État palestinien.

Ce fut un partenariat merveilleux qui a duré de nombreuses années, qui a conféré au Hamas un mini-État à Gaza et qui a remis à Netanyahou l’accomplissement du rêve d’un Grand Israël. Jusqu’au moment où le Hamas a trahi son partenaire et n’a pas rempli sa mission.


Une manifestation exigeant la libération immédiate des otages israéliens, près de la résidence du Premier ministre Benjamin Netanyahou à Jérusalem, mardi 16 septembre 2025. Photo Ammar Awad/REUTERS

Le Hamas a apparemment mis fin à son rôle de proxy de Netanyahou et doit maintenant être anéanti en punition pour avoir saboté la stratégie messianique qui combattait la solution à deux États. Mais prendre le contrôle de la ville de Gaza n’est pas seulement une histoire de vengeance de plus. Israël a depuis longtemps vengé le massacre que, par son abandon total, Netanyahou a permis que le Hamas commette le 7 octobre 2023. Les Palestiniens ont payé trente fois ou plus pour chaque Israélien tué, et pour chaque maison incendiée au kibboutz Nir Oz ou à Sderot, des quartiers entiers et des villes ont été effacés. La mort de 10 000 ou 20 000 Palestiniens supplémentaires dans la rafale actuelle de destruction n’ajoutera rien à la douceur de la vengeance.

Elle est remplacée par le besoin de rester au pouvoir, même si cela signifie la destruction du pays-mère, qui sera remplacé par un État de toutes ses colonies — à Gaza, en Cisjordanie, dans le sud du Liban et dans l’ouest de la Syrie.

Cette destruction n’apparaît pas seulement sur les champs de massacre de Gaza, qui ont anéanti toute valeur humaine et morale, qui ont poussé la puissance de l’armée israélienne à ses limites, qui imposent et continueront d’imposer un fardeau économique insupportable et ont transformé Israël en État paria. L’architecte de cette destruction nationale a eu la décence de la définir clairement lorsqu’il a comparé Israël à Sparte. Sparte n’est pas seulement un symbole de puissance militaire, de survie et de courage. Ce fut un modèle jugé digne d’imitation par Adolf Hitler et Benito Mussolini.

Dans le livre clandestin qu’Hitler a écrit en 1928, et qui a reçu le titre « Le deuxième livre d’Hitler », publié seulement après la Seconde Guerre mondiale, il a écrit : « Le contrôle de six mille Spartiates sur 350 000 Hilotes n’a été possible que grâce à leur supériorité raciale... Ils ont créé le premier État racial. »

Cette Sparte, qui fut détruite et ne laissa derrière elle qu’un héritage symbolique, est maintenant revenue à la vie en Israël. Si jusqu’à présent nous avions identifié le début de processus métamorphosant Israël en un État fasciste fondé sur la supériorité raciale, la guerre à Gaza achèvera le travail. Elle a déjà enregistré des succès idéologiques impressionnants.

Elle a sapé la plupart des mécanismes qui défendaient la démocratie israélienne. Elle a transformé le système judiciaire en paillasson intimidé et a enrôlé le système éducatif pour dispenser un endoctrinement national-religieux. Elle dicte le récit idéologique « approprié » aux médias, au cinéma et au théâtre, et a étiqueté comme traître quiconque ne rend pas hommage au chef. Elle a aussi fait de l’espoir de remplacer le gouvernement par des élections une perspective incertaine.

Et contrairement aux régimes dictatoriaux « traditionnels » qui persécutent et répriment leurs rivaux politiques, le gouvernement israélien peut même se servir de l’opposition comme d’un ornement qu’il exhibe pour préserver son image d’administration démocratique qui représente « la volonté du peuple ».

Le problème, c’est que lorsqu’une bande prend le contrôle d’un pays, ce n’est pas comme une opération militaire qui se termine par la défaite de l’ennemi. Le maintien du régime exige une lutte incessante contre des rivaux domestiques potentiels et, surtout, requiert une légitimation publique constante. C’est là que la nouvelle mission impliquant Gaza et le Hamas entre en jeu. Parce que la survie de la Sparte israélienne dépend d’un état de guerre permanent.

La bonne nouvelle, c’est que même si le dernier membre du Hamas est tué, il restera plus de 2 millions de Gazaouis qui feront en sorte que la conquête de Gaza soit seulement un avant-goût de la guerre éternelle qui perpétuera la soumission et l’obéissance du public israélien au régime de gangs qui le contrôle.

17/09/2025

MICHAEL TRACEY
La droite yankee a enfin son “moment George Floyd”
Charlie Kirk, saint et martyr

Michael Tracey, 17/9/2025
Traduit par Tlaxcala


Michael Tracey (1988) est un journaliste et commentateur politique usaméricain inclassable, qui a déclaré avoir été enregistré comme électeur démocrate toute sa vie, mais est très critique vis-à-vis de ce parti, notamment son volet “politique identitaire”.

 

JD Vance a généreusement rempli le vide lundi après-midi comme animateur invité de « The Charlie Kirk Show ». Comme à peu près tous les autres politiciens républicains du pays, le vice-président a affirmé à quel point il avait été un grand « ami » de Charlie. Du président de la Chambre au directeur du FBI, en passant par la procureure générale, chacun a proclamé que Charlie était un « cher ami » à lui, et il serait extrêmement impoli de se demander si ces « amitiés » n’étaient pas d’abord d’ordre politique et transactionnel, plutôt que fondées sur un véritable lien affectif. (Pour ne pas être en reste, RFK Jr. a déclaré que lui et Charlie étaient des « âmes sœurs ».)


Pendant les pauses publicitaires de l’émission de Vance, diffusée en radio, les spectateurs de la diffusion sur Rumble ont eu droit à des extraits vidéo de Charlie lors de ses nombreuses tournées de « débats » universitaires. Un extrait en particulier s’est démarqué. Non, ce n’était pas l’un de ces classiques devenus viraux dans lesquels il DÉTRUISAIT totalement une étudiante fluide de genre de 19 ans, alors qu’elle bégayait péniblement en parlant des trans dans le sport. C’était bien plus banal — mais en un sens, bien plus révélateur.

Charlie était engagé dans un échange avec un type à propos de l’histoire aujourd’hui largement oubliée du « Signalgate », qui s’est avérée être le premier scandale de la seconde administration Trump. Ou du moins, le premier quasi-scandale.

Pour ceux dont la mémoire est logiquement courte sur ce genre de choses : en mars 2025, Jeffrey Goldberg, du magazine The Atlantic, a révélé qu’il avait été ajouté par inadvertance à un groupe de discussion Signal — l’application de messagerie chiffrée — avec des membres haut placés de l’administration Trump, alors qu’ils chorégraphiaient le lancement d’une nouvelle campagne de bombardements au Yémen. Un échange mémorable montrait JD Vance répondre par un seul mot, « Excellent », dès qu’on lui annonçait — par Mike Waltz, conseiller à la sécurité nationale bientôt limogé — que la première salve de bombardements usaméricains avait fait s’effondrer un immeuble résidentiel yéménite entier. Apparemment, Vance n’avait besoin d’aucun détail pour s’exclamer que ce développement était « Excellent ». Waltz répondit avec des émojis drapeau US et « coup de poing ». Vance avait auparavant écrit par texto qu’il allait « dire une prière pour la victoire », et ses prières furent apparemment exaucées par la destruction d’un bâtiment civil.

Dans la mesure où cet épisode aurait dû constituer un vrai scandale, la partie réellement scandaleuse était que ces hauts responsables gouvernementaux, qui ne savaient pratiquement rien du Yémen et pouvaient à peine expliquer les objectifs de la mission militaire, se montraient si désinvoltes et légers dans le lancement inconsidéré d’une nouvelle guerre. La superficialité particulière d’un soi-disant « non-interventionniste » comme Vance, qui rejoignit très vite le chœur des va-t-en-guerre, était un aperçu utile. Mais bien sûr, ce n’est pas de ça que le « scandale » allait traiter. À la place, on eut droit au sempiternel recyclage sur la « bonne conservation et transmission d’informations classifiées » — le faux-scandale washingtonien classique.

Ramses, Cuba

Bref, c’est de ça que Charlie Kirk discutait avec ce gars à casquette, qui se disait très préoccupé par les protocoles d’information classifiée de l’administration Trump.

L’échange n’était évidemment pas aussi susceptible de devenir viral que des classiques du genre « Charlie Kirk détruit une gauchiste trans pleine de piercings » ou « Charlie Kirk ridiculise un hippie trans aux cheveux longs ». Il n’avait pas non plus la force argumentative de ses autres punchlines de « débat » électrisants, que nos enfants et petits-enfants apprendront sans doute un jour, en se rassemblant autour du souvenir du « diseur de vérité » assassiné. Par exemple : « Savez-vous qui est Richard Spencer, le suprémaciste blanc ? Savez-vous qu’il vient d’apporter son soutien à Kamala Harris ? David Duke, l’ancien chef du Ku Klux Klan, a aussi soutenu Kamala Harris. »

Mais le dialogue autour du « Signalgate » fut néanmoins instructif — car il révélait exactement qui était Charlie Kirk et quelle fonction il remplissait.

« Je suis sûr que vous avez déjà été ajouté à des groupes de discussion de 30 ou 40 personnes », dit Charlie à l’homme à casquette, très troublé par la mauvaise gestion d’informations classifiées. « Et vous avez confiance que chaque acronyme désigne vraiment un responsable gouvernemental. »

« Évidemment, cela ne se reproduira pas », assura Charlie. « Pour être clair, Signal avait été approuvé par l’administration Biden. C’était un canal sécurisé approuvé par le gouvernement fédéral. »

Pourquoi cet échange banal est-il notable ? Parce que si l’on remarque bien, il n’y avait là aucun principe réel en jeu — si ce n’est l’impératif suprême de Charlie : défendre l’administration Trump à tout prix. Le seul principe opératoire, pour Charlie, était que le gouvernement devait être défendu, et il s’en chargeait. Que l’application Signal ait été ou non un canal de communication approuvé n’avait intrinsèquement rien à voir avec le « conservatisme », le « nationalisme » ou la lutte contre l’agenda woke — toutes ces postures idéologiques que Charlie pouvait parfois adopter. C’était simplement ce qu’il fallait dire ce jour-là, par pur hasard, pour soutenir l’exécutif — dont Charlie était considéré comme un membre honoraire. C’est pourquoi il pouvait parler en son nom, comme un porte-parole. « Évidemment, ça ne se reproduira pas », dit-il — avec un apparent savoir de première main sur les ajustements internes de politique post-Signalgate. En jouant les porte-paroles du gouvernement sans en être officiellement un employé, Charlie avait une utilité particulière pour les puissants. Il pouvait passionnément défendre la cause du gouvernement, sans être limité par les contraintes qui pèsent sur un vrai fonctionnaire. Il est alors très clair pourquoi il était si adoré par chaque politicien républicain et chaque officiel de l’administration : il était leur relais de communication indéfectible. Bien sûr qu’il était considéré comme un « cher ami » par la classe politique républicaine — par gratitude pour ces services inestimables qu’il fournissait gratuitement.

Il est donc facile de comprendre pourquoi cette nouvelle flambée de « cancel culture » républicaine a éclaté en faveur de Charlie. Les puissants — ses « amis » — ont une motivation supplémentaire pour le venger. Il était considéré comme un membre indispensable de leur appareil de gouvernement et de communication. Lorsqu’il a été abattu, c’était comme si un haut responsable de l’administration Trump avait été abattu. « Je le voyais sans cesse à la Maison-Blanche », dit Todd Blanche, le procureur général adjoint. « Je pense qu’il a travaillé chaque jour à la transition, d’une façon ou d’une autre, à un endroit ou un autre. L’administration Trump porte sa marque », dit Susie Wiles, cheffe de cabinet. « Charlie Kirk a joué un rôle essentiel pour nous amener les bonnes personnes, pour constituer les équipes », dit JD Vance.

Encore une fois, dans une société libre, avec tant de largesses de milliardaires flottant un peu partout, Charlie Kirk avait parfaitement le droit d’être un fonctionnaire officieux de l’État, et de jouer ce rôle public de communicant pour ses « amis ». Mais quand JD Vance prend le micro et proclame, mélodramatiquement, que la meilleure manière d’honorer Charlie « est de faire briller la lumière de la vérité comme une torche dans les lieux les plus sombres… car que fut-il, sinon un homme qui disait la vérité ? » — là, nous sommes aspergés de seaux entiers de balivernes. Quiconque est rationnel, même s’il admirait Charlie à certains égards, devrait reconnaître que son aspiration suprême n’était pas la « vérité », mais de servir ses puissants « amis » dans l’administration Trump et le Parti républicain. Oui, il fut peut-être un habile opérateur partisan, mais un opérateur tout de même, et l’idéal de servir des intérêts politiques partisans est incompatible avec l’idéal de la recherche de la vérité. Pourtant, on nous ordonne désormais d’affirmer que Charlie faisait la deuxième chose, et qu’il est tombé martyr pour ça. Et si l’on ose trop dénigrer son héritage glorifié, « Vous serez tenus responsables, et nous vous humilierons publiquement aussi », dit la procureure générale Pam Bondi — qui a aussi confié qu’elle et Charlie « se parlaient beaucoup au téléphone ». La dernière fois qu’ils se sont vus, dit-elle, il lui a fait un « énorme câlin ».

Selon la plus haute responsable de l’application de la loi du pays, Pam Bondi : « Ce n’est pas de la liberté d’expression de dire : “C’est bien ce qui est arrivé à Charlie.” Nous renvoyons des gens. Nous voyons des gens en ligne publier des discours de haine — ils doivent être réduits au silence. Ils doivent être arrêtés. Et ils doivent savoir qu’il y a des conséquences à leurs actes. »

Tout d’abord, c’est bel et bien de la liberté d’expression de dire : « C’est bien ce qui est arrivé à Charlie. » Une telle déclaration peut être jugée grossière, répugnante, choquante, ou odieuse — mais c’est précisément pourquoi nous avons le Premier Amendement : pour protéger même les discours les plus répréhensibles. Rien, absolument rien, dans une telle déclaration hypothétique ne la placerait en dehors des précédents établis par la Cour suprême, qui protège même les discours politiques les plus honnis. Vous avez littéralement le droit de protester aux funérailles de soldats usaméricains morts avec des pancartes disant « Vous irez en enfer » et « Merci mon Dieu pour les soldats morts », selon la Cour suprême. Dire « C’est bien ce qui est arrivé à Charlie » n’approcherait même pas du seuil fixé dans Brandenburg v. Ohio (1969), qui interdit au gouvernement de punir un discours politique sauf s’il est « destiné à inciter ou à produire une action illégale imminente et susceptible de l’inciter ou de la produire ». Applaudir la mort de Charlie Kirk, si l’on voulait le faire, n’atteindrait jamais ce seuil d’« incitation ». Voilà pourquoi vous avez le droit d’appeler à la révolution violente aux USA. Donc oui, vous pouvez aussi célébrer la mort de Charlie Kirk. (Ce que vous ne pouvez pas faire, c’est dire : « Toi là-bas, va tuer ce type, comme ils ont tué Charlie Kirk. »)


En même temps, d’après tout ce que j’ai vu, ces arguties constitutionnelles sont pratiquement sans objet. Très peu — voire aucun — des individus punis jusqu’à présent pour leurs discours politiques au sujet de Charlie Kirk n’ont en réalité célébré son assassinat. Je suis sûr qu’il y a quelques illuminés et têtes brûlées qui l’ont peut-être fait — le pays est vaste — mais la quasi-totalité des exemples que j’ai vus ne contiennent aucune célébration explicite du meurtre, et relèvent plutôt d’un discours politique que les nouveaux censeurs de la droite ne supportent pas, ou veulent faire passer pour une incitation à la violence.

Peut-être le cas le plus scandaleux jusqu’ici est celui de Darren Michael, professeur à l’université Austin Peay State, au Tennessee. Quand j’ai entendu qu’il avait été renvoyé pour avoir dit quelque chose de négatif sur Charlie Kirk, j’ai supposé que cela devait être vraiment dingue. Après tout, il est professeur de théâtre, et les professeurs de théâtre peuvent être très extravagants. Mais en réalité, son geste ne pouvait pas être plus anodin : il a simplement publié une capture d’écran d’un titre d’article de Newsweek de 2023.

À ce moment-là, Marsha Blackburn, sénatrice républicaine du Tennessee (et candidate au poste de gouverneure, donc directement influente sur le système universitaire de l’État), a tweeté aux administrateurs d’Austin Peay pour exiger des mesures face à ce « crime » consistant à poster un titre d’article sur Facebook. En quelques heures, Darren Michael fut effectivement licencié du poste qu’il occupait depuis 2007, au motif que son post était « insensible, irrespectueux et interprété par beaucoup comme une justification d’une mort illégale ». Interprété ainsi par qui, exactement ? Marsha Blackburn ? C’est tout simplement scandaleux. Si ce n’est pas de la « cancel culture », qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ces revanchards de droite n’admettent-ils pas simplement qu’ils n’ont jamais eu de problème avec la « cancel culture » en tant que telle — ils voulaient juste être ceux qui l’exercent ?

En 2020, on risquait une « annulation » immédiate si l’on tweetait le mauvais mot sur George Floyd, ou sur la « suprématie blanche », ou sur les pronoms de genre, ou tout autre concept à la mode alors dans le complexe des médias et ONG de gauche/libéral. En 2025, JD Vance appelle tous les bons citoyens à traquer quiconque pourrait exprimer des opinions politiques jugées insuffisamment révérencieuses sur Charlie Kirk. « Dénoncez-les », implore Vance. « Et surtout, appelez leur employeur. »

C’est juste un copier-coller de la « cancel culture » de gauche/libérale qui faisait rage il y a quelques années, et que nous avions tous convenu d’avoir « poussée trop loin ». Mais apparemment, pas la droite aigrie et revancharde : elle voulait juste contrôler l’arme de l’annulation. Ce qu’elle fait désormais. Et elle est déchaînée.

Le gouverneur Gregg Abbott, du Texas, a exigé l’expulsion immédiate d’un étudiant de Texas State University qui avait été filmé en train de tenir des propos impolis sur Charlie Kirk. Il n’a pas fallu longtemps au président de l’université pour annoncer une chasse à l’homme urgente afin d’identifier le coupable — comme si un crime sensationnel avait été commis. L’université du Mississippi a licencié une employée pour avoir écrit qu’elle « n’avait pas de prières à offrir à Kirk », car elle n’aimait pas ses opinions politiques. L’auditrice d’État du Mississippi s’en est plaint sur Twitter — et aussitôt, elle fut renvoyée. Une neurologue de l’université de Miami fut rapidement virée après avoir tweeté : « Ce qui est arrivé à Charlie Kirk est arrivé à d’innombrables bébés, enfants, filles, garçons, femmes et hommes palestiniens, pas seulement ces deux dernières années de génocide en cours, mais depuis des décennies. » Un peu gênant, non ? Motif pour un licenciement immédiat et une condamnation publique ? Quoi ??? Les administrateurs de l’université de Miami ont même eu l’audace de publier un communiqué affirmant que « la liberté d’expression est un droit fondamental » — tout en annonçant que la femme était renvoyée pour son discours politique.

Ce qui semble se passer, c’est que des politiciens républicains, dans des États qui leur sont acquis, ont saisi l’occasion politique de se placer en première ligne pour venger Charlie Kirk, le héros de droite tombé — et quoi de mieux, pour ce faire, que de harceler avec rancune des employés publics de petites enclaves universitaires libérales. Marsha Blackburn a une primaire républicaine à remporter dans le Tennessee, donc bien sûr qu’elle va tout faire pour glorifier Charlie de façon tapageuse, et punir ses détracteurs. Même mort, Charlie continue de jouer son rôle de précieux fonctionnaire politique.

Parmi les personnes auxquelles Pam Bondi a juré de « demander des comptes » et de les « humilier publiquement » figurent des employés d’Office Depot filmés en train de peut-être mal gérer une demande d’impression d’affiches pour une veillée en hommage à Charlie Kirk — bien qu’il ne soit pas clair, comme d’habitude, ce qui s’est réellement passé d’après les bribes de vidéos publiées. Mais peu importe — vraiment ? Nous en sommes à détruire la vie de travailleurs de service qui n’ont pas respecté la bonne étiquette politique ? C’est comme la frénésie George Floyd / COVID qui recommence, sauf que cette fois, ceux qui appellent à « rendre des comptes » et à « l’humiliation publique » incluent la procureure générale, avec tout le poids de l’appareil fédéral derrière ses menaces délirantes. Au moins en 2020, on pouvait théoriquement ignorer les journalistes et activistes d’ONG émotifs exigeant la participation à leurs rituels absurdes d’épuration raciale. C’est un peu plus difficile d’ignorer le Département de la Justice.

Et avant que quelqu’un essaie de prétendre que je suis moi-même hypocrite, parce que j’aurais soi-disant soutenu ou jamais critiqué les précédentes vagues de « cancel culture », vous auriez tort de manière hilarante. Faites deux secondes de recherche avant de vous ridiculiser. J’ai littéralement été pris à partie par des manifestants de Portland pour avoir osé faire du journalisme de base. Des « antifa » encagoulés m’ont arraché mon téléphone, menacé de me casser la mâchoire, et m’ont chassé. J’étais peut-être le seul journaliste du pays à avoir passé des mois à parcourir tout le territoire pour couvrir les manifestations, émeutes et destructions. J’étais en guerre avec la moitié de l’industrie médiatique en ligne à cause de leurs tactiques de chantage émotionnel délirantes. Ils auraient absolument adoré me « cancel », mais ils ne le pouvaient pas, car je n’avais pas de patron à qui se plaindre. (Et je n’en ai toujours pas — tant pis, JD.)  “Why Media Liberals Have To Lie About “Cancel Culture”  [Pourquoi les libéraux des médias doivent mentir au sujet de la « culture de l'annulation » ] est le titre d’un article que j’ai écrit ici même en avril 2021. Voici un autre article, de juin 2020, pour Unherd, intitulé “How US journalism lost its spine: the media is petrified of showing even mild scepticism of woke orthodoxy” [Comment le journalisme usaméricain a perdu son échine dorsale : les médias ont peur de montrer le moindre scepticisme envers l'orthodoxie woke].

Je n’ai pas besoin d’une seule seconde de me justifier de mon opposition à la cancel culture. J’ai déjà risqué ma sécurité physique, ma réputation et ma carrière pour la critiquer, bien avant que JD Vance et Pam Bondi ne découvrent soudainement les joies d’annuler des gens à tour de bras.

Mais c’est exactement ce qui se passe maintenant : la droite a enfin trouvé son « moment George Floyd ». En 2020, toute l’élite institutionnelle s’est déchaînée pour imposer une orthodoxie idéologique autour de George Floyd, exigeant la révérence absolue et menaçant quiconque osait la remettre en question. En 2025, la même logique est recyclée, mais appliquée à Charlie Kirk.

La mort tragique et violente de George Floyd a été instrumentalisée pour justifier une expansion délirante du pouvoir social et politique de la gauche, alimentant une vague d’hystérie morale. Cinq ans plus tard, la mort tragique et violente de Charlie Kirk est instrumentalisée de la même manière par la droite — comme prétexte pour punir arbitrairement, imposer la révérence obligatoire, et renforcer son pouvoir politique.

La droite n’a jamais vraiment haï la cancel culture. Elle enviait simplement l’arme.
Et maintenant qu’elle la manie, on voit exactement à quoi elle sert : non pas à rendre la société plus juste, ni à défendre la « vérité », mais à écraser ses ennemis, récompenser ses amis et étouffer toute dissidence.

La boucle est bouclée.


Alors s’il vous plaît, épargnez-moi les leçons sur « l’hypocrisie ». Épargnez-moi les lamentations selon lesquelles je serais désormais mauvais parce que j’ai la capacité de me réajuster lorsque les circonstances politiques changent. Désolé de ne pas être intéressé par le fait de rester bloqué de façon permanente en 2021, ce qui, je le sais, est un truc qui a rapporté gros à beaucoup de gens. Pardonnez-moi de reconnaître que la droite a désormais pris le pouvoir et que, parmi ses toutes premières priorités, elle a lancé une croisade de censure à l’échelle gouvernementale — d’abord au nom d’Israël, maintenant au nom de Charlie Kirk. Désolé si cela vous contrarie d’entendre que la droite est actuellement la principale menace pour la liberté d’expression, malgré les foutaises totales qui vous ont été inlassablement déversées dans vos flux YouTube et X pendant la campagne de l’an dernier.

Et désolé si vous ne voulez pas entendre que le problème commence au sommet, malgré le grotesque décret que Trump a signé quelques heures après son investiture le 20 janvier, censé « restaurer la liberté d’expression » — alors que lui et ses sycophantes s’emploient obstinément à faire exactement le contraire. Ce matin, quand on lui a demandé ce qu’il pensait de Pam Bondi déclarant son intention de s’attaquer vigoureusement au « discours de haine », Trump s’est vanté d’avoir déjà poursuivi avec succès ABC News pour s’être livré à « une forme de discours de haine » — et d’avoir soutiré un règlement de 15 millions de dollars directement pour ses poches personnelles. Pour être clair, je suis d’accord sur le fait que George Stephanopoulos d’ABC a commis une faute journalistique lorsqu’il a déclaré faussement que Trump avait été « reconnu coupable de viol ». Néanmoins, la jubilation punitive de Trump laisse entrevoir un certain confort à utiliser le pouvoir gouvernemental pour infliger une punition à des propos politiques qui lui déplaisent, sous le prétexte fraîchement inventé que cela pourrait constituer un « discours de haine ». Bien que son commentaire d’aujourd’hui à propos d’ABC ait eu un ton semi-plaisantin, Trump n’a manifestement pas eu la moindre envie de réprimander Bondi pour son djihad contre le « discours de haine ». En réalité, il répète sans cesse à quel point il pense qu’elle fait un travail fantastique.

Rappelons-nous : la raison centrale pour laquelle Trump a nommé Bondi en premier lieu était sa volonté et son empressement à servir, avant tout, comme une fidèle marionnette. (Un peu comme Charlie Kirk, sauf qu’elle dispose du pouvoir de poursuite judiciaire.) Si cela sonne comme une attaque hystérique façon MSNBC aux oreilles de certains lecteurs, je comprends, mais qu’on me cite une seule autre raison pour laquelle Pam Bondi aurait été nommée par Trump comme second choix pour le poste de ministre de la Justice, après qu’un autre fidèle de Trump, Matt Gaetz, a dû se retirer. Bondi et Gaetz étaient deux personnes dont l’identité publique était entièrement dédiée à plaire et à cirer les bottes de Trump. Il est certain qu’il est douteux que Trump ait nommé l’un ou l’autre pour leur expertise juridique — Gaetz était à peine un avocat en exercice. Bondi, elle, n’était plus procureure générale de Floride depuis six ans, et avait entre-temps occupé son temps avec des activités aussi stimulantes que lobbyiste « contre la traite des êtres humains » financée par le Qatar et chroniqueuse pour Fox News.

Donc oui, en d’autres termes, il est juste de dire que tout ce que fait Bondi a l’enthousiaste appui de Trump. Y compris sa dernière vendetta contre le « discours de haine ». Souvenez-vous : Trump a publié l’un de ses messages les plus délirants sur les réseaux sociaux, ce qui est un exploit pour lui, le 12 juillet — dans le but précis de défendre Bondi, qui avait été critiquée par des soi-disant « influenceurs MAGA », ou comme Trump les appelait, ses « gars » et dans certains cas, ses « nanas ». Parmi ces dernières figurait Laura Loomer qui, après l’échec épique de Bondi sur les « dossiers Epstein », s’était amusée à surnommer la procureure générale « Scam Blondi ». De cette façon, Laura ne faisait qu’imiter le style de surnoms caractéristique de Trump, mais il n’a pas semblé apprécier la plaisanterie. À la place, il a publié un mur de texte maniaque sur Truth Social, fustigeant ses « gars et nanas » — ce qui incluait alors en bonne place Charlie Kirk — parce qu’ils ne soutenaient pas Bondi avec suffisamment de ferveur.

C’est parce que c’était lors du fameux rassemblement « Turning Point USA » de Charlie Kirk que des gens comme Dave Smith avaient pu monter sur scène et déclarer — comme s’il s’agissait d’un fait avéré — que Trump avait activement couvert « un vaste réseau de violeurs d’enfants ». Les participants à la conférence, qui idolâtrent Trump jusqu’à l’absurde, se sont néanmoins sentis obligés d’applaudir comme des phoques la déclaration ridicule de Dave Smith — accusant leur Président préféré d’être complice de viols d’enfants. Cela devait être une dissonance cognitive d’ampleur historique. Imaginez-vous huer et applaudir à l’idée que le Président couvre activement un immense réseau pédophile, tout en paradant joyeusement avec votre casquette rouge MAGA, sans percevoir la moindre contradiction.

Quoi qu’il en soit, Trump n’a pas hésité à dénoncer et désavouer de façon flamboyante ses partisans les plus acharnés au profit de Pam Bondi, parce qu’il pense qu’elle est tout simplement fantastique. « Elle restera dans l’histoire comme la meilleure procureure générale que nous ayons eue », a déclaré Trump le 21 août. « Et je le pense vraiment. »
« Pam Bondi — les gens ne savent pas quelle star elle est. Elle est incroyable », a dit Trump le 12 septembre.

Donc, si vous n’aimez pas le fait que Bondi promette de criminaliser agressivement le « discours de haine », ne nous insultez pas en essayant de suggérer une distance entre elle et Trump, car cette tentative d’absoudre Trump est désormais pathétique. Pathétique aussi est le fait de régurgiter sans réfléchir les propos de RFK Jr., ce tuyau d’incendie de propagande incessante, qui a eu l’impudence d’apparaître hier dans l’émission de JD Vance et d’y déclarer que ce qu’il partageait le plus avec son « âme sœur » Charlie, c’était leur « engagement total pour la liberté d’expression ». Cela, après que RFK a passé des mois à diriger un effort intergouvernemental visant à punir les propos politiques jugés trop critiques envers Israël. Et dans cette même émission, Vance a livré l’un des plaidoyers les plus enflammés pour la Cancel Culture de droite (autrement dit, la censure) que vous puissiez entendre — appelant à surveiller, dénoncer et punir les propos politiques de citoyens privés. L’audace du spectacle serait presque comique, si elle n’était pas si pernicieuse.

Aujourd’hui, dans tout l’Oklahoma, les écoles ont reçu l’ordre d’observer une minute de silence* en l’honneur de Charlie Kirk, au motif qu’il aurait promu le « débat constructif ». Mais après avoir regardé plusieurs de ces « débats » tant vantés, généralement accompagnés d’un titre suffisant et d’une vignette YouTube racoleuse, je peux dire qu’ils figurent parmi les exemples d’expression publique les moins « constructifs » que j’aie jamais vus. Ce que faisait Kirk était une pâle imitation de « débat », conçue pour humilier de pauvres étudiants de deuxième année, dont les mines déconcertées pouvaient ensuite être utilisées pour générer du contenu viral médiocre et des revenus. Personne d’authentiquement intéressé par la culture d’un débat substantiel ne se comporterait ainsi. En réalité, cela ternit le mot même de « débat ». Cela dit, oui : les participants étaient des adultes, même si on les appelle familièrement des « étudiants », et ils participaient volontairement. Donc, dans une société libre, chacun est en droit de prendre part à ces pseudo-exercices de « débat » s’il le souhaite vraiment.

Cependant, vivre dans une société libre signifie aussi que nous n’avons pas à rester les bras croisés pendant que des agents du gouvernement nous contraignent à obéir à leurs rituels de béatification artificiels — où nous sommes censés hocher la tête et convenir solennellement que Charlie Kirk a été intronisé au panthéon national des martyrs de la vérité. Si c’est si évident que Charlie mérite cette distinction, pourquoi ne pas honorer ce que l’on prétend être son héritage, et organiser un vrai débat ?

* Une grande partie des écoles publiques ont refusé d'obéir à cette injonction [NdT]

Lire
➤ 
Comment Charlie Kirk est devenu l’homme qui susurre l’air de la trumperie à l’oreille des jeunes aux USA (Robert Draper, février 2025)

➤ Un prix baptisé Charlie Kirk lancé à Jérusalem pour honorer la jeunesse engagée aux côtés d’Israël

 

YANIV KUBOVICH
Eyal Zamir, le chef d’état-major de Tsahal, a ordonné l’évacuation totale de la ville de Gaza en ignorant l’avis de l’avocate militaire en chef

Yaniv Kubovich, Haaretz, 10/9/2025
Traduit par Tlaxcala

La principale juriste de l’armée israélienne avait averti que le transfert de population était juridiquement indéfendable sans une analyse complète des conditions humanitaires pour un million de personnes dans le sud de Gaza. Cependant, le chef d’état-major Eyal Zamir a ignoré son avis et a donné l’ordre. Des sources militaires ont déclaré que les dirigeants de l’armée « ont créé un scénario qui n’existe pas, alors que tout le monde savait que l’évacuation ne pouvait pas avoir lieu ».


Le chef d’état-major de Tsahal, Eyal Zamir, plus tôt cette semaine. Photo Unité du porte-parole de Tsahal


Lundi 8 septembre, le chef d’état-major de Tsahal, Eyal Zamir, a ordonné l’évacuation de l’ensemble de la population de la ville de Gaza, contrairement à la position de l’avocate générale de l’armée, la générale Yifat Tomer-Yerushalmi.

La semaine précédente, Tomer-Yerushalmi avait averti Zamir qu’il n’était pas possible d’affirmer que les opérations d’évacuation prévues vers le sud de Gaza étaient légales et avait exigé que les avis d’évacuation soient reportés tant que les conditions nécessaires pour accueillir la population n’étaient pas réunies. Mais Zamir a ignoré sa position.

Quelques jours plus tard, il a convoqué une réunion avec le chef du Commandement Sud de Tsahal, Yaniv Asor, et le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), Ghassan Alian, en excluant l’avocate générale. Tous trois ont décidé d’ordonner à l’ensemble des habitants de la ville de Gaza de se déplacer vers le sud, sans informer Tomer-Yerushalmi de cette décision.

L’avocate générale militaire est l’autorité de Tsahal chargée d’interpréter le droit international. Des responsables militaires de haut rang ont indiqué ne pas se souvenir d’un cas où un chef d’état-major avait ignoré la position de la principale juriste sur une question aussi importante.

Zamir souligne souvent publiquement son engagement à agir conformément au droit international, tant dans ses déclarations publiques que dans ses discussions avec les réservistes préoccupés par des violations possibles du droit de la guerre. « Tsahal agit toujours conformément au droit israélien et international », avait-il déclaré en mai. « Toute affirmation mettant en doute l’intégrité de nos actions ou la moralité de nos soldats est infondée. »

La semaine dernière, Zamir a tenu plusieurs réunions avec des hauts responsables juridiques et militaires concernant l’évacuation des habitants de Gaza-ville et leur transfert vers le sud de Gaza. Au cours de ces discussions, le chef d’état-major, le chef du Commandement Sud et le commandant du COGAT ont été priés de fournir à l’avocate générale militaire un rapport complet détaillant la situation humanitaire dans le sud de Gaza et l’état des infrastructures exigées par le droit international dans les zones désignées pour accueillir la population de la ville.

Les estimations indiquent qu’environ 1,2 million de personnes à Gaza-ville devraient se déplacer vers le sud, comprenant 700 000 habitants d’avant-guerre et environ 500 000 déplacés internes qui s’étaient réfugiés dans la ville.


Des Palestiniens déplacés, fuyant le nord de Gaza en raison d’une opération militaire israélienne, se déplacent vers le sud après l’ordre d’évacuation de Tsahal, dans le centre de la bande de Gaza, mercredi. Photo Mahmoud Issa/Reuters

Des sources militaires israéliennes familières des discussions de la semaine dernière – auxquelles participaient le chef de Tsahal, de hauts responsables militaires et l’avocate générale – ont affirmé que les dirigeants militaires ont présenté une image irréaliste des conditions humanitaires dans le sud de Gaza. « Ils ont créé un scénario qui n’existe pas, sans aucun travail de fond sérieux, alors que tout le monde savait que ce n’était pas la réalité et que l’évacuation ne pouvait pas avoir lieu », a déclaré un responsable de la sécurité au courant du dossier.

Selon ces sources, les informations partielles et superficielles présentées pendant les discussions étaient accompagnées de cartes imprécises, où des zones déjà entièrement occupées étaient indiquées comme disponibles pour accueillir de nouveaux habitants. Les calculs du Commandement Sud et du COGAT montraient que, dans les zones désignées comme sûres et destinées à loger la population, seulement sept mètres carrés par personne étaient prévus – bien en dessous des standards du droit international.

Tsahal avait annoncé un plan visant à introduire 100 000 tentes dans le territoire pour héberger les habitants pendant l’hiver, mais des sources militaires ont affirmé qu’en pratique, seules de simples bâches, et non des tentes fermées, étaient fournies.

Ces sources ont également noté que, contrairement aux affirmations de l’armée, les hôpitaux du sud de Gaza étaient au bord de l’effondrement et incapables d’accueillir de nouveaux blessés en raison d’une surpopulation extrême. Déplacer un million de personnes vers des zones dépourvues de services médicaux adéquats pourrait provoquer une catastrophe humanitaire, susciter des critiques internationales et potentiellement entraîner des sanctions de la part des pays soutenant Israël.


La générale Yifat Tomer-Yerushalmi, avocate générale militaire, à la Cour suprême en 2024. Photo Oren Ben Hakoon

Jeudi, l’avocate générale a contacté le chef de Tsahal et a précisé qu’il n’était pas possible d’affirmer que l’armée était prête à évacuer Gaza-ville, opération qui devait commencer dimanche. Tomer-Yerushalmi a expliqué que des organisations internationales, dont la Croix-Rouge, l’ONU et d’autres agences d’aide en coordination avec Tsahal à Gaza, avaient déjà exprimé de sérieuses inquiétudes quant aux conditions difficiles dans le sud de Gaza.

Elle a souligné que ces organisations avaient répété à plusieurs reprises, lors de réunions et forums avec de hauts responsables de Tsahal, que l’évacuation de la population du nord de Gaza constituerait une violation du droit international et du droit de la guerre, en raison des conditions déjà désastreuses dans le sud. L’avocate générale a indiqué à Zamir qu’elle acceptait l’évaluation de la Division de recherche du renseignement militaire israélien, qui confirmait qu’il existait un fondement aux préoccupations des organisations internationales – en contradiction avec l’image présentée par certains hauts responsables de l’armée. Les responsables du renseignement ont souligné qu’Israël devait être en mesure de fournir une réponse crédible à ces préoccupations.


Des Palestiniens transportent des sacs de farine déchargés d’un convoi d’aide humanitaire arrivé à Gaza-ville depuis le nord de la bande de Gaza, dimanche 24 août 2025. Photo Abdel Kareem Hana/AP

L’avocate militaire en chef a donc déclaré que les avis et tracts d’évacuation destinés aux habitants de Gaza-ville devaient être reportés. Elle a rappelé que, bien que le chef de l’armée ait demandé à recevoir un rapport détaillé du COGAT sur les conditions humanitaires nécessaires à l’opération, aucun rapport de ce type n’avait été livré avant le transfert prévu de population. Selon elle, aucun autre document complet sur le sujet n’avait été présenté non plus. Elle a souligné que sans cette préparation, il serait impossible de « répondre aux défis juridiques attendus » concernant la légalité de l’évacuation.

Un haut responsable de Tsahal a critiqué Tomer-Yerushalmi, affirmant qu’elle cherchait à retarder les ordres d’évacuation à la dernière minute. Il l’a accusée de n’avoir rien fait, depuis le début de la guerre, pour empêcher les tirs indiscriminés contre les civils et de ne pas avoir enquêté sur des incidents graves, comme la mort de travailleurs humanitaires à Rafah ou les attaques contre des hôpitaux. Il a également affirmé qu’elle craignait les critiques de la droite politique et d’autres éléments au sein de Tsahal, ce qui influençait parfois ses décisions.

Une autre source militaire a noté que, lors des discussions précédant l’ordre d’évacuation, l’avocate générale avait interrogé des représentants du COGAT sur les conditions sanitaires dans le sud de Gaza. Bien qu’elle ait reconnu que celles-ci ne répondaient pas aux standards du droit international, elle avait finalement accepté de ne pas en faire une condition préalable au lancement de l’évacuation.


Des habitants regardent les tracts largués par l’armée israélienne appelant à évacuer vers Muwasi, tombant sur Gaza-ville, mardi. Photo Omar al-Qattaa/AFP

Lundi, une autre réunion s’est tenue avec le chef de Tsahal, le chef du Commandement Sud, le chef du COGAT et d’autres hauts responsables pour planifier le transfert de population. L’avocate militaire en chef n’était pas présente, et la décision a été prise de commencer l’évacuation de Gaza-ville et de distribuer les tracts aux habitants. Après la réunion, Tomer-Yerushalmi a réaffirmé à de hauts responsables de Tsahal que son interprétation juridique – selon laquelle les avis d’évacuation devaient être reportés tant qu’une réponse détaillée aux préoccupations internationales n’était pas apportée – restait inchangée.

Elle a insisté sur le fait que répondre à ces préoccupations était nécessaire à la fois pour maintenir la légalité des opérations militaires à Gaza et pour protéger les hauts responsables de Tsahal contre d’éventuelles poursuites devant les tribunaux internationaux.





Mardi, le porte-parole de Tsahal, Avichay Adraee, a publié en arabe un avis d’évacuation à tous les habitants de Gaza-ville.

À la suite de cette publication, de hauts juristes militaires ont précisé que l’ordre n’avait pas reçu d’approbation légale et que, dans les circonstances actuelles, sa légalité ne pouvait pas être défendue.

En réponse, le porte-parole de Tsahal a déclaré que l’armée « agit conformément à toutes les lois, et toute autre affirmation est incorrecte ». Il a ajouté que « l’avocate générale militaire participe à toutes les évaluations opérationnelles concernant Gaza, y compris les mouvements de population, et a défini pour le personnel concerné les conditions nécessaires à cela ».

Selon Tsahal, les ordres d’évacuation avaient été approuvés par des responsables professionnels du COGAT « après avoir vérifié que les conditions requises étaient remplies et que la situation humanitaire dans le sud de Gaza permettait l’opération ».
La réponse de Tsahal n’a pas mentionné la position de l’avocate générale militaire concernant l’ordre d’évacuation.



16/09/2025

FRANÇOIS VADROT
Propositions pour une échelle de Netanyahou des massacres

Quand les médias classent l’horreur comme on mesure un séisme.

 François Vadrot, 16/9/2025

Préambule

Tout est parti de la Une du Journal de référence, ce matin du 16 septembre 2025. On y lisait que la « défense civile palestinienne » ( formule soigneusement choisie pour éviter le mot Hamas) « craint un massacre majeur » à Gaza, alors qu’un ministre israélien se réjouissait que « Gaza brûle ».

La dissonance était frappante : d’un côté une institution civile qui redoute un massacre, de l’autre un responsable politique qui s’en félicite. Mais le plus troublant était ailleurs : l’idée même de « massacre majeur ». Comme s’il existait une taxonomie implicite, un classement administratif des tueries. Un massacre « mineur » serait-il donc acceptable, soluble dans la routine des bilans de guerre ?
De là est née l’idée d’une échelle de Netanyahou des massacres : une satire du langage médiatique, une comptabilité graduée de l’horreur, où le mot « massacre » n’apparaît qu’après un seuil arbitraire, et où l’indignation se calcule à la décimale.



L’échelle de Netanyahou

Niveau 0 — Incidents insignifiants
Snipers, drones : les morts isolées n’entrent pas dans la comptabilité.

Niveau 1 — Micro-massacre
Moins de dix morts. On parle d’« incident » ou de « frappe ciblée ». Pas de photo, juste une ligne perdue dans un direct.

Niveau 2 — Bavure modérée
10 à 20 morts. Le mot « massacre » est interdit : on évoque un « bilan encore incertain ».

Niveau 3 — Massacre mineur
20 à 49 morts. Les rédactions admettent le terme, mais au conditionnel : « craintes d’un massacre ».

Niveau 4 — Massacre majeur
50 morts ou plus. On ouvre un direct. Le mot « massacre » s’impose, mais assorti de l’adjectif : un massacre oui, mais « majeur ».

Niveau 5 — Catastrophe
100 morts et plus. On parle d’« horreur », mais à travers la voix d’une ONG ou d’un historien.

Niveau 6 — Apocalypse
Plusieurs centaines de morts en un instant (camp, école, hôpital). On évoque un « tournant du conflit », aussitôt effacé par le suivant.

Niveau 7 — L’indicible
On ressort l’éditorial sur « l’échec international », sans jamais nommer le criminel.

Conclusion

Sur l’échelle de Richter, on mesure la force des séismes. Sur l’échelle de Netanyahou, on mesure la tolérance médiatique à l’horreur.


AMEER MAKHOUL
Netanyahou, le discours “spartiate” et la guerre des civilisations

Ameer Makhoul, Progress Center for Policies, 15/9/2025
Traduit par Tlaxcala

 


Dans son discours du 15 septembre au Département des comptables généraux du ministère israélien des Finances, Netanyahou a exposé sa vision de l’avenir et une dimension fondamentale de sa vision et de ses politiques, fondées sur la permanence de la guerre, déclarant : « Les dangers ne disparaissent pas, ils ne font que changer. » Netanyahou a souligné la nouvelle orientation consistant à contrer l’isolement international en se tournant vers une production militaire autonome.

On ne sait pas si le discours de Netanyahou, qui a coïncidé avec le sommet arabo-islamique de Doha et la visite du secrétaire d’État usaméricain, était lié à ces deux événements en termes de calendrier.

Analyse

Netanyahou reconnaît ouvertement l’isolement dans lequel se trouve Israël, tandis que sa conclusion est de renforcer davantage des politiques qui équivalent à un pari global et à une guerre perpétuelle jusqu’à la « victoire décisive ». Il semble convaincu qu’Israël est capable de l’atteindre, renforcé par les déclarations de Marco Rubio, qui a adopté la position et le récit d’Israël. En réalité, Netanyahou rejette toute main arabe tendue vers la compréhension ou la paix, quelle qu’en soit la forme ou la substance.

Plus dangereuse encore est l’affirmation de Netanyahou, dans le contexte des succès d’Israël dans la guerre contre l’Iran, qu’il existe de nouvelles menaces pesant sur Israël. Il a ajouté : « Même lorsqu’une force est éliminée, d’autres forces remontent à la surface… Je ne les nommerai pas. » Il a poursuivi, s’adressant aux hauts responsables du ministère des Finances : « Réfléchissez entre vous aux dangers. Les dangers ne disparaissent pas, ils ne font que changer. » Netanyahou faisait implicitement allusion à l’Égypte et à la Turquie, tout en justifiant une frappe contre le Qatar.

La question de la fabrication militaire indépendante est apparue sous la présidence de Biden, lorsque celui-ci a interdit la fourniture de bombes massives à Israël avant son occupation et sa destruction de Rafah. Biden considérait que l’armée israélienne les utiliserait contre des civils, tandis que les USA fournissaient à Israël des bombes et des équipements encore plus meurtriers pour la guerre contre le Hezbollah et l’Iran. Trump a depuis levé l’interdiction de Biden.

L’Allemagne a suivi cette ligne, interrompant l’exportation de certaines armes de destruction massive et de munitions pouvant être utilisées contre des civils lors de « l’opération Chariots de Gédéon 2 », selon la position allemande. Le Royaume-Uni et la France ont pris des mesures similaires, tandis que l’Espagne est allée plus loin en interdisant l’utilisation de ses ports pour le transfert d’armes usaméricaines vers Israël, suivie plus tard par l’Italie.

La guerre des civilisations et le “Grand Israël”

Netanyahou attribue l’isolement d’Israël à deux raisons principales : la première est « la migration illimitée des minorités musulmanes vers les pays d’Europe occidentale. Elles ne sont pas encore majoritaires, mais elles sont une minorité influente, bruyante et efficace, ce qui dissuade les gouvernements. Ces questions influencent les dirigeants, et ils ne le nient pas dans les conversations privées. »

L’Israël officiel et sa machine médiatique ont réagi de manière ostensible aux récentes manifestations racistes en Grande-Bretagne contre l’immigration, y exprimant leur soutien. Ils ont également cherché à alimenter le discours populiste européen contre les migrants, les présentant comme antisémites, anti-civilisation occidentale et manipulateurs des positions européennes. Cette rhétorique rappelle les discours de haine autrefois dirigés contre les Juifs européens lors de la montée de l’antisémitisme.

Netanyahou et son gouvernement considèrent la visite de Rubio, secrétaire d’État usaméricain dont les positions idéologiques s’alignent sur celles de Trump contre l’immigration (qu’il qualifie de « menace pour la sécurité nationale »), comme une opportunité d’inciter les deux à se débarrasser du « danger » en expulsant de force les migrants. Pour Netanyahou, la question de l’expulsion des migrants s’aligne logiquement avec ses intentions de déplacer la population de Gaza et même de la Cisjordanie.

Le second message, adressé principalement à Trump et à son administration a été l’affirmation de Netanyahou : « Des pays comme le Qatar et la Chine influencent l’opinion publique par d’énormes investissements dans des campagnes sur les réseaux sociaux. Cela change la position internationale d’Israël. Nous devrons investir des sommes énormes là-dedans. » Ce message visait également le ministère des Finances afin d’allouer des budgets à cet effet.

Netanyahou passe effectivement dans son discours de la doctrine du marché libre ouvert mondialement et intérieurement à celle d’une économie fermée basée sur l’autosuffisance et l’isolement défensif. Ce n’est pas une fin en soi, mais une partie d’une vision qui accepte les guerres perpétuelles comme une réalité. Il a déclaré : « Au moins dans les années à venir, nous devrons nous défendre et savoir comment frapper l’ennemi. » Il a ajouté qu’Israël devait être géré comme « Sparte », qui a mené de nombreuses guerres contre Athènes : « Nous devrons développer des industries d’armement ici. Nous serons à la fois Athènes et une grande Sparte. Nous n’avons pas d’autre choix. »

Conclusion

Netanyahou reconnaît que l’isolement international actuel d’Israël n’est pas temporaire ou éphémère, mais constant et durable, tandis qu’il mise sur les valeurs de Trump et sur les populistes européens.

S’il reste au pouvoir, l’approche de Netanyahou face à l’isolement international est de s’enfermer dans des intentions de guerre permanente, ne comptant que sur des solutions militaires sans aucune voie politique. Il ne s’intéresse ni à la normalisation ni même aux accords d’Abraham.

Il menace implicitement à la fois l’Égypte et la Turquie, indiquant que l’opération militaire israélienne à Doha n’est pas la fin du chemin.

Il défie les pays exportateurs d’armes en insistant sur la production indépendante de l’arsenal militaire d’Israël, ce qui nécessiterait des budgets sans précédent et peut-être indisponibles, même avec de grands changements économiques.

Netanyahou s’aligne presque totalement sur l’agenda et l’administration de Trump dans leur hostilité envers les immigrés, l’Islam et la Chine, embrassant la xénophobie et une théorie du « choc des civilisations » soutenu. Il se positionne aux côtés des forces populistes européennes — même celles qui sont antisémites — tant que leur rhétorique est anti-immigrés, cherchant à provoquer des affrontements internes en Europe avec les mouvements propalestiniens.

En exploitant la question des immigrés palestiniens et arabo-islamiques en Europe et en exigeant de gros budgets pour une propagande visant à promouvoir le récit israélien, Netanyahou cherche à ouvrir un front direct contre les mouvements de solidarité avec la Palestine, les diabolisant par une rhétorique raciste comme le produit de l’immigration et une menace pour la position « européenne blanche » selon le discours colonial.

En parallèle avec le mouvement isolationniste MAGA (« Make America Great Again »), Netanyahou promeut sa doctrine isolationniste « spartiate », que l’on pourrait résumer par MIGA : « Make Israel Great Again ».

Ces changements idéologiques dans la rhétorique de Netanyahou confirment que les évolutions des positions internationales en faveur des droits palestiniens isolent de plus en plus Israël. Pourtant, les conclusions de Netanyahou ne feront qu’approfondir et aggraver cet isolement, prouvant qu’il ne s’agit pas d’une phase passagère.