Alex Anfruns, 29/12/2023
Original Níger
bajo una perspectiva histórica anticolonial
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
Alex Anfruns est l’auteur du
livre Niger:
¿Otro Golpe de Estado o la Revolución Panafricana ? [ Niger : un coup d’État de plus ou la révolution panafricaine ?]. Pendant quatre
ans, il a publié avec Olivier Ndenkop le mensuel Journal de l’Afrique. Il est
spécialisé dans l’histoire du droit au développement en Amérique latine et en
Afrique. Il a travaillé comme analyste politique pour Telesur, Rusia Today en
español et Abya Yala TV. Après avoir vécu en Espagne, en France et en Belgique,
il enseigne actuellement à Casablanca et mène des recherches sur les liens
thématiques entre les littératures hispanique et arabe et sur le droit au
développement dans une perspective historique panafricaine. @AlexAnfruns
L’actuel
gouvernement nigérien du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP),
arrivé au pouvoir le 26/07/2023 en renversant le fantoche Mohammed Bazoum,
allié des Français, est venu avec la volonté de s’inscrire dans une lutte
historique, la lutte anticoloniale après les Indépendances. Le
néocolonialisme est une réalité. Ce qui se matérialise aujourd’hui, à travers l’Alliance
des États du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso), c’est une coopération
régionale en faveur de la souveraineté qui ouvre la porte à d’autres
partenaires comme la Russie et la Chine.
Avant d’analyser le cas du
Niger et de l’Alliance des États du Sahel, il est nécessaire de rappeler
brièvement l’histoire des luttes anticoloniales. Cette nouvelle génération
panafricaine n’est pas née du néant. Elle s’inscrit dans une longue histoire de
luttes anticoloniales. Depuis la conférence de Berlin, à la fin du XIXe
siècle, les puissances européennes ont tenté de se partager le gâteau du
continent africain, parce qu’à l’époque, elles avaient déjà jeté leur dévolu
sur ses formidables ressources. Les sociétés africaines sont déstructurées
depuis des siècles, notamment par l’esclavage, et la colonisation française est
bien implantée en Algérie. D’autres régions sont envisagées : c’est ce que Lénine
analysait comme « l’impérialisme, stade suprême du capitalisme ».
À cette époque, à la fin de la première guerre mondiale, les
puissances européennes victorieuses se partagent les colonies.
Une gravure représentant Abdelkrim
Al Khattabi à cheval dirigeant les rebelles du Rif contre les forces espagnoles,
Maroc, années 1920 ; Apic/Getty Images
Mais elles ne s’attendaient pas
à ce que la lutte anticoloniale oppose une forte résistance, si forte qu’elle a
même eu un impact sur les sociétés européennes. Cette résistance à la
colonisation du nord du Maroc, notamment lors de la guerre du Rif, s’est
manifestée en France, mais aussi en Espagne. Des manifestations d’opposition à
l’envoi de troupes espagnoles ont eu lieu. En outre, Abdelkrim Al Khattabi a
mené une résistance très vigoureuse contre l’occupation, contre la colonisation
espagnole. La bataille d’Annual, qui s’est déroulée en août 1921, a été
un événement décisif. Bien que, d’un point de vue eurocentrique, elle soit
connue sous le nom de « désastre d’Annual », du point de vue
africain, il s’agit d’un exemple clair de victoire anticoloniale. Et ce fut
aussi une leçon que les peuples africains pouvaient s’organiser eux-mêmes, en
innovant dans leur stratégie pour vaincre les troupes coloniales. Cette
victoire a tellement bouleversé la donne que la France a dû venir en aide à son
concurrent, le voisin espagnol colonisateur qui exerçait un protectorat sur le
Nord du Maroc : ils furent
contraints de s’allier pour vaincre le dirigeant de la guérilla rifaine !
Le campement espagnol à Annual après
sa prise par les Rifains, Maroc, 21 juillet 1921. Photo12/UIG via Getty Images
Puis, après la Seconde
Guerre mondiale, une autre phase s’est ouverte. Lorsque l’on parle de la Libération
de l’occupation nazie de la France, les combattants maghrébins ou
ceux des autres pays africains colonisés ne sont pas appréciés à leur juste
valeur et sont même souvent oubliés. En réalité, la participation des soldats
des régions colonisées a été très importante. Mais leur reconnaissance après la
Libération n’a pas été à la hauteur. Surtout, il est très important de garder à
l’esprit qu’une fois la Libération intervenue en mai 1945, une très
forte répression s’est immédiatement abattue sur les colonies françaises, comme
l’Algérie ou Madagascar, faisant des milliers de victimes. En effet, ceux qui
croyaient que la France représentait le progrès face à la barbarie nazie se
sont réveillés avec une réalité bien différente. Aujourd’hui encore, à Sétif,
en Algérie, le souvenir de ces massacres est très présent. Après la Seconde
Guerre mondiale, la lutte anticoloniale a donc continué !
Cette lutte a donné naissance au Front
de libération nationale algérien (FLN) en novembre 1954, qui était la
matérialisation de décennies de souffrance du peuple algérien sous la
colonisation. Les crimes du colonialisme doivent être rappelés, parce qu’ils
dépassent complètement la conception de ce qu’est l’humanité, parce que le colonialisme est
brutal : il l’était et l’est encore, comme nous le voyons dans d’autres arènes.
Il faut le dénoncer et s’en souvenir. La
résistance anticoloniale du Front de libération nationale algérien est arrivée
à vaincre le colonialisme français en 1962. C’est
ainsi qu’a culminé la disparition progressive de l’empire français, qui, avec l’empire
britannique, avait façonné la réalité politique au
niveau mondial. À cette époque, à partir de
1946, a également eu lieu la guerre d’Indochine qui, comme nous le
savons, s’est poursuivie par la guerre du Viêt Nam jusqu’en 1975. Il s’agissait
d’une continuité entre le colonisateur français et celui qui allait plus tard
prendre la relève, l’empire usaméricain.
Revenons à la question des indépendances africaines. C’est
en Guinée que le leader syndical Sekou Touré a donné une
formidable gifle historique aux projets de la France. Touré a dit “non”. Il ne
voulait pas adhérer aux projets de la Communauté française, qui était le projet
néocolonial après les Indépendances. En d’autres termes, un “Non” au projet d’établir
des indépendances purement nominales, ou formelles. Et ce n’était pas seulement
sa perception. Sékou Touré n’était pas le seul à rejeter l’indépendance dans le
cadre d’arrangements néocoloniaux, mais il y avait la même prise de conscience
ailleurs en Afrique de l’Ouest, notamment au Niger, qui est le
cas que j’étudie dans mon livre (“Níger: ¿Otro golpe de Estado o la
Revolución panafricana?”). En effet, il y avait Djibo Bakary, éphémère
Président du Conseil (3 mois) du Niger, écarté du pouvoir pour avoir appelé à
voter « non » au référendum sur la « Communauté française »,
puis forcé à la clandestinité et à l’exil.
Parfois, lorsque l’on parle de néocolonialisme,
certains discours de propagande le présentent comme s’il s’agissait de quelque
chose d’artificiel, comme s’il s’agissait de pure rhétorique. Non, il n’en est
rien. Ces accords coloniaux avaient une signification très précise. Dans mon
livre, j’analyse un document appelé « Accords de défense 1960-1961 »,
qui mérite d’être cité en raison de son intérêt. Il s’agit d’accords entre la
France et les nouveaux États africains : « Les parties contractantes
décident de coopérer dans le domaine des matériels de défense : hydrocarbures
liquides et gazeux, uranium, thorium, lithium, béryllium, leurs minéraux et
leurs composés"» Mais ce n’est pas seulement au niveau de la
coopération, c’est au niveau de la défense que s’établit en réalité une
relation privilégiée dans la vente de matières premières stratégiques à l’ancien
maître colonial, la France. En d’autres termes, les nouveaux pays dépendants se
retrouvaient pieds et poings liés. En outre, les exportations étaient restreintes.
Il était interdit d’exporter vers d’autres pays, c’est-à-dire que les nouveaux
États africains ne pouvaient pas coopérer librement avec d’autres partenaires,
en particulier l’Union soviétique, dans ce que l’on appelait le bloc
socialiste. Il s’agissait plutôt de les faire entrer dans le monde capitaliste.
Comme le disait Djibo Bakary, qui envisageait de
suivre le chemin tracé par Sékou Touré, ce projet était « imprégné d’impérialisme ».
En réalité, la France a complètement saboté cette résistance anticoloniale,
notamment en distribuant des masses d’argent. Et aussi en envoyant des troupes
d’Alger à Niamey, des troupes françaises, mais aussi des troupes africaines,
qui avaient participé à la répression brutale en Algérie. Ainsi, le référendum
qui, à l’époque, aurait pu donner au Niger une situation de véritable
indépendance, a été saboté. Le résultat a été un “oui” grâce à l’ingérence de
la France, une ingérence documentée par un historien néerlandais nommé Klas
Van Rawel - et un autre chercheur que je cite dans mon livre, Tomas Borrel
- qui explique comment le scrutin a été complètement truqué. Cela a
provoqué la fuite de 40 000 paysans nigériens vers le Nigeria. Il a également
causé plusieurs années de morts et de drames au Niger, car une lutte armée a
éclaté à l’époque, qui a finalement été écrasée au milieu des années 1960.
Venons-en aux années 1970 : ce qui s’est passé au Niger
à la fin de la décennie précédente, c’est la découverte de gisements d’uranium,
qui était - et est toujours - une matière première stratégique d’un
grand intérêt pour la France. Au Niger, entre le début des années 1970 et 1979,
l’exploitation de l’uranium est passée de 9 % à 70 % des exportations. Comme je
l’explique dans mon livre, la question est de savoir ce que l’exploitation de l’uranium
a signifié pour l’économie et la population du Niger. À l’époque, on a tenté de
renforcer le rôle de l’État en créant des entreprises publiques nationales.
Cependant, lorsque le régime de Hamani Diori a tenté de
renégocier le prix de l’uranium en 1974, il a été victime d’un coup d’État
militaire. À l’époque, le Niger ne pouvait déjà plus utiliser ces revenus, car
il s’agissait d’une matière première très précieuse. Le Niger a été empêché de
se développer, car lorsqu’on aborde la question du développement en Afrique, on
doit toujours tenir compte de cette relation entre l’exploitation des
ressources et l’ingérence. L’histoire nous offre de nombreux exemples de cette
ingérence.
Après l’échec de cette tentative de renégociation du
prix de l’uranium, les années 1980 ont été celles de la dette. On tente alors
d’imposer par la force des politiques de démantèlement de l’État par le biais
du Fonds monétaire international. Il s’agissait de réduire ce que l’on
appelle les “dépenses publiques” des États, du point de vue du capitalisme. C’est
ce qui s’est passé dans ces années-là, empêchant de nombreux pays de progresser
en matière de souveraineté et de développement. Au début des années 1990, il y
a eu un processus de participation démocratique au Niger, à la suite des luttes
qui ont eu lieu contre les politiques économiques du FMI. Il s’agit de luttes
sociales qui ont été réduites au silence ; elles sont peu connues et devraient
être davantage étudiées. En 1991, il y a eu un retour à une forme de
démocratie. Mais ce
n’était que des mots, car durant cette décennie, les politiques néolibérales du
FMI n’ont pas été remises en cause. Il y a donc eu un processus clairement traçable qui a consisté à démanteler l’État, ce
qui a empêché les Nigériens de pouvoir disposer de services de qualité, qui auraient
permis à la population de sortir d’une situation de misère.
Carlos Latuff
Je voudrais maintenant citer
quelques chiffres sur le Niger, qui est le sujet principal de mon livre :
il faut savoir que les chiffres actuels de l’extrême pauvreté sont de l’ordre
de 42%. Quand on met cela en relation avec l’exploitation de l’uranium et d’autres
matières premières dans ce pays et dans cette région, on ne peut s’empêcher de
se poser la question : comment se fait-il qu’avec autant de richesses, avec un
niveau d’exportation aussi élevé, cela ne se traduise pas par une amélioration
de la population, de la situation de la population ? Lorsque je parlais de la
privatisation qui s’est accentuée au Niger dans les années 1990, cela se
reflète également dans les chiffres que j’analyse dans mon livre. En effet,
bien que les entreprises publiques existent, elles ont été soumises à un
processus de démantèlement et de privatisation. Tout d’abord, l’électricité : moins
de 10 % de la population y a accès. Et ce chiffre est encore plus réduit dans
les zones rurales, où l’électricité n’atteint même pas 1 % de la population.
Deuxièmement, l’eau : il s’agit d’une autre ressource du Niger, que le pays
possède potentiellement en raison du passage du fleuve Niger, qui est le
troisième plus grand fleuve d’Afrique. Or, l’accès à l’eau est à 85 % entre les
mains du secteur privé. Jusqu’à récemment, 51 % de l’eau appartenait à Veolia,
une multinationale française. Puis 34 % étaient entre les mains d’acteurs
privés nigériens. En d’autres termes, une fois de plus, l’accès à l’eau n’était
pas garanti. Troisièmement, les communications. Si nous prenons l’exemple du
réseau ferroviaire, nous retrouvons encore une fois un acteur bien connu, le groupe
Bolloré, qui est une multinationale française qui a d’ailleurs été
condamnée par la Cour suprême du Bénin, le pays au sud du Niger, parce qu’il y
avait un projet de réseau ferroviaire transfrontalier qui intéressait les
Français... Bolloré a été condamné parce qu’il n’avait pas géré ce contrat de
manière légale.
En plus d’un chapitre qui
étudie les effets de la privatisation sur le peuple nigérien, mon livre
contient également un autre chapitre qui analyse l’histoire du point de vue des
matières premières, c’est-à-dire des grands intérêts économiques. D’une part,
il y a la lutte des classes : comme je l’expliquais, pour des
raisons historiques, les luttes sociales n’ont pas pu arrêter l’offensive
néolibérale contre les services publics. D’autre part, il y a les grands
projets d’infrastructure et l’histoire des matières premières. Nous
devons partir du fait que ces trois pays, le Mali, le Niger et le Burkina Faso,
ont encore une économie peu diversifiée. Dans le cas du Mali, l’or représentait
jusqu’à récemment 75 % des recettes d’exportation nationales. En outre, il s’agit
toujours d’économies largement informelles, à hauteur d’environ 60
%. J’affirme que le secteur
secondaire a été détruit d’une manière planifiée. Comment peu-on dire qu’ils n’ont
pas été capables de créer les conditions pour développer l’industrie ? En
réalité, c’était la volonté d’acteurs tels que le FMI et l’ancienne puissance
coloniale. Il est inconcevable que 60 ans après les indépendances, cette
région ne soit pas industrialisée. Certains répondront simplement par une idée
fantaisiste selon laquelle les peuples africains ne peuvent pas ou sont
incapables de le faire. Non, ce n’est pas le cas. Et je le montre dans mon
livre en parlant de l’autre type de coopération qui a existé avec l’Union soviétique
et que la Russie est en train de relancer.
Mais revenons à la question des
matières premières. Au Niger, il y a le fleuve Niger, le troisième plus grand
fleuve d’Afrique. Il existe un projet d’infrastructure, le barrage
hydroélectrique de Kandadji, qui a été conçu il y a plusieurs
décennies pour réduire la dépendance énergétique du Niger. Il permettrait de
multiplier par deux la production d’électricité. Cependant, il n’y a pas eu la
volonté ou la capacité de mettre en œuvre ce projet en raison d’intérêts qu’il
convient d’analyser en détail. Cet état de fait remet en cause la coopération
qui a prévalu depuis l’indépendance, à savoir la coopération avec la France et
les pays de l’Union européenne. Il est incompréhensible que des projets d’infrastructures
de développement aussi importants ne se soient pas encore concrétisés. Ils
pourront certainement se concrétiser maintenant que des pays comme le Niger, le
Burkina Faso et le Mali ont chassé l’ancien pouvoir, confirmant qu’il
interférait dans le Sahel d’une manière contraire à leurs intérêts. Plusieurs
mesures allant dans ce sens sont déjà annoncées. Parmi les projets importants,
il y a non seulement le barrage, mais aussi la découverte de pétrole,
puisque le Niger ne disposait pas de cette ressource jusqu’à récemment. C’est
sous le gouvernement de Mamadou Tandja - qui a été renversé par un coup d’État
militaire, ce qui n’est pas un hasard - qu’il y a eu une volonté claire de
diversifier les partenaires du Niger afin de progresser dans l’exploitation du
pétrole. Depuis 2009-2010, il y a eu cette prise de conscience que les
gisements de pétrole pouvaient apporter des revenus importants au Niger. L’exportation
du pétrole nigérien a été envisagée via le Bénin, à travers ce qui serait “le
plus grand oléoduc d’Afrique”. Cela représenterait un revenu de plus de 4
milliards de dollars, soit 1/4 du produit intérieur brut.
Il est clair qu’il y a un
problème si l’on voit que le Niger a des ressources formidables et qu’en même
temps, il a été jusqu’à présent l’un des pays les plus appauvris de la planète.
Mon livre est né de cette réalité, de la mise en relation de ces deux éléments
et de la volonté d’amener le lecteur à me rejoindre dans mon hypothèse.
Pourquoi ? me suis-je demandé. Quelle est la relation entre ces deux
éléments ? Entre l’extrême pauvreté de 42% dans un pays comme le Niger et des
ressources aussi formidables, par exemple, car c’est l’un des principaux
producteurs d’uranium au monde. Il s’agit d’une matière première stratégique
qui permet à un pays comme la France de se présenter comme “souveraine” en
matière d’énergie grâce à ses centrales nucléaires. Il y a une relation entre
ces deux facteurs que je qualifie de relation où il y a des complices et des
coupables.
Le gouvernement actuel du Conseil
National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), arrivé au pouvoir le
26/07/2023 en renversant la marionnette Mohammed Bazoum, allié à la France, est
venu avec la volonté de participer à un combat historique, un combat
anticolonial après les Indépendances. Le néocolonialisme est une réalité, et ce
qui se matérialise aujourd’hui, à travers l’Alliance des États du Sahel,
c’est une coopération régionale qui ouvre la porte à d’autres partenaires comme
la Russie et la Chine.
Mon livre s’inscrit également
en faux contre ce que prétend la propagande de l’OTAN ou des médias
hégémoniques, selon laquelle la Russie et la Chine seraient toutes deux “les
nouveaux colonisateurs”. Tout d’abord, s’il n’y a pas eu de développement jusqu’à
aujourd’hui dans ces pays africains, alors qu’ils disposent de tant de
ressources, c’est à cause de deux facteurs. Le premier est évidemment la
corruption. Les nouvelles autorités nigériennes ont mis en place un organisme
de lutte contre la corruption (COLDEFF) et - en plus des personnes qui ont
fui le pays - toute la criminalité économique et fiscale qui s’est déroulée au
fil des ans est déjà mise au jour et fait l’objet d’une enquête. L’autre raison
que j’évoque provient d’une conversation que j’ai eue avec l’ancien conseiller
présidentiel de l’Ouganda. Cet homme a travaillé avec des communautés paysannes
dans différents pays africains comme le Zimbabwe. Il s’est spécialisé dans les
questions de développement et a écrit un livre intitulé “Trade is War”.
C’est un auteur ougandais d’origine indienne, Yash Tandon, qui explique
quelque chose qui me semble très important. L’un des facteurs est la
corruption, mais l’autre est celui dont parle Tandon. Il s’agit du type de
coopération qui a été privilégié historiquement et qui, au lieu de le
favoriser, a empêché le transfert de technologie au niveau mondial. Le droit
au développement des pays du Sud est une question importante. Leur droit d’être
libres de créer et de développer leur propre technologie. Il n’est pas facile à
résoudre, car il y a le problème des brevets qui ont été progressivement
introduits
par le réseau d’acteurs néocolonialistes. Yash Tandon explique qu’un autre type
de coopération était possible dans le passé. L’Union soviétique, par exemple,
autorisait le transfert de technologies sans brevets. De cette manière, la
technologie pouvait être imitée, et c’est ainsi qu’il y a eu un processus d’industrialisation
dans certains pays africains, qui a ensuite été interrompu par l’offensive néolibérale. L’histoire
des relations soviétiques avec le continent africain nous permet de mieux
comprendre la situation actuelle.
Un projet de coopération vient
d’être signé entre l’Université de Saint-Pétersbourg en Russie et 42
universités africaines. Il s’agit d’une coopération russo-africaine dont l’objectif
est précisément de former les étudiants africains au développement et à la
technologie. Ainsi, lorsque vous entendez cette propagande selon laquelle la
Russie et la Chine seraient de nouveaux colonisateurs, vous devriez répondre
sur la base d’une analyse détaillée des faits. La Russie et la Chine ne sont
pas derrière ces pays en train de tirer les ficelles, elles sont à leurs côtés
et les soutiennent dans la lutte pour leur souveraineté.
Bien sûr, les relations
internationales sont une question d’intérêts. Mais il y a la possibilité que
ces intérêts soient aussi fondés sur le respect mutuel, dans la mesure du
possible. Sans être naïfs, les pays africains qui sont dans une nouvelle
dynamique d’intégration régionale panafricaine ont cette conscience et cette
idée claire : ils sont conscients que la situation de “nouvelle guerre
froide” leur offre de nouvelles possibilités. D’abord, résoudre par leurs
propres moyens le problème de la sécurité dans la zone des trois frontières.
Deuxièmement, l’Alliance des États du Sahel n’envisage pas seulement une
alliance militaire défensive, ce qui est crucial, mais aussi le développement d’une
union monétaire et économique. Il s’agit donc d’un moment historique pour
le panafricanisme.