Tal Mitnick, Libération,
28/12/2023
Le 28 août dernier, 230 lycéen·nes de terminale
israéliens avaient publié une lettre [lire ci-dessous*] annonçant qu’ils ne répondraient pas à l’appel
pour le service militaire, pour protester contre le coup d’État judiciaire du
gouvernement de coalition et contre l’occupation de la Cisjordanie et le siège
de Gaza.
Un des signataires, Tal Mitnick, a été condamné à une
première peine de 30 jours de prison militaire en décembre et à une deuxième le
22 janvier.
Interviewé par Oren Ziv en septembre dernier, il déclarait :
« Avec d’autres jeunes, j’ai réalisé
que la dictature qui existe en Israël et celle qui existe depuis des décennies
dans les territoires occupés sont indissociables. Le but ultime des politiciens
et des colons est d’approfondir l’occupation et l’oppression d’un plus grand
nombre de populations en Israël et dans les territoires occupés, et d’annexer
la zone C de la Cisjordanie [qui est sous le contrôle total de l’armée
israélienne]. Pour beaucoup d’entre nous, ces manifestations ont été une prise
de conscience. Je n’étais pas actif politiquement avant les manifestations.
Elles m’ont fait comprendre ce que signifie manifester en tant qu’appelé·e, avec des centaines d’autres avant leur
enrôlement, et dire “nous ne servirons pas”. »
L’organisation Mesarvot [“refuseur·ses”] a publié le 26 décembre la lettre de Tal
confirmant sa décision d’objection, même après le 7 octobre. Tal a la double nationalité
usaméricaine et israélienne : son père Josh, né dans le New Jersey, était
correspondant de médias US en Israël. Il est mort de cancer en 2021 à 50 ans. Ci-dessous la traduction de la lettre en français,
telle que publiée par le quotidien Libération.
-FG, Tlaxcala
Cette terre a un problème : deux nations y ont tissé
un lien indéniable. Même avec toute la violence du monde, nous ne pourrions pas
effacer le peuple palestinien ou son lien avec cette terre, tout comme le
peuple juif ou notre lien avec cette même terre ne peuvent pas être effacés. Le
problème ici relève d’une forme de suprématie, la croyance que cette terre
n’appartient qu’à un seul peuple. La violence ne peut résoudre ce problème, ni
de la part du Hamas, ni de la part d’Israël. Il n’y a pas de solution militaire
à un problème politique. C’est pourquoi je refuse de m’enrôler dans une armée
qui croit que le vrai problème peut être ignoré, sous le couvert d’une guerre
civile, avec un gouvernement qui ne fait qu’entretenir le deuil et la douleur.
Le 7 octobre, la société israélienne a vécu un
traumatisme sans précédent dans l’histoire du pays. Au cours d’une terrible
invasion, l’organisation terroriste Hamas a assassiné des centaines de civils
innocents et en a enlevé des centaines d’autres. Des familles ont été
assassinées dans leurs maisons, des jeunes ont été massacrés lors d’une rave et
240 personnes ont été enlevées dans la bande de Gaza. Après l’attaque
terroriste, une campagne de vengeance a commencé non seulement contre le Hamas,
mais aussi contre l’ensemble du peuple palestinien : des bombardements aveugles
de quartiers résidentiels et de camps de réfugiés à Gaza, un soutien militaire
et politique total à la violence des colons en Cisjordanie, ainsi qu’une
persécution politique d’une ampleur sans précédent à l’intérieur d’Israël. La
réalité dans laquelle nous vivons est violente. Selon le Hamas, mais aussi
selon Tsahal et la classe politique, la violence est la seule solution. La
poursuite d’une logique “œil pour œil, dent pour dent”, sans réfléchir à une
véritable solution qui nous apporterait à tous sécurité et liberté, ne conduit
qu’à plus de tueries et de souffrances.
La violence ne nous protège pas