P9_TA(2023)0014
La situation des journalistes au Maroc, en
particulier le cas d’Omar Radi
PE741.377
Résolution du Parlement européen du 19
janvier 2023 sur la situation des journalistes au Maroc, en particulier le cas
d’Omar Radi (2023/2506(RSP))
Le
Parlement européen,
– vu
l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132,
paragraphe 4, de son règlement intérieur,
A. considérant
qu’Omar Radi, journaliste d’investigation indépendant, qui a couvert les
manifestations du Hirak et des scandales de corruption au sein de l’État, est
détenu depuis juillet 2020 et a été condamné, en juillet 2021, à six
ans de réclusion pour des chefs d’accusation d’espionnage, inventés de toutes
pièces, ainsi que de viol; que sa condamnation a été confirmée par la cour
d’appel en mars 2022; que de nombreux droits de la défense n’ont pas été
respectés, ce qui entache d’iniquité et de partialité l’ensemble du procès; que
le non-respect des droits de la défense s’est manifesté notamment par un an de
détention préventive prolongée non motivée, par le refus à l’intéressé de
l’accès à son dossier et par le fait que deux témoins clés de la défense ont été
empêchés de comparaître au tribunal; que M. Radi a interjeté appel devant
la Cour de cassation; que Reporters sans frontières lui a décerné le prix de la
liberté de la presse 2022;
B. considérant
que le journaliste Taoufik Bouachrine est détenu depuis février 2018 et
qu’il a été condamné en appel, en septembre 2021, à 15 ans de
réclusion pour agression sexuelle; que les droits de la défense ont été
gravement bafoués également dans l’affaire de Soulaimane Raissouni, qui a été
condamné, en février 2022, à cinq ans de prison pour agression sexuelle, à
l’issue d’un procès inique;
C. considérant
que la liberté de la presse au Maroc continue de se détériorer, le pays étant
tombé à la 135e place du classement mondial de la liberté de la
presse 2022; que de nombreux journalistes, comme Ignacio Cembrero, font l’objet
d’une surveillance numérique, sont visés par des manœuvres d’intimidation,
subissent un harcèlement judiciaire ou sont condamnés à de lourdes peines de
prison, comme Maati Monjib;
D. considérant
qu’en 2020, Reporters sans frontières a soulevé, auprès de la rapporteure
spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes et les filles, des
préoccupations quant à l’utilisation à mauvais escient de chefs d’accusation
d’agression sexuelle pour discréditer des journalistes, pratique inquiétante
qui a été condamnée également par l’organisation féministe Khmissa et par
l’Association marocaine des droits humains;
1. invite
instamment les autorités marocaines à respecter la liberté d’expression et la
liberté des médias, à garantir aux journalistes incarcérés, dont Omar Radi,
Soulaimane Raissouni et Taoufik Bouachrine, un procès équitable qui respecte
pleinement les droits de la défense, à les remettre immédiatement en liberté
provisoire et à mettre un terme au harcèlement de tous les journalistes, de
leurs avocats et de leur famille; invite instamment ces mêmes autorités à
respecter leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme,
conformément à l’accord d’association UE-Maroc;
2. condamne
fermement l’utilisation à mauvais escient d’allégations d’agression sexuelle
pour dissuader les journalistes de faire leur travail; estime que cette
pratique met en péril les droits des femmes;
3. se dit profondément
préoccupé par les allégations selon lesquelles les autorités marocaines
auraient corrompu des députés au Parlement européen; demande l’application des
mêmes mesures que celles appliquées aux représentants du Qatar; réaffirme sa
détermination à enquêter pleinement sur les cas de corruption impliquant des
pays tiers qui recherchent une prise d’influence au Parlement européen, et à
prendre les mesures qui s’imposent à cet égard;
4. souligne
que sa résolution du 15 décembre 2022 préconisait de charger une
commission spéciale de détecter les lacunes potentielles du règlement intérieur
du Parlement européen en matière de transparence, d’intégrité et de corruption
ainsi que de formuler des propositions de réforme;
5. invite
instamment les autorités marocaines à mettre un terme à leur surveillance des
journalistes, pour laquelle elles utilisent notamment le logiciel espion
Pegasus développé par NSO; les invite instamment à adopter et à mettre en œuvre
des lois de protection des journalistes; invite instamment les États membres à
cesser d’exporter des technologies de surveillance vers le Maroc, conformément
au règlement sur les biens à double usage;
6. demande la
remise en liberté immédiate et inconditionnelle de Nasser Zefzafi, finaliste du
prix Sakharov 2018; demande la libération de tous les prisonniers politiques;
condamne les atteintes aux droits des manifestants pacifiques et des militants
de la diaspora; déplore les procès et condamnations iniques de
43 manifestants du Hirak, ainsi que les tortures qui leur ont été
infligées en prison;
7. demande
à l’Union européenne et à ses États membres de continuer à soulever auprès des
autorités marocaines les cas des journalistes incarcérés et des prisonniers
d’opinion, ainsi que d’envoyer des représentants assister aux procès; demande à
l’Union de peser de tout son poids pour obtenir des améliorations concrètes de
la situation des droits de l’homme au Maroc;
8. charge
sa Présidente de transmettre la présente résolution au vice-président de la
Commission/haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux
parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement du Maroc.