Fausto Giudice, 18/8/2023
Bonjour Esther, j’ai plusieurs
questions pour compléter l’interview que nous avons déjà publiée sur Tlaxcala
et La
Pluma.
Tout d’abord,
pourriez-Vous nous donner un aperçu de la diaspora équatorienne dans le monde ?
Qui sont-ils, combien sont-ils, où, que font-ils, comment sont-ils organisés,
quels types de relations entretiennent-ils avec les sociétés locales ? Quelles
sont les proportions entre les femmes et les hommes, entre les personnes en
situation régulière et les sans-papiers ?
Historiquement, l’Équateur a
connu plusieurs vagues migratoires : dans les années 60 et 70, puis dans les années
80, et enfin, autour de l’an 2000, avec le feriado bancario [“vacances”
bancaires forcées] et la dollarisation de l’économie équatorienne, plus de deux
millions et demi d’Équatorien·nes ont émigré. Bon nombre de ces Équatorien·nes
se sont rendus aux USA.
Les USA ont été la première
destination migratoire des Équatorien·nes tout au long de l’histoire, mais c’est
au cours de la période du feriado bancario que les choses ont changé, en
l’an 2000, avec la dollarisation, et la perte d’ économies de nombreuses années
des Équatoriens. À partir de ce moment-là, des milliers d’Équatorien·nes ont
émigré en Espagne, en Italie et dans d’autres pays européens comme la France, l’Allemagne,
la Belgique. Cela a changé la famille équatorienne et, donc, la société
équatorienne.
Pourquoi ? Parce que les pionnières
de cette migration vers l’Europe ont été des femmes, je fais partie de cette
migration. Historiquement, c’étaient les hommes qui émigraient et c’est à ce
moment-là que la migration équatorienne a changé, qu’on n’a plus émigré d’une
seule région de l’Équateur, mais des 24 provinces du pays, et que la migration
s’est féminisée. Les femmes sont les pionnières, avec ou sans enfants, et c’est
là que les femmes équatoriennes exercent une maternité transnationale.
Selon les études de l’UNESCO,
il s’agit d’une migration beaucoup plus grave, beaucoup plus forte que celle que
l’Équateur a connue pendant le feriado bancario. Il s’agit d’une
migration dans des conditions beaucoup plus précaires, beaucoup plus
dangereuses. Le passage de la frontière entre le Mexique et les USA implique de
traverser d’abord le désert du Darién, entre le Panama et la Colombie, et tout
le corridor centraméricain où les Équatoriens et les migrants sont souvent victimes
de la trafic illégal et de traite. Nous disposons également d’informations sur
des Équatoriens qui ont disparu entre l’Équateur et la frontière Mexique- USA.
Aujourd’hui, nous, les migrant·es,
nous revenons également en Europe. J’ai parlé à beaucoup de mes compatriotes pendant
la campagne électorale et il y a deux choses qui nous touchent de plein fouet :
la première concerne l’inefficacité des services consulaires, le manque d’attention
à l’égard de nos frères et sœurs migrant·es, par exemple, il faut 4 mois pour
obtenir un passeport ; et l’autre problème est que nous ne trouvons plus
seulement des Équatorien·nes qui nous disent qu’ils·elles ont émigré il y a
20-22 ans, mais nous trouvons des Équatorien·nes dans tous les pays européens
qui nous disent qu’ils·elles ont émigré il y a 3 mois, qu’ils·elles ont émigré
il y a un an, beaucoup d’entre eux·elles sont des professionnels et il y a un
fait important concernant l’immigration aujourd’hui. Les gens n’émigrent pas seulement
par manque d’opportunités, par manque d’accès aux droits, à la santé, à l’éducation.
Un autre facteur pousse également les gens à émigrer de l’Équateur, et c’est la
sécurité : les personnes qui ont eu une petite ou moyenne entreprise reçoivent
aujourd’hui la visite de “vaccinateurs”. Qui sont les vaccinateurs ? Des
criminels, des mafias qui se rendent dans les entreprises des gens pour leur
dire : « Vous devez me donner une somme d’argent hebdomadaire ou mensuelle
de tant pour que je ne vienne pas vous voler ou tuer votre famille et pour vous
protéger d’autres gangs criminels ». Les gens sont donc soumis à une série
de chantages de la part de ces criminels. Il est évident que la police
nationale et le système judiciaire ne disposent pas du cadre institutionnel
nécessaire pour défendre et protéger les droits des personnes. Et c’est une
autre raison pour laquelle les Équatorien·nes émigrent du pays.
Aujourd’hui, la diaspora équatorienne
comprend environ 3 millions de personnes. Une grande partie de ces personnes se
trouvent aux USA, où l’on compte environ 1 500 000 Équatorien·nes rien que dans
ce pays, le reste se trouvant au Canada, en Amérique latine et en Europe. Une
importante communauté équatorienne vit en France. Il existe également des situations dans
lesquelles les Équatorien·nes ne sont pas régularisé·es dans leur pays de
destination, et il y a pas mal de mouvements migratoires à l’intérieur de l’Union
européenne, ce qui nous empêche de disposer de chiffres réels sur le nombre d’Équatorien·nes
vivant dans chaque pays d’Europe. Il existe également un nombre croissant
d'Équatorien·nes qui se naturalisent et obtiennent la citoyenneté dans les pays
européens où ils·elles résident depuis plus de 20 ans, et qui ne sont pas
enregistrés·e dans les statistiques des pays de destination migratoire en tant
qu'Équatoriens parce qu'ils apparaissent déjà comme citoyens des différents
pays de l'Union européenne.
Ce que nous pouvons dire, c’est
qu’en Europe, en Asie et en Océanie, plus de 252 000 Équatorien·nes se sont
inscrit·es pour voter ce 20 août pour la première fois par voie télématique. Il
est donc important que les Équatorien·nes de l’étranger sachent que nous
disposons d’un droit constitutionnel facultatif établi à l’article 62 de notre
constitution, et le 20 août, ce n’est pas seulement un droit constitutionnel,
mais aussi un devoir patriotique de participer au changement dont le pays a
besoin ; de participer aux processus démocratiques que nous allons avoir en
Équateur et de participer au changement afin d’avoir enfin un gouvernement de
paix, un pays de paix, de sécurité et qui garantisse les droits des Équatorien·nes
à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Les premiers pays d’émigration
restent donc l’Espagne, les USA, l’Italie, le Chili, le Venezuela, la Colombie
et le Canada. Existe-t-il des points communs et des différences entre les
diasporas de ces pays ?
C’est vrai. Il y a des
similitudes. Ce que je peux Vous dire, c’est que de nombreuses personnes qui
sont allées aux USA dans les années 60 et 80 étaient originaires de certaines
régions de l’Équateur, où elles ont été très appauvries en raison du manque d’attention
du gouvernement, en particulier les régions d’Austro, d’Azuay et de Cañar, mais
aussi des provinces comme Loja et des provinces des Andes centrales de l’Équateur
: Cotopaxi, Chimborazo, Tungurahua. Ce que nous avons vécu à partir de l’an
2000 avec le feriado bancario provoqué par M. Lasso, lorsqu’il était
ministre de l’Économie du président Mahuad et a provoqué un désastre économique,
social et politique dans la société équatorienne qui a expulsé les Équatorien·nes
et l’Équateur est devenu un exportateur d’êtres humains, ce qui a diversifié les
migrations. C’est alors que les gens de toutes les provinces de l’Équateur ont
commencé à émigrer ; il ne s’agissait plus seulement de personnes peu
instruites comme dans les années précédentes, mais aussi de personnes ayant
suivi des années de formation universitaire et professionnelle : des médecins,
des enseignants, des économistes, des personnes de différentes professions, des
personnes de la classe moyenne qui, après le feriado bancario, n’ont pas
trouvé d’autre issue à la crise que l’émigration.
Et c’est quelque chose que
nous voyons à nouveau dans cette migration, causée à nouveau par les banques,
causée à nouveau par M. Lasso. Aujourd’hui, nous vivons non seulement une crise
politique, sociale, économique et morale en Équateur, où il s’avère que la
procureure générale de l’État a plagié sa thèse d’avocate et n’a même pas la
décence de démissionner. Il s’agit également d’une crise morale. Dans un autre
pays comme l’Allemagne, cette fonctionnaire aurait démissionné de ses fonctions
pour ne pas affecter l'institution, mais ce n'est pas le cas en Équateur. Nous
connaissons également une crise migratoire en raison du nombre élevé d’Équatorien·nes
qui émigrent à nouveau. Et vu que la migration augmente, les services
consulaires devraient s’améliorer, être efficaces et s’adapter aux besoins des
Équatorien·nes à l’étranger, comme nous l’avons fait sous le gouvernement de la
Révolution citoyenne.
Aujourd’hui, nous avons plus d’émigration
et des services consulaires plus déficients, des services consulaires qui ne
sont pas adaptés aux besoins des Équatorien·nes : ils ont réduit le personnel,
ils ont réduit le budget, ils ont réduit les services consulaires tels que les
conseils juridiques sur les hypothèques en Espagne, les conseils juridiques en
Italie, les conseils juridiques sur l’immigration aux USA.
Aujourd’hui, nos compatriotes
à l’étranger sont sans défense, parce qu’il n’y a pas de gouvernement, il n’y a
pas d’État pour défendre et protéger leurs droits à l’étranger, comme nous l’avons
fait pendant le gouvernement de la Révolution citoyenne. Mais nous le ferons à
nouveau avec le gouvernement de notre camarade Luisa González, qui sera la
première présidente élue de l’Équateur.
Comment la Révolution
citoyenne est-elle présente dans la diaspora ?
La Révolution citoyenne
dispose d’une structure politique dans tous les pays où il y a une immigration équatorienne.
Dans des pays comme l’Espagne, où vivent évidemment un demi-million d’Équatoriens,
nous disposons d’une structure beaucoup plus forte et d’un plus grand nombre d’activistes.
Rien que dans les brigades que nous avons organisées pour l’inscription au vote
par voie télématique, nous avons compté plus d’un millier de volontaires dans
nos brigades. Aucun parti politique équatorien ne possède la structure
organisationnelle et politique de la Revolución Ciudadana à l’étranger. C’est
pourquoi l’Europe est historiquement un bastion de la Revolución Ciudadana depuis
2006, car nous y avons mis en œuvre des changements radicaux dans les services
consulaires, avec des consuls au service des citoyens, avec des consulats aux
heures d’ouverture flexibles. Les prix des procédures consulaires ont été
réduits. Aujourd’hui, ils ont augmenté de 400 %. Les gens se souviennent de ce
qu'était le gouvernement de la Révolution citoyenne et c'est pourquoi notre
structure politique s'est développée, grâce à la reconnaissance par les
migrants d'un gouvernement qui répondait à leurs besoins. C'est pourquoi,
depuis l'Europe, nous, les migrant·es, voterons pour la liste 5, la liste de
Rafael Correa, de la Révolution citoyenne. Nous, les migrant·es, nous voterons
avec la mémoire et l'espoir.