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30/07/2024

JEREMY SCAHILL
Israël croit-il vraiment qu’il peut gagner une guerre contre le Hezbollah ?
Entretien avec Amal Saad Ghorayeb

Amal Saad Ghorayeb, spécialiste du mouvement de résistance libanais, estime qu’une guerre totale pourrait entraîner la chute d’Israël

Jeremy Scahill, Drop Site News, 30/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 


Un discours de Hassan Nasrallah du Hezbollah est diffusé à Téhéran, le 3 novembre 2023. Photo : Morteza Nikoubazl/NurPhoto via Getty.

Lundi, les vols à l’aéroport de Beyrouth ont été annulés, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ayant promis de mener une attaque militaire “sévère” contre le Liban, à la suite de l’attaque meurtrière de samedi contre une communauté druze syrienne dans la ville de Majdal Shams, située dans le Golan occupé par Israël. L’horrible incident a tué 12 enfants sur un terrain de football.

Israël et les USA ont immédiatement accusé le Hezbollah d’avoir frappé la ville avec une roquette Falaq-1 lancée depuis le Sud-Liban. Le Hezbollah a nié être à l’origine de l’attaque et le gouvernement libanais et lui-même ont demandé aux Nations unies de mener une enquête indépendante.

La manière dont les responsabilités de cet incident se sont publiquement manifestées se prête à des théories divergentes. Plus tôt dans la journée de samedi, le Hezbollah avait annoncé qu’il avait lancé une série d’attaques contre des installations militaires israéliennes situées à proximité, en représailles à la mort de quatre combattants du Hezbollah lors d’une frappe aérienne israélienne contre le Sud-Liban. Lorsque la nouvelle des morts survenues sur le terrain de football a commencé à être connue, le Hezbollah a rapidement publié un communiqué indiquant qu’il n’avait « aucun lien avec l’incident [de Majdal Shams] et qu’il démentait catégoriquement toutes les fausses allégations ». Le Hezbollah a affirmé qu’un missile d’interception du Dôme de fer israélien avait manqué sa cible et touché la ville. Israël a affirmé avoir identifié le commandant du Hezbollah à l’origine de la frappe.

« Malgré les dénégations [du Hezbollah], il s’agit de leur roquette, elle a été lancée depuis une zone qu’ils contrôlent », a déclaré lundi John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche chargé de la sécurité nationale.

Depuis samedi, Netanyahou et d’autres hauts responsables israéliens ont utilisé les morts survenues sur le plateau du Golan pour justifier, à titre préventif, une attaque de plus grande envergure contre le Liban. « Nous sommes tous druzes », proclamait samedi un message sur le compte Twitter/X officiel de l’État d’Israël. « Ces enfants sont nos enfants », a déclaré Netanyahou lors de sa visite à Majdal Shams lundi, bien que la grande majorité des quelque 20 à 25 000 résidents druzes du Golan occupé aient rejeté la citoyenneté israélienne et aient régulièrement protesté contre les guerres et les politiques d’Israël. Aucune des 12 victimes n’avait la nationalité israélienne. « Israël ne laissera pas et ne pourra pas laisser passer cela », a déclaré Netanyahou. « Notre réponse viendra, et elle sera sévère ».

Une foule d’habitants s’est rassemblée pour affronter Netanyahou, scandant parfois en hébreu qu’il devait s’en aller. D’autres ont scandé « Tueur ! Tueur ! » et ont accusé Netanyahou de venir « danser sur le sang de nos enfants ». Certains habitants ont déclaré aux journalistes qu’ils ne voulaient pas être utilisés par l’un ou l’autre camp pour alimenter une guerre entre Israël et le Hezbollah et se demandaient pourquoi l’un ou l’autre attaquerait leur ville.

Les familles des victimes de Majdal Shams ont refusé de rencontrer. Netanyahou, selon Ha’aretz. La visite a été soumise à la censure des médias jusqu’à ce que Netanyahou quitte la ville. Ronen Bar, le directeur de l’agence de renseignement Shin Bet, accompagnait Netanyahou lors de ce voyage et le ministre de la défense Yoav Gallant s’était rendu sur le site un jour plus tôt.

Israël a occupé pour la première fois de larges portions de la région du Golan, dans le sud-ouest de la Syrie, en 1967 et a officiellement annexé le plateau du Golan en 1981. En vertu du droit international, il reste un territoire syrien. En 2019, le président Donald Trump a inversé des décennies de politique usaméricaine et a officiellement reconnu le plateau du Golan comme territoire israélien. Aucun autre pays n’a fait de même.

Bien que les dirigeants de la communauté de Majdal Shams aient demandé par écrit qu’aucun fonctionnaire israélien n’assiste aux funérailles, le ministre des finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, et une poignée d’autres fonctionnaires israéliens se sont présentés dimanche aux funérailles de 10 des victimes. Les personnes en deuil les ont chassés et ont exigé qu’ils partent. Certains ont dénoncé Smotrich comme étant un “meurtrier”.

La montée en puissance de l’Axe de la Résistance introduit une série d’autres forces qui pourraient rejoindre le Hezbollah dans une guerre contre Israël.

L’administration Biden-Harris, tout en affirmant publiquement qu’Israël serait justifié d’attaquer le Liban en réponse à l’incident de Majdal Shams, a affirmé qu’elle ne voulait pas d’un conflit régional plus large ou d’une guerre à grande échelle entre Israël et le Liban. Lors d’une conférence de presse, Kirby a déclaré qu’il était “exagéré” de parler d’une guerre plus large, ajoutant : « Je suis convaincu que nous serons en mesure d’éviter une telle issue ». Le Hezbollah et Israël ont tous deux mené des frappes militaires depuis les attaques du 7 octobre 2023 menées par le Hamas, mais jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’escalade qui ait déclenché le type de batailles terrestres et aériennes qui avaient eu lieu en 2006, lorsqu’Israël et le Hezbollah s’étaient livrés une guerre de 34 jours.

Depuis samedi, Israël a lancé une série d’attaques contre le Sud-Liban, lesquelles ont cependant été d’une ampleur similaire à celle des frappes précédentes au cours des dix derniers mois. Dimanche, Gallant a déclaré : « Le Hezbollah paiera cher pour ça ».

Alors que le régime de Netanyahou n’a cessé de menacer de guerre le Liban au cours des dix derniers mois, et plus particulièrement le Hezbollah, de nombreux analystes régionaux de premier plan estiment qu’une telle action entraînerait une catastrophe pour Israël, tant sur le plan militaire que sur le plan politique. Le Hamas et le Jihad islamique palestinien, des groupes beaucoup moins sophistiqués et armés, ont réussi à mener une insurrection de près de dix mois contre les forces terrestres israéliennes à Gaza, tout en subissant des bombardements soutenus avec des armes fournies par les USA.

L’Iran a également manifesté sa volonté d’attaquer Israël. La montée en puissance de l’axe de la résistance, qui, outre l’Iran, comprend Ansar Allah (les Houthis) au Yémen, le Hamas et le Jihad islamique palestinien, ainsi que le gouvernement syrien et la Résistance islamique en Irak, introduit un éventail d’autres forces qui pourraient se ranger du côté du Hezbollah dans une guerre contre Israël.

J’ai discuté de tout cela aujourd’hui avec Amal Saad Ghorayeb, l’une des principales expertes du Hezbollah et de l’axe de la résistance. Elle enseigne les relations internationales et la politique à l’université de Cardiff, au Royaume-Uni, et est l’auteure de Hizbu’llah : Politics and Religion et The Iran Connection : Understanding the Alliance with Syria, Hizbu’llah and Hamas. Elle se trouve actuellement au Liban.

Mon entretien avec Amal Saad Ghorayeb ci-après.

Jeremy Scahill : Vous avez laissé entendre que vous ne pensiez pas que le Hezbollah était derrière cet attentat dans le Golan syrien occupé.

Amal Saad Ghorayeb : Oui. J’ai donc dit qu’il était très peu probable que le Hezbollah soit derrière cet attentat, et pas seulement parce qu’il a fait une déclaration. Oui, c’était inhabituel, et c’était la première fois qu’il faisait une telle déclaration - je ne sais pas si c’était pour toujours - mais il n’avait pas fait une telle déclaration depuis le 8 octobre [lorsque le Hezbollah avait annoncé qu’il s’engagerait dans des frappes de “solidarité” contre Israël en soutien aux attaques du 7 octobre menées par le Hamas]. Cela indique donc, de toute évidence, la gravité de la situation et le fait que le Hezbollah nie toute responsabilité dans l’attaque.

Mais au-delà de cela, sur la base de la logique et des précédents, etc. Tout d’abord, cette ville, Majdal Shams, n’est pas un territoire israélien. C’est un territoire syrien occupé et ses habitants sont des Druzes syriens. La majorité d’entre eux ont refusé de prendre la nationalité israélienne et de servir dans l’armée. Ils sont de fervents partisans de l’axe de la résistance. Ils ont soutenu le gouvernement de Bachar al Assad en Syrie. Ils ont soutenu le Hezbollah et le Hamas. Il serait donc extrêmement absurde que le Hezbollah attaque ses propres alliés.

Au-delà de cela, je ne pense pas que le Hezbollah attaquerait des civils israéliens de manière délibérée. Il ne les attaquerait pas parce que cela conduirait à une guerre totale. C’est très, très provocateur. Et je sais que [le secrétaire général du Hezbollah, Hassan] Nasrallah a récemment menacé Israël de telles représailles, en disant que si vous continuez à cibler nos civils, nous devrons faire la même chose. Mais même dans ce cas, je ne pense pas que le Hezbollah chercherait des civils et les massacrerait de la sorte. Il ciblerait probablement des objets civils, ce qui est très différent de cibler des civils, et nous n’avons pas encore vu cela, pour être honnête. Nous n’avons pas vu de véritables victimes civiles en Israël [à la suite d’attaques du Hezbollah] - il y en a eu très peu. Sur la base de ces facteurs, je pense donc qu’il est très peu probable qu’il s’agisse d’une frappe délibérée.


Mohamed Afefa, Palestine [Majdal Shams signifierait "La Tour du Soleil" en araméen, shams sognifiant soleil en arabe]

JS : Il semble que les théories dominantes soient les suivantes : soit il s’agit d’un tir erroné ou d’une erreur de la part du Hezbollah, soit il s’agit d’une défaillance du système Dôme de fer israélien et l’une des munitions israéliennes a touché le terrain de football. J’ai aussi vu des gens suggérer qu’il s’agissait d’une fausse bannière, qu’Israël avait intentionnellement frappé la ville et qu’ils voulaient rejeter la faute sur le Hezbollah.

ASG : Il y a plusieurs théories, mais je pense que celle qui est moins une théorie et plus empirique est qu’il s’agit d’un missile d’interception israélien qui a raté son tir, qui essayait d’intercepter une roquette qui arrivait. Et je dis qu’il y a des preuves empiriques parce que sur les chaînes de télévision arabes, et bien sûr, nous n’avons pas vu cela dans les médias occidentaux, mais nous avons vu plusieurs reportages de témoins oculaires qui ont dit qu’ils avaient effectivement vu ce missile d’interception du Dôme de fer frapper la cible. Une correspondante a déclaré qu’un secouriste israélien le lui avait dit, mais qu’il n’avait pas pu le dire à l’antenne sous peine d’être arrêté. Il y a donc eu plusieurs rapports de ce type, et cela semble être l’explication la plus probable.

Mais il est également possible que d’autres groupes [de résistance anti-Israël] soient à l’origine de cet acte. Le Hezbollah n’est pas le seul à combattre Israël. Depuis qu’il a créé ce soi-disant front de solidarité, il y a eu plusieurs autres groupes, certains laïques, d’autres islamistes. L’un d’entre eux est, par exemple, Jamaa Al-Islamiya, le groupe islamique [sunnite libanais], qui a été impliqué récemment dans ces frappes transfrontalières. Et ses membres ont souvent été pris pour cible par Israël. Il est donc possible qu’ils aient touché cette cible par erreur. S’il s’agit d’un autre groupe, c’est évidemment une erreur. Il ne s’agissait pas d’une cible délibérée pour qui que ce soit.

JS : S’il s’agit d’une erreur de tir du Hezbollah, existe-t-il un précédent dans lequel le Hezbollah aurait pris la responsabilité de tuer des civils par inadvertance ?

ASG : Oui, c’est une bonne question parce qu’en 2006, il y a eu un incident de ce genre pendant la guerre de juillet, lorsqu’une roquette du Hezbollah a atterri par erreur dans une ville palestinienne. Non seulement le Hezbollah a publié une déclaration dans laquelle il assumait sa responsabilité et présentait ses excuses, mais Nasrallah lui-même s’est excusé personnellement à la télévision et a présenté ses condoléances à la famille de la victime. [Lors de cet incident, des roquettes du Hezbollah ont tué deux enfants arabes à Nazareth. « En mon nom et au nom de mes frères, je présente mes excuses à cette famille », avait déclaré Nasrallah lors d’une interview diffusée sur Al Jazeera. « Bien sûr, le mot “excuses” n’est pas suffisant. J’en porte l’entière responsabilité. Ce n’était pas du tout l’intention »]. Le Hezbollah a donc l’habitude de revendiquer sa responsabilité, d’admettre de telles erreurs. Et je pense que cela donne plus de crédibilité à son argument, ou plutôt à son affirmation, qu’il n’était pas derrière tout cela.

Je pense qu’un autre point que nous devons examiner est le moment choisi pour le faire. La semaine dernière, le Hezbollah a diffusé la troisième d’une série de vidéos filmées par des drones. Il surveillait une base militaire spécifique au-dessus d’Israël et menaçait Israël de prendre cette base militaire pour cible. Dans les vidéos précédentes, le Hezbollah menaçait d’autres cibles, non seulement militaires, mais aussi civiles. Pourquoi le Hezbollah aurait-il fait tout cela pour dissuader Israël de le frapper, si c’est pour le provoquer quelques jours plus tard avec cette vidéo ? Cela n’a absolument aucun sens, car le Hezbollah sait qu’Israël, s’il a décidé de lancer une guerre totale, si cette décision a été prise, et nous supposons tous que ce n’est pas un scénario probable, mais il y a toujours une possibilité qu’une telle décision ait été prise. Si c’est le cas, pourquoi le Hezbollah voudrait-il donner à Israël des munitions pour poursuivre l’escalade ? Même si ce n’est pas pour lancer une guerre totale, mais pour poursuivre l’escalade contre lui-même, cela n’a absolument aucun sens. L’objectif de cette vidéo était de dissuader une telle attaque. Il est donc absurde qu’elle soit délibérément prise pour cible.

Pourquoi le Hezbollah aurait-il fait tout cela pour dissuader Israël de le frapper, si c’est pour le provoquer quelques jours plus tard avec cette vidéo ?

Maintenant, revenons à la question de savoir s’il s’agissait d’une erreur. Vous savez, certains ont dit que le Hezbollah, quelques secondes plus tôt, avait publié un communiqué dans lequel il se déclarait responsable d’avoir frappé quelque chose dans le Golan, à 3 km de Majdal Shams. J’ai essayé d’aller au fond des choses. C’est très difficile à dire, mais il est peu probable qu’ils se soient trompés de si loin. J’ai parlé à des experts militaires qui - et je pense que c’est beaucoup plus convaincant - ont dit que s’il s’agissait du [missile] Falaq-1, parce que le Hezbollah a utilisé le Falaq-1 pour frapper la cible qu’ils ont annoncée dans la déclaration, une brigade israélienne. S’ils avaient utilisé le Falaq-1, nous aurions vu un cratère beaucoup plus grand, et le cratère était beaucoup plus petit que ce que l’on pourrait attendre d’une ogive aussi lourde, qui pèse 53 kilos. Le cratère aurait été beaucoup plus grand et les destructions auraient été beaucoup plus importantes.

JS : Pourquoi alors Israël est-il si prompt à s’emparer de cette affaire et à accuser le Hezbollah ? Croyez-vous vraiment qu’Israël souhaite une guerre totale avec le Hezbollah ?

27/06/2021

ARAM ABOU SALEH
Nous, les yeux de la Syrie

Une écrivaine originaire des Hauteurs du Golan syrien occupé par Israël raconte l'histoire des nombreux Syriens emprisonnés par Israël, qui sont aujourd'hui politiquement « orphelins » et négligés par l'histoire.  

Aram Abou Saleh آرام أبو صالح, 23/7/2020 

 Traduit par Fausto Giudice

Original arabe نحن، عيون سوريا
Version anglaise We, the eyes of Syria

 

Aram est un écrivaine originaire du village druze de Majdal Shams, sur les Hauteurs du Golan syrien occupé. Elle est titulaire d'un diplôme en études arabes et islamiques de l'Université hébraïque de Jérusalem. Elle travaille au Centre Al Marsad pour les droits humains dans le Golan.
 
 Le 8 août 2012, le quotidien israélien Haaretz a publié un reportage sur les cellules de résistance syrienne locales dans le Golan syrien occupé dans les années 1970. Quand je l'ai lu, je me voyais comme les colonisateurs me voyaient. Le titre de l’article en hébreu était : « Nous étions les yeux de la Syrie ».

Ce texte est inspiré par les témoignages de nombreux Syriens emprisonnés par l'occupation israélienne. Certains sont mes propres expériences, tandis que d'autres, dont j'ai seulement entendu parler ou que j'ai lu, m'ont accompagné longtemps après. Les pronoms peuvent changer tout au long des récits, car j'ai parfois combiné plusieurs témoignages en un seul. Bien que cela risque d'ajouter une certaine confusion au texte, la plupart d'entre nous ne se souviennent pas de tout ce qui s'est passé avec une parfaite clarté ; peut-être est-ce une façon de faire face à la brutalité de ces expériences. Nous oublions des détails infimes. Le déni et la suppression de la mémoire sont des traits éminemment humains. Lorsque nous écrivons sur des événements dont nous n'avons qu'un souvenir imparfait, nous faisons de notre mieux pour combler les lacunes. À partir d'un aperçu ici et d'un sentiment là, nous reconstruisons et restaurons le récit complet. Toute histoire est un récit, et les récits diffèrent dans la manière de combler ces lacunes. Il se peut que j'omette certains détails ici et là, par oubli ou par inadvertance, ou par la dissimulation prudente qui m'enserre encore, moi et tous ceux qui figurent dans ce texte. Espérons que le jour viendra où ces chaînes seront brisées pour toujours.

Au départ, j'avais cherché à documenter la mémoire du mouvement de résistance mené par les détenus syriens dans les prisons de l'occupation israélienne. Cette histoire longtemps oubliée est riche de sens, de signification et de valeur symbolique. Pourtant, je ne voudrais pas réduire ces expériences à un simple symbolisme. 54 ans après son début, ce récit fait partie intégrante d'une histoire plus vaste, celle d'hommes et de femmes syriens, dont beaucoup ont perdu la vie en raison de leur emprisonnement. D'autres ont perdu leur ouïe, ou ont perdu des années et des décennies à cause de condamnations à perpétuité. Certains ont perdu leur famille alors qu'ils étaient coincés dans une cellule, et d'autres ont perdu la capacité de dormir sans cauchemars. Comme il s'agit d'êtres humains, touchés par la plus grande perte syrienne, celle de la liberté, je vais tenter d'honorer leurs sacrifices afin de défier cette perte. Il ne s'agira pas d'une documentation au sens juridique du terme, mais plutôt d'une documentation qui permette au lecteur, ne serait-ce que pour quelques instants, de voir à travers les yeux de ceux qui étaient là.

Je dédie ce texte à ces hommes et ces femmes - ceux qui ont été martyrisés, ceux qui ont été libérés et ceux qui doivent l’être encore.

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