Original : Stop the Zionist, Islamophobic and State Attacks Against Dar al Janub!
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Dar al Janub a besoin de votre soutien,
signez la lettre de solidarité à la fin de l’appel !
Après 20 ans d’existence, l’association
autrichienne Dar al Janub (Maison du Sud) - Union pour l’antiracisme et la
politique de paix - est menacée d’interdiction. Dar al Janub[i] (DaJ) a été
fondée en 2003 dans le contexte des manifestations contre les guerres menées
par les USA en Irak et en Afghanistan. Alors que les voix anti-impériales
étaient de plus en plus marginalisées dans les universités et les médias
autrichiens, Dar al Janub a toujours été un lieu où des personnes d’horizons
politiques, idéologiques et nationaux différents pouvaient se rassembler pour
pratiquer la solidarité internationale en remettant en question les discours
hégémoniques sur le Sud global. Pour ce faire, nous avons créé une scène pour
les voix marginalisées. En 2004, nous avons organisé notre premier “grand” événement
: l’exposition « Aidun - nous reviendrons » en souvenir de la Nakba
palestinienne. Dar al Janub a publié des déclarations politiques et organisé
des manifestations, des événements d’information, des missions d’enquête en
Palestine et dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, ainsi que des
conférences internationales. Nous avons essayé de soutenir les femmes
musulmanes et migrantes en organisant des cours d’allemand et d’arabe, des
ateliers de lutte contre le racisme, des festivals et des événements sportifs,
ainsi que des services de garde d’enfants pour les femmes issues de l’immigration.
Notre objectif principal a toujours été de repenser les structures racistes et
de renforcer la solidarité internationale avec les peuples du Sud.
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pour signer la lettre
Les méthodes de réduction au silence, d’isolement et d’encapsulation
Il est bien connu que le travail de
solidarité avec la Palestine est particulièrement difficile dans des pays comme
l’Autriche, qui ont été directement impliqués dans le génocide de peuples et de
communautés marginalisés en Europe. Les attaques contre Dar al Janub n’étaient
donc pas surprenantes. La critique de notre association à l’égard de l’État-colonisateur
européen d’Israël et la solidarité avec le peuple palestinien ont suscité la
colère des personnes et des institutions qui sympathisent avec le projet
sioniste et en tirent profit. Après 1990, au niveau culturel, dans la majorité
des cas, les personnes ayant une attitude de gauche/progressiste ont tourné
leur “antifascisme” dans le sens d’une compatibilité avec le sionisme. Des
membres de la DaJ ont été qualifiés à plusieurs reprises d’antisémites et des
invités renommés à des conférences ont été humiliés publiquement par des
articles diffamatoires dans les journaux. Ce type de diffamation nous
accompagne depuis 20 ans - mais pas seulement nous.
Une méthode
assez courante pour faire taire les voix du Sud à Vienne a été le retrait des
espaces publics ou universitaires, en qualifiant les événements d’antisémites
et/ou de menace potentielle et en leur refusant les espaces d’expression
publique à l’intérieur ou à l’extérieur des universités. En 2018, l’université
de Vienne a interdit un événement public avec le vétéran du Black Panther Party
et de la Black Liberation Army Dhoruba Bin Wahad[ii] et a continué à le faire
en 2022[iii]. Le même traitement a été réservé à Ronnie Kasrils[iv], l’un des camarades
de Nelson Mandela dans la lutte contre l’apartheid sud-africain. Une nouvelle
mesure préoccupante de nos jours est le dépôt de poursuites-bâillons (“Strategic
Lawsuits Against Public Participation” : “ Poursuites stratégiques contre la
participation publique”) contre des activistes. Un membre de BDS-Autriche, par
exemple, fait actuellement l’objet d’un tel procès[v]. Pour l’utilisation du
logo de la ville de Vienne, 40 000 euros de dédommagement sont demandés. Pour
citer le professeur anticolonialiste Ward Churchill, il semble que de nombreux “petits
Eichmann”[vi] s’emploient à couvrir des politiques injustes par une série de
diffamations. C’est une évolution que l’on peut observer partout dans le monde
aujourd’hui, mais en ce qui concerne la réévaluation incomplète par l’Autriche
de son passé nazi, ces tactiques de diffamation sont très efficaces. Elles
dominent le discours et le poussent encore plus loin dans la direction de la
criminalisation.
La fiche infamante de DPI
La préparation de la criminalisation et des
interdictions
« Le prochain niveau, c’est
maintenant ! » - En 2021, l’université de Vienne et le centre autrichien
de documentation sur l’islam politique (DPI) ont publié une « carte de l’islam »
[vii], qui montre plus de 600 lieux musulmans ou affiliés à l’islam en
Autriche. Depuis 2022, DaJ est également mentionné sur cette « carte »
stigmatisante.
Ce projet et le DPI lui-même sont
une construction du parti chrétien-démocrate (ÖVP) et du Parti vert. Bien avant
la mise en œuvre de la « carte de l’islam », le parti
social-démocrate (SPÖ) a présenté des lois spéciales contre les musulmans en
2017. Il semble que le soutien politique inconditionnel d’Israël, combiné à la
stigmatisation des musulmans, fasse partie de l’agenda politique de tous les
partis en Autriche.
Récemment, en décembre 2023, une
étude douteuse et non scientifique[viii] de la fondation DPI (« Centre de
documentation sur l’islam politique », en allemand : « Dokumentationsstelle
Politischer Islam »), financée par le gouvernement actuel, a décrit Dar al
Janub comme un « groupe extrémiste de gauche et antisémite » qui
soutient « différents groupes classés comme organisations terroristes »[ix].
L’ « étude » ne cite pas explicitement les groupes spécifiques
qui seraient soutenus par Dar al Janub, elle n’explique pas non plus pourquoi
les activités de Dar al Janub devraient être considérées comme antisémites et
laisse de côté notre coopération de plusieurs années avec des groupes juifs
comme Women in Black[x] ou Jewish Voices for a Just Peace à Vienne[xi], ainsi
que nos contacts avec les représentants de Neturei Karta[xii] en Autriche,
jusqu’à ce qu’ils soient exclus et expulsés de toutes les institutions juives
traditionnelles en Autriche, ce qui les a contraints à quitter l’Autriche.
Après la publication de l’étude du
DPI, les journaux publics et privés et les chaînes de télévision ont adopté sa
condamnation volontairement et sans esprit critique. DaJ a été étiqueté comme
une sorte de groupe antisémite et conspirateur de sympathisants de la terreur.
Des médias[xiii] et des hommes politiques[xiv][xv] de tous bords demandent
publiquement au gouvernement de la ville d’annuler le contrat de location des
salles de notre centre social[xvi]. Les murs, les portes et les fenêtres de
notre centre ont été à plusieurs reprises barbouillés de slogans racistes ou
attaqués à l’acide. En outre, certains membres de DaJ ont été intimidés et ont
même reçu des menaces de mort après avoir été dénoncés et affichés avec leur
visage non censuré et leur nom complet dans l’émission de télévision publique
nationale ORF.
L’histoire
toxique de l’Autriche
On ne peut comprendre cette
dynamique sans se pencher sur l’histoire contemporaine de l’Autriche et sur la
manière dont les cent dernières années ont façonné la manière dont l’Autriche
traite non seulement les personnes “autres”, mais aussi les opinions “autres”.
L’État autrichien considère son soutien inconditionnel à Israël comme une « raison
d’État » et le justifie par sa « responsabilité historique » en
raison de l’implication de l’Autriche dans le génocide des Juifs. Dans le même
temps, d’autres minorités victimes du génocide, comme les Roms et les Sintis,
sont confrontées à un racisme structurel et individuel sans être défendues. L’Autriche
fait la distinction entre les victimes dignes et indignes et, par conséquent,
ses politiques de lutte contre l’ « islam politique » et l’ « antisémitisme »
sont généralement accompagnées d’une touche réactionnaire visant à criminaliser
les personnes et les associations musulmanes critiques. Ces politiques créent
une atmosphère intimidante, en particulier pour les musulmans qui sont classés
en bons, c’est-à-dire apolitiques, et en mauvais, c’est-à-dire politiques et
non démocratiques.
Un autre exemple de cette politique est l’ « Opération
Louxor », l’une des plus grandes actions policières de l’histoire
post-fasciste autrichienne. Après 21 000
heures d’observation, 960 policiers ont effectué des descentes dans une
soixantaine d’appartements, d’entreprises et de salles d’associations dans
différentes villes d’Autriche et 30 personnes ont été immédiatement arrêtées et
interrogées. Cependant, les résultats de cette gigantesque entreprise ont été
plutôt minimes. En fin de compte, aucune personne n’a été légalement condamnée.
L’un des magazines d’information autrichiens les plus influents, Profil[xvii],
a qualifié l’opération de « scandale politique mettant en cause les
pouvoirs publics » et a conclu dans un article qu’« aujourd’hui, deux
ans et demi plus tard, il ne reste pas grand-chose des condamnations ».
Pourtant, il reste beaucoup de séquelles de ces accusations : des petits
enfants traumatisés qui ont été arrachés à leur lit la nuit lors de cette
action policière, emmenés dans le froid sous la menace d’une arme, une
diffamation qui a entraîné des pertes d’emploi et une communauté intimidée qui,
pendant des années, n’a plus osé exercer le droit de réunion garanti par la
Constitution, des universitaires qui ont quitté le pays parce que le climat
politique autrichien avait été empoisonné. Un climat politique qui devient
aujourd’hui encore plus répressif avec la guerre d’Israël contre la population
de la bande de Gaza.
OPÉRATION LOUXOR : SCÉNARIO D'UN SCANDALE
On peut se demander pourquoi le
gouvernement de droite de l’ÖVP et des Verts a dépensé/gaspillé tant de
ressources pour un résultat pratiquement nul. Peut-être par pur opportunisme :
En effet, l’opération Louxor n’a eu
lieu que parce que, d’une part, le climat social et politique était mûr - les
musulmans et les migrants étaient considérés comme les “autres” orientaux. D’autre
part, l’État autrichien et son gouvernement voulaient prouver au niveau
international qu’ils étaient prêts à prendre des mesures dans le cadre de la « guerre
contre le terrorisme » afin que l’Autriche soit parfaitement préparée à
affronter les prochaines décennies de guerre et de crise.
Selon l'enquête de profil, l'Opération Louxor a été déclenchée sur l'incitation des Émirats Arabes Unis [lire l'enquête en français ici]
La police viennoise a adopté des
mesures strictes à l’encontre de l’“islam politique”, un ennemi politique
construit de longue date[xviii]. Il semble que ces mesures aient été bien
accueillies afin d’intimider davantage, de réduire les droits des citoyens et
de diviser les musulmans autrichiens entre les bons et tranquilles musulmans et
les mauvais “musulmans politiques”. Sebastian Kurz, l’ancien chancelier
autrichien, souhaitait obtenir les voix de l’énorme réservoir d’électeurs d’extrême
droite (environ 30 %) et l’opération Louxor a été présentée de manière
médiatiquement efficace comme une grande attaque contre la terreur et l’“islam
politique”.
La construction de l’islam
politique et l’opération Louxor n’ont pas été les seules mesures visant à
gagner du pouvoir politique au profit de programmes racistes antimusulmans : “cours
sur les valeurs” obligatoires et racistes pour les migrants, amendements
restrictifs à la loi autrichienne sur l’islam, fermeture de mosquées et
interdiction du port du foulard pour les enseignants des écoles et des jardins
d’enfants : toutes ces mesures ont été accompagnées d’une couverture
médiatique raciste qui a conduit à une augmentation significative de l’islamophobie
et du racisme antimusulman au cours des dix dernières années. Selon le Centre
de documentation sur l’islamophobie et le racisme antimusulman (Dokustelle
Islamfeindlichkeit & antimuslimischer Rassismus)[xix], la croisade du
gouvernement contre l’islam dit “politique” est une tentative de faire taire
les voix critiques au sein des communautés musulmanes et les autres voix
critiques qui s’opposent aux mesures gouvernementales racistes, restrictives et
d’exploitation[xx].
La fabrication
de l’image de Dar al Janub
« Derrière la façade »,
affirme l’article de presse diffamatoire[xxi], Dar al Janub « cache une
vision du monde qui attribue tout le bien au Sud et tout le mal à l’Occident ».
Afin de démontrer à quel point l’“agenda caché” de DaJ est dangereux, les
médias ont montré la photo d’un de nos membres rencontrant Ismaïl Haniyeh,
membre du bureau politique du Hamas, dans la bande de Gaza. Le DPI et les
médias négligent le fait que la photo a été prise en 2011, lorsque Dar al Janub
a participé à une délégation internationale[xxii] apportant de l’aide
humanitaire à la bande de Gaza assiégée. Dans cette logique, DPI devrait
également condamner l’ancienne députée britannique Claire Short pour avoir
rejoint cette délégation et le journal britannique The Guardian devrait
être placé sur la liste des organisations terroristes, pour avoir publié un
article[xxiii] d’Ismaïl Haniyeh en 2012.
En Autriche, la coalition des politiques, des
médias et de la recherche sous contrat tente d’étiqueter Dar al Janub comme une
organisation terroriste qui collabore avec le Hamas. Lisa Fellhofer, directrice
du DPI, insinue en outre : « L’engagement social et la liberté d’expression
ont été utilisés par les membres de Dar al Janub pour dévaloriser d’autres
personnes, ce qui constitue la base de la radicalisation ». Lisa Fellhofer
et son institut financé par le gouvernement tentent de nous convaincre que tous
les efforts déployés par Dar al Janub au cours de ses 20 années d’existence -
organisation d’expositions en souvenir de la Nakba, organisation de missions d’enquête
dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, organisation d’un projet
social de deux ans à Naplouse soutenant une société de bienfaisance sociale
locale, etc. - n’avaient qu’un seul but, celui de « dévaloriser les autres ».
En d’autres termes, une bande de partisans terroristes radicaux et antisémites
déployaient tous ces efforts dans le seul but de cultiver et d’exercer leur
vision antisémite du monde. Comme le décrit Dhoruba bin Wahad, à l’ère des
médias sociaux, « la perception devient réalité ». Une image suffit à
stigmatiser 20 ans de travail politique et social comme étant illégal[xxiv].
Dar al Janub,
tel qu’il est dans la réalité
En fait, Dar al Janub a pratiqué
quelque chose qui n’est pas si familier à de nombreux politiciens,
journalistes, employés d’ONG et “scientifiques” sous contrat comme Fellhofer :
nous avons travaillé et continuons à travailler sans être payés pour une cause
en laquelle nous croyons. De plus, nous avons rassemblé notre propre argent et
celui de nos amis et familles pour garantir que les coûts de notre local et de
tout ce que nous avons organisé (conférences, etc.) soient couverts. En fait,
cela nous a permis de devenir indépendants du financement de l’État et ce n’est
qu’à travers ce processus que nous avons compris ce qu’est réellement la
liberté d’expression et comment elle pourrait être. Nous n’avons reçu de
financement que dans la phase initiale de notre association[xxv], que nous
avons rendue totalement transparente ; tout a été donné à ceux qui en avaient
besoin. Toute personne intéressée par ce qui s’est passé avec l’argent reçu
peut consulter notre page d’accueil, où tous nos projets et financements
externes sont archivés.
En ce qui concerne l’accusation de
dévaloriser les gens, nous aimerions savoir quelles personnes auraient dû être
dévalorisées par notre travail. Des dirigeants politiques criminels ? Des PDG
cupides ? Des journalistes impitoyables ? Honnêtement, nous ne comprenons pas
pourquoi les profiteurs de l’exploitation et de la guerre prennent toujours si
mal le fait d’être critiqués pour les crimes et les génocides qu’ils commettent
ou soutiennent. Nous avons peut-être critiqué leurs actions, mais ils se sont
dévalorisés eux-mêmes en agissant de la sorte.
Ce n’est pas Dar al Janub qui a
divisé le monde, réduit en esclavage des millions de personnes, colonisé plus
de 90 % de la planète et qui poursuit toujours ces guerres et ces crimes, en
prétendant toujours agir pour la plus grande cause (« Foi, Civilisation,
Commerce, Sécurité, Justice, Démocratie »...). Ils utilisent ces termes
respectés pour justifier leurs crimes et ce sont eux qui dévaluent et
sacrifient nos valeurs éthiques communes et le bien-être des générations
futures pour leur propre profit.
Dar al Janub s’est toujours opposé
à toutes les formes de racisme parce que le racisme est l’une des causes
profondes de la division de notre monde entre oppresseurs et opprimés. Dar al
Janub tente de repenser l’histoire, le présent et l’avenir afin de trouver la
paix et l’égalité pour tous, et pas seulement pour quelques privilégiés.