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01/09/2024

GIDEON LEVY
Depuis 11 mois, la botte d’Israël appuie de manière impitoyable sur la nuque de la Cisjordanie, et vous voudriez que les Palestiniens se laissent faire ? Normal qu’il y ait de la “terror”*

Gideon Levy, Haaretz, 1/9/2024
Traduit par  
Fausto GiudiceTlaxcala

Surprise, surprise ! La résistance palestinienne violente en Cisjordanie relève la tête. Les monstres humains se sont réveillés de leur sommeil et ont commencé à exploser. Les kamikazes sont de retour et les nombreux experts israéliens ont une explication savante : c’est l’argent iranien. Sans lui, la Cisjordanie serait calme. Avec cet argent, les gens sont prêts à se suicider juste pour mettre la main dessus. C’est la pieuvre iranienne qui est en cause.


Des soldats israéliens près d’un véhicule militaire lors d’un raid israélien dans le camp de Nour Chams à Tulkarem, en Cisjordanie, jeudi 29 août. Photo : Mohamad Torokman/Reuters

Comme c’est facile de tout attribuer à l’Iran. Les Israéliens adorent ça. Il y a un diable, il est iranien et il est responsable de tout. Il y a peut-être de l’argent iranien, peut-être pas, mais l’intensification de la lutte est l’évolution la plus prévisible et la plus compréhensible, compte tenu de ce qui s’est passé en Cisjordanie au cours des 11 mois de la guerre de Gaza. La seule surprise est que cela ne se soit pas produit plus tôt.

Au cours des 11 mois de guerre, Israël a déchiré la Cisjordanie, comme il le fait actuellement avec les routes de Tulkarem et de Jénine ; il n’en reste rien. C’est la période la plus difficile que les Palestiniens aient connue depuis l’opération “Bouclier défensif” en 2002, d’autant plus difficile qu’elle se déroule à l’ombre d’une autre attaque, plus barbare, à Gaza. Contrairement à l’opération “Bouclier défensif”, l’assaut actuel n’a ni raison ni justification. Israël a exploité la guerre à Gaza pour mettre le souk en Cisjordanie. La réponse a été tardive, mais elle est maintenant arrivée.

Cette fois-ci, l’assaut israélien s’appuie sur deux armes : l’armée, le Shin Bet et la police des frontières d’une part, et les milices de colons violentes d’autre part. Les deux armes sont coordonnées ; elles ne se gênent pas l’une l’autre. Elles se fondent parfois l’une dans l’autre, lorsque les Sturmtruppen des avant-postes revêtent des uniformes - ce sont les « équipes d’intervention d’urgence », qui légitiment tous les pogroms. L’armée se garde bien d’intervenir, que ce soit lors de petits ou de grands incidents.

Dans ce contexte, une déclaration d’une source militaire de haut rang qui a mis en garde contre la violence des colons au cours du week-end a exprimé un culot inouï. « La terreur juive porte gravement atteinte à la sécurité en Cisjordanie », a déclaré cette source, dont les forces auraient pu et dû mettre fin à la terreur juive il y a longtemps. Il n’y a pas eu un seul pogrom auquel les soldats n’ont pas assisté et n’ont rien fait pour l’arrêter. Parfois, ils y participent - et l’officier supérieur ose le déplorer.

Le 7 octobre n’a pas été seulement un jour de calamité pour nous Israéliens, il l’a été aussi pour les Palestiniens. Il n’y a pas de mots pour décrire ce qu’Israël a fait dans la bande de Gaza, mais il ne s’est pas arrêté non plus en Cisjordanie, avec l’encouragement des membres du cabinet kahaniste et le silence du premier ministre, des autres ministres et de l’opinion publique.

Ces dernières semaines, j’ai visité Jénine, Tulkarem, Qalqilyah, Ramallah et Hébron. Rien ne ressemble à la réalité du 6 octobre, même si la Cisjordanie n’a joué aucun rôle dans l’attaque du 7 octobre. Le 8 octobre, trois millions de Palestiniens se sont réveillés dans une nouvelle réalité, sans que la précédente ait été humaine ou légitime. Avec la passion de la vengeance et de la saisie d’opportunités, la botte israélienne a écrasé sans pitié la nuque de la Cisjordanie.

Des dizaines de milliers d’hectares ont été expropriés et spoliés au cours de ces mois ; il ne reste plus guère de colline en Cisjordanie sans drapeau israélien ou sans avant-poste qui sera un jour une ville. Les barrages routiers sont également revenus en force. Il est impossible de se déplacer d’un endroit à l’autre en Cisjordanie sans les rencontrer et y poireauter, humilié, pendant des heures. Il est impossible de planifier quoi que ce soit dans une réalité où au moins 150 000 personnes ont perdu leurs moyens de subsistance, après que le travail en Israël leur a été complètement interdit. Tout le monde a été pénalisé pour le 7 octobre. Onze mois sans salaire laissent des traces. À quoi vous attendiez-vous ?

Il y a maintenant un nouveau venu : le drone. À l’ombre de la guerre, l’armée de l’air a commencé à tirer sur la Cisjordanie, densément peuplée. Selon les chiffres de l’ONU, 630 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie depuis le début de la guerre, dont 140 dans 50 frappes aériennes. Ce qui est autorisé à Gaza l’est désormais en Cisjordanie. Les soldats ont intériorisé ce fait et leur comportement à l’égard des Palestiniens a changé en conséquence. Si nous ne sommes pas à Gaza, comportons-nous au moins comme si nous y étions. Demandez à n’importe quel Palestinien ce qu’il a vécu. Le désespoir n’a jamais été aussi grand.

Et après tout ça, il ne devrait pas y avoir de terror ?

NdT

*Terrorisme se dit en hébreu israélien moderne « טרור » [« terror »]. C’est le terme généralement utilisé pour qualifier tout acte de résistance palestinien, armé ou non.


“Armes palestiniennes saisies en Cisjordanie et à Gaza”, un dessin de 1988 d’Etta Hulme (1923-2014)

 

 

09/07/2023

AMEER MAKHOUL
Les raisons de l’échec de l’offensive israélienne contre Jénine

Ameer Makhoul, Middle East Eye, 7/7/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Les événements sur le terrain ont prouvé que la résistance palestinienne avait anticipé l’invasion israélienne et la manière de l’affronter dans le cadre d’une bataille entre deux parties inégales.

Une bannière portant un slogan de solidarité avec le camp de réfugiés de Jénine et des photos de combattants est suspendue autour d’une fontaine dans le complexe de la mosquée Al Aqsa à Jérusalem pendant la prière du vendredi, le 7 juillet 2023 (AFP)

Le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, s’est vanté que l’offensive contre Jénine avait “pleinement atteint” ses objectifs, affirmant que lorsque les combattants palestiniens reviendraient dans le camp de réfugiés, ils “ne le reconnaîtraient pas en raison de la gravité de l’attaque.

« La plupart d’entre eux ont quitté leur lieu de résidence, et ceux qui sont restés se sont cachés dans des endroits où ils étaient protégés par la population civile, comme les hôpitaux. C’est quelque chose qui indique plus que tout la lâcheté et le manque de courage qu’ils ont essayé de démontrer à l’extérieur », a déclaré Gallant.

La réaction de l’armée israélienne, en revanche, a été plus sérieuse. Elle a exprimé une réelle inquiétude quant à l’extension de la résistance et des tactiques palestiniennes - y compris l’utilisation d’engins explosifs - à diverses zones de la Cisjordanie occupée.

Gallant semble s’adresser au public israélien pour se promouvoir et accroître son influence politique en dissimulant l’échec de son offensive plutôt qu’en présentant une image honnête de ses résultats.

“Triomphe palestinien”

Cherchant à remonter le moral des Israéliens, Gallant s’est vanté que les combattants palestiniens avaient fui pendant l’attaque. Mais on peut aussi dire que l’armée israélienne - considérée comme l’une des plus avancées au monde et équipée de son aviation, de ses satellites, de ses forces d’élite et de sa technologie militaire de pointe - n’a pas réussi à avancer jusqu’au centre du camp de réfugiés de Jénine.

Au lieu de marcher, les soldats rampaient au sol pour éviter d’être pris pour cible. Lors de leur retrait du camp, il s’agissait plutôt d’une retraite en véhicules blindés et en véhicules de transport de troupes.

Les célébrations de la victoire des habitants du camp et des combattants après le retrait de l’armée israélienne ont été plus impressionnantes. Il s’agit de réfugiés dont les familles et les grands-parents ont été expulsés de Haïfa et de ses environs lors de la Nakba en 1948, et qui ont été récemment déplacés de leurs maisons que l’armée a saisies pour les utiliser comme boucliers et casernes militaires après les avoir détruites.

Alors que le déplacement a touché un tiers de la population du camp, cette scène populaire et spontanée de célébration illustre le triomphe palestinien.

Mais pourquoi le ministre israélien de la Guerre a-t-il utilisé le terme de “fuyards” pour désigner les résistants, dont le nombre ne dépasse pas quelques dizaines et qui ne possèdent aucune arme létale, alors que les médias militaires et civils israéliens les présentent comme une armée régulière dotée d’un arsenal militaire et d’un état-major ?

La réponse à cette question réside dans les objectifs de l’attaque contre Jénine, qui, comme l’ont indiqué les médias israéliens avant l’attaque, visait à transformer le camp de Jénine en un “cimetière pour terroristes”. Ron Ben-Yishai, analyste militaire israélien pour Ynet, a soulignéla “déception de l’armée face au faible nombre de morts” parmi les combattants palestiniens.

Steve Bell, The Guardian

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et Gallant considèrent le camp de Jénine comme la “capitale du terrorisme, tandis que l’agence israélienne de sécurité, le Shin Bet, a déclaré que l’objectif était d’éliminer l’“infrastructure terroriste” et les “capacités de combat avancées, y compris le développement de capacités rudimentaires de lancement de roquettes”.

Cependant, le directeur général de l’Institut pour les études de sécurité nationale et ancien chef de la division du renseignement militaire, le général Tamir Hayman, a estimé que la résistance “vit dans le cœur des Palestiniens” et n’a pas de capitale, et qu’elle ne peut donc pas être éliminée en prenant d’assaut le camp de Jénine.

Hayman a ajouté qu’Israël n’avait “que l’option militaire sans aucun horizon politique”.

Une nouvelle Nakba

Si nous considérons qu’il s’agit là de l’objectif central du gouvernement israélien, il n’a finalement pas réussi à l’atteindre. La résistance n’a pas été éliminée, pas plus que ses capacités ou les connaissances accumulées dans l’art du combat et de la confrontation.

Au contraire, les événements sur le terrain ont prouvé que la résistance avait anticipé l’invasion de l’armée d’occupation, surveillé ses mouvements et déterminé comment, où et quand l’affronter dans le cadre d’une bataille entre deux parties inégales. Les Palestiniens ont tenu bon face à l’arsenal de guerre israélien.

Un autre objectif israélien était de cibler la base populaire palestinienne, c’est-à-dire le peuple palestinien dans son ensemble et les résidents du camp en particulier, en les considérant comme faisant partie de l’“infrastructure terroriste”.

C’est la principale raison pour laquelle les civils ont été pris pour cible, les infrastructures ont été complètement détruites, l’eau, l’électricité et les services de communication ont été coupés, et 5 000 personnes ont été forcées de quitter leur maison, ce qui a rappelé aux Palestiniens la Nakba.

La destruction de biens, en revanche, leur rappelle les attaques menées par des bandes de colons, qui ont notamment incendié des villages et détruit des biens à Huwwara, Turmus Ayya, Um Safa et Masafer Yatta.

Les objectifs de ces diverses opérations sont intégrés et interdépendants. Ils sont alignés sur l’idéologie sioniste religieuse dominante qui donne la priorité à un “projet de résolution” pour les Palestiniens - en d’autres termes, au nettoyage ethnique - et à l’annexion plutôt qu’à l’occupation.

Cette idéologie vise à créer une situation où les Palestiniens ont intérêt à quitter leur patrie. Ce projet a été formulé par le ministre de la Sécurité, Betzalel Smotrich, qui est également le chef du parti Sionisme religieux et le responsable de la gestion des affaires et de la colonisation en Cisjordanie occupée.

L’occupation a cherché à étouffer la conscience des Palestiniens, à terroriser la population par des destructions massives et des expulsions, et à leur faire payer le prix d’avoir été l’incubateur populaire de la résistance.

Prélude à une autre vaste offensive sur la région nord de la Cisjordanie, dont Naplouse, l’objectif politique central de l’offensive contre Jénine est une reconfiguration démographique du nord de la Cisjordanie par l’installation de colons. Cette offensive intervient après l’annulation par le parlement israélien, en mars 2023, de la loi de 2005 sur le désengagement, qui prévoyait le retrait d’Israël de la bande de Gaza et des régions du nord de la Cisjordanie, et après le rétablissement de la colonie illégale de Homesh.

L’objectif est de construire des dizaines d’avant-postes dans la région, de la judaïser et de l’annexer conformément aux accords de coalition.

Politique d’annexion

Pour l’occupation, la réalisation de cet objectif passe par l’élimination de la résistance dans cette zone et la marginalisation du rôle de l’[In]Autorité palestinienne, d’autant plus que la résistance vise l’armée et les colons israéliens. Les colons israéliens ne déménageront pas pour vivre dans cette zone à moins que l’État ne leur assure la sécurité et la tranquillité, ce qui se fera aux dépens des Palestiniens.

Cela signifierait l’échec du projet de judaïsation et de colonisation du nord de la Cisjordanie, et un échec temporaire, au moins, du projet d’annexion, auquel les Palestiniens résisteront.

 Ce projet était initialement marginal dans la politique israélienne, mais il a pris de l’importance après que l’ancien président Donald Trump l’a approuvé, et suite à la montée en puissance du sionisme religieux, qui a une influence significative sur la politique israélienne et une forte conviction idéologique.

Cela pourrait conférer au projet d’annexion un poids politique alors que certains de ses aspects sont mis en œuvre sur le terrain dans les territoires palestiniens, dans le cadre de ce que l’on appelle l’annexion de facto, sans l’annoncer officiellement.

Les résultats de l’attaque contre Jénine ont été décevants pour ceux qui s’accrochaient au projet d’annexion.

 Par une décision politique, l’armée israélienne a cherché à procéder à une expulsion massive des réfugiés palestiniens du camp, ce qui montre que la mentalité du déplacement et de la Nakba est toujours profondément ancrée dans le régime israélien. Il y a des gens qui la soutiennent et plaident pour sa mise en œuvre.

Cependant, les Palestiniens ont réagi en retournant chez eux immédiatement après le retrait des forces d’occupation, tandis qu’une partie importante de la population a refusé de quitter son domicile malgré les menaces des soldats israéliens.

La mentalité de la Nakba et du déplacement n’a pas changé, mais la mentalité des Palestiniens, elle, a changé. Ils ne veulent pas quitter leurs maisons, leurs villes ou leurs terres. Ils insistent pour rester chez eux, quelle que soit la gravité de l’occupation ou de l’agression.

Pour les forces israéliennes, en particulier lors des opérations militaires, les Palestiniens sont des ennemis où qu’ils se trouvent et doivent être pris pour cible en tant que tels.

Sur le plan politique, Netanyahou a réussi sur deux points importants. Sur le plan intérieur, il a obtenu le soutien des chefs de l’opposition parlementaire concernant l’attaque et la décision du gouvernement. Il a également bénéficié du soutien unanime du consensus national sioniste, y compris de l’opposition populaire, qui n’a pas pris position contre l’agression, tandis que les grandes manifestations qui ont balayé le pays “pour la démocratie” ont ignoré l’opération.

Sur le plan international, Netanyahou a reçu un soutien sans équivoque de la part de l’administration Biden, ainsi que de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, qui ont soutenu “le droit d’Israël à protéger ses citoyens” et condamné “le terrorisme palestinien”.

Selon les sondages, la popularité de Netanyahou a augmenté, d’autant plus que la société et les médias israéliens ne se soucient pas du nombre de victimes palestiniennes ni de l’ampleur des destructions. Ils se concentrent principalement et uniquement sur les pertes israéliennes.

La situation palestinienne fait l’objet d’une agression israélienne permanente dont les méthodes peuvent changer, mais dont l’essence persistera toujours.

La classe politique au pouvoir n’a aucune perspective de solution juste ni même de gestion efficace de l’occupation et du conflit. Elle s’appuie principalement sur la force militaire pour faire face aux crises ou les reporter. Mais en réalité, chaque agression provoque l’inverse des buts recherchés.

La résistance sortira de la récente offensive plus déterminée, plus expérimentée et avec un soutien populaire plus large.

Israël cherchera à provoquer des dissensions internes aux Palestiniens, notamment entre les deux principales factions politiques, le Fatah et le Hamas, afin d’atteindre ses objectifs militaires par l’intermédiaire des Palestiniens. C’est actuellement le scénario le plus dangereux.

L’agression d’Israël n’a pas changé les règles du jeu, mais a plutôt renforcé la politique israélienne persistante. L’armée d’occupation s’est peut-être retirée du camp de Jénine, mais sa prochaine offensive n’est qu’une question de temps, et le compte à rebours a déjà commencé.

La protection des Palestiniens est donc une nécessité urgente et doit devenir une priorité absolue.


Saad Hajo

26/02/2023

AMIRA HASS
Le raid israélien sur Naplouse prouve la volonté d'un plus grand nombre de jeunes Palestiniens de mourir dans une bataille sans merci

Amira Hass, Haaretz, 23/2/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L'armée israélienne donne une image déformée de forces militaires égales, tandis que les Palestiniens pensent que les jeunes combattants envoient un message : la mort est préférable à la vie en prison ou à la reddition à l'occupant.

Un véhicule blindé israélien et des Palestiniens s'affrontant à Naplouse mercredi. Photo : Raneen Sawafta/Reuters

Naplouse est sous le choc, une fois de plus. Mercredi après-midi, cette ville du nord de la Cisjordanie a enterré 11 de ses fils, tandis que 100 autres ont été blessés, plus de la moitié d'entre eux par des tirs d'armes à feu, dont quatre seraient dans un état critique.

De longues enquêtes menées par des journalistes et des enquêteurs de terrain sont nécessaires pour obtenir une image complète du raid militaire israélien à Naplouse à la lumière du jour mercredi, avec les rues remplies de gens. Jusqu'à ce que ces enquêtes soient menées, si elles le sont, ce que nous retiendrons, ce sont les annonces immédiates de la police et de l'armée de « tirs massifs » de la part de Palestiniens armés et « d'échanges de tirs ».

Ce dont on se souviendra, ce sont les déclarations des autorités sur la façon dont « des commandants de haut rang de telle ou telle organisation ont été tués » et « on examine la possibilité que les Palestiniens morts aient été abattus par des terroristes » - comme cela a été affirmé après la mort de la journaliste Shereen Abu Akleh, et comme cela a été affirmé pour Majida Abid, qui a été tuée après que l'armée et la police des frontières ont effectué un raid dans le camp de réfugiés de Jénine à la fin du mois dernier.

La justification standard selon laquelle les morts avaient « planifié des attaques par balles » suffit à empêcher la plupart des Israéliens de s'interroger sur la nécessité de tels raids. Après tout, les Israéliens sont certains que les agences de renseignement comme le service de sécurité Shin Bet savent tout. Ce qu'ils ne savent pas, c'est quels jeunes Palestiniens désespérés, en colère et désorganisés préparent leur vengeance. Ils savent seulement qu'ils existent.

Véhicules blindés israéliens à Naplouse mercredi. Photo : Majdi Mohammed/AP

Comme d'habitude, le rapport officiel israélien omet de nombreux détails et crée une image déformée de forces militaires égales et de "combats", un "échange de tirs" presque symétrique. En réalité, de tels raids impliquent une énorme force militaire israélienne, et les soldats ne peuvent pas être vus car ils se cachent dans des positions de sniper, tandis que d'autres attendent à l'intérieur de leurs véhicules très bien protégés.

Les tireurs palestiniens, quant à eux, n'ont pas (et ne peuvent pas avoir) assez de temps, même pour s'entraîner au tir. Cette génération TikTok n'est pas douée pour opérer dans la clandestinité : il semble qu'elle ne soit pas très au fait des tactiques de guérilla. Par exemple, des habitants de Naplouse ont déclaré à Haaretz que le 25 octobre, les hommes de cette ville ont tiré plus de coups de feu en l'air pendant les funérailles des cinq personnes tuées que pendant le raid israélien sur la vieille ville plus tôt dans la journée.

Un homme qui a visité la prison de l'Autorité palestinienne à Jéricho - où les membres de la Tanière des Lions ont été emprisonnés dans le cadre de ce que l'on appelle la détention préventive (pour éviter d'être arrêté ou tué par Israël) - a déclaré à Haaretz que certains membres ne considèrent pas que le raisonnement qui sous-tend leur statut d'"hommes recherchés" soit pertinent. En d'autres termes, ils sont convaincus que les actes qu'Israël leur attribue leur auraient valu une peine mineure devant un tribunal militaire israélien.

Des hommes armés palestiniens lors d'un enterrement à Naplouse après les combats de mercredi.

Mercredi encore, les Palestiniens ont rapporté que l'armée avait empêché les ambulances et les équipes de secours d'atteindre les combats de Naplouse en tirant des coups de feu ou des gaz lacrymogènes, et que des soldats avaient tiré en direction des journalistes. De tels tirs de sommation sur les équipes de secours n'ont rien de nouveau. La nouveauté réside dans le fait que, lors du raid de l'armée sur le camp de réfugiés de Jénine le mois dernier, l'armée a informé à l'avance le Croissant-Rouge - via le comité palestinien de coordination de la sécurité - que les ambulances ne seraient pas autorisées à s'approcher trop près de la scène.

Nous ne savons toujours pas si une annonce similaire a été faite mercredi à Naplouse. L'affirmation de l'armée selon laquelle elle n'a demandé qu'à coordonner le mouvement des ambulances est similaire à la situation à Gaza pendant les guerres qui s'y déroulent. La coordination prend tellement de temps que les blessés peuvent mourir dans l'intervalle.

Est-ce là le sens des instructions verbales données aux Palestiniens et des tirs sur les ambulances sans avertissement ? Que l'armée considère chaque raid comme une situation de guerre ?

Selon les rapports palestiniens, l'armée a utilisé des drones mercredi. Les drones pour surveiller ou tirer des gaz lacrymogènes font désormais partie de la réalité en Cisjordanie, et pas seulement dans la bande de Gaza. Les Palestiniens savent que l'armée dispose également de drones qui tirent des balles, si bien qu'à chaque raid, les gens craignent non seulement les soldats invisibles qui tirent, mais aussi les éventuels tirs d'objets volants.

Les raids israéliens - par l'armée et la police - sur les villes, villages et camps de réfugiés palestiniens sont une routine. Selon le schéma habituel, des forces spéciales, principalement de la police, s'infiltrent sous une forme de couverture avant l'attaque proprement dite.

Mercredi, selon les rapports préliminaires, au moins deux camions ont été utilisés, déguisés pour ressembler à ceux d'une entreprise alimentaire palestinienne. Comme d'habitude, ils étaient remplis de policiers en civil qui sont arrivés dans la partie est de la vieille ville. Après eux, les très détestées jeeps blindées se sont déversées dans la ville, et elles ont bien sûr été la cible des pierres et autres objets que les jeunes ont fait pleuvoir sur elles.

Nous ne savons toujours pas si les forces spéciales se sont déployées en position de tir dans des bâtiments de la ville, et si oui, dans quels bâtiments et combien.

L'utilisation par l'armée et la police de véhicules ressemblant à des véhicules civils palestiniens n'est pas non plus une tactique nouvelle - et elle ne cesse de susciter la colère. Il est impossible de s'y habituer. Elle amène les gens à douter de l'identité des conducteurs de véhicules similaires et à s'interroger sur la manière dont les camions apparemment palestiniens sont parvenus aux forces de police. Les gens savent qu'à tout moment l'armée peut perturber leur routine quotidienne, un autre exemple de l'arrogance sans limite de la force d'occupation et de sa capacité à humilier et à semer le désordre.

Un soldat israélien en train de voiser à Hébron, en Cisjordanie, le mois dernier. Photo : Mussa Issa Qawasma/Reuters

Ce qui est différent cette fois-ci, c'est le moment choisi. Habituellement, les raids visant à procéder à l'arrestation - ou à l'assassinat planifié - de tireurs palestiniens ont lieu la nuit ou très tôt le matin. Il est vrai que le raid du 26 janvier dans le camp de réfugiés de Jénine a commencé vers 7 heures du matin. Le moment choisi a surpris les habitants, mais il était suffisamment tôt pour que les civils restent à l'intérieur et ne se mettent pas en danger pendant que l'armée encerclait une maison.

En revanche, à Naplouse, les habitants ont compris qu'une attaque militaire était en cours vers 9h30, et pas dans un endroit perdu, mais près du centre commercial bondé. Ces faits n'ont pas pu échapper aux commandants qui ont ordonné le timing. Sommes-nous maintenant les témoins d'un nouveau modèle : des dizaines de milliers de personnes provoquées en plein jour ?

Dans un communiqué, la Tanière des Lions a déclaré que six des onze morts étaient des membres du groupe ou du Jihad islamique. Le groupe a également exprimé ses condoléances aux familles des quatre civils tués, dont un homme de 72 ans et un autre de 61 ans, tandis qu'un homme de 66 ans est décédé plus tard des suites de ses blessures dues aux gaz lacrymogènes.

Les Palestiniens, qui ont annoncé une nouvelle journée de deuil, qualifient le raid israélien de massacre, comme ils ont décrit son prédécesseur à Jénine le mois dernier, lorsque 10 Palestiniens ont été tués.

Des Palestiniens à Jénine brûlent des pneus après l'entrée de l'armée israélienne dans la ville le mois dernier. Photo  : Majdi Mohammed/AP

La définition de "massacre" est exacte si elle implique que lorsque l'armée le veut, elle sait comment arrêter des gens sans les tuer, et sans tuer des civils non armés et secouer une ville entière. En même temps, cette définition occulte un fait important. De plus en plus de jeunes Palestiniens sont prêts à se faire tuer dans une bataille sans merci contre des soldats invisibles qui ont envahi leur ville. Ou bien ils refusent de quitter le bâtiment où ils sont assiégés, sachant pertinemment qu'il sera bombardé et s'effondrera sur eux.

Le public les considère comme de braves héros parce qu'ils renoncent à leur vie tout en envoyant un message collectif : les intrus militaires ne sont pas des invités, et la mort est préférable à la vie en prison dans l'acceptation de l'occupant et la reddition.

Y a-t-il un lien entre les raids sanglants de ces derniers mois à Jénine, Jéricho et Naplouse et le renversement du système judiciaire par le gouvernement Netanyahou ?

Y a-t-il un lien entre le raid sur Naplouse mercredi, en plein jour, et l'affaiblissement du shekel à cause du coup d'État du nouveau gouvernement qui est déterminé à avancer malgré tout ?

Est-il possible que la personne qui a donné l'ordre à l'armée et à la police mercredi ne sache pas qu'un grand nombre de morts palestiniens nous rapproche d'un nouveau bain de sang ?

Ce sont là aussi des questions dont les réponses ne se trouvent pas dans les communiqués de presse de l'armée.